La Conférence internationale de mathématiques industrielles et appliquées (ICoIAM 2025) se tiendra du 19 au 21 décembre 2025 à Hammamet.
Organisé par l’Université de Sfax et l’Université de Kairouan, cet événement scientifique majeur réunira plus de 150 chercheurs, universitaires et professionnels issus de plus de 15 pays, autour des avancées les plus récentes dans le domaine des mathématiques appliquées à l’industrie.
Selon un site web dédié, la conférence s’inscrit dans une dynamique de renforcement de la collaboration internationale et vise à positionner la Tunisie comme pôle régional d’excellence en recherche mathématique appliquée. Elle entend également souligner le rôle fondamental des mathématiques comme levier du développement technologique et industriel.
Au cœur des débats : des thématiques d’actualité scientifique et industrielle telles que la science des données, l’intelligence artificielle appliquée à l’industrie, la dynamique des fluides numérique (CFD), les méthodes mathématiques en finance, la modélisation fractionnaire, les énergies renouvelables et la médecine computationnelle.
Le programme s’articulera autour de conférences plénières, de plus de 150 communications scientifiques réparties en sessions parallèles, ainsi qu’une session posters. Parmi les sujets abordés figurent le cadre hyper-complexe déformable en 3D, la stabilité des systèmes dissipatifs, ou encore les inégalités de Hermite-Hadamard, illustrant la richesse et la diversité des recherches présentées.
L’ICoIAM 2025 se veut un forum privilégié d’échanges interdisciplinaires, offrant aux participants l’opportunité de présenter leurs travaux, de nouer des collaborations internationales et de découvrir les dernières innovations dans des domaines tels que l’optimisation, la théorie du contrôle, la mécanique computationnelle, les problèmes inverses ou encore le calcul stochastique.
En mobilisant la communauté scientifique mondiale, cet événement confirme l’engagement de la Tunisie à promouvoir la recherche fondamentale et appliquée comme moteur d’innovation et de compétitivité industrielle.
Les Journées Cinématographiques de Carthage, dans leur 36ᵉ édition, célèbrent cette année deux figures emblématiques du 7ᵉ art : Claudia Cardinale, icône mondiale et fille de Tunis, et Walid Chmait, pionnier de la critique cinématographique au Liban. Deux parcours d’exception, unis par un même amour du cinéma et un profond attachement à la culture arabe.
L’hommage consacré à Claudia Cardinale revêt une dimension toute particulière. Celle que le monde entier connaît comme l’icône des films de Visconti, Fellini ou Leone est honorée dans le pays qui l’a vue naître et auquel elle n’a jamais cessé d’être attachée. Son histoire cinématographique commence et s’achève en Tunisie, entre fidélité, mémoire et émotion.
Trois projections accompagnent cet hommage : Les Anneaux d’or (1956) de René Vautier et Mustapha El Fersi, Claudia Cardinale : La plus belle Italienne de Tunis (1994) de Mahmoud Ben Mahmoud, et Claudia Cardinale : La Tunisie… splendeur et beauté (2025) de Lotfi Bahri. Trois œuvres qui racontent, chacune à leur manière, une histoire d’amour durable entre une femme et sa terre natale.
C’est en Tunisie, au cœur de Tunis, que tout a commencé. Adolescente, Claudia Cardinale y remporte le concours de “la plus belle Italienne de Tunis”, organisé par l’ambassade d’Italie. Ce prix lui ouvre les portes du cinéma : elle tourne alors son tout premier film, Les Anneaux d’or, réalisé en partie à Sidi Bou Saïd. Ce court métrage, produit par le Centre National du Cinéma Tunisien, fut le point de départ d’une carrière exceptionnelle. De ce tournage, elle gardera toujours une tendresse particulière — celle d’une jeunesse tunisienne bercée par la lumière, la langue arabe et les ruelles familières de sa ville natale.
Des décennies plus tard, Claudia Cardinale continue de revenir en Tunisie, de s’y ressourcer et d’y tourner. Son dernier film, L’Île du pardon (2022) de Ridha Behi, la ramène une fois encore à ce pays qu’elle n’a jamais quitté de cœur. Entre ce premier rôle à Sidi Bou Saïd et ce dernier tournage à Djerba, c’est toute une vie de fidélité et d’amour qui se dessine — celle d’une artiste qui, tout en appartenant au monde, n’a jamais cessé d’appartenir à la Tunisie.
En lui rendant cet hommage, les Journées Cinématographiques de Carthage saluent non seulement une star internationale, mais aussi une fille de Tunis, symbole d’un attachement indéfectible et d’un lien vivant entre la Tunisie et le cinéma mondial.
La même édition rend également hommage à Walid Chmait, pionnier de la critique cinématographique au Liban et figure respectée du 7ᵉ art arabe, à travers la projection du documentaire Walid Chmait, une vie au cœur du cinéma, réalisé par son fils Selim Saab Chmait. Un hommage sobre et juste, à l’image d’un homme qui a consacré sa vie à faire aimer le cinéma et à transmettre sa passion.
La commission locale d’organisation de la Coupe arabe « FIFA Qatar 2025 » a annoncé une augmentation substantielle du montant total des primes, désormais fixé à plus de 36,5 millions de dollars. Cette décision vise à renforcer le statut du tournoi sur les scènes arabe et internationale, alors que la compétition se tiendra du 1er au 18 décembre prochain au Qatar.
Primes revalorisées pour les participants
Dans un communiqué officiel, la commission a détaillé le nouveau barème financier. Chaque équipe engagée percevra 715.000 dollars. Une qualification en quarts de finale portera cette somme à 1.073.000 dollars. L’équipe classée quatrième recevra 2.146.000 dollars, tandis que la troisième repartira avec 2.862.000 dollars. Le vice-champion obtiendra 4.293.000 dollars, et le vainqueur empochera 7.155.000 dollars.
Selon la commission, cette hausse significative a été décidée « pour encourager les équipes à se battre intensément à chaque étape de la compétition ».
Un calendrier réparti sur trois journées de poules
La première journée se déroulera du 1er au 4 décembre, avec huit matchs programmés. La deuxième est prévue entre le 6 et le 9 décembre, avant une troisième phase de poules répartie sur les 12 et 13 décembre.
En cas d’égalité de points entre deux équipes ou davantage, le règlement précise que la différence de buts départagera les équipes.
Phase finale : quarts, demis et finale à Lusail
Les quarts de finale auront lieu les 12 et 13 décembre. Les demi-finales se joueront le 15 décembre. Le match pour la troisième place se tiendra le 17 décembre, tandis que la finale se disputera le 18 décembre au stade Lusail.
Les « Verts » dans le groupe D
Tenant du titre, l’équipe des « Verts » évoluera dans le groupe D. Elle y retrouvera l’Irak ainsi que les vainqueurs des barrages Bahreïn–Djibouti et Liban–Soudan, prévus ce mercredi à Doha.
Comme lors de la dernière édition, les deux premiers de chaque groupe se qualifieront pour les quarts de finale.
Présenté pour la première fois à Cannes, dans la sélection de l’ACID, La Vie après Siham de Namir Abdel Messeeh a depuis entamé un long parcours international. Arrivé en Égypte, à El Gouna, le film a remporté deux distinctions – le Prix du meilleur documentaire et celui du meilleur documentaire arabe – avant d’être présenté hors compétition au Festival international du film du Caire, lors de sa 46ᵉ édition (12 au 21 novembre 2025), dans la section « Projections spéciales ».
D’une enfance entre Paris et l’Égypte à une œuvre profondément intime
Ce film profondément personnel, à la fois journal de deuil, geste de fidélité et exploration de la mémoire, prolonge la démarche d’un auteur qui, depuis ses débuts, n’a cessé de sonder la frontière entre la vie et le cinéma. Né à Paris en 1974 dans une famille copte égyptienne, formé à la FEMIS, Namir Abdel Messeeh a toujours fait dialoguer ses deux mondes : la France où il a grandi et l’Égypte dont il porte la mémoire.
Toi, Waguih et La Vierge, les Coptes et moi : les premières pierres d’un triptyque
Après le court métrage Toi, Waguih (2005), consacré à son père, il s’était fait connaître avec La Vierge, les Coptes et moi (2011), sélectionné à Cannes à l’ACID et récompensé du Tanit d’argent documentaire aux Journées Cinématographiques de Carthage en 2012. Ce film, à la frontière du documentaire et de la fiction, posait déjà les questions qui traversent toute son œuvre : comment filmer ses proches, comment faire du cinéma avec eux, sans les trahir ni les enfermer.
Filmer les siens pour interroger la foi, le cinéma et l’héritage
Dans La Vierge, les Coptes et moi, Namir Abdel Messeeh filmait déjà sa propre famille. Parti dans le village de ses parents, il interrogeait les récits d’apparitions de la Vierge Marie tout en filmant sa mère, ses oncles, ses tantes et les habitants du village. En cherchant à comprendre ces phénomènes, il signait un film à la fois spirituel, drôle et lucide, où la quête de vérité religieuse se mêlait à une réflexion sur le cinéma lui-même. En mêlant documentaire et reconstitution, sérieux et humour, il s’y mettait déjà en scène, interrogeant sa place de cinéaste, de fils et d’héritier. Ce geste intime, où l’autodérision côtoie la tendresse, annonçait déjà La Vie après Siham.
La Vie après Siham, un récit de deuil et de transmission
Ce nouveau film s’inscrit dans cette même continuité. Huit ans après la mort de sa mère, Siham, puis celle de son père, Waguih, le cinéaste se retrouve face à un double deuil et à une promesse : raconter leur histoire. De ce serment naît un film de mémoire et de transmission, où le réalisateur convoque des images d’archives, des séquences filmées en Égypte et en France, et des extraits de films de Youssef Chahine pour tisser un récit à la fois intime et universel.
