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Gouvernement – UGTT : vers une crise majeure ?

Nous appelons crise majeure une crise où la possibilité d’un accord, fruit d’un compromis, négocié publiquement ou dans les coulisses n’est plus possible. Du moins jusqu’au changement à la tête de l’UGTT. Car des causes internes ont pesé sur l’évolution récente des positions politiques et syndicales de la centrale.

Mais le raidissement graduel de la partie gouvernementale a accéléré le processus de confrontation. Avec notamment le fait que l’UGTT n’est plus le partenaire officiel et unique dans les négociations des augmentations salariales.

La grève générale, fût la goutte 

Indéniablement, la menace de l’UGTT de recourir à la grève générale semble être la goutte qui a fait déborder le vase, déjà plein, des rapports qui régissent les relations entre la centrale ouvrière et le gouvernement. De la menace, on est passé rapidement à l’action. Et le dernier communiqué publié à l’issue de la tenue de la commission administrative, véritable parlement au sein de l’organisation, le prouve. Sous couvert de défense des « libertés et des droits, particulièrement les droits syndicaux », formule lapidaire pour camoufler les vraies raisons qui sont politiques, et que la centrale n’avoue pas, mais qui fait en sorte qu’ils soient compris comme tels par le pouvoir et la classe politiques, on avait franchi un pas vers l’inévitable, l’affrontement direct.

Du côté du gouvernement, on garde le silence, tout en continuant, à marginaliser l’UGTT. Ce qui explique son absence lors de la cérémonie commémorant l’assassinat du grand martyr de la cause nationale et syndicale, Farhat Hached par le Président de la République. Symboliquement cette absence signifie une rupture des liens jusqu’à ne plus commémorer ensemble un moment fondateur de la Tunisie postindépendance.

Or un syndicat ne vit que grâce à sa capacité de négocier pour le compte de ses adhérents et les salariés, avec ses employeurs, principalement l’Etat. La rupture des liens avec ce dernier signifie que le rôle même du syndicat est remis en question, voire même sa raison d’être. Car il ne suffit pas de déclarer qu’il est partisan du dialogue pour que le dialogue se fasse. L’histoire de l’UGTT avant et après l’Indépendance nous enseigne que, même pendant les graves crises où ses leaders étaient en prison, le dialogue syndical n’a jamais cessé, publiquement ou dans les coulisses.  Dans la période Ben Ali, le syndicat était devenu le principal allié du pouvoir. Ce qui lui avait permis de négocier au mieux des intérêts des salariés.

Jamais la rupture aujourd’hui, entre ces deux partenaires historiques n’a été aussi totale. Bien sûr la responsabilité n’incombe pas à la seule UGTT, car elle est partagée. Et le gouvernement, dont la responsabilité est globale et dépasse la seule question syndicale, a le devoir politique de trouver une issue qui puisse rétablir les liens et dont il lui revient l’initiative. Car cela est dans son intérêt, puisque les syndicats sont par définition les soupapes de sécurité qui fonctionnent en cas de crise sociale pour gérer les mouvements sociaux, notamment imprévisibles.

La Tunisie a connu depuis au moins deux siècles des « sursauts, itifadhat », cycliques qui mettent souvent à mal le pouvoir central, quelles que soient sa force et sa popularité. Les syndicats, comme les jeux démocratiques, ont pour rôle essentiellement d’empêcher les révolutions au profit de réformes graduelles et aux résultats palpables. Pour s’en convaincre, il suffit de revenir aux débats qui ont secoué l’Europe et les USA, sur le syndicalisme. Les trade-unions à l’anglaise ont fini par triompher partout, aux dépends des idées relatives aux « syndicats révolutionnaires ». Et même les syndicats dirigés par des communistes révolutionnaires ont fini par limiter leur rôle au revendications salariales.

Sauf qu’en Tunisie, on semble marcher à reculons, aussi bien du côté des syndicats que des employeurs, dont l’Etat. Certains du côté du pouvoir croient à tort que le rôle du syndicat dans les négociations sociales est un cadeau gratuit donné à ses dirigeants, puisque c’est l’Etat en fin de compte qui va décider ou non des augmentations. A ceux-là, nous disons qu’il faut qu’ils étudient le fonctionnement des sociétés modernes ou mêmes traditionnelles. Même les sociétés tribales ont des chefs qui parlent en leur nom, des corporations structurées, aussi bien des métiers, des artisans ou mêmes des élites intellectuelles.

