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Le dinar dans le FOREX… La bataille des devises se resserre

La semaine s’ouvre dans un climat de tension contenue sur les marchés mondiaux, alors que les investisseurs guettent l’inflation européenne et tentent de digérer les signaux inattendus venus du Japon. Depuis Tokyo, les propos du gouverneur de la Banque du Japon, Kazuo Ueda, ont ravivé la possibilité d’une hausse de taux en ce décembre 2025.

Cette perspective, rarissime dans l’archipel après des années de taux négatifs, a déclenché une onde de choc immédiate sur les marchés obligataires : les rendements japonais ont bondi, entraînant dans leur sillage les taux souverains européens et américains. Dans un contexte déjà agité par une série de ventes massives la veille, l’aversion au risque s’est amplifiée.

Au cœur de cette turbulence, une constante demeure : le dollar américain reprend des couleurs. Soutenu par la remontée des rendements américains, le billet vert se stabilise autour de 99,50 points sur l’indice DXY, malgré des données manufacturières moroses.

Le dernier indice PMI de l’ISM confirme une neuvième contraction consécutive du secteur manufacturier, signe que la première économie mondiale ralentit. Pourtant, cette faiblesse apparente ne suffit pas à affaiblir durablement le dollar, car les anticipations de politique monétaire jouent en sens inverse. Les marchés continuent de parier, à près de 87 %, sur une baisse de 25 points de base de la Fed en décembre, mais les tensions sur les obligations entretiennent l’attrait du dollar comme valeur refuge relative.

C’est cette mécanique paradoxale — une économie en ralentissement mais une devise qui se renforce — qui devrait retenir toute l’attention des observateurs tunisiens. Car un dollar plus ferme n’est jamais une bonne nouvelle pour une économie dont plus de 80 % des échanges sont exposés directement ou indirectement à la devise américaine, et dont le dinar reste structurellement fragile.

Sur le marché des changes, le dollar réalise ses meilleurs gains face au yen, mais tient également tête à l’euro, qui évolue au-dessus de 1,16 dans l’attente des chiffres d’inflation HICP de la zone euro. Les données européennes seront déterminantes : si l’inflation recule moins que prévu, la BCE devra maintenir sa posture restrictive plus longtemps, soutenant mécaniquement l’euro; si elle surprend à la baisse, la monnaie européenne redeviendra vulnérable. Dans les deux cas, la Tunisie se retrouve en situation d’exposition maximale : un euro trop faible renchérit mécaniquement le coût des importations liées au dollar; tandis qu’un euro trop fort fragilise la compétitivité des prix des exportations tunisiennes vers l’Europe, premier partenaire économique du pays.

Dans les deux cas, la Tunisie se retrouve en situation d’exposition maximale : un euro trop faible renchérit mécaniquement le coût des importations liées au dollar; tandis qu’un euro trop fort fragilise la compétitivité des prix des exportations tunisiennes vers l’Europe, premier partenaire économique du pays.

La livre sterling se maintient mollement autour de 1,32, dans une journée pauvre en données macroéconomiques. L’Australie, de son côté, surprend par la résilience de sa devise, malgré une détérioration de sa balance courante. Le dollar australien gagne même du terrain, preuve qu’un contexte mondial de méfiance peut favoriser certaines monnaies intermédiaires. À l’inverse, les monnaies fragiles — comme le dinar tunisien — n’enregistrent aucun bénéfice dans ce contexte et restent exposées aux forces dominantes : le dollar, l’euro et les anticipations sur les taux mondiaux.

Au-delà des devises, l’or maintient sa position au-dessus de 4 200 dollars, un niveau historiquement élevé. Cette vigueur reflète la nervosité des marchés : quand les banques centrales brouillent les lignes et que les obligations deviennent instables, l’or capte une partie croissante des flux défensifs. Pour les pays émergents importateurs nets d’or, dont la Tunisie, cette flambée des prix accentue les pressions sur la balance commerciale et renforce les tensions sur les réserves en devises.

L’ensemble de ce tableau mondial laisse entrevoir des implications directes pour la Tunisie. Un dollar robuste, associé à des rendements américains en hausse, signifie qu’une partie des capitaux mondiaux se redirige vers les États-Unis. Pour un pays structurellement déficitaire comme la Tunisie, en quête de financements extérieurs et souffrant d’un accès difficile aux marchés internationaux, cette configuration renchérit le coût de la dette, durcit les conditions de refinancement et réduit les marges de manœuvre budgétaires. Le dinar, déjà sous pression interne en raison des écarts d’inflation et du déficit commercial, se trouve mécaniquement fragilisé face au dollar. Une accentuation de la tendance haussière du billet vert pourrait raviver les tensions sur le taux USD/TND, avec un risque réel de renchérissement supplémentaire des importations — énergie, matières premières, produits alimentaires — alimentant à nouveau l’inflation locale.