Au Caire, l’émotion d’un retour symbolique
Lors de la projection au Caire, l’émotion était palpable. Pour Namir Abdel Messeeh, montrer ce film dans le pays de ses parents avait une résonance particulière : « C’était la première fois que je voyais la version arabe de La Vie après Siham avec le public égyptien, et c’était angoissant pour moi », confie-t-il. « Chaque projection a été différente : en Égypte, en Espagne, en Allemagne, en France… À chaque fois, les réactions changeaient. »
Il se souvient : « Au Caire, le public a applaudi à plusieurs reprises, en plein milieu du film. C’est quelque chose que je n’avais jamais vécu ailleurs. En Allemagne, les gens m’ont dit qu’ils avaient aimé, mais leurs émotions restaient plus silencieuses. Et c’est ça, la force du cinéma : chaque projection a sa propre vie, influencée par le lieu, la taille de la salle, le nombre de spectateurs. »
Cette projection au Caire, entre compatriotes, amis et proches, avait valeur de retour symbolique. « Je suis né en France, mais je suis égyptien. Mon père et ma mère sont restés égyptiens même après avoir émigré en France. Ils n’ont jamais renié leur égyptianité, même s’ils ont été enterrés là-bas. Et moi aussi, je suis égyptien. C’est pour cela que j’ai voulu raconter cette histoire, cette hadouta masreya (clin d’œil à Youssef Chahine ?!). »
Une rencontre avec les étudiants : pourquoi et comment filmer ?
Après la projection, le réalisateur a animé une rencontre intitulée La vie après Siham : construire la mémoire à travers le documentaire (étude de cas), essentiellement destinée aux étudiants en cinéma, où il a livré un témoignage dense, empreint d’humour et d’émotion, sur sa relation au cinéma, à ses parents et à lui-même.
Des tournages insatisfaisants à la découverte de son véritable sujet
« J’ai étudié le cinéma en France et pendant mes études, j’ai tourné des films, mais je n’en étais jamais satisfait. J’ai compris qu’un film doit dire quelque chose de toi. Les miens ne disaient rien de moi. » Cette réflexion, à la fois simple et décisive, marque pour lui un tournant.
Il raconte ses débuts : « Même après l’école, j’ai fait un court métrage, mais je n’étais toujours pas content. J’ai senti qu’en filmant, j’avais face à moi quarante personnes que je ne connaissais pas. J’avais pris du temps pour écrire un scénario, et je me trouvais face à des étrangers, comme s’ils me volaient quelque chose. J’ai compris qu’il fallait que je filme des gens que j’aimais, des gens que je connaissais. »
Cette prise de conscience change son regard : « J’ai arrêté de me demander : qu’est-ce que je veux raconter ? et j’ai commencé à me demander : qui est-ce que je veux filmer ? La réponse m’est venue instinctivement : je voulais filmer mon père. »
Filmer le père : un refus, dix mois de supplications et un film de relation
Son premier film sur son père est né presque par hasard. « J’avais déposé un projet à un concours et je l’avais oublié. Un jour, j’ai appris que j’avais gagné un prix de 10 000 euros, à condition de livrer le film en un an. J’ai voulu faire un court documentaire, d’une trentaine de minutes. Mon père a refusé. Il ne comprenait pas pourquoi je voulais le filmer. »
Dix mois de discussions et de supplications s’ensuivent. « J’ai dû le supplier. Et puis, j’ai compris que je devais trouver un moyen de filmer quelqu’un qui refusait d’être filmé. La seule solution, c’était que le film soit sur nous deux. Notre relation devant la caméra. Je devais être là pour le rassurer. »
Cette décision donne naissance à un film d’une nature nouvelle : non plus un portrait, mais une conversation. Le cinéma devient une manière de recréer un lien. « C’est à ce moment-là que j’ai compris que le cinéma pouvait être un moyen d’aimer, de comprendre. »
Sa mère, apprenant le projet, ne cache pas sa jalousie. « Elle m’a dit : pourquoi lui et pas moi ? » racontera-t-il en souriant. Cette remarque, à la fois drôle et sincère, deviendra le point de départ d’un autre film, et d’une réflexion sur la manière de filmer ceux qu’on aime.
Un père cultivé, des désaccords de cinéma et une larme fondatrice
« Ma relation avec les films est plus importante qu’avec les êtres humains. Un film parle, un film communique, un film est émotions… un film est vivant. » C’est à ce moment précis qu’il découvre ce qu’est un réalisateur : « Et c’est ainsi que j’ai compris qu’il existe quelqu’un qui s’appelle le réalisateur. C’est lui qui raconte cette histoire. Pourquoi et comment ? Un film est le portrait d’un réalisateur. C’est ce qui m’a fait aimer les films. »
Namir Abdel Messeeh évoque souvent son père avec admiration. « Mon père était très instruit : il lisait beaucoup, allait au théâtre, au cinéma. Mais nous n’aimions pas les mêmes films. »
Cette différence de goût nourrit leurs échanges, parfois leurs désaccords. « Il n’a pas aimé La Vierge, les Coptes et moi. Il ne comprenait pas qu’on puisse faire un film pour raconter une personne, ou une famille, ni comment ce film avait pu obtenir des prix. »
Et pourtant, c’est une scène muette de ce père cultivé et pudique qui devient le cœur de son inspiration. « Le jour de sa retraite, il devait faire un discours. Il n’avait pas pu. Une collègue a pris la parole à sa place. J’ai commencé à filmer notre famille et tous nos événements très tôt. Donc ce jour-là, j’étais là, je filmais la fête. Et j’ai filmé une larme qui a glissé sur sa joue. C’est à ce moment-là que j’ai compris que je voulais faire un film pour qu’il puisse dire ce qu’il n’avait jamais dit. »
CIFF 2025 – Namir Abdel Messeh lors de la rencontre avec les étudiants
La peur du ridicule et la décision d’assumer sa famille à l’écran
Le réalisateur, en préparant La Vierge, les Coptes et moi, et alors qu’il devait aller filmer sa famille dans leur village, décide d’appeler sa mère via Skype. « J’ai demandé à mon équipe de filmer la conversation sans qu’elle le sache. Elle posait plein de questions. Quand elle a su que j’allais filmer ma famille, elle s’est mise en colère. Elle m’a dit qu’elle allait leur dire de refuser de tourner, qu’elle porterait plainte contre moi s’il le faut. »
« Je ne savais plus quoi faire et je regarde le caméraman, il riait. »
Ce moment, aussi drôle que violent, révèle une peur enfouie. « Ma mère avait peur que les gens se moquent de sa famille, de leur pauvreté, de leur ignorance. » En revoyant les rushs, il comprend que cette peur est elle-même un sujet, et décide de garder cette scène pour son film. « J’ai pris cette responsabilité et j’accepte la réaction des spectateurs. Peut-être que certains se sont moqués d’eux. Peut-être que certains les ont détestés. Mais d’autres les ont aimés, parce qu’ils ont senti que moi, je les aimais. »
Pour lui, filmer quelqu’un, c’est avant tout une question d’amour. « J’ai demandé à Yousry Nasrallah s’il aimait ses acteurs. Il m’a répondu : oui, comme un père. Cet amour est essentiel. Moi, je ne peux filmer une personne que si je l’aime. »
« Je reviens à la question : pourquoi tu fais des films ? Si c’est pour que les gens t’aiment, c’est ton droit. Moi, je veux aimer mes films et les spectateurs sont libres d’aimer ou pas ! »
Cannes : une projection éprouvante, entre fatigue et panique
Quand il évoque La Vie après Siham, la voix du réalisateur se charge d’émotion. « Pendant la projection à Cannes, j’ai pleuré. C’était dans la section ACID, il y avait quatre cents exploitants de salles. C’était le troisième jour, tout le monde était fatigué. »
Il se souvient d’une scène censée être comique : personne n’a ri. Aucune réaction. Aucune réaction jusqu’à la fin. « J’étais assis, et je commençais à paniquer. J’avais ouvert les portes de chez moi et j’y ai invité des inconnus, et je me disais que je ne voulais plus les voir chez moi. Je pleurais aussi parce que pendant dix ans, j’avais travaillé mon film, il était mon bébé et en même temps je sentais ma mère avec moi. Mais c’était fini, je perdais le contrôle de mon film. Je devais accepter que c’était fini : ma mère est morte et le film ne m’appartient plus. Je devais dire adieu à un process, comme si j’avais un enfant qui venait d’atteindre dix-huit ans et qu’il fallait le laisser vivre sa vie, et accepter qu’il allait prendre ses propres décisions. »
Les films de Youssef Chahine comme mémoire collective et refuge
Il en tire une leçon : « Si ton film réussit, tant mieux. Sinon, il faut comprendre les raisons de son échec et apprendre pour mieux faire ensuite. Mon premier court, que j’ai détesté, m’a appris beaucoup de choses. »
Il raconte ensuite comment est née l’idée d’utiliser des extraits des films de Youssef Chahine. « Je ne me rappelle plus exactement comment j’ai eu cette idée, mais j’ai compris que les films de Chahine font partie de notre mémoire collective. En les utilisant, je créais une connexion entre ma mère et les spectateurs. »
Pendant le montage, il réalise que montrer trop de photos de sa mère ne produirait pas l’effet espéré. « Les spectateurs ne la connaissent pas. Ces images ne les toucheraient pas. Mais tout le monde connaît les films de Chahine. Ils font partie de notre inconscient collectif et ces scènes créent un lien et expriment des émotions. »
Il se souvient d’une scène bouleversante : « Ma mère était très malade. Sa bouche était enflée, elle avait du mal à articuler. Elle m’a dit : Namir, tu avais dit que tu irais à Cannes un jour. Tu n’as encore fait aucun film qui y soit allé. Si un jour tu y vas, sache que je serai avec toi et que je te ferai un signe de la main. »
Cette scène, son monteur et lui l’ont revue plusieurs fois, mais elle était insoutenable. « Son visage était trop enflé. Je ne pouvais pas la montrer ainsi. J’ai remplacé cette séquence par des images de Chahine. Elles disaient la même chose, sans la montrer diminuée. »
Dépression, doute et nécessité d’une équipe qui croit au film
Mais La Vie après Siham n’a pas été un film facile à faire. « Après avoir commencé le tournage, j’ai fait une dépression pendant trois ans. J’ai cru que le film ne se ferait jamais. »
C’est son monteur qui l’a poussé à continuer. « Il m’a dit : il te faut un producteur et un scénariste qui croient en toi. » Namir rencontre alors une productrice passionnée, prête à défendre le projet. « Il faut quelqu’un qui ait du recul, qui comprenne ton film et qui te soutienne. »
Faire un film personnel, dit-il, demande de la force et de la patience. « Ce genre de cinéma est difficile, pas seulement pour des raisons artistiques, mais parce qu’il t’oblige à te confronter à toi-même. Il faut accepter d’être fragile. »
Un homme, sa caméra et une famille qui le prend pour un idiot
Le sujet du film, c’est celui d’un type qui, depuis toujours, filme sa famille, toujours, et sa famille le traite d’idiot. C’est comme si la caméra, depuis toujours, était sa mémoire. Ce film a été difficile à trouver. Il a fallu trouver le personnage principal et, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, ce n’est pas Siham, c’est Namir. C’est son histoire avec la caméra depuis de très longues années, avant même l’idée de ces films.
