Le parcours de J.D. Vance, vice-président et peut être prochain président des USA, n’est pas seulement un récit américain : c’est un témoignage universel sur la pauvreté, la famille, l’école, l’ambition et la capacité de rebondir. Pour les jeunes Tunisiens, confrontés à leurs propres défis — chômage, inégalités régionales, crise économique, instabilité politique —, ce livre offre plusieurs enseignements puissants dont l’auteur tire sept leçons de vie pour nos jeunes pour réussir leurs vies.
Sadok Zerelli *
Je viens de terminer la lecture de ‘‘Une famille américaine : de la grande pauvreté aux ors de la maison blanche’’, une autobiographie rédigée par le vice-président américain actuel, alors qu’il n’avait que 32 ans et n’était nullement connu, vendue à trois millions d’exemplaires aux USA et traduite dans plusieurs langues, dont le français (Edition Globes, disponible à la librairie El Moez à El Menzah I).
Sa naissance dans une région très pauvre, le chaos familial dans lequel il a vécu et les combats qu’il a menés pour s’en sortir par sa seule volonté jusqu’à devenir le vice-président des USA, sans renier ses origines «appalachienne», m’ont fait penser aux jeunes de nos villes et nombreux quartiers défavorisés, tels que Sidi Bouzid ou Gafsa ou Kasserine ou même plus près de la capitale à Ettadhamen ou M’nihla ou Mellassine où les jeunes trainent dans les cafés en comptant sur l’Etat ou la providence pour les sortir de leurs conditions et leur donner un avenir.
J’ai donc tiré de la lecture des turbulences de la vie de Vance sept leçons de vie, qui ne me serviront malheureusement plus à moi (à 76 ans, c’est trop tard), mais qui pourraient servir aux jeunes de nos villes et quartiers déshérités pour briser leurs chaines socio-économiques et avoir un brillant avenir, malgré la crise et le marasme économique que la Tunisie traverse.
Auparavant, un aperçu rapide de la vie J.D. Vance s’impose.
Enfance : pauvreté, chaos familial et identité «Hillbilly»
J.D. Vance est né en 1984 au sein d’une famille pauvre, d’origine «appalachienne» (les “hillbillies”), profondément marquée par la désindustrialisation, la précarité économique et la violence domestique.
Sa famille est originaire de Jackson, Kentucky, un petit village imprégné de valeurs traditionnelles, mais aussi d’un fort sentiment d’abandon et de déclassement social.
Ses grands-parents, qu’il appelle Mamaw et Papaw, ont quitté le Kentucky pour chercher une vie meilleure dans l’industrie de l’Ohio – sans vraiment quitter leur culture.
Sa mère est tombée enceinte de lui à l’âge de dix-sept ans et son père biologique l’a renié de sorte qu’il ne porte pas le nom de son père, ni celui de sa mère mais, celui de ses grands-parents.
Il fut d’ailleurs élevé par ceux-ci, et en particulier par sa grand-mère, une femme violente qui se promène souvent avec un flingue dans son sac à main et a failli même tuer quelqu’un dès l’âge de seize ans.
Sa mère, toxicomane, avait épousé cinq hommes successifs qui étaient autant de beaux-pères pour lui mais qu’il ressentait comme des étrangers et qui le maltraitaient quelquefois.
Toute son enfance était marquée par les disputes entre sa mère et ses différents maris, les menaces, les déménagements constants et une absence totale de sécurité émotionnelle ou matérielle.
Le jeune J.D. grandit dans un environnement où les enfants apprennent très tôt à survivre mentalement, à anticiper les colères, à se méfier des adultes supposés les protéger.
Adolescence : turbulence, colère et survie émotionnelle
L’adolescence de Vance est une période où sa mère sombre davantage dans la dépendance aux drogues, y compris l’héroïne, entraînant des épisodes extrêmes : crises, violences, tentatives de suicide, hospitalisations psychiatriques, cures de désintoxication …
J.D. accumule durant cette période les retards scolaires, la colère et la peur. Il se considère comme condamné à répéter le destin de son milieu.
C’est durant cette adolescence particulièrement mouvementée et violente que sa grand-mère, qu’il appelle Mamaw, devient la figure salvatrice de sa vie.
C’était une femme rude, drôle, violente parfois, capable de sortir un pistolet pour défendre sa famille, mais profondément protectrice.
Malgré son caractère explosif et son langage cru, sa petite maison rudimentaire constituait pour lui un refuge affectif et un foyer stable, loin des hurlements et du chaos de la vie de sa mère avec ses différents maris.
Mamaw n’est pas parfaite : elle boit, jure, hurle, mais elle représente la colonne vertébrale morale et affective de sa vie.
Elle lui imposait des règles strictes mais justes, mais avait une croyance inconditionnelle en son potentiel et lui offrait un amour sécurisant même s’il n’est jamais exprimé avec douceur.
C’est elle qui lui inculque l’idée qu’il peut s’extraire de son milieu sans renier ses racines.
Cette stabilité lui permet enfin de se concentrer sur l’école, de reprendre confiance, et de comprendre qu’il peut viser une vie différente.
Le choix des Marines : une rupture salutaire
Face au manque d’encadrement et à l’impression d’être perdu, Vance s’engage dans le corps des Marines à dix-huit ans et juste après le lycée.
Ce passage est un tournant dans sa vie car il y apprend la discipline et la confiance en soi.
Il découvre un environnement structuré, où l’effort produit des résultats et prend conscience de ses capacités physiques et intellectuelles.
Les Marines deviennent pour lui un pont psychologique entre son passé chaotique et un futur possible.
Les études supérieures : l’ascenseur social
Grâce à son service militaire et à une bourse, J.D. entre d’abord à l’université de l’Ohio, puis est admis à la Yale Law School, une des institutions les plus prestigieuses des États-Unis.
Pour lui, le choc culturel est immense, car il réalise qu’il ne maîtrise pas les codes sociaux et culturels des élites américaines. Il comprend que la réussite n’est pas seulement une question d’intelligence, mais aussi de réseau, de savoir-être, de stabilité émotionnelle.
Malgré ses doutes, il parvient à s’adapter, à exceller, et à se faire une place dans un monde extrêmement éloigné de son enfance appalachienne.
Adulte, Vance se marie, fonde une famille stable et choisit une carrière juridique puis politique, que le mènera peut-être un jour à la être le futur président du pays le plus puissant du monde, les USA , au cas où un nouvel attentat toujours possible contre Trump, qui s’est fait beaucoup d’ennemis, réussisse mieux que le dernier (lors de celui-ci, balle lui a effleuré l’oreille et était à un ou deux centimètres de lui éclater la cervelle) ou à la suite d’élections à la fin du mandat de Trump et au cas où ce dernier ne se représenterait pas (ce que la Constitution américaine lui interdit):
Sept leçons à tirer de la vie de J.D. Vance pour nos jeunes
Le parcours de J.D. Vance n’est pas seulement un récit américain : c’est un témoignage universel sur la pauvreté, la famille, l’école, l’ambition et la capacité de rebondir.
Pour nos jeunes particulièrement dans le régions et villes déshéritées, confrontés à leurs propres défis – chômage, inégalités régionales, crise économique, instabilité politique –, la vie de J.D. Vance permet de tirer plusieurs enseignements puissants dont les plus importants sont les suivants.
Leçon 1 – L’origine sociale n’est pas un destin : comme beaucoup de jeunes Tunisiens venant de régions marginalisées (Nord-Ouest, Centre-Ouest, Sud), Vance a grandi dans un milieu pauvre, un environnement familial instable et une culture fataliste où l’on répète «on ne s’en sortira jamais».
Son histoire montre que le point de départ ne détermine pas l’arrivée. Même lorsqu’on naît dans un environnement difficile, il existe des chemins pour briser ce cycle.
Leçon 2 – L’importance des «figures refuge» : le message du livre est très clair : «Cherche une personne qui croit en toi et accepte son aide». Pour Vance, c’était sa grand-mère, Mamaw, qui est la véritable clé de sa réussite.
Elle lui a offert un espace sûr, des règles, un amour exigeant, et une croyance profonde en son potentiel.
En Tunisie aussi, beaucoup de jeunes pourraient réussir grâce à un père ou une mère courageux(se), un grand-père sage, un enseignant qui croit en eux.
Leçon 3 – La discipline et l’effort, armes contre le chaos social : Vance s’en sort grâce aux Marines, qui lui donnent discipline, stabilité, confiance en soi, et méthode.
En Tunisie, où le chômage touche massivement les jeunes, où les institutions sont fragiles, où beaucoup se sentent abandonnés, la discipline personnelle peut devenir un levier puissant.
La vie de Vance montre que la rigueur, la persévérance et la maîtrise de soi peuvent compenser un environnement difficile.
Leçon 4 – L’éducation comme ascenseur social : Vance passe d’un milieu pauvre à la prestigieuse Yale Law SchoolCe saut social est dû à son travail, les bourses, les mentors et sa détermination à ne pas reproduire les erreurs de l’entourage où il a passé sa jeunesse.
En Tunisie aussi, malgré les difficultés du système éducatif, l’école reste le chemin le plus sûr vers la réussite sociale, car comme le dit Vance dans son livre : «Investis dans ton cerveau, personne ne peut te le prendre ».
Leçon 5 – Ne pas se laisser enfermer dans le pessimisme collectif : dans le monde de Vance, tout le monde disait que «les choses ne changeront jamais», que «le système est contre nous (…) Pourquoi faire des efforts ?»
Ce discours existe aussi en Tunisie, où la crise prolongée entretient, le découragement, la migration comme unique horizon, et la méfiance envers les institutions.
Mais Vance montre que «l’énergie pour changer sa vie peut venir de l’intérieur», même si le pays traverse une crise. Le livre pousse à dépasser la fatalité et à retrouver une capacité d’action personnelle.
Leçon 6 – Comprendre ses blessures pour éviter de les transmettre : Vance explique que les traumatismes de l’enfance – instabilité, violence, pauvreté – façonnent l’adulte.
Pour avancer, il a dû reconnaître sa colère, ses peurs, son impulsivité, ses blessures invisibles.
Beaucoup de jeunes Tunisiens vivent des traumatismes liés à la pauvreté, la pression sociale, le manque d’opportunités, la rupture familiale, et ont un profond sentiment d’injustice.
Un des enseignements de la vie de Vance est «Comprendre ses fragilités est la première étape pour construire un avenir solide».
Leçon 7 – Ne pas renier ses origines, mais ne pas s’y laisser enfermer : Vance réussit mais reste profondément attaché à ses racines «hillbilly». Il ne les renie pas, mais ne les laisse pas dicter sa vie.
C’est un message important pour les jeunes Tunisiens : on peut garder sa culture, ses valeurs, sa région, tout en visant un futur plus large, plus ambitieux.
Identité et ambition ne sont pas opposées.
La conclusion que je retire personnellement de la lecture de ce livre et le message le plus important que je voudrais adresser à nos jeunes est le suivant : Même quand l’État échoue, même quand la société abandonne, même quand la famille se déchire, un individu peut changer sa vie.
«Ne deviens jamais un de ces perdants qui croient que les dés sont pipés. Quand on veut, on peut», disait Mamaw à son J.D.
* Economiste universitaire et consultant international.
L’article La vie de J.D. Vance, un exemple pour nos jeunes est apparu en premier sur Kapitalis.