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Paiements en cash : un recul stratégique pour la transparence financière en Tunisie

Adopté en 2018 dans le cadre de la loi de finances 2019, l’article 45 imposait que tout contrat de vente de biens immobiliers, de fonds de commerce ou de véhicules mentionne le mode de paiement et les références des instruments utilisés (chèque, virement, mandat postal).

Les paiements en cash étaient limités à 5.000 dinars, le reste devant obligatoirement passer par des moyens traçables. L’objectif de la promulgation de l’article 45 était de répondre aux recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) et renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent, la contrebande et le financement du terrorisme. Cette disposition marquait une étape importante dans l’instauration d’une culture de traçabilité et de modernisation des pratiques financières.

Une abrogation qui sonne le glas de la transparence financière

Lors de l’examen de la loi de finances 2025, la commission des finances a adopté l’article 57 qui abroge l’article 45.

Effet immédiat : à partir du 1er janvier 2026, les transactions pourront être réglées intégralement en espèces, sans obligation de traçabilité.

Conséquence : un achat immobilier ou automobile de plusieurs centaines de milliers de dinars pourra être payé en cash, comme avant 2018, soit du pain béni pour les contrebandiers et les maîtres d’œuvre de l’économie informelle.

Les enjeux et les risques majeurs sont une perte de transparence : la suppression de l’article 45 ouvre la voie à des transactions opaques, rendant plus difficile la détection des flux suspects.

À l’international, la Tunisie, encore sous surveillance du GAFI, risque de fragiliser sa notation et de compromettre sa sortie définitive de la liste grise. Pire, c’est un encouragement clair au marché parallèle, à la contrebande et au blanchiment, en contradiction avec les efforts de “decashing” menés depuis 2019.

« L’abrogation de l’article 45 ouvre la voie à des transactions opaques. Elle complique la détection des flux suspects et fragilise l’un des outils essentiels de lutte contre l’économie informelle. »

Un signal politique et économique

Cette décision peut être perçue comme un recul dans la modernisation financière et la conformité internationale. L’abrogation de l’article 45 n’est pas une simple mesure technique. Elle remet en cause les efforts entrepris pour instaurer une culture de traçabilité et de conformité en contradiction, à titre d’exemple, à l’obligation pour les commerces de s’équiper de caisses enregistreuses afin de limiter l’usage du cash. Cette décision semble aller à contre-courant des engagements pris auprès des instances internationales et fragilise la crédibilité du pays.

Les questions qui se posent sont :

    • qu’est-ce qui a poussé les autorités publiques qui déploient des efforts gigantesques pour lutter contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale à abroger l’article garde-fous aux pratiques douteuses ?
    • Comment peut-on parler du “laxisme” de la CTAF, qui n’épargne pas d’efforts pour juguler le phénomène des transactions financières illicites poussées parfois jusqu’à l’exagération, et lutter contre l’ampleur des flux occultes, tout en supprimant un dispositif qui impose la traçabilité des transactions ?
    • Comment prétendre protéger l’économie nationale et la souveraineté financière, si l’on ouvre la voie à des paiements massifs en espèces, hors de tout contrôle ?
    • Comment espérer endiguer les pratiques héritées de la décennie noire et des réseaux de l’ancien régime, si l’on désarme volontairement l’État de ses outils de surveillance ?
    • Comment concilier l’exigence de vigilance exprimée par les plus hautes autorités avec une mesure qui fragilise la lutte contre le blanchiment et la contrebande ?
    • Enfin, comment convaincre les partenaires internationaux de la crédibilité de la Tunisie, si l’on renonce à l’un des instruments clés de conformité aux standards du GAFI ?
    • L’article 45 doit être maintenu pour des raisons de conformité internationale à savoir respecter les exigences du GAFI et renforcer la crédibilité de la Tunisie auprès des bailleurs de fonds. Devons-nous reparler de l’importance de la limitation du cash dans la réduction des flux opaques et la protection de l’économie formelle ?
    • La traçabilité, alors que tout le monde dénonce l’évasion fiscale, élargit l’assiette fiscale et réduit l’évasion et enfin, il y a un signe politique et social important : en préservant l’article 45, on envoie un message de rigueur et de modernisation, renforçant la confiance des citoyens et des investisseurs.
« Un achat de plusieurs centaines de milliers de dinars pourra de nouveau être réglé entièrement en espèces, comme avant 2018, au détriment de la transparence des flux. »