Au Caire, devant les étudiants, il parle de cette fragilité avec une franchise rare. « La Vie après Siham est un film douloureux, mais il est aussi plein de vie. Ce genre de sentiments, on passe souvent notre existence à essayer de les éviter. Le film m’a obligé à les affronter. » Et il conclut simplement : « Filmer, c’est aimer. C’est comprendre. C’est dire adieu sans oublier. »
S’enraciner entre l’Égypte et la France, et transmettre cet héritage
À travers ses trois films, Namir Abdel Messeeh n’a cessé de creuser un même sillon : celui de la mémoire et de l’appartenance. En filmant son père, sa mère, sa famille égyptienne, son village, puis leur souvenir, il a voulu retenir ce qui risquait de s’effacer : les gestes, les voix, les visages, la langue d’un pays quitté mais jamais perdu. Son cinéma s’enracine dans cette Égypte intérieure, transmise par ses parents. Il la porte en lui, au plus profond de son être. Et il cherche à la préserver du temps, comme s’il craignait que ses racines se diluent.
Ce travail de mémoire est aussi une manière de se construire. Français par la naissance et par la vie, égyptien par le sang et par le cœur, il relie ces deux parts de lui-même pour en faire un lieu de passage : un pont entre deux histoires, deux imaginaires, deux façons d’exister. Il documente pour se souvenir, mais aussi pour ne pas rompre la chaîne – pour que le lien continue à vivre à travers les images.
Et lorsque La Vie après Siham referme ce long chapitre de deuil et de transmission, une autre question demeure, suspendue : cet héritage qu’il a sauvé, le transmettra-t-il à son tour ? Ses enfants poursuivront-ils cette œuvre de mémoire, ce dialogue ininterrompu entre les racines et le présent, entre l’Égypte et la France, entre la vie et ce qu’elle laisse ?
Mardi, la 5e journée de la phase de groupes de la Ligue des champions a livré plusieurs surprises et confirmations. Dortmund a écrasé Villarreal 4-0, tandis que Chelsea a dominé le FC Barcelone 3-0. Manchester City a chuté face à Bayer Leverkusen (0-2), et Marseille a remporté un précieux succès contre Newcastle (2-1).
Parmi les autres rencontres, Bodoe/Glimt s’est incliné 2-3 face à la Juventus, Naples a battu Qarabag 2-0, Slavia Prague et Athletic Bilbao ont fait match nul 0-0, et Galatasaray a été surpris par Union Saint-Gilloise (0-1). Enfin, Benfica a remporté son déplacement à Amsterdam (0-2).
Classement général : huit qualifiés directs
Après cinq journées, Bayern Munich, Arsenal et Inter Milan dominent leurs groupes avec 12 points chacun, tous invaincus. Dortmund, Chelsea et Manchester City suivent avec 10 points. Le Paris SG, Newcastle, et Real Madrid complètent le top 8, ce qui garantit leur qualification directe pour les 8es de finale.
Barrages et éliminés
Les clubs classés de la 9e à la 24e place disputeront les barrages pour tenter de rejoindre les 8es. Parmi eux figurent Liverpool, Galatasaray, Tottenham, Bayer Leverkusen, Sporting Portugal, FC Barcelone et Qarabag. Les clubs de la 25e à la 36e place sont officiellement éliminés, avec notamment Monaco, Pafos, Club Bruges, Francfort, Athletic Bilbao, Benfica, Slavia Prague, Bodoe/Glimt, Olympiakos, Copenhague, Villarreal, Kairat Almaty et Ajax Amsterdam.
Points marquants de la journée
Dortmund a confirmé sa puissance offensive avec 17 buts marqués après cinq journées.
Chelsea, désormais 5e, se montre solide face aux grandes équipes.
Manchester City connaît un revers important à domicile contre Leverkusen.
Marseille signe sa première victoire importante et se positionne pour les barrages.
Les surprises : Union Saint-Gilloise bat Galatasaray et Benfica s’impose à Amsterdam.
Cette 5e journée a permis de clarifier les forces en présence et de dessiner les premières tendances pour la qualification directe et les barrages. Les prochains matches seront décisifs pour les équipes en course pour le top 8.
Cristiano Ronaldo, la star portugaise de 40 ans, a été sanctionné par la FIFA pour son geste lors du match Portugal-Irlande. L’instance internationale a infligé à “CR7” un match ferme et deux rencontres avec sursis. La suspension a déjà été purgée et Ronaldo pourra participer au Mondial-2026 avec sa sélection.
Le geste à l’origine de la sanction
Lors de la défaite 2-0 du Portugal à Dublin, Ronaldo avait donné un coup de coude à Dara O’Shea. Cette expulsion marque la première fois que le quintuple Ballon d’Or est expulsé en sélection nationale. La FIFA a rappelé que cette décision s’inscrivait dans le cadre de l’article 27 de son code disciplinaire.
Suspension ferme et sursis
Le match ferme a été purgé lors de la rencontre suivante contre l’Arménie. Cette rencontre a également permis au Portugal de valider sa qualification pour les prochains tournois. Les deux autres matches prévus sont suspendus pour un an. La FIFA précise :
“Si Cristiano Ronaldo commet une autre infraction de nature et de gravité similaires pendant la période de sursis, la suspension prévue sera automatiquement révoquée et les deux matches restants devront être purgés immédiatement.”
Cap sur le Mondial-2026
Ronaldo participera ainsi à sa sixième Coupe du monde, organisée conjointement par les États-Unis, le Mexique et le Canada. Le tirage au sort de la phase de groupes aura lieu le 5 décembre.
Cette suspension ne compromet donc pas la présence du joueur portugais à l’événement. Les prochains matches officiels pourraient toutefois activer le sursis si Ronaldo venait à commettre une nouvelle infraction grave.
Le Théâtre de l’Opéra de Tunis a inauguré samedi soir la 26ᵉ édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC) avec la première tunisienne de « Le roi Lear », marquant le retour de l’acteur égyptien Yehia El-Fakharani, qui incarne un souverain de son âge dans l’une des plus grandes tragédies de Shakespeare.
À 80 ans, le comédien reprend l’un de ses rôles les plus emblématiques vingt ans après sa dernière incarnation sur scène. Sous la direction de Shady Sorour, la mise en scène mêle puissance visuelle et finesse psychologique.
Placé sous le slogan « Le théâtre, une conscience et un changement. Le théâtre, le cœur battant de la rue », le festival a choisi d’ouvrir sur ce monument shakespearien, réunissant artistes égyptiens et tunisiens dans un spectacle inédit.
■ Un retour chargé d’histoire et d’émotion
À la sortie de scène, Yehia El-Fakharani s’est adressé au public tunisien avec émotion : « Je suis heureux de me présenter en Tunisie… Qui dit culture dit Tunisie. ».
El-Fakharani a rappelé qu’en en 1984, il avait été sacré au Tanit d’argent lors des Journées cinématographiques de Carthage pour son rôle dans « Porté disparu » de Mohamed Khan.
Accueilli par une longue ovation, le retour de cette légende du théâtre arabe a résonné comme un hommage réciproque. Le festival a décerné à El-Fakharani le Tanit d’or honorifique qui lui a été remis des mains du directeur artistique et homme de théâtre, Mounir Ergui.
La pièce est interprétée en arabe littéraire, avec un accent égyptien familier aux spectateurs tunisiens, nourri de décennies de séries et de films égyptiens. Cette sonorité apporte à la langue une musicalité et une élégance particulières, renforçant la profondeur des personnages et l’intensité des émotions.
■ Une mise en scène collective entre Égypte et Tunisie
Shady Sorour propose un spectacle où projections, fresques visuelles et scènes chorégraphiées structurent la chute de Lear. La production bénéficie d’une contribution tunisienne de seize chorégraphes, danseurs et danceuses, qui ont été sélectionnés en milieu de semaine. Parmi eux, Rayen Fatnassi et Ahmed Grindi, habitués du Théâtre de l’Opéra, qui ont déclaré à l’agence TAP avoir tous participé à des répétitions quotidiennes pour incarner soldats, princes et princesses, dans des scènes de foule et de combat.
Au centre de la scène, El-Fakharani incarne un Lear d’une profonde humanité, dont la majesté se fissure face aux trahisons et aux erreurs, révélant toute la fragilité du pouvoir et de l’existence. Il est entouré d’un casting prestigieux : Tarek Desouki, Hassan Youssef, Ahmed Othman, Tamer El-Kachef, Amal Abdallah, Iman Ragai, Basma Douidar, Tarek Sharaf, Mohamed Azaizi, Adel Khalaf et Mohamed Hassan.
■ Lear, une tragédie universelle revisitée
Écrit entre 1603 et 1606, Le Roi Lear explore la chute d’un monarque qui divise son royaume selon l’expression d’amour de ses filles. L’aveuglement, l’ingratitude et la vérité refoulée — « une chienne que l’on doit laisser au chenil », selon le Fou — façonnent la tragédie.
Dans le monde arabe, Lear a été adapté au théâtre, au cinéma et à la télévision. El-Fakharani lui-même a marqué toute une génération avec sa version télévisuelle. L’œuvre continue d’inspirer les créateurs à travers des transpositions contemporaines sur scène, des films dramatiques, des opéras, de la musique symphonique ou encore des versions pour enfants et jeunes lecteurs. En Tunisie, la pièce avait été revisitée notamment par feu Hichem Rostom dans “Le comédien King Lear”, méditation sur la solitude d’un artiste vieillissant.