C’est la loi de l’histoire qui a inscrit ce rôle de ce qu’on appelle, aujourd’hui, les corps intermédiaires, qui existaient bien avant l’apparition des partis politiques. L’Etat beylical depuis au moins l’époque des Hafsides (16ème) a négocié avec la population à travers les chefs des tribus, les amin (chef de corporation artisanale) et même avec des alliances des tribus (hilfouerghemma) regroupant les tribus du sud-est. L’idée de passer outre les corps intermédiaires est impossible dans les faits. Car, comme la nature a horreur du vide, elle créera d’autres intermédiaires plus radicaux et qui peuvent déstabiliser et l’Etat et la société.

La tentation politique

Il y a une vérité historique qu’il faut rappeler. La fondation même de l’UGTT et son parcours après l’indépendance jusqu’à maintenant, ont été distingués par un rapport continue entre le politique et le syndical. Farhat Hached et les premiers fondateurs étaient avant tout des militants nationalistes destouriens, et certains avaient quitté la CGT (Confédération Générale du Travail) française d’obédience communiste parce qu’elle était contre le principe de l’Indépendance de la Tunisie, vis-à-vis du colonialisme français. Ce curieux mélange entre le politique et le syndical est une spécificité bien tunisienne. Rares sont les grands syndicats dans le monde qui ont réussi à trouver l’équilibre adéquat de ce mélange explosif. Pas toujours évidement concernant l’UGTT, puisque souvent elle dérape sur le terrain politique, provoquant de graves crises, et jusqu’à entrer en guerre ouverte avec les différents gouvernements d’après l’Indépendance.

Celle de Janvier 1978 était la plus meurtrière puisque plus de 300 citoyens y ont trouvé la mort dans des affrontement avec l’armée. Celle de 1984, était aussi d’une violence inouïe. Toutes les deux s’étaient soldées par des arrestations de dizaines de dirigeants syndicalistes qui ont été condamnés à de lourdes peines de prison, dont le grand dirigeant syndical Habib Achour. Tout se passe comme si la centrale syndicale s’était transformée depuis 1978 en front politique regroupant de larges franges des oppositions, destouriens, gauchistes, nationalistes arabes, communistes.

Les islamistes de Rached Ghannouchi, alliés à l’époque au pouvoir militaient contre l’UGTT, et leur fameuse déclaration à l’occasion des évènements de 1978 est restée une tâche noire dans leur histoire. En 1984, alors qu’ils soutenaient Mohammed Mzali qui se préparait à succéder au Président Habib Bourguiba, ils durent se faire discret après la révolte du pain en 1984 tout en continuant à s’opposer au mouvement syndicaliste. Ils ne réviseront cette stratégie que quelques années plus tard, sous Ben Ali, pour faire de l’entrisme syndical et noyauter les syndicats de base.

Depuis et jusqu’à après le tournant de 2011, ils continuaient à se tapir dans les syndicats, sans être dans la direction jusqu’à leur prise du pouvoir en 2011. Là ils montreront leur vrai visage, hostile au syndicalisme et sont allés même jusqu’à tenter d’envahir le siège de la centrale avec leurs milices, sans oublier l’instrumentalisation de l’administration et de la police notamment au service de leur stratégie de conquête du pouvoir (tamkiiin).

L’enjeu depuis 1978 pour tous les partis politiques, de gauche, islamistes, nationalistes arabes, destouriens, kaïsistes, est de contrôler le syndicat par le haut (Bureau exécutif) et de noyauter dans les syndicats de base et les bureaux régionaux. Et ce, en vue de l’asservir à leurs stratégies respectives, qu’elles soient contre ou pour le pouvoir.

Vers un affrontement ?

Cet exposé historique vise à rappeler une vérité : la centrale syndicale est un élément essentiel de l’identité de la société tunisienne qui s’est constituée à travers un long processus d’accumulation. Et c’est le principal garant de la stabilité politique et sociale.

Tout gouvernement doit essayer de trouver le compromis qu’exige la période que nous vivons. Plus que jamais, toute mauvaise gestion d’une crise majeure comme celle que nous vivons entre le gouvernement et l’UGTT aura des conséquences graves sur les équilibres, politiques, économiques et sociaux.

