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Chronique – Le Maghreb à l’épreuve des vents mondiaux

L’économie mondiale aborde la fin de l’année 2025 dans un climat de tension qui mêle incertitudes politiques, résurgence des conflits régionaux et repositionnements stratégiques entre grandes puissances.

Les États-Unis, engagés dans une recomposition politique dont les répercussions se lisent jusque dans la trajectoire de la Réserve fédérale, oscillent entre modération monétaire et prudence face à un marché du travail fragilisé.

En Europe, la zone euro peine à retrouver une dynamique de croissance homogène, tandis que la BCE temporise en maintenant une orientation restrictive qui peine à ramener l’inflation vers sa cible sans altérer la reprise.

Les marchés financiers mondiaux réagissent par à-coups : les rendements obligataires restent élevés, la volatilité se maintient à des niveaux structurants, et les devises émergentes évoluent sous pression. Le dollar, malgré une tendance légèrement baissière sur fond d’anticipations de détente monétaire américaine en 2026, demeure suffisamment ferme pour peser sur les monnaies du Sud, notamment en Afrique du Nord où les États restent exposés à la dette extérieure et au coût du refinancement en devises.

Dans ce décor, le Maghreb affronte un doble choc : un environnement géopolitique immédiat instable – allant de la tension prolongée au Moyen-Orient aux recompositions en Afrique subsaharienne – et un durcissement des conditions financières internationales. Le Maroc continue de capitaliser sur la dynamique de ses investissements industriels et logistiques, l’Algérie sur sa rente énergétique en voie d’érosion graduelle, tandis que la Tunisie tente d’amortir les secousses externes sur un appareil productif en convalescence.

La conjoncture tunisienne : Signes de fragilité, tension de liquidité et effets différés du resserrement monétaire

Les indicateurs monétaires, financiers et extérieurs au 28 novembre 2025 confirment l’installation d’une phase de tension structurelle pour l’économie tunisienne.

Le solde du compte courant du Trésor se contracte fortement, perdant près de 266 MDT en un jour, signe d’un besoin accru de trésorerie publique dans un contexte où l’État peine à stabiliser sa courbe de dépenses. Le solde courant des banques, quant à lui, progresse à 327,9 MDT, traduisant un léger soulagement de la liquidité bancaire sans toutefois inverser la tendance d’ensemble d’un système financier soumis à un refinancement massif auprès de la Banque centrale.

La circulation fiduciaire poursuit son expansion à 25,8 milliards de dinars, en hausse de plus de 3,8 milliards par rapport à 2024, ce qui confirme l’avancée continue de la thésaurisation, la montée de l’économie informelle et l’incapacité persistante à réinternaliser les flux de liquidité dans les circuits bancaires.

Le marché monétaire reste fortement dépendant de l’injection de la BCT. Le volume global de refinancement se stabilise autour de 11,1 milliards de dinars, légèrement inférieur à celui de 2024, mais il demeure élevé et traduit une tension de liquidité quasi permanente. Les appels d’offres atteignent 4,4 milliards, tandis que les opérations de refinancement à plus long terme (ORPLT6m) s’étendent à 2,55 milliards, un niveau bien supérieur aux 1,12 milliard de l’année précédente. Ces données marquent une dépendance du système financier tunisien aux mécanismes de soutien, dans un contexte où le taux directeur est resté à 7,5 %, soit un demi-point en dessous du niveau de 2024, ce qui offre un léger répit mais sans relancer significativement le crédit ni la dynamique de l’investissement.

Les avoirs en devises reculent légèrement à 24,6 milliards de dinars, représentant 105 jours d’importation contre 112 l’année dernière. Cette compression reflète la pression sur le compte courant et la hausse du coût global des importations, particulièrement énergétiques et alimentaires.

Plus encourageantes sont les recettes touristiques cumulées, atteignant 7,36 milliards de dinars, en progression de près de 480 MDT sur un an. Les revenus du travail suivent une tendance similaire, dépassant 7,77 milliards, ce qui confirme le rôle crucial de la diaspora dans la stabilisation extérieure du pays. En revanche, le service de la dette extérieure cumulée demeure élevé à 11,3 milliards, même s’il se situe en dessous de celui de 2024, reflétant un calendrier de remboursement toujours exigeant.

Sur le front du change, le dinar tunisien connaît une évolution en contraste. Il s’apprécie de 2,67 % face à l’euro, reflétant une dynamique européenne affaiblie, mais se déprécie fortement face au dollar, perdant près de 6,7 % en une année. Cette bipolarité du dinar expose l’économie tunisienne à des coûts de facturation plus élevés, notamment pour l’énergie, les denrées importées et les matières premières industrielles, accentuant indirectement l’inflation importée malgré un taux global d’inflation qui s’établit à 6,7 %.

Le marché obligataire confirme la reconfiguration de la dette publique : les Bons du Trésor assimilables dépassent 29 milliards de dinars, en hausse de plus de 10 milliards par rapport à 2024, alors que les titres à court terme se réduisent considérablement. Cette migration traduit une stratégie de gestion de la maturité visant à soulager temporairement la pression de trésorerie, tout en augmentant l’exposition aux risques de taux futurs.

Perspectives : un court terme sous contrainte, un moyen terme suspendu aux arbitrages politiques et structurels

À court terme, la Tunisie restera engagée dans une trajectoire de gestion de crise. La contraction des jours d’importation, la dépendance accrue au refinancement central et la faiblesse du dinar face au dollar continueront d’alimenter des tensions inflationnistes diffuses, bien que contenues par une demande interne affaiblie. Le marché monétaire demeurera rigide, avec une liquidité tendue et une marge de manœuvre réduite pour abaisser durablement le taux directeur sans risquer une déstabilisation supplémentaire du change.

À moyen terme, la trajectoire dépendra essentiellement de trois paramètres : la capacité de l’État à maîtriser ses besoins de trésorerie et à sécuriser ses financements extérieurs, la faculté du secteur productif à absorber la hausse des coûts de production induite par la dépréciation du dinar face au dollar, et la dynamique des réformes structurelles – notamment fiscales, énergétiques et institutionnelles – que les partenaires internationaux conditionnent à tout allègement du risque souverain tunisien.

Le Maghreb, dans son ensemble, pourrait bénéficier du redéploiement industriel européen et des chaînes régionales de valeur, mais cette opportunité nécessite une stabilité politique et une cohérence macroéconomique que seuls quelques pays semblent aujourd’hui capables de garantir.

Pour la Tunisie, l’enjeu est clair : sortir de la gestion court-termiste pour réancrer son économie dans une stratégie de transformation productive capable de réduire les vulnérabilités externes et de renforcer la résilience financière du pays.

 

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Références :

(1) Sources principales consultées pour le contexte international : World Bank MENAAP (28 nov. 2025), données prix Brent / marché pétrolier (28 nov. 2025), minutes Fed / prises de position récentes, analyses Reuters sur la réaction des marchés aux tensions régionales. (Banque Mondiale)

(2) (*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp

(**) https://www.ins.tn/

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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