Longuement applaudie, la représentation a rappelé que cette tragédie demeure d’une grande actualité. L’arabe littéraire, sublimé par la musicalité de l’accent égyptien, a rendu Shakespeare plus vivant que jamais.
Cette première tunisienne de Lear interprété par un acteur légendaire, s’impose comme un temps fort des JTC 2025 et une démonstration de la vitalité du théâtre arabe contemporain.
Le cinéma d’Amérique latine sera à l’honneur lors de la 36e édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), programmée du 13 au 20 décembre 2025, ont annoncé jeudi les organisateurs.
Le festival consacrera une section spéciale à une sélection de films issus de plusieurs pays du continent, mettant en avant des œuvres marquées par la mémoire, les luttes sociales et les imaginaires populaires. Parmi les titres retenus figurent Les Bruits de Recife, La Chute du Ciel, Le Sang du Condor, Utama, L’Été des Poissons Volants, Mon Pays Imaginaire et La Noce de 12 Años.
Les JCC entendent ainsi saluer des réalisateurs qui ont contribué à façonner, depuis plusieurs décennies, un cinéma engagé, souvent ancré dans l’enquête sociale, le réalisme magique et les mouvements de résistance.
Selon les organisateurs, cet hommage s’inscrit dans la continuité de la ligne historique du festival, attaché à mettre en lumière des cinématographies peu visibles sur les écrans internationaux et à donner une voix aux peuples luttant pour leurs droits et leurs territoires.
Créées en 1966, les JCC revendiquent une vocation militante, considérant le cinéma comme un espace d’expression, de mémoire et d’émancipation. Les œuvres latino-américaines sélectionnées offriront, affirment les responsables du festival, « un parcours traversé par les révoltes, la poésie et l’espoir ».
Les sélections de Palestine et de Syrie ont rejoint celles de Tunisie et du Qatar dans le groupe A de la Coupe arabe FIFA de football, après leurs victoires en qualifications, mardi.
La Palestine s’est imposée aux tirs au but (4-3) face à la Libye après un match nul 0-0, tandis que la Syrie a battu le Soudan du Sud 2-0.
La Tunisie ouvrira face à la Syrie le 1er décembre, alors que le Qatar affrontera la Palestine.
En 2e journée, la Tunisie sera opposée à la Palestine le 4 décembre, tandis que le Qatar jouera contre la Syrie.
La 3e et dernière journée, le 7 décembre, verra s’affronter la Tunisie et le Qatar d’une part, et la Palestine et la Syrie de l’autre.
La Coupe arabe se déroulera du 1er au 18 décembre 2025 à Doha, avec la participation de 16 sélections.
L’après-midi tombait doucement sur l’enceinte de l’Opéra du Caire, où se déroule le Festival international du film du Caire (CIFF), lorsqu’Hiam Abbass s’est avancée sur la scène. Élégante, calme, d’une présence à la fois douce et assurée, elle imposait immédiatement cette force tranquille que l’on retrouve dans chacun de ses rôles. Il y avait dans ses gestes la maîtrise d’une comédienne, et dans sa voix cette profondeur qui capte l’attention et fait taire les bruits autour.
La rencontre, intitulée « Un voyage à travers le jeu et la mise en scène – Conversation avec Hiam Abbass », s’est tenue dans le cadre de la 46ᵉ édition du CIFF, organisée du 12 au 21 novembre 2025, et était modérée par Nahed Nasr. Quelques heures plus tard, le même jour, l’actrice palestinienne monterait sur scène pour recevoir la Pyramide d’Or en hommage à l’ensemble de sa carrière.
À cette occasion, le CIFF a également édité un ouvrage écrit par la critique Nahed Saleh, intitulé « Hiam Abbass – Cette femme-là et cette Palestinienne-ci : lecture du parcours d’une star entre art et identité », distribué à tous les festivaliers. Un titre qui résume admirablement le double regard que porte Hiam Abbass sur son parcours : celui de la femme et celui de la Palestinienne, indissociables l’un de l’autre.
Sa devise, qu’elle répète avec simplicité — « vouloir, c’est pouvoir » —, résonne à chaque étape de sa vie : du village de Galilée jusqu’à Hollywood, sans jamais rompre le lien avec le cinéma arabe ni avec la mémoire de la Palestine.
Hiam Abbass, une actrice palestinienne au rayonnement international
Hiam Abbass est née en Palestine, dans un village de Galilée. Actrice palestinienne, elle s’est imposée au fil des décennies comme l’un des visages les plus marquants du cinéma arabe et international. Elle a tourné dans de nombreux pays arabes, mais aussi en Europe et aux États-Unis.
On l’a découverte dans des rôles qui ont fait date, notamment dans La fiancée syrienne (The Syrian Bride, Eran Riklis, 2004), Le visiteur (The Visitor, Tom McCarthy, 2007), Satin rouge (Raja Amari, 2002), Bab el Shams (Porte du soleil) (Youssry Nasrallah, 2004), Paradise Now (Hany Abu-Assad, 2005), Dégradé (Tarzan et Arab Nasser, 2015) et Gaza mon amour (Tarzan et Arab Nasser, 2020).
Dans le monde des séries, elle a conquis un nouveau public avec Succession (Jesse Armstrong, 2018–2023), fresque familiale et politique sur le pouvoir, où elle campe Marcia, figure à la fois discrète et déterminée. Elle apparaît également dans Ramy (Ramy Youssef, 2019–2023), plongeant dans l’univers d’une famille musulmane américaine et interrogeant les identités multiples.
Sur le grand écran, elle continue à lier son nom à la Palestine : elle joue dans Palestine 36, le film qui représente la Palestine aux Oscars 2026. Et sa propre histoire familiale se retrouve dans Bye Bye Tibériade (2023), très beau film réalisé par sa fille Lina Soualem, consacré au parcours de plusieurs femmes palestiniennes, entre exil, transmission et mémoire.
Hiam Abbass est aussi réalisatrice : elle a signé Inheritance (2012), long métrage tourné au sein de sa communauté en Galilée, et qui mêle fiction et mémoire familiale.
Cette position — entre cinéma arabe, cinéma européen, séries américaines et films palestiniens — donne à la conversation du Caire une profondeur particulière : c’est toute une vie d’actrice, construite loin des slogans mais au plus près des rôles, qui se dévoile.
Le rêve a commencé : le théâtre, le hakawati et la première « magie »
« Je ne sais pas où commencer », confie Hiam Abbass au début de la rencontre. Puis elle remonte le fil jusqu’à Jérusalem, où se trouvait le théâtre, et le hakawati – le conteur, comme elle le précise pour celles et ceux qui ne connaissent pas le mot arabe. Depuis l’enfance, dit-elle, elle sentait que l’art, l’expression artistique, lui convenaient parfaitement, sans savoir encore par quel biais.
Étudiante, elle découvre le théâtre. On lui confie le rôle d’une mère, alors que le jeune homme qui joue son fils a son âge. La situation prête presque à sourire, mais ce qui l’intéresse, ce n’est pas cette incongruité : c’est ce qui se passe à la fin de la pièce. Quand le rideau tombe, elle découvre que la salle est en larmes : des pères, des mères, des spectateurs bouleversés. Elle ressent alors « comme de la magie ». C’est comme si quelque chose était sorti d’elle pour atteindre le public.
C’est ce moment-là, explique-t-elle, qui lui révèle la puissance de l’interprétation : « Comment traduire cela en devenant adulte ? L’artiste peut faire parvenir plein de messages au public. » Ce qu’elle vient de vivre n’est pas seulement un succès de scène : c’est la découverte d’un langage qui passe par le corps, la voix, le regard, et qui touche directement les autres.
Un village sans théâtre ni cinéma, puis la rencontre avec Michel Khleifi
Elle revient ensuite à son village de Galilée : « J’ai vécu dans un village où il n’y avait ni théâtre, ni cinéma. » Rien ne prédisposait donc cette enfant palestinienne à devenir actrice. C’est à Jérusalem, lorsqu’elle commence à travailler au théâtre, qu’un horizon s’ouvre. Elle y est à moitié artiste, à moitié employée de bureau.
Michel Khleifi arrive dans ce contexte, un peu pessimiste, se souvenant qu’il n’y a pas d’infrastructures, pas de structures professionnelles dignes de ce nom. Il demande de l’aide. Elle accepte. Il l’engage d’abord comme secrétaire de production. Puis, un jour, il lui confie un petit rôle.
Elle découvre alors la caméra, comme elle avait découvert la scène. Et là encore, quelque chose en elle reconnaît ce territoire : elle ressent la même chose que la première fois au théâtre. Le même mouvement intérieur qui va vers le public, même si cette fois-ci il est derrière la caméra. Elle comprend que c’est le chemin qui l’attend.
Quitter la Palestine pour respirer
Pourtant, Hiam Abbass insiste : elle n’a jamais rêvé de voyager pour « devenir actrice ». Elle a quitté son pays parce qu’elle avait besoin de respirer. « Il n’était pas facile pour une femme de s’épanouir en ces temps-là en Palestine », dit-elle. Politiquement, socialement, la société imposait des limites.
Elle raconte qu’elle avait imaginé fonder une école de cirque à Londres. L’idée, déjà, disait son désir d’inventer un espace de liberté, de jeu, de création. Mais une fois arrivée, elle comprend qu’elle a besoin d’autres expériences, de plus de liberté encore. Le voyage n’est pas un caprice : c’est la seule façon de continuer un parcours artistique qui, sur place, se heurtait à trop de barrières.
Elle le répétera plus tard, dans une formule très claire : elle n’est pas partie par « amour du monde occidental », mais parce qu’elle voulait poursuivre un chemin artistique qui, pour une femme de son époque en Palestine, était extrêmement difficile. Il lui fallait de l’air, des expériences nouvelles, des rôles impossibles à obtenir dans un pays alors très fermé.
Londres, Paris, la maternité et l’apprentissage d’une nouvelle langue
Après Londres, vient la France. « J’ai connu un homme à Londres, j’en ai été amoureuse, je l’ai épousé et je l’ai suivi à Paris pour vivre une histoire d’amour. Il est le père de mes deux filles. Je ne parlais pas un mot de français. »
À ce moment-là, son plus grand projet n’est pas un rôle, ni un film : « Mon plus grand projet à cette époque était de devenir maman. » Hiam assume pleinement ce choix. Elle veut consacrer du temps à la maternité, à ses filles, mais elle n’abandonne pas pour autant l’idée de continuer à grandir comme artiste.