Tant que les incertitudes entourant les décisions de la Fed, de la BCE et désormais de la BoJ persisteront, le dinar évoluera dans un environnement défavorable, marqué par la volatilité externe et l’absence de filets de sécurité internes crédibles.

La Tunisie entre ainsi dans une zone où la combinaison d’un dollar qui se renforce, d’un euro qui hésite et d’un or qui flambe constitue un cocktail particulièrement défavorable. Tant que les incertitudes entourant les décisions de la Fed, de la BCE et désormais de la BoJ persisteront, le dinar évoluera dans un environnement défavorable, marqué par la volatilité externe et l’absence de filets de sécurité internes crédibles. La chronologie des décisions des grandes banques centrales au cours des prochaines semaines pourrait ainsi jouer un rôle clé dans la stabilité monétaire tunisienne.

In fine, le regain du dollar n’est pas seulement un phénomène technique observé sur les marchés internationaux : il est un signal d’alerte pour les économies vulnérables. Pour la Tunisie, ce mouvement rappelle cruellement la nécessité de renforcer les réserves en devises, de stabiliser les finances publiques et d’accélérer les réformes qui améliorent la compétitivité externe. Dans le monde tel qu’il se dessine aujourd’hui, la stabilité du dinar dépend moins de ses propres fondamentaux que des secousses venues de Washington, Francfort ou Tokyo. Une réalité que le pays ne peut plus se permettre d’ignorer.

Sources : https://fr.investing.com/markets/

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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Chronique – Le Maghreb à l’épreuve des vents mondiaux

L’économie mondiale aborde la fin de l’année 2025 dans un climat de tension qui mêle incertitudes politiques, résurgence des conflits régionaux et repositionnements stratégiques entre grandes puissances.

Les États-Unis, engagés dans une recomposition politique dont les répercussions se lisent jusque dans la trajectoire de la Réserve fédérale, oscillent entre modération monétaire et prudence face à un marché du travail fragilisé.

En Europe, la zone euro peine à retrouver une dynamique de croissance homogène. Tandis que la BCE temporise en maintenant une orientation restrictive qui trouve des difficultés à ramener l’inflation vers sa cible sans altérer la reprise.

Les marchés financiers mondiaux réagissent par à-coups : les rendements obligataires restent élevés, la volatilité se maintient à des niveaux structurants, et les devises émergentes évoluent sous pression. Le dollar, malgré une tendance légèrement baissière sur fond d’anticipations de détente monétaire américaine en 2026, demeure suffisamment ferme pour peser sur les monnaies du Sud, notamment en Afrique du Nord où les États restent exposés à la dette extérieure et au coût du refinancement en devises.

Dans ce décor, le Maghreb affronte un doble choc : un environnement géopolitique immédiat instable – allant de la tension prolongée au Moyen-Orient aux recompositions en Afrique subsaharienne – et un durcissement des conditions financières internationales. Le Maroc continue de capitaliser sur la dynamique de ses investissements industriels et logistiques. De son côté, l’Algérie investit sur sa rente énergétique en voie d’érosion graduelle. Tandis que la Tunisie tente d’amortir les secousses externes sur un appareil productif en convalescence.

La conjoncture tunisienne : signes de fragilité, tension de liquidité et effets différés du resserrement monétaire

Les indicateurs monétaires, financiers et extérieurs au 28 novembre 2025 confirment l’installation d’une phase de tension structurelle pour l’économie tunisienne.

Le solde du compte courant du Trésor se contracte fortement, perdant près de 266 MDT en un jour, signe d’un besoin accru de trésorerie publique dans un contexte où l’État peine à stabiliser sa courbe de dépenses. Le solde courant des banques, quant à lui, progresse à 327,9 MDT, traduisant un léger soulagement de la liquidité bancaire. Sans toutefois inverser la tendance d’ensemble d’un système financier soumis à un refinancement massif auprès de la Banque centrale.