Adapter plutôt qu’abroger

D’autres solutions existent. Il s’agit de relever le seuil de paiement en espèces et en simplifiant les procédures administratives, tout en maintenant la traçabilité des transactions importantes.

L’abrogation de l’article 45 constitue un recul stratégique qui menace la transparence, la crédibilité internationale et la lutte contre l’économie informelle. Au moment où la Tunisie cherche à renforcer la confiance des investisseurs et des citoyens, elle ne peut se permettre de fragiliser ses engagements. Le débat en plénière sera décisif : il mettra en balance la souplesse recherchée par certains acteurs économiques et la rigueur exigée par les partenaires internationaux.

À bon entendeur… Même si nous doutons fort du fait que nos voix puissent être entendues par ceux censés décider du destin de notre pays.

Amel Belhadj Ali

EN BREF

  • L’article 45, instauré en 2018 pour limiter les paiements en espèces et renforcer la traçabilité, sera abrogé en 2026.
  • Les transactions, même pour l’immobilier ou l’automobile, pourront de nouveau être réglées entièrement en cash.
  • Cette mesure fragilise la lutte contre le blanchiment, l’économie informelle et les engagements vis-à-vis du GAFI.
  • Elle intervient malgré les efforts de “decashing” engagés depuis 2019.
  • Le débat en plénière décidera si la Tunisie choisit l’adaptation ou un recul durable.

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Tunisie : une “démocratie” sous perfusion économique ?

Parmi les rares pays à avoir maintenu un cap démocratique après les soulèvements arabes de 2011, la Tunisie avait incarné une promesse fragile.

Liberté d’expression, élections pluralistes, société civile active… autant de conquêtes saluées par les chancelleries occidentales.

Une ère qui précède l’entrée en vigueur de l’article 54, dont l’adoption a marqué un tournant dans le cadre juridique encadrant la liberté d’expression. Depuis, les acteurs médiatiques et les internautes évoluent dans un climat de vigilance croissant, redoutant que certains de leurs propos soient considérés comme diffamatoires ou susceptibles de porter atteinte à l’image du pays.

Et derrière la vitrine politique, une réalité économique s’effondre. Chômage endémique, dette publique galopante, disparités régionales criantes : la transition tunisienne est en panne. Le soutien international, censé accompagner une transition politique et économique qui a trop duré semble à la fois timide, désordonné et parfois contre-productif.

 Une voix éclairante : Sabina Henneberg

Sabina Henneberg, chercheuse principale au Washington Institute for Near East Policy, spécialiste de l’Afrique du Nord vient de publier au “Journal of International Affairs” de Columbia University, un long article récapitulatif des 10 années post 14 janvier 2011 (2011-2021) *. Son regard croisé sur les enjeux politiques et économiques tunisiens éclaire les limites du soutien international et les défis d’une transition durable.

(La traduction ci-dessous de son article ne prétend pas à l’exhaustivité, mais vise à restituer les principaux éléments de son proposé).

Les réformes imposées par les bailleurs internationaux manquent de légitimité locale. Faute d’ancrage national, elles n’ont pas réussi à améliorer la situation économique.

Une décennie de réformes… pour quels résultats ?

Depuis 2011, les gouvernements tunisiens se succèdent, porteurs de promesses de redressement. Mais les réformes structurelles, souvent dictées par les bailleurs internationaux, peinent à produire des effets tangibles, estime Sabina.

Le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, l’Union européenne et d’autres partenaires ont proposé des plans d’aide, conditionnés à des ajustements budgétaires stricts : réduction des subventions, gel des salaires publics, privatisations…

Résultat : une population désabusée, une classe moyenne fragilisée, et une jeunesse qui regarde vers l’exil. Les réformes, perçues comme imposées de l’extérieur, manquent de légitimité sociale. Elles ne s’inscrivent pas dans une vision nationale partagée, mais dans une logique technocratique souvent déconnectée des réalités locales.

 Un soutien international aux effets ambigus

Sabina Henneberg rappelle que peu d’études ont analysé le rôle de la communauté internationale dans cette transition économique insoutenable. Riccardo Fabiani (2018) a souligné que les bailleurs internationaux, séduits par les avancées démocratiques apparentes de la Tunisie, ont continué à fournir une « aide financière abondante et bon marché », malgré l’incapacité du pays à mettre en œuvre les réformes économiques requises.

De son côté, Robert Kubinec (2016) a mis en garde contre les risques liés à l’ignorance du népotisme et de l’inefficacité, qui pourraient compromettre les acquis plus larges de la Tunisie. À ce jour, aucune recherche n’a examiné de manière systématique les raisons pour lesquelles le soutien déclaré de la communauté internationale au processus de réforme économique tunisien a échoué aussi profondément d’ici 2021.

Le soutien international, malgré son importance, reste marqué par l’hésitation et l’incohérence. Cette dynamique a parfois amplifié les fragilités économiques.

Une décennie d’assistance… sans transformation

À la suite de la révolution tunisienne de 2011, le pays a reçu diverses formes d’assistance de la part de ses partenaires internationaux. Les premiers bailleurs à intervenir furent la Banque mondiale, qui a rapidement débloqué un prêt d’appui aux politiques de développement de 500 millions de dollars, ainsi que l’Union européenne, l’Agence française de développement (AFD) et la Banque africaine de développement (BAD).

En juin 2013, le Fonds monétaire international (FMI) a signé un accord de confirmation de 24 mois d’un montant de 1,74 milliard de dollars avec la Tunisie, suivi en 2016 d’un accord élargi de 36 mois pour un montant de 2,83 milliards de dollars.

Ces programmes visaient à stabiliser la situation macroéconomique du pays et à offrir un « espace de respiration » pour permettre la mise en œuvre de réformes de gouvernance et économiques à plus long terme.

Mais ce souffle espéré n’a jamais vraiment pris. Les aides, souvent conditionnées à des mesures d’austérité, ont creusé le fossé entre les institutions et les citoyens. Le soutien devient alors un facteur d’instabilité, au lieu d’être un levier de transformation.

Les conditionnalités imposées au nom de la stabilité budgétaire ont accentué la rupture entre les citoyens et leurs institutions, au lieu de favoriser la confiance.

Repenser l’aide : vers un pacte de confiance

Face à ce constat, plusieurs voix s’élèvent pour appeler à un changement de paradigme. Il ne s’agit pas de renoncer aux réformes, mais de les inscrire dans une démarche inclusive, adaptée aux spécificités tunisiennes. Cela implique :

  • une écoute réelle des acteurs locaux : syndicats, PME, associations, collectivités… Ce sont eux qui portent l’économie réelle ;
  • un soutien aux initiatives communautaires : agriculture durable, économie sociale, innovation locale ;
  • une valorisation du rôle des jeunes et des femmes : non comme bénéficiaires passifs, mais comme moteurs du changement.
  • une relecture des conditionnalités : pour éviter qu’elles ne deviennent des instruments de pression, au détriment de la souveraineté nationale ;

La Tunisie ne demande pas la charité. Elle appelle à un partenariat lucide, respectueux, fondé sur la co-construction. Un pacte de confiance, et non une tutelle déguisée.

La Tunisie dispose d’une jeunesse inventive et d’une société civile active. Ce qui lui fait défaut aujourd’hui, c’est un soutien international cohérent, stable et durable.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le moment est critique. La Tunisie vacille, mais elle n’a pas renoncé. Sa jeunesse est inventive, sa société civile est vivante, ses régions regorgent d’initiatives. Ce qu’il lui manque, ce n’est pas la volonté, mais un cadre de soutien cohérent, patient, et respectueux relève Sabina Henneberg.

À l’heure où les crises se multiplient, où les démocraties sont mises à mal, soutenir la Tunisie n’est pas un geste diplomatique. C’est un acte politique. Un choix de civilisation.
Et si, pour une fois, l’aide internationale osait la confiance ?

La Tunisie ne demande pas qu’on parle en son nom. Elle demande qu’on l’écoute, qu’on la soutienne, et qu’on la respecte.

  • Sabina Henneberg est l’autrice de Managing Transition : the First Post-Uprising Phase in Tunisia and Libya (Cambridge University Press, 2020), une analyse approfondie des dynamiques post-révolutionnaires dans les deux pays.

EN BREF

  • La Tunisie fait face à une crise économique persistante malgré une décennie d’aide internationale.
  • Les réformes imposées par les bailleurs souffrent d’un manque de légitimité et produisent peu d’effets tangibles.
  • Les mesures d’austérité ont fragilisé la classe moyenne et accentué la défiance citoyenne.
  • Un changement de méthode est demandé : inclusion des acteurs locaux, soutien aux initiatives communautaires et révision des conditionnalités.
  • La Tunisie appelle à un partenariat fondé sur la confiance plutôt qu’une tutelle.

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Tourisme et huile d’olive : Se focaliser sur l’essentiel et le structurel

Début octobre 2025, les chercheurs de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE) ont appelé le gouvernement tunisien à accélérer les réformes réglementaires dans deux secteurs stratégiques : le tourisme et l’huile d’olive.

Un appel formulé dans une note d’analyse intitulée « Évaluation des performances du tourisme et de l’huile d’olive en 2025 et perspectives pour 2026… Pour une exploitation optimale des opportunités ».

Des recommandations conjoncturelles

La contribution croissante de ces deux filières aux équilibres financiers du pays : réserves en devises, réduction du déficit commercial, création d’emplois et croissance économique.

Le think tank invite notamment le gouvernement à soutenir les exportateurs d’huile d’olive pour valoriser la production record de 340 000 tonnes enregistrée cette année, dans un contexte mondial de baisse des rendements.

Mais au-delà du constat, la note d’analyse conjoncturelle cherche avant tout à faciliter l’écoulement des stocks à l’exportation, sans s’attaquer aux blocages structurels de long terme.

L’angle mort du conditionnement

Troisième producteur mondial et l’un des premiers exportateurs d’huile d’olive biologique, le pays aurait tout intérêt à renforcer la valeur ajoutée locale.

L’huile d’olive conditionnée made in Tunisia est déjà perçue comme un produit premium au Canada, aux États-Unis, en Europe et dans les pays du Golfe. En Asie, au Japon ou en Chine, elle bénéficie même d’une réputation médicinale. Un potentiel encore largement sous-exploité faute d’une véritable stratégie industrielle.

Tourisme : les mêmes angles morts

La même critique vaut pour le secteur touristique. Lors du dernier Tunisia Economic Forum, les chercheurs ont privilégié l’analyse de niches, aux vulnérabilités structurelles du secteur.

Le tourisme tunisien reste plombé par un endettement hôtelier massif – près de 5 milliards de dinars – et par sa dépendance quasi exclusive au balnéaire.

La diversification reste pourtant une urgence : tourisme intérieur, régional, culturel, saharien ou de voisinage. Les touristes algériens et libyens constituent une clientèle stable et fidèle, dont la pandémie de Covid-19 avait déjà démontré l’importance stratégique pour la survie du secteur.

Penser structurel, non conjoncturel

À l’heure où le pays cherche à relancer son économie, il serait important de concentrer les travaux sur les transformations profondes des filières.

C’est en s’attaquant aux causes structurelles du retard économique que ces types de contributions deviendront encore plus utiles au développement national.

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