Les signes d’un affrontement si la grève générale est maintenue pour le prochain 21 Janvier, mois de tous les dangers, sont trop visibles pour êtres méconnus. Souvent, par le passé dans les crises précédentes, d’anciens dirigeants syndicaux qui ont quitté l’action et qui jouissent de la confiance des syndicalistes et du pouvoir, comme feu Hbib Tliba, peuvent se poser comme intermédiaires, pour « négocier » un nouvel accord. Doit-on en arriver là pour éviter la confrontation ?

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Démocratie, souveraineté… les grandes illusions

Des événements politiques récents, notamment le clash médiatique avec l’Union européenne et le verdict du procès dit de « conspiration contre l’Etat », ainsi que les manifestations organisées par des opposants, ont déclenché une avalanche de commentaires, dans les médias et particulièrement sur les réseaux sociaux, tournant autour de deux questions clés, la souveraineté et la démocratie.

Au fait, il s’agit de l’éternel débat autour de la relation entre démocratie et nationalisme (ou patriotisme) qui faisait rage dans les meetings étudiants des années soixante-dix, et qui jusqu’à maintenant n’a pas trouvé d’aboutissement. Pire encore, l’évolution et le triomphe du système économique capitaliste, après la chute du communisme version URSS, la conversion de la Russie et de la Chine à l’économie de marché et l’avènement de la mondialisation accentuée et boostée par la révolution technologique, ont rendu plus complexe la relation adéquate entre souveraineté nationale et démocratie.

En Tunisie malheureusement, le débat actuel est un mauvais remake du même débat des années soixante-dix, car il ne tient pas compte d’un facteur décisif, l’interdépendance économique des pays et des nations, de plus en plus accentuée, grâce au progrès technologiques. Et surtout la guerre économique qui oppose les grandes puissances économiques mondiales. La vraie question est : un petit pays comme la Tunisie dont l’économie dépend des prêts et des aides, mais ne disposant que d’un petit marché intérieur de 12 millions d’habitants, peut-il être totalement souverain ?

La voie démocratique, qui devient une condition préalable pour continuer à bénéficier du soutien aussi bien de notre principal partenaire économique, qui constitue 80 % de nos échanges extérieurs, que des grands bailleurs de fonds comme la Banque mondiale, quoique d’une façon indirecte, peut-elle mener au vrai développement et par conséquent vers plus de souveraineté ?

Une souveraineté relative

La souveraineté nationale telle qu’elle avait été conçue au 19ème siècle, par les nationalismes occidentaux, avait ses caractéristiques très précises. Tout d’abord, la souveraineté territoriale qui devait couvrir toute parcelle du territoire de l’Etat. Puis, le protectionnisme économique qui imposait des droits de douanes à toute marchandise venant de l’extérieur pour protéger la production locale, aussi bien industrielle qu’agricole, de service ou tout autre. Pour cela, il était nécessaire d’avoir une armée capable de dissuader tout autre nation qui tenterait de franchir la frontière, militairement, économiquement et même financièrement.

Cette conception de souveraineté a été dépassée, par exemple par tous les Etats d’Europe, où la libre circulation des hommes, des marchandises et même des idées est devenue la règle avec en exergue la création d’une monnaie unique, l’Euro.

Mais c’est uniquement maintenant, avec la guerre en Ukraine, et ce qu’ils considèrent comme « le danger russe », que les Européens commencent à réfléchir à une « défense commune ». Car avant ils étaient sous la couverture du parapluie américain aussi bien nucléaire que militaire et donc non souverain.

Exception faite pour la France à son époque gaulliste, qui avait quitté l’OTAN sous de Gaulle, pour y revenir sous Sarkozy.

La guerre en Ukraine est donc un excellent exemple pour comprendre le prix à payer lorsque sa propre défense dépend d’un autre pays, soit-il le plus grand allié. Il a suffi qu’un Trump arrive à la tête du pays protecteur et qu’il menace et évolue vers le retrait du parapluie américain pour qu’on découvre la relativité de la souveraineté des Etats européens.

La Tunisie n’échappe pas aussi à cette règle. Depuis notre indépendance, notre souveraineté – y compris territoriale – était toute relative. L’attaque de Gafsa fut un révélateur et la Tunisie s’était trouvée acculée à renforcer ses alliances avec les grandes puissances, notamment américaine et française, pour dissuader toute ambition de nos voisins de succomber à la tentation interventionniste. C’est uniquement sous Béji Caid Essebsi que la Tunisie est devenue l’allié stratégique des USA non membre de l’OTAN et elle le demeure encore.

Sur le plan économique, l’accord avec l’UE, signé en 1995, bien qu’il eût été profitable à notre économie, comportait un certain abandon de souveraineté, économique mais aussi politique, puisque l’article 2 de cet accord impose à la Tunisie l’application même graduelle des règles démocratiques et des principes des droits de l’Homme. Ce que la Tunisie sous Ben Ali avait accepté et signé, mais sans jamais en appliquer les règles totalement.

En outre, le financement des ONG tunisiennes et internationales par l’UE existait depuis cette époque, non sans un contrôle scrupuleux de l’Etat. Ce n’est uniquement qu’en 2011, après le 14 janvier, qu’un décret sur les associations, toujours en vigueur, autorisa sans limite tous les financements étrangers; excepté  ceux de l’Etat d’Israël.

A l’évidence, ce décret ouvrait la porte grande à toute forme d’ingérence étrangère dans nos affaires politiques intérieures et même dans nos relations extérieures avec des Etats frères ou amis. Nous connaissons la suite.

Mais la vraie question qui taraude tous les esprits épris de souverainisme est : pourquoi ce décret n’a-t-il jamais été abrogé ? Nous savons qu’un projet loi sur les associations préparé par le gouvernement, depuis quelques années, sommeille dans les tiroirs. Il serait alors préférable qu’un vrai débat sur la base d’un projet de loi sur les associations mette fin à cette polémique devenue stérile. Il tracerait aussi bien les limites d’une souveraineté souhaitée qu’il mettrait fin à tout financement étranger suspect.

La souveraineté réside dans le droit de dire non à tout ce qui ne va pas dans le sens de l’intérêt du pays, que ce soit en matière politique, économique, financière, ou culturelle. Les libertés individuelles et collectives doivent s’arrêter là ou commence la souveraineté, mais selon des lois claires et bien acceptées.

Une démocratie encore balbutiante

La Tunisie depuis l’indépendance a accumulé progressivement des acquis démocratiques, comme le Code du statut personnel (CSP), l’égalité des citoyens devant la loi, les droits sociaux, et d’autres mesures qu’on peut ranger dans le processus de la démocratisation de la société. Sauf qu’elle n’a abordé la question de la démocratie politique qu’après 2011, avec ce qu’elle exige comme liberté d’expression, d’organisation, l’accès aux médias publics et des élections à tous les niveaux. Sauf également que cette démocratie politique a été dès le départ accompagnée par la perte progressive des acquis sociaux; malgré l’aide internationale et les prêts faramineux contractés (130 milliards de dinars de dette en 2025, contre 25 milliards de dinars en 2010), et une chute brutale du pouvoir d’achat, jusqu’à la disparition de la classe moyenne. Or, il n’y a point de démocratie politique sans une large classe moyenne. En contrepartie, des fortunes faramineuses acquises légalement ou illégalement ont vu le jour et se sont développées au gré et au vu des politiciens, qui souvent ont été les complices de cette attaque frontale contre les acquis sociaux des citoyens, qui sont de véritables acquis démocratiques.

Ainsi, le fameux « processus de transition démocratique » s’est transformé en « processus d’appauvrissement des plus pauvres, et d’enrichissement des plus riches ». Avec une caricature de a vie parlementaire qui a fini par détourner la majorité du peuple de la chose politique, et surtout de la démocratie parlementaire, qui en plus n’en était pas une.

Parler donc de la fin « du processus démocratique » est une aberration; même si l’on ne peut pas dire qu’actuellement la situation est meilleure sur le plan de la démocratie politique. La démocratie ne peut en aucun cas se réduire aux jeux électoraux et à l’alternance de certaines élites. Nous remarquons au passage qu’il n’y a point eu de rajeunissement politique puisque la plupart des leaders au pouvoir ou dans les différentes oppositions ont plus de soixante-dix ans, à quelques exceptions près.

Cette expérience, qui s’avère un échec sur tous les plans, doit être une occasion de réfléchir au modèle démocratique qui serait le mieux adapté à la Tunisie dans le futur. Le système électoral à choisir doit obéir aux objectifs souhaités. Copier un modèle venu ou imposé d’ailleurs, c’est recommencer la même erreur et aller directement vers un nouvel échec.

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