La circulation fiduciaire poursuit son expansion à 25,8 milliards de dinars, en hausse de plus de 3,8 milliards par rapport à 2024. Ce qui confirme l’avancée continue de la thésaurisation, la montée de l’économie informelle et l’incapacité persistante à réinternaliser les flux de liquidité dans les circuits bancaires.

Le marché monétaire reste fortement dépendant de l’injection de la BCT. Le volume global de refinancement se stabilise autour de 11,1 milliards de dinars, légèrement inférieur à celui de 2024, mais il demeure élevé et traduit une tension de liquidité quasi permanente. Les appels d’offres atteignent 4,4 milliards. Alors que les opérations de refinancement à plus long terme (ORPLT6m) s’étendent à 2,55 milliards, un niveau bien supérieur aux 1,12 milliard de l’année précédente. Ces données marquent une dépendance du système financier tunisien aux mécanismes de soutien, dans un contexte où le taux directeur est resté à 7,5 %. Soit un demi-point en dessous du niveau de 2024. Ce qui offre un léger répit mais sans relancer significativement le crédit ni la dynamique de l’investissement.

Les avoirs en devises reculent légèrement à 24,6 milliards de dinars, représentant 105 jours d’importation contre 112 l’année dernière. Cette compression reflète la pression sur le compte courant et la hausse du coût global des importations, particulièrement énergétiques et alimentaires.

Plus encourageantes sont les recettes touristiques cumulées, atteignant 7,36 milliards de dinars, en progression de près de 480 MDT sur un an. Pour leur part, les revenus du travail suivent une tendance similaire, dépassant 7,77 milliards. Ce qui confirme le rôle crucial de la diaspora dans la stabilisation extérieure du pays. En revanche, le service de la dette extérieure cumulée demeure élevé à 11,3 milliards, même s’il se situe en dessous de celui de 2024, reflétant un calendrier de remboursement toujours exigeant.

Sur le front du change, le dinar tunisien connaît une évolution en contraste. Il s’apprécie de 2,67 % face à l’euro, reflétant une dynamique européenne affaiblie. Mais il se déprécie fortement face au dollar, perdant près de 6,7 % en une année. Cette bipolarité du dinar expose l’économie tunisienne à des coûts de facturation plus élevés, notamment pour l’énergie, les denrées importées et les matières premières industrielles. Ce qui accentue indirectement l’inflation importée; malgré un taux global d’inflation qui s’établit à 6,7 %.

Le marché obligataire confirme la reconfiguration de la dette publique : les Bons du Trésor assimilables dépassent 29 milliards de dinars, en hausse de plus de 10 milliards par rapport à 2024. Alors que les titres à court terme se réduisent considérablement. Cette migration traduit une stratégie de gestion de la maturité visant à soulager temporairement la pression de trésorerie, tout en augmentant l’exposition aux risques de taux futurs.

Perspectives : un court terme sous contrainte, un moyen terme suspendu aux arbitrages politiques et structurels

À court terme, la Tunisie restera engagée dans une trajectoire de gestion de crise. La contraction des jours d’importation, la dépendance accrue au refinancement central et la faiblesse du dinar face au dollar continueront d’alimenter des tensions inflationnistes diffuses, bien que contenues par une demande interne affaiblie. Le marché monétaire demeurera rigide, avec une liquidité tendue et une marge de manœuvre réduite pour abaisser durablement le taux directeur sans risquer une déstabilisation supplémentaire du change.

À moyen terme, la trajectoire dépendra essentiellement de trois paramètres : la capacité de l’État à maîtriser ses besoins de trésorerie et à sécuriser ses financements extérieurs, la faculté du secteur productif à absorber la hausse des coûts de production induite par la dépréciation du dinar face au dollar, et la dynamique des réformes structurelles – notamment fiscales, énergétiques et institutionnelles – que les partenaires internationaux conditionnent à tout allègement du risque souverain tunisien.

Le Maghreb, dans son ensemble, pourrait bénéficier du redéploiement industriel européen et des chaînes régionales de valeur, mais cette opportunité nécessite une stabilité politique et une cohérence macroéconomique que seuls quelques pays semblent aujourd’hui capables de garantir.

Pour la Tunisie, l’enjeu est clair : sortir de la gestion court-termiste pour réancrer son économie dans une stratégie de transformation productive capable de réduire les vulnérabilités externes et de renforcer la résilience financière du pays.

 

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Références :

(1) Sources principales consultées pour le contexte international : World Bank MENAAP (28 nov. 2025), données prix Brent / marché pétrolier (28 nov. 2025), minutes Fed / prises de position récentes, analyses Reuters sur la réaction des marchés aux tensions régionales. (Banque Mondiale)

(2) (*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp

(**) https://www.ins.tn/

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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ECLAIRAGE – Le dinar face au cycle américain : anatomie d’une vulnérabilité prolongée

L’évolution de la politique monétaire américaine n’est jamais un fait lointain pour la Tunisie. Le dinar, pris dans une trajectoire de dépréciation maîtrisée mais continue, subit directement la pression des mouvements du dollar, dont la dynamique reflète non seulement l’état de l’économie des États-Unis mais aussi les anticipations globales en matière de risques, de liquidités et de géopolitique. Les hésitations actuelles de la Fed face à un marché du travail affaibli et une inflation persistante ne redessinent pas seulement le paysage financier américain : elles recomposent silencieusement les conditions de stabilité monétaire d’un pays comme la Tunisie, exposé par la structure même de son économie.

 

Chaque fois que le dollar se maintient à un niveau élevé, la Tunisie se retrouve mécaniquement confrontée à une tension supplémentaire sur son équilibre externe. Le renchérissement du billet vert ne constitue pas un choc isolé mais un multiplicateur de vulnérabilités déjà présentes. Les importations tunisiennes les plus vitales — énergie, céréales, intrants industriels, composants électroniques, biens d’équipement — sont majoritairement contractualisées en dollars. Une appréciation même modérée du billet vert se traduit instantanément par une augmentation de la facture globale d’importations, renforçant la pression sur les réserves de change et altérant le taux de couverture des besoins extérieurs.

Cette dépendance quasi mécanique crée un effet de transmission immédiat et difficilement réversible. Le dinar, dont la valeur externe dépend in fine de la capacité du pays à générer des devises, voit son ancrage se fragiliser à chaque épisode de hausse du dollar, comme si l’économie tunisienne se retrouvait soudainement exposée à un vent contraire dont elle n’a pas les moyens de se protéger.

La Banque centrale de Tunisie sous contrainte : l’impossible arbitrage

Dans ce contexte, l’action de la Banque centrale tunisienne se transforme en exercice d’équilibriste. Un dollar fort alimente une inflation importée qui exige un resserrement monétaire pour éviter une dérive des prix. Mais un resserrement prolongé freine mécaniquement le crédit, étouffe la demande interne et fragilise davantage les entreprises, déjà confrontées à la hausse des coûts d’approvisionnement.

La BCT se trouve ainsi enfermée dans une matrice contraignante : maintenir des taux élevés pour stabiliser le dinar contre le dollar, au risque de ralentir davantage une économie déjà en sous-croissance. Les mouvements de la Fed déterminent en partie cet arbitrage, car toute baisse ou tout maintien prolongé des taux américains se répercute sur les différentiels d’attractivité entre monnaies. Lorsque les bons du Trésor américain offrent une rémunération élevée, les investisseurs internationaux réduisent leur exposition aux économies émergentes, accentuant la rareté relative des capitaux à destination de pays comme la Tunisie. Le dinar en paie le prix sous la forme d’une pression accrue sur les entrées de devises et d’un coût d’endettement international plus élevé.

Inflation importée : le canal de transmission le plus redoutable

La hausse du dollar ne se limite pas à modifier les coûts de transaction en devises. Elle s’inscrit dans une chaîne de transmission qui affecte directement le niveau général des prix. Les secteurs les plus sensibles — énergie, alimentation, industrie — voient leurs intrants renchéris, ce qui déforme les marges, alourdit les coûts et finit par peser sur les prix à la consommation.

La Tunisie connaît une inflation qui n’est pas tant le produit d’une surchauffe économique interne que le résultat d’une conjonction de tensions externes. Chaque variation du dollar alimente une inflation importée difficile à contenir sans provoquer un ralentissement de l’activité. Ce mécanisme crée une double peine : l’inflation fragilise le pouvoir d’achat, tandis que la dépréciation du dinar renforce, à chaque cycle, l’intensité des chocs inflationnistes futurs.

Le risque d’une dépréciation prolongée : un scénario de fond plutôt qu’un accident conjoncturel

Le dinar n’est pas menacé d’un décrochage brutal, mais il est exposé à une érosion lente, progressive et persistante, que les dynamiques de la Fed peuvent renforcer. Si l’économie américaine tarde à infléchir ses taux, le dollar restera tendu et la Tunisie devra composer avec un environnement défavorable pour financer son déficit courant et assurer la stabilité de sa monnaie.

Ce risque n’est pas théorique. Il s’inscrit dans une trajectoire où les réserves de change, malgré leur amélioration récente, demeurent inférieures au seuil de confort nécessaire pour absorber une série de chocs extérieurs. Une Fed prudente oblige la Tunisie à maintenir une politique monétaire restrictive, renforçant le risque d’un affaiblissement progressif du dinar tout au long de 2025, à mesure que les importations énergétiques et alimentaires absorbent une part croissante des devises disponibles.

Entre adaptation et stratégie : redéfinir la place du dollar dans l’économie tunisienne

L’hypersensibilité du dinar au dollar ne relève pas uniquement de la conjoncture internationale. Elle révèle une dépendance profonde à la structure des importations et à la faible diversification des sources de devises. La Tunisie n’est pas condamnée à subir, mais les espaces d’action restent étroits. Le développement d’accords commerciaux libellés en euros, la montée en puissance des exportations à plus forte valeur ajoutée, l’encouragement des transferts de la diaspora, la diversification des partenariats financiers et le recours maîtrisé aux instruments de couverture de change constituent autant de pistes susceptibles d’alléger la pression exercée par le cycle monétaire américain.

Ces leviers ne neutralisent pas les effets de la Fed, mais ils permettent de réduire l’ampleur des transmissions négatives. La Tunisie n’a pas le pouvoir d’influencer les décisions de Washington, mais elle peut atténuer la sensibilité de son économie à l’hégémonie du dollar. Le dinar n’est pas seulement une variable financière : il est l’expression condensée des rapports de dépendance, de vulnérabilité et de résilience qui structurent la place du pays dans l’économie mondiale.

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

d’Economie Financière (IAEF-ONG)

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Forex et Tunisie : entre glissement du dollar, prudence européenne et respiration du dinar

Les marchés des devises s’ouvrent cette semaine dans un climat marqué par la retenue. Une prudence élevée et une forte sensibilité aux signaux de politique monétaire. Le mouvement récent de la paire EUR/USD, revenue à proximité du seuil symbolique de 1,1500 après deux séances de recul, illustre un marché en transition. Lequel hésite entre la fermeté prudente de la Banque centrale européenne et la possibilité d’un assouplissement plus rapide de la Réserve fédérale américaine.

Durant les échanges asiatiques, l’EUR/USD s’est stabilisé autour de 1,1510, prolongeant une dynamique négative, mais dépourvue de panique. L’euro glisse légèrement, mais ne décroche pas : c’est la posture mesurée de la BCE qui en constitue le principal amortisseur. Les membres du Conseil des gouverneurs maintiennent un discours prudent, évoquant un statu quo prolongé des taux directeurs probablement jusqu’à fin 2026. Et ce, à mesure que l’inflation converge progressivement vers l’objectif de 2 %. Les données d’activité de novembre, en léger retrait mais conformes aux attentes, confortent cette stratégie de stabilité monétaire.

Christine Lagarde a rappelé, dans ses dernières interventions, que la BCE ne relâchera pas sa vigilance. Ainsi, toute dérive, même marginale, de l’inflation pourrait entraîner une adaptation des taux. Gabriel Makhlouf, gouverneur irlandais et membre influent du Conseil, insiste pour sa part sur la pertinence du taux actuel. Tout en écartant tout ajustement tant qu’aucune rupture macroéconomique n’apparaît. Cette stratégie permet à l’euro d’éviter un décrochage plus marqué, dans un environnement international encore incertain.

 

Gabriel Makhlouf, gouverneur irlandais et membre influent du Conseil, insiste pour sa part sur la pertinence du taux actuel. Tout en écartant tout ajustement tant qu’aucune rupture macroéconomique n’apparaît.

 

Face à cette prudence européenne, le dollar américain poursuit un mouvement opposé. Le billet vert s’affaiblit, plombé par une révision soudaine des anticipations sur la politique de la Fed. Les marchés intègrent désormais une probabilité de 69 % d’une baisse des taux dès la réunion de décembre, contre 44 % il y a seulement une semaine, selon les données du CME FedWatch. Ce retournement d’humeur traduit la montée d’un optimisme prudent quant à la capacité de la Fed à accompagner le ralentissement de l’inflation américaine. L’effet immédiat est une perte d’altitude du dollar, offrant à l’euro une fenêtre d’appréciation malgré sa phase de consolidation.

La parité EUR/USD navigue ainsi dans une zone charnière où s’articulent stratégies monétaires, signaux économiques et seuils techniques. Le niveau de 1,1500 agit comme un pivot psychologique majeur. Les investisseurs évoluent dans une période où les politiques monétaires se redéfinissent, et où chaque donnée d’inflation, chaque mot prononcé par Lagarde ou Powell, peut redessiner la courbe du Forex.

 

Le niveau de 1,1500 agit comme un pivot psychologique majeur. Les investisseurs évoluent dans une période où les politiques monétaires se redéfinissent, et où chaque donnée d’inflation, chaque mot prononcé par Lagarde ou Powell, peut redessiner la courbe du Forex.

 

Tunisie : un dollar en reflux, une respiration pour un dinar sous tension permanente

La dérive tendancielle du dollar n’est pas un phénomène lointain pour la Tunisie. Bien au contraire : elle produit des effets directs et immédiats sur la trajectoire du dinar, sur les équilibres macroéconomiques et sur les coûts supportés par l’État comme par les entreprises.

Une part considérable des transactions extérieures tunisiennes – hydrocarbures, matières premières industrielles, produits alimentaires stratégiques, fret international, technologies – est libellée en dollar. Lorsque le billet vert s’affaiblit, l’effet est quasi mécanique : la facture énergétique diminue, le coût des importations essentielles se contracte et la pression sur l’inflation importée s’allège. Dans une économie où plus de la moitié de l’inflation découle du renchérissement des importations, cette dépréciation du dollar constitue une véritable bouffée d’oxygène.

 

Une part considérable des transactions extérieures tunisiennes – hydrocarbures, matières premières industrielles, produits alimentaires stratégiques, fret international, technologies – est libellée en dollar. Lorsque le billet vert s’affaiblit, l’effet est quasi mécanique : la facture énergétique diminue, le coût des importations essentielles se contracte et la pression sur l’inflation importée s’allège.

 

À cela s’ajoute la dynamique de l’euro. Une légère appréciation de la monnaie européenne face au dollar se traduit par une détente du taux EUR/TND. Pour la Tunisie, reliée commercialement, touristiquement et financièrement à l’Union européenne, cette évolution est favorable : elle améliore la valeur des recettes touristiques et des transferts des Tunisiens à l’étranger, souvent libellés en euro. Elle agit également comme un stabilisateur sur les importations provenant de la zone euro, premier fournisseur du pays.

Un répit conjoncturel, mais aucun changement structurel

Pour autant, il serait illusoire d’y voir une amélioration durable de la situation du dinar. Si l’affaiblissement du dollar procure un soulagement, il ne corrige en rien les déterminants fondamentaux de la fragilité monétaire tunisienne : déficit commercial structurel; dépendance énergétique; faiblesse chronique du taux d’épargne; besoins massifs de financement extérieur; inflation persistante; et croissance insuffisante pour régénérer les réserves de change.

La Banque centrale de Tunisie (BCT), contrainte par un environnement interne dégradé, ne peut capitaliser pleinement sur la faiblesse du billet vert. Elle reste enfermée dans une stratégie de défense graduelle du dinar, sans marge de manœuvre pour assouplir la politique monétaire ou relancer le crédit. En conséquence, la détente du dollar constitue un facteur conjoncturel de stabilisation, non un levier de valorisation durable.

 

La Banque centrale de Tunisie (BCT), contrainte par un environnement interne dégradé, ne peut capitaliser pleinement sur la faiblesse du billet vert. Elle reste enfermée dans une stratégie de défense graduelle du dinar, sans marge de manœuvre pour assouplir la politique monétaire ou relancer le crédit.

 

Une fenêtre stratégique pour atténuer les vulnérabilités

L’environnement monétaire international actuel ouvre toutefois une fenêtre d’opportunité : réduire temporairement la pression sur les importations stratégiques, lisser le profil de remboursement de certaines dettes en devises et contenir la transmission inflationniste. À condition que ces marges de respiration soient exploitées pour renforcer la balance extérieure, améliorer la gestion des subventions énergétiques, relancer l’exportation et accélérer les réformes structurelles.

La Tunisie évolue dans un système où les variables externes– Fed, BCE, marchés des matières premières– influencent directement sa trajectoire macroéconomique. La dérive tendancielle du dollar en est un exemple. Reste maintenant à transformer cette respiration passagère en une dynamique plus durable. Ce qui suppose une stratégie cohérente de réformes, d’intégration commerciale et de renforcement de la productivité. 

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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