Arts plastiques : La Tunisie de Stanislav Malakhov
Né le 8 décembre 1935, Stanislav Malakhov aurait eu 90 ans aujourd’hui. Celui qui fut un amoureux des paysages tunisiens laisse une œuvre impressionnante.
Artiste russe, Stanislav Malakhov a souvent séjourné en Tunisie. Jusqu’à sa disparition en février 2019, il a continué à réaliser des oeuvres dont l’épicentre se trouve dans les paysages tunisiens. Une exposition rétrospective a rendu hommage à sa mémoire en février 2020 au palais Khereddine à Tunis.
A sa manière, Stanislav Malakhov a réédité un pan de l’aventure d’Alexandre Roubtzoff au début du vingtième siècle. En effet, comme ce dernier, il a sillonné la Tunisie, cherchant son inspiration dans les paysages et aussi dans les scènes de vie. De Gafsa où il résidait, il aura rayonné sur toute la Tunisie, laissant une somme impressionnante d’oeuvres.

Paysagiste dans l’âme, Malakhov aimait par-dessus tout les paysages montagneux qu’il parvenait à restituer admirablement. De Orbata à Zaghouan, il peignait hauteurs tourmentées et pics effilés et affectionnait la couleur ocre plutôt sombre, si représentative de nos paysages. Rendant le relief dans ses circonvolutions, notre artiste a réalisé de nombreux tableaux dans les gorges de Midés ou bien autour de Thelja. Chaque fois, il parvenait à recréer une nature tourmentée qu’on dirait déchiquetée et le faisait dans un respect des harmonies qui mêlent le ciel et la terre dans un même élan.
Les paysages de Malakhov sont pluriels. Il aimait errer au gré de l’inspiration pour capturer l’atmosphère des villes nimbées de lumières ou celle de ruelles dans les médinas du pays. Ses tableaux nocturnes sont un régal en soi: sous la pleine lune, il y restitue des pans de médina obscures et recouvre le réel d’un halo bleuté. Cette série de Nocturnes urbains vaut à elle seule le détour et, rarement, artiste aura travaillé et excellé dans cette direction précise. Vivant dans le sud, Malakhov avait aussi une nette prédilection pour les oasis et leurs miracles jaillissant sous la forme de cascade ou d’échappées vertes dans une nature âpre.

Qu’ils soient cavaliers ou bédouins, les gens du sud sont aussi très présent dans l’oeuvre de Malakov. On y retrouve les caravaniers et leurs chameaux, les cavaliers tout à leurs joutes équestres et aussi les femmes dans leurs costumes rutilant de lumière. Il se dégage de ces oeuvres une impression de sud profond et aussi une simplicité qui emprunte autant au rustique qu’au bucolique. A regarder ces oeuvres, on imagine aisément l’artiste et son attirail planté en pleine nature ou bien esquissant rapidement un drapé, une silhouette ou un geste ample. Ces scènes de vie capturées entre Sned, Tamerza, Chenini ou Nefta sont des témoignages éloquents d’une passion pour le sud.
Autre passion de l’artiste, les sites archéologiques sont également très présents dans ses collection de tableaux. On y retrouve surtout Dougga et Sbeitla, peints sous plusieurs facettes et gorgés de lumière. On y retrouve aussi El Djem et son amphithéâtre ou les aqueducs romains et les rivages de Carthage. Très précis dans son travail, Malakhov restitue la patine des monuments et aussi leur puissance. Il semble nous inviter à méditer sur la fuite du temps et la permanence de la pierre. Ou encore sur la dialectique incessante entre la mer et la terre, le fluide et le solide. Ces jeux auxquels se livre l’artiste sont présents dans chacune de ses oeuvres, quelqu’en soit la technique.

Car s’il affectionne la peinture à l’huile en premier, Stanislav Malakhov n’hésite pas à se servir de pastels ou bien se mettre à l’aquarelle. Pour cette dernière technique, une surprenante série prend pour motif Sidi Bou Said sous divers aspects. En une dizaine d’aquarelles, l’artiste résume tout, de la quintessence de la lumière à l’atmosphère mystique qui inonde les lieux. Avec un fort pouvoir de séduction, cette série souligne combien la colline des soufis se prête à la peinture, combien la plastique de ce village est exceptionnelle. Mais au-delà de cette incursion, Malakhov reste surtout un oasien qui sait traquer la beauté du sud dans ses replis les plus subreptices. Rarement peintre aura accumulé autant d’oeuvres et d’esquisses ayant pour thème Gafsa et ses environs.
Ce long apprentissage du sud lui a appris à maîtriser toutes les fluctuations de la lumière qu’on retrouve parfois sur des tableaux reproduisant ( plutôt recréant) le même paysage. Hors des sentiers battus et sans référence ancrée dans une école précise, Malakhov restitue un sud tunisien inédit, baignant dans la lumière et comme préservé dans une aura virginale. De fait, Malakhov sublime ce sud, le transfigure tout en le peignant tel quel. C’est là que réside le tour de main de ce grand artiste, dans la lignée d’Alexandre Roubtzoff ou Natacha Markoff.

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