Elle profite donc de cette période pour travailler sur elle-même, apprendre la langue, observer, écouter. Environ quatre ans après la naissance de Lina, elle commence à tourner en français. Entre-temps, sa deuxième fille, Mona, est née. Elle insiste sur ce point : sa vie familiale est une partie distincte de sa vie d’actrice, mais c’est une partie qui nourrit sa sensibilité, sa capacité à comprendre les personnages.
Apprendre une nouvelle langue, s’ancrer dans un autre pays, équilibrer vie personnelle et travail d’actrice : tout cela se fait sans éclat, sans discours héroïque, mais avec une persévérance continue.
Lina Soualem et Bye Bye Tibériade : faire le chemin inverse
La question se pose alors : comment réagit-on lorsqu’une fille, devenue cinéaste, demande à sa mère de revenir en Palestine pour un film ?
« Lina t’a demandé de faire le chemin inverse, de revenir en Palestine… » Hiam Abbass raconte que la décision n’a pas été facile à prendre. Lina cherchait ce qu’elle voulait dire avec ce film. La mère, elle, craignait que le projet ne se réduise à un documentaire sur sa propre vie.
Les discussions ont été nombreuses. Il fallait que Hiam comprenne que Lina ne voulait pas filmer « sa mère » comme unique sujet, mais raconter une histoire plus vaste, dans laquelle sa mère n’est qu’une pièce du puzzle, aux côtés de plusieurs femmes de la famille. Quatre femmes, quatre expériences personnelles, qui font toutes partie de la mémoire collective palestinienne.
« C’était donc un devoir pour moi de faire ce film, pour travailler la mémoire collective à travers une histoire personnelle », dit-elle. Bye Bye Tibériade, très beau film, devient ainsi non seulement un geste de cinéma, mais un geste de transmission : la fille filme la mère, mais aussi les femmes d’avant, les exils, les ruptures, les retours, les absences.
Une actrice palestinienne qui n’oublie pas le cinéma arabe
« Pourquoi avoir choisi de beaucoup travailler avec les Arabes, alors que tu avais une carrière internationale ? »
La réponse est limpide : « Si je suis palestinienne, donc arabe, comment oublier mon identité ? Il ne s’agissait pas de défendre une cause, mais c’est une partie de moi-même, de mon identité. » Elle a commencé en tant qu’actrice arabe avec le film Satin rouge de Raja Amari.
Elle raconte le travail que ce rôle exige : elle ne connaît pas le dialecte tunisien, il lui faut donc l’apprendre et le travailler jusqu’à rendre le personnage crédible à cent pour cent. « C’est du travail sérieux. Je n’aime pas ce qui est facile, au contraire, j’ai besoin de travailler, de me surpasser, de relever des défis. »
Lorsqu’on lui demande si elle a « voulu » avoir une carrière arabe ou si cela est venu par hasard, elle répond que ce n’est ni un plan de carrière ni un hasard total. Elle choisit en fonction de ce que le projet lui dit : la cause, les questions soulevées, les droits des femmes, la manière dont le personnage porte une responsabilité dans le récit.
Raja Amari, Dorra Bouchoucha et un film qui devait exister
Elle revient sur le trio formé par Raja Amari, Dorra Bouchoucha et elle autour de Satin rouge. « Nous étions trois, nous avons défié toutes les difficultés. C’était mon premier grand film, et mon premier grand rôle. »
Après la sortie du film, elle se souvient du déferlement de critiques, surtout morales, visant le sujet, le personnage, la liberté qu’il revendiquait. Mais elle insiste : ce film devait se faire et exister. C’est lui qui a relevé ses défis pour exister en tant qu’actrice, et c’est lui qui l’a fait connaître dans le monde arabe. Pour elle, c’est la première grande expérience filmique qui l’a installée dans le regard du public.
Cette aventure tunisienne en a ouvert d’autres. Avec la réalisatrice Moufida Tlatli, elle tourne Nadia et Sarra (2004), où elle interprète une mère confrontée à la liberté naissante de sa fille ; un film sensible sur la transmission et le passage de relais entre générations. Quelques années plus tard, elle retrouve Raja Amari et Dorra Bouchoucha pour Corps étranger (2016), une œuvre sur l’exil et la solitude, où elle incarne une femme déracinée vivant entre deux mondes. Deux collaborations portées, là encore, par des femmes de conviction, prolongeant le dialogue artistique et la fidélité à la parole féminine initiée avec Satin rouge.
Bab el Shams (La Porte du soleil) : un devoir envers la Nakba et la famille
À propos de Bab el Shams (La Porte du soleil) de Youssry Nasrallah, la voix de Hiam Abbass se fait plus grave. « J’ai de bonnes relations avec Youssry, et j’aime ce qu’il fait. Lorsqu’il m’a proposé La Porte du soleil, j’ai trouvé que ce film est un devoir pour nous, parce qu’il raconte la Nakba. »
Elle explique qu’en acceptant ce rôle, elle a eu le sentiment de rendre hommage à son grand-père maternel, qui a perdu sa terre, sa maison, sa vie telle qu’il la connaissait. Comme le personnage d’Om Younes, il a tout perdu. Il a perdu la raison après cette dépossession, puis il est mort. Jouer ce rôle, c’était, pour elle, assumer une partie de cette histoire et la faire exister sur l’écran.
Elle souligne que Youssry Nasrallah a su la « remplir » – faire remonter en elle des choses profondément enfouies – et les mettre au service d’un film qui est devenu très important pour la cause palestinienne, y compris à ce jour.
Le réalisateur, présent, témoigne à son tour. Il raconte qu’elle n’a pas travaillé seulement comme actrice, mais aussi comme une sorte d’assistante : elle aidait les acteurs, en particulier la Tunisienne Rim Turki, à adopter l’accent palestinien, elle corrigeait les inflexions, conseillait chacun. Il affirme que travailler avec elle, devant comme derrière la caméra, a été une véritable richesse, à la fois artistique et humaine.
Ne pas choisir un rôle par nationalité, mais par responsabilité
Interrogée sur sa manière de choisir ses rôles, Hiam Abbass décrit un double mouvement. D’abord, on vient la chercher : un réalisateur, une réalisatrice, un scénariste lui propose un projet. Ensuite, elle se pose deux questions : est-ce qu’elle peut incarner l’identité de ce personnage ? Est-ce qu’elle peut parler pour lui ?
Elle précise qu’elle n’a jamais accepté un rôle en fonction de l’étiquette nationale : égyptien, tunisien, français, américain… Ce qui l’intéresse, c’est le personnage et l’histoire, ce qu’ils portent. Elle ne veut pas « jouer pour jouer », mais « jouer pour faire parvenir un message », ou plutôt contribuer à poser des questions – qu’on y réponde ou non.
Elle insiste aussi sur la nature des œuvres qu’elle préfère : elle ne penche ni pour la facilité ni pour les récits trop simplifiés. La vie est complexe, dit-elle, et ce sont les rôles difficiles, les personnages composés, qui lui permettent de plonger dans les détails psychologiques et sociaux. Ce sont ces rôles-là qui construisent un nom, une trajectoire, et qui la poussent à se dépasser.
Pour elle, la fonction essentielle de l’artiste est là : sortir de la zone de confort, éclairer ce dont on ne parle pas, mettre en lumière ce qui est passé sous silence.
Travailler avec des réalisatrices arabes et soutenir les femmes
La modératrice lui rappelle qu’elle a travaillé avec de nombreuses réalisatrices arabes, y compris des débutantes. Elle répond simplement : « Je suis une femme, et si je ressens un lien avec un projet de femme, il est important de travailler avec les femmes. La femme arabe traverse une période difficile pour faire un film, et si je peux aider, je suis partante, mais bien sûr le projet doit me plaire et le personnage me convenir. »
Ce soutien n’est pas un slogan : il passe par la présence, l’écoute, la décision de s’engager dans des projets parfois fragiles en termes de financement, mais forts par leur nécessité artistique.
Les jeunes réalisateurs et le refus de faire passer l’argent en premier
Quand la conversation aborde son « devoir » envers la nouvelle génération, Hiam Abbass évoque les frères Tarzan et Arab Nasser. Elle raconte qu’elle a fait leur connaissance via Skype. Ils sont palestiniens, ont le même âge que sa fille. Elle ressent immédiatement une forme d’instinct maternel, mais aussi la conviction qu’ils ont quelque chose à dire, un angle de vue singulier.
Elle sait qu’ils n’ont pas de financements. « Mais je m’en fous », dit-elle. L’aspect financier n’est pas ce qui guide son choix. Ce qui compte, c’est la nécessité du film, la sincérité du regard, la dignité du projet. Elle se souvient qu’elle aussi, au début, était inconnue. Tous les jeunes, répète-t-elle, ont le droit de rêver et de réussir, et il faut les aider pour qu’à leur tour ils aident ceux qui viendront après eux.
Hiam tournera avec eux deux films, Dégradé et Gaza mon amour, qui a été diffusé en première arabe lors de la 42ᵉ édition du CIFF, où il remportera le Prix du meilleur film arabe et une mention spéciale du jury de la compétition internationale.
Elle évoque de la même manière sa collaboration avec Ramy Youssef qu’elle ne connaissait pas lorsqu’il lui propose de tourner un pilote. Il n’avait pas de budget. Elle accepte pourtant, parce qu’elle aime le projet, parce qu’elle sent qu’il porte quelque chose. Et elle sait, dès ce moment-là, qu’elle continuera avec lui.
Plus tard, en conclusion de la session, elle résume cette attitude en une idée simple : si elle aide les jeunes comédiens et cinéastes, c’est parce qu’elle considère que cette génération doit aller de l’avant et retenir en mémoire que tout le monde, un jour, a été aidé afin que le rêve du cinéma devienne possible.
Avant et après le 7 octobre : rester palestinienne, quoi qu’il en coûte
« En tant qu’actrice palestinienne qui travaille à Hollywood, quelle est la différence entre l’avant et l’après 7 octobre ? »
Hiam Abbass remonte la question : « La question est : comment eux se comportent avec moi ? Je n’ai jamais caché d’où je viens, ce que je pense et les rôles que je joue. »
Elle affirme que le 7 octobre n’a rien changé, en apparence, dans sa vie quotidienne d’actrice : « C’est comme 1948, avec un génocide en plus. Ils essayent de détruire notre identité. » Elle rappelle qu’elle est arrivée comme actrice palestinienne et que cela ne plaît pas à tout le monde. Il est évident, dit-elle, que certains refusent de travailler avec elle pour cette raison. Sa conclusion est nette : « En tant que Palestinienne, tant pis pour eux. »
Ce refus de se renier, cette fidélité à son identité, traverse l’ensemble de son parcours, des premiers pas sur les planches de Jérusalem jusqu’aux séries américaines, en passant par les films arabes et les œuvres sur la Palestine.
Face au racisme : le rire comme arme et comme protection
On lui demande enfin : « Comment faites-vous avec les gens qui ont des préjugés racistes ? »
Sa réponse surprend par sa simplicité : « C’est très simple, je le prends avec le rire. Je montre que je ne suis pas touchée par les remarques racistes. Je suis plus forte. »
Elle décrit ensuite ce qui se passe en face : soit la personne persiste dans son racisme, et dans ce cas elle l’ignore, elle passe son chemin, elle ne donne ni temps ni énergie à cette violence. Soit la personne commence à réfléchir, à se remettre en question. Alors, dit-elle, il devient possible de parler, d’échanger, de « avancer ensemble ».
Là encore, on retrouve sa manière de faire : ne pas nier les blessures, mais refuser de se laisser définir par elles, et déplacer la conversation vers un endroit où l’on peut questionner, discuter, partager.
Une figure palestinienne majeure du cinéma, entre force et sensibilité
Dans la lumière de cette journée au Caire, Hiam Abbass ne se présentait pas comme une légende célébrée, mais comme une femme debout. Ce qui frappe chez elle, au-delà du talent et de la longévité, c’est la force tranquille avec laquelle elle tient le cap de sa vie et de ses convictions. Elle parle avec la même fermeté que douceur, avec une lucidité qui ne connaît ni peur ni calcul.
Sa présence impose le respect non par l’autorité, mais par la droiture. Elle n’a jamais cédé à la facilité : ni dans ses rôles, ni dans ses choix, ni dans sa manière d’assumer son identité. Hiam Abbass n’a pas seulement construit une carrière, elle a construit une cohérence : celle d’une femme qui agit avec cœur, avec principes, et qui continue, film après film, à interroger ce que signifie être libre, être juste, être soi.
Car au fond, c’est cela qui la distingue : cette alliance rare entre la rigueur et la tendresse, entre la pudeur et la parole franche. Dans chaque rôle qu’elle incarne, comme dans chaque réponse qu’elle donne, on perçoit une fidélité à elle-même, à ses racines, à une idée de dignité qui ne transige pas.
Hiam Abbass n’est pas seulement une actrice palestinienne qui a conquis le monde : elle est une conscience, une voix, une présence qui rappelle que la liberté n’a de sens que lorsqu’elle s’accompagne de vérité.
Cinq ans après la mort de la star du football en Argentine et dans le monde Diego Armando Maradona, survenue le 25 novembre 2020, les causes de son décès restent officiellement « indéterminées », et l’enquête judiciaire censée les éclaircir continue de stagner.
A l’occasion de cet anniversaire, le compte Instagram officiel de la légende du football argentin a été réactivé, publiant un message émouvant qui a bouleversé ses millions de fans en Argentine et dans le monde.
La publication, accompagnée d’une photo en noir et blanc de l’ancien sélectionneur argentin en costume, reprend un vers d’une chanson célèbre de sa compatriote Mercedes Sosa : « Tant de fois ils m’ont tué, tant de fois je suis mort, pourtant, je suis toujours là, ressuscité ».
Ce clin d’œil poétique a ravivé l’émotion de ses supporters, qui ont multiplié les messages de nostalgie, d’admiration et de douleur à l’approche d’une date que beaucoup qualifient encore d’« insupportable ».
Alors que l’hommage numérique suscitait un vaste élan de réactions, la situation judiciaire autour de sa mort demeure profondément embourbée.
Le procès visant à établir d’éventuelles responsabilités médicales a été annulé cette année après la destitution de la juge Julieta Makintach, sanctionnée pour sa participation au documentaire intitulé « Justice divine », consacré à l’affaire.
Le jury disciplinaire l’a reconnue coupable d’avoir compromis son impartialité en collaborant à un projet audiovisuel lié directement au dossier qu’elle instruisait.
Makintach a été révoquée à l’unanimité, interdite d’exercer toute fonction judiciaire et déchue de son immunité. Elle est désormais poursuivie pour manquement professionnel, abus de pouvoir et détournement de fonds publics.
Cette décision avait été saluée par la famille Maradona. Sa fille Gianinna a estimé qu’elle permettait de « croire à nouveau en la justice argentine », tandis que l’avocat Mario Baudry a affirmé que la procédure pourrait désormais « reprendre sur de nouvelles bases ».
Cependant, cinq ans après le décès du champion du monde 1986, aucune nouvelle audience n’a encore été programmée, et les experts judiciaires n’ont pas avancé dans la détermination des responsabilités médicales éventuelles.
Le procès annulé en mai dernier devrait déterminer si Maradona est décédé pour des raisons de santé liées à ses diverses pathologies ou si les professionnels de santé qui étaient censés prendre soin de lui ont fait preuve de négligence.
Son décès avait provoqué une onde de choc en Argentine et dans le monde, en raison des conditions indignes dans lesquelles l’icône du football argentin avait vécu ses derniers jours.
Le procureur en charge alors du dossier avait notamment reproché à l’équipe médicale l’état d’insalubrité du lieu choisi pour la convalescence de Maradona après son opération d’un hématome sous-dural.
Si les huit accusés, dont des médecins et des infirmiers, sont reconnus coupables, ils encourent des peines de 8 à 25 ans de prison.
Toutefois, la nouvelle équipe de magistrats chargée du dossier n’a pour l’instant ni fixé d’agenda ni formulé de conclusions préliminaires, alimentant la frustration des proches et des supporters qui réclament toujours « vérité et justice ».
En Argentine comme ailleurs, la mémoire de Maradona demeure omniprésente, mêlant dévotion populaire et attente d’un procès qui, malgré les années, peine toujours à débuter.
L’entraîneur de la sélection tunisienne de football, Sami Trabelsi, a affirmé que le staff technique est le plus à même d’évaluer la disponibilité des joueurs et leur capacité à apporter une plus-value à l’équipe.
Trabelsi a estimé, dans une interview accordée mardi à l’agence TAP, avoir convoqué les meilleurs éléments à chaque poste “malgré l’émergence d’autres noms lors de la dernière journée du championnat, et à l’exception du jeune joueur Fadi Tayashi, qui a brillé lors du dernier Mondial U17, mais dont la blessure a empêché la convocation avec la sélection A.”
Le coach national a expliqué que “la concurrence est très forte entre de nombreux joueurs pour intégrer la sélection. Au poste de gardien de but, nous avons convoqué Aymen Dahmen, Béchir Ben Saïd et Noureddine Farhati. Et malgré les excellentes performances de Sabri Ben Hassan avec l’Étoile du Sahel, qui avait déjà été appelé auparavant, il n’est pas logique d’écarter le trio convoqué, puisqu’il s’agit de gardiens de très haut niveau, et il est impossible d’inscrire plus de trois gardiens sur la liste.”
Concernant l’absence de Seifeddine Jaziri, buteur du Zamalek égyptien, Trabelsi a souligné que” Jaziri a souvent apporté un plus chaque fois qu’il a été convoqué, mais en ce moment, Hazem Mastouri et Firas Chawat affichent une grande forme, et il est impossible de se passer de l’un d’eux ou de convoquer trois joueurs pour le même poste”.
S’agissant de la gestion des engagements de certains joueurs avec leurs clubs et de leur arrivée tardive en sélection au Qatar, il a précisé que le Onze national disputera un tournoi sous forme de championnat et non un match unique. “C’est pourquoi nous avons choisi les éléments les plus capables de s’illustrer durant toute la Coupe arabe. Les joueurs de l’Espérance Sportive de Tunis, tout comme Oussama Haddadi et Mohamed Ali Ben Romdhane, rejoindront progressivement la sélection. De même, Mohamed Haj Mahmoud avait exprimé un vif désir de rejoindre l’équipe dès le premier match, mais son club a insisté pour ne le libérer qu’après la rencontre inaugurale.”
À propos de l’attaquant du Paris Saint-Germain Khalil Ayari, le sélectionneur national a indiqué qu’il a été convenu de le laisser avec son club, cette période étant déterminante pour son avenir, entre rester au PSG ou être prêté à une autre équipe. “Il a été jugé préférable, dans l’intérêt du joueur, de ne pas le convoquer pour le moment”, a-t-il plaidé.
La Tunisie participera à la Coupe arabe au Qatar (1er-18 décembre 2025) au sein du groupe A, composé du Qatar, du vainqueur du match Libye–Palestine, ainsi que du vainqueur de Syrie–Soudan du Sud.
En Coupe d’Afrique des Nations, qui aura lieu au Maroc du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026, la Tunisie évoluera dans le groupe C aux côtés du Nigéria, de la Tanzanie et de l’Ouganda.
Le sélectionneur national Sami Trabelsi a affirmé que son maintien à la tête des “Aigles de Carthage” lors de la Coupe du monde 2026 reste conditionnée par la réalisation des objectifs contractuels conclus avec la Fédération Tunisienne de Football (FTF) en Coupe arabe, prévue au Qatar du 1er au 18 décembre 2025, et en Coupe d’Afrique des Nations (CAN), qui se tiendra au Maroc du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026.
« Prendre les rênes de la Sélection tunisienne n’était pas ma propre initiative. La proposition est venue des responsables de la Fédération, et j’ai accepté la responsabilité sans aucune condition”, a déclaré Trabelsi dans une interview accordée mardi à l’agence TAP.
Et le coach national d’ajouter: ” Rester à la tête de la sélection dépendra du travail, de l’effort et des résultats obtenus, ainsi que du progrès important enregistré par la majorité des joueurs par rapport aux années précédentes. Environ 90 % des joueurs phares de la sélection ne sont pas titulaires dans leurs clubs, à l’exception d’Ali Abdi et Yann Valery. Les autres, comme Hannibal Mejbri, Elias Saad ou Ismaël Gharbi, ne jouent pas régulièrement avec leurs équipes. Malgré cela, nous avons constaté une nette amélioration de leur niveau en sélection par rapport à ce qu’il était il y a un an et demi.”
Trabelsi a, par ailleurs, affirmé qu’il accueille la critique favorablement et y réagit positivement, considérant qu’elle “fait partie des règles du jeu”. Il a cependant souligné que “les attaques contre l’intégrité ou l’atteinte à la vie privée restent totalement inacceptables, sur la forme comme sur le fond.”
Il a, en outre, expliqué que “Tout joueur rêve de disputer le maximum de matches en Coupe du monde. Une fois devenu entraîneur, il aspire à vivre la même expérience depuis le banc. C’est ce pour quoi je travaille, et j’espère réussir, comme l’ont fait plusieurs stars du football mondial qui ont participé au Mondial en tant que joueurs avant d’y revenir comme entraîneurs.”
La Tunisie participera à la Coupe arabe dans le groupe A, aux côtés du Qatar, du vainqueur du match Libye–Palestine, ainsi que du vainqueur de Syrie–Soudan du Sud.
En Coupe d’Afrique des Nations, la sélection évoluera dans le groupe C avec le Nigéria, la Tanzanie et l’Ouganda.
Le sélectionneur national, Sami Trabelsi, a annoncé que la liste des joueurs retenus pour la Coupe d’Afrique des Nations 2025 sera publiée le 10 ou 11 décembre. La compétition se tiendra du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026 au Maroc.
Dans un entretien accordé à l’agence TAP, Trabelsi a précisé que les joueurs se rendront au Qatar pour démarrer leur préparation, qu’il supervisera personnellement à Doha.
Un stage au Qatar parallèlement à la Coupe arabe
Le sélectionneur a affirmé qu’il dirigera l’ensemble des séances d’entraînement, y compris celles des joueurs concernés par la Coupe arabe, dont les matches se dérouleront simultanément.
« Nous adapterons les horaires pour maintenir une coordination optimale entre les deux groupes », a-t-il expliqué.
Pas de match amical contre le Sénégal
Sami Trabelsi a catégoriquement démenti l’existence d’un match amical prévu contre le Sénégal le 18 décembre à Doha.
Il a toutefois indiqué que la Fédération est en discussions avancées avec plusieurs sélections pour organiser un ou deux matches amicaux, dont l’identité sera annoncée une fois les accords finalisés.
L’effet Brésil : une référence pour la préparation
Évoquant la préparation mentale, Trabelsi est revenu sur la prestation de la Tunisie lors du match amical face au Brésil, qu’il a qualifié d’« exceptionnelle à tous les niveaux ». Selon lui, ce match a renforcé les attentes du public et prouvé la capacité des joueurs à élever leur niveau face aux grandes nations.
« Pour viser le titre, il faudra retrouver la même concentration et la même détermination », a-t-il insisté.
Groupes et objectifs
En Coupe arabe, la Tunisie évoluera dans le groupe A avec le Qatar, le vainqueur de Libye–Palestine, ainsi que le qualifié du match Syrie–Soudan du Sud.
En CAN 2025, les Aigles de Carthage affronteront le Nigeria, la Tanzanie et l’Ouganda dans le groupe C.
Le sélectionneur de l’équipe nationale de football, Sami Trabelsi, a indiqué, mardi, que la liste des joueurs retenus pour la Coupe d’Afrique des Nations, prévue du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026 au Maroc, sera dévoilée le 10 ou le 11 décembre prochain. Dans une interview accordée à l’agence TAP, Trabelsi a précisé que […]
Lors de la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF), qui s’est tenue du 12 au 21 novembre 2025, le jeune acteur palestinien Adam Bakri a été honoré au cours d’une cérémonie organisée à l’hôtel Sofitel, en présence de nombreux professionnels du cinéma et de la presse. Hussein Fahmy, président du festival, a salué la carrière de l’acteur et son parcours international, rappelant l’importance des liens entre les peuples égyptien et palestinien, et soulignant que « le Palestinien est considéré en Égypte comme une partie intégrante du tissu national ».
Visiblement ému, Adam Bakri a exprimé sa profonde gratitude envers le public égyptien, le festival et son président. Il a dit combien cet hommage venu d’Égypte, pays dont il a grandi en regardant les films, revêtait pour lui une dimension symbolique. Il a ajouté que Hussein Fahmy faisait partie de ces artistes qui avaient accompagné son enfance, et qu’entendre de sa bouche les mots « tu es égyptien » était une reconnaissance immense. Il a affirmé considérer cette distinction comme une étape précoce mais essentielle dans sa carrière, et un encouragement pour la suite.
Une conversation autour de l’art et de la mémoire
Quelques jours plus tôt, une rencontre publique lui avait été consacrée dans le cadre des Cairo Industry Days, animée par le journaliste Sherif Nour Eldin, sous le titre Entre identité et interprétation : conversation avec Adam Bakri. Cette discussion, à la fois intime et lucide, a permis de retracer un parcours marqué par la mémoire, la conscience identitaire et une fidélité profonde à l’art comme forme de résistance.
Des débuts marqués par la filiation et la rigueur
Dans ce parcours, la filmographie d’Adam Bakri occupe une place centrale. Révélé par Omar (2013) de Hany Abu-Assad, il enchaîne avec Ali and Nino (2016), Slam (2018), Official Secrets (2019) aux côtés de Keira Knightley, If You See Something (2024) et All That’s Left of You (2025) de Cherien Dabis. Il apparaît également dans la série arabe Bab Al-Jaheem (La Porte de l’Enfer, 2021), qui marque son retour vers le monde arabe. Ces œuvres, parmi les plus marquantes de sa carrière, s’ajoutent à d’autres films et séries internationales qui ont contribué à installer son visage dans un paysage cinématographique à la fois arabe et global.
Le Caire, entre cinéma et réalité
Invité pour la première fois en Égypte, Adam Bakri a confié au public son émotion à découvrir une ville qu’il connaissait par le cinéma. « C’est ma première fois au Caire, et la ville est exactement comme je l’imaginais. J’ai grandi avec les films égyptiens et, en arrivant ici, je me suis senti comme dans un film. Cela ne fait que deux jours que je suis en Égypte, et j’ai envie de tout visiter : les pyramides, les musées… »
Une naissance marquée par la mémoire palestinienne
L’acteur, dont la carrière s’étend aujourd’hui entre le monde arabe et les États-Unis, a rappelé le lien intime qui l’unit à l’histoire de son peuple. « Je suis né le 15 mai, le jour de la Nakba. Drôle de coïncidence, peut-être, mais je ne crois pas aux coïncidences. Être né ce jour-là me rappelle, dans chacun de mes choix, d’où je viens. Certains diraient que c’est nahss, un porte-malheur, mais pas pour moi. Au contraire : c’est une responsabilité. »
Entre Haïfa et New York : la formation d’un acteur
Né à Haïfa, il a grandi dans une famille d’artistes. Son père, le réalisateur et acteur Mohammad Bakri, est l’une des grandes figures du cinéma palestinien engagé, et ses frères, Saleh et Ziad, sont eux aussi acteurs. « J’ai été élevé avec le cinéma de mon père, ses pièces, ses histoires. Mais quand on naît dans une famille où quelqu’un a déjà accompli de grandes choses, il devient difficile d’atteindre ce même niveau. »
Après Haïfa, Adam Bakri s’installe à New York pour étudier au Lee Strasberg Theatre & Film Institute. « C’était une expérience très riche et très difficile, mais aussi belle. » Seul Arabe — et surtout seul Palestinien — de son école, il travaille sans relâche : « Je devais faire plus d’efforts que les autres pour être accepté. Je ne savais pas ce que voulait dire aller à une fête. Heureusement que la voix de ma mère m’accompagnait toujours, comme une présence constante. » De ces années, il garde une leçon essentielle : « Quand tu es passionné, tu fais abstraction des difficultés. »
Une rigueur héritée du père
Son apprentissage a été marqué par un épisode décisif. « La première fois que je suis monté sur scène, je n’ai pas pu terminer la représentation. Mon père était dans la salle, je ne voyais que lui. J’ai eu une attaque de panique, je suis rentré et j’ai pleuré. » Ce soir-là, Mohammad Bakri s’assoit sur son lit et lui dit simplement : « Si tu veux vraiment jouer, tu montes demain sur scène. Sinon, tu rentres en Palestine. » Une phrase sèche mais fondatrice, qui a défini la rigueur qu’il s’imposera pour la suite.
CIFF 2025 – Adam Bakri et son prix d’honneur
Le choc et la lumière d’Omar
Son premier rôle au cinéma, Omar (2013), réalisé par Hany Abu-Assad, le révèle au monde. Présenté au Festival de Cannes, le film remporte le Prix du Jury dans la section Un Certain Regard avant d’être distingué aux Journées Cinématographiques de Carthage en 2014 (Tanit d’or), et de faire le tour des grands festivals, avant d’être nommé aux Oscars. « J’étais jeune et un peu perdu, raconte-t-il. Ce film m’a beaucoup fatigué, et je ne sais pas encore pourquoi. Mon rêve s’est réalisé trop vite, alors que je n’étais pas prêt. Après Omar, j’ai traversé une période de dépression ; il m’a fallu du temps pour retrouver la lumière. » Certaines scènes, dit-il, « incarnaient la souffrance de mon peuple » et ont transformé sa manière de jouer.
Refuser la suprématie du blanc
Après ce succès, il signe avec une agente hollywoodienne réputée, mais leurs visions divergent. « Elle considérait les projets arabes comme sans importance et voulait que je travaille uniquement sur des productions occidentales, jusqu’à vouloir me rendre moins arabe, y compris physiquement. C’était une forme de suprématie du blanc. » Cette collaboration l’éloigne un temps du monde arabe, jusqu’à ce qu’il retrouve, grâce à son père, un rôle dans un projet régional. « C’est à ce moment-là que j’ai rompu avec cette agente. »
Un retour au monde arabe
Avec la série La Porte de l’Enfer (Bab Al-Jaheem, 2021), tournée au Liban, Adam Bakri renoue pleinement avec le monde arabe. « C’était un projet difficile, avec beaucoup d’action et de drame. » Sur ce tournage, il rencontre l’actrice libanaise Cynthia Samuel, qu’il épousera. Depuis, il partage sa vie entre New York et Dubaï. « Ces deux dernières années, j’ai rencontré beaucoup de gens intéressants et j’ai renoué avec le monde arabe que j’avais quitté. » Ce lien retrouvé l’a conduit à rejoindre un feuilleton égyptien à venir, diffusé pendant le Ramadan prochain : « Je ne peux pas en dire plus, mais c’est un projet important pour moi. »
Le cinéma égyptien comme matrice
Interrogé sur le cinéma égyptien, il s’anime : « J’ai grandi en regardant les films de l’âge d’or, surtout en noir et blanc. À un moment, je ne voyais que du cinéma égyptien, avant tous les autres. » Il cite Ciel d’enfer (Seraa’ Fel Wadi, 1954) de Youssef Chahine et Un homme dans notre maison (Fi Baytena Ragol, 1961) de Henry Barakat, et évoque avec émotion Omar Sharif : « Il a apporté au cinéma égyptien une manière nouvelle de jouer. J’ai grandi en rêvant d’être comme lui, et je suis certain qu’il a joué un rôle dans mon choix de devenir acteur. »
Affirmer son intégrité d’acteur
Parmi ses expériences internationales, il évoque Official Secrets (2019), aux côtés de Keira Knightley. Ce rôle lui vaut une nomination au Women Film Critics Circle Awards dans la catégorie « Best Screen Couple ». « Keira est une grande star, dit-il. Elle faisait partie de mes rêves de jeunesse. Travailler avec une artiste de ce niveau te rend meilleur. » Il confie que cette expérience lui a appris « des leçons précieuses sur le professionnalisme » et l’a aidé à mieux définir les rôles qu’il souhaite incarner.
Interrogé sur la manière d’éviter les stéréotypes imposés aux acteurs arabes, il répond : « Il suffit de refuser les rôles de terroristes. J’en ai refusé beaucoup, et ils ont fini par ne plus m’en proposer. Pour eux, l’Arabe est soit terroriste, soit victime. Mais on ne peut pas bien jouer un rôle qu’on n’aime pas, et je ne veux pas contribuer à donner une mauvaise image des Arabes. » Il ajoute : « Je suis privilégié, je pouvais refuser. Je n’avais pas de contraintes financières. Et le rôle d’Omar m’imposait une responsabilité : je ne pouvais pas devenir terroriste après avoir été militant. »
CIFF 2025 – Adam Bakri et Sherif Nour Eldin
Le cinéma palestinien face aux obstacles
En 2024, il tourne If You See Something, un film qu’il juge essentiel : « C’est l’histoire d’un Irakien qui essaie de vivre normalement aux États-Unis, d’aimer une femme, mais le système ne le lui permet pas, parce qu’il n’est pas blanc. »
Avec All That’s Left of You (2025), réalisé par Cherien Dabis, il signe l’un de ses projets les plus personnels. Le film, choisi pour représenter la Jordanie aux Oscars 2026, raconte l’histoire d’une famille palestinienne sur trois générations, de 1948 à nos jours. « Pour la première fois, je tourne avec mon père et mon frère », dit-il. Adam est également coproducteur du film. « C’est un jalon personnel et artistique. » Le tournage devait se dérouler en Palestine, mais le 7 octobre 2023 bouleverse tout : « J’étais arrivé le 6 pour tourner à Haïfa. Le lendemain, tout a changé. L’équipe étrangère a pris peur et est partie. Nous avons fini le tournage à Chypre et en Grèce. »
Adam Bakri reconnaît que tourner en Palestine devient de plus en plus complexe. « C’est très difficile, pas seulement pour des raisons de sécurité, mais aussi à cause des autorisations. Certains lieux sont inaccessibles, certains visas impossibles à obtenir. Malgré tout, je pense qu’il faut continuer à filmer là-bas. » Pour lui, le cinéma palestinien doit rester un témoignage : « Un bon film, c’est un film réaliste. Certains réalisateurs enjolivent la réalité, d’autres non. Moi, j’admire ceux qui restent fidèles à ce qu’ils voient, comme Michel Khalifeh. »
Le 7 octobre et la conscience du monde
Pour Adam Bakri, cet instant a marqué un tournant. « Le 7 octobre a mis la cause palestinienne sur le plan international. Je descendais dans le métro à New York et je voyais de jeunes Américains blancs porter le keffieh et lire des livres sur la Palestine. Je pense qu’il n’y aura plus de retour en arrière. » Il ajoute : « Il faut que nous puissions nous libérer de la colonisation qu’ils ont construite en nous pendant de longues années. »
Un artiste multiple
Son engagement se traduit aussi par la continuité de son œuvre. Omar sera prochainement projeté à New York lors d’un événement pour Gaza. « Le monde est aujourd’hui prêt à nous écouter. Les gens verront ce film sous un angle différent. »
Au-delà du cinéma, Adam Bakri cultive d’autres formes d’expression. « J’espère pouvoir un jour faire une exposition, j’adore peindre », confie-t-il. Il publie ses œuvres sur un compte intitulé Hay, du nom d’un personnage apparu dans un rêve. « Cinq ans plus tard, alors que je traversais une période difficile, je me suis souvenu de lui. Hay est devenu une figure que je continue de développer. »
Il écrit, lit beaucoup, y compris de la poésie, et accorde une grande importance à la culture : « Une personne doit lire. Si tu ne lis pas, tu meurs. Il faut connaître les expériences des autres, cela t’enrichit. » Longtemps passionné par les essais, il s’est tourné vers le roman après avoir découvert l’écrivain Maruani : « Il m’a ouvert à l’importance du monde intérieur et de l’imagination. Cela m’aide énormément comme artiste. »
Même les échecs, qu’il pratique en amateur, participent à cette quête intérieure : « Mon père et mes frères sont très bons, moi je débute. Mais ce jeu apprend la patience et une autre façon de penser. »
Quand Sherif Nour Eldin lui demande ce que signifie pour lui la notion de “chez soi”, il répond sans hésiter : « Mon chez-moi, ce sont des personnes, pas un lieu. C’est là où sont mes proches, mes amis, les gens que j’aime. »
Rêver, encore
Poète autant qu’acteur, Adam Bakri revendique sa part de rêveur. « Aujourd’hui, mes rêves sont plus clairs. Chaque décision que je prends, je la pèse davantage. » Sur ses aspirations : « Elles sont nombreuses. Sur le plan général, je souhaite que Gaza se relève, que les Arabes aillent mieux. Sur le plan personnel, j’aimerais continuer à accomplir des choses qui comptent. »
Il conclut avec sérénité : « La vie sans rêve est plus difficile. Avoir des objectifs clairs permet de faire des choix conscients. »
En écoutant Adam Bakri, on comprend que le cinéma n’est pas seulement un art, mais une forme de résistance tranquille, un langage pour exister autrement. Derrière chaque rôle, il cherche moins à représenter un peuple qu’à redonner un visage à l’humain. Et peut-être est-ce là la véritable puissance du cinéma arabe aujourd’hui : celle d’inviter le monde à regarder, enfin, sans détour.
Une rencontre consultative s’est tenue, lundi matin, au siège de la Fédération Tunisienne de Football (FTF), entre la Direction Nationale de l’Arbitrage (DNA) et les présidents des clubs de la Ligue professionnelle 1.
La réunion a été présidée par le ministre de la Jeunesse et des Sports Sadok Mourali, le président de la FTF Moez Nasri, en présence du superviseur général et du coordinateur général de la DNA.
Elle a été consacrée à la discussion des mécanismes de développement des relations entre les arbitres et les clubs, indique la FTF sur sa page officielle.
Elle a également été l’occasion de présenter une évaluation globale de la phase aller du championnat de la Ligue professionnelle 1, dans le cadre du soutien à la transparence et du renforcement des principes de compétition loyale,
Sadok Mourali a réaffirmé dans son allocution l’engagement du ministère à fournir les meilleures conditions pour assurer le succès de la saison sportive.
De son côté, Moez Nasri a présenté la vision de la Fédération concernant le développement du système d’arbitrage et le renforcement de la coopération entre les différents acteurs du football.
Le superviseur général et le coordinateur général de la DNA ont pour leur part exposé les mécanismes de fonctionnement de la Direction et les indicateurs d’évaluation de la performance des arbitres durant la phase aller.
Les présidents et les représentants des clubs de la Ligue 1 ont également pris la parole pour exprimer leurs remarques, questions et propositions.
La FTF souligne que cette rencontre s’inscrit dans le cadre d’un travail continu visant à améliorer la performance générale du système footballistique et à développer l’arbitrage, considéré comme un pilier essentiel pour garantir le déroulement des compétitions dans un climat sportif sain et transparent.
La Banque de Tunisie a dévoilé, samedi 22 novembre 2025, les lauréats du Prix Abou El Kacem Chebbilors d’une cérémonie organisée au palais de Ksar Saïd. L’événement a réuni un public nombreux et varié, composé d’écrivains, de chercheurs et de professionnels du secteur culturel. L’édition 2025 a enregistré une participation élevée, avec des auteurs venus de plusieurs pays arabes.
Les distinctions attribuées
Le prix d’excellence, doté de 25 000 dinars, a été attribué à la romancière égyptienne Kamilia Abdelfattah. Le jury a salué la qualité de son roman Qu’il te balance. Le prix d’honneur, d’un montant de 10 000 dinars, est revenu au sociologue tunisien Tahar Labib, qui a annoncé son intention d’en partager symboliquement la valeur avec des enfants de Gaza.
Un cadre patrimonial et un jury expérimenté
La cérémonie s’est tenue dans le palais de Ksar Saïd, lieu associé au patrimoine tunisien. Elle a réuni universitaires et acteurs culturels, avec la présence de l’intellectuel qatari Khaled Al-Jabeur en tant qu’invité d’honneur. Moncef Louhaibi a présidé un jury chargé de superviser un processus de sélection rigoureux.
Une sélection large et un choix final resserré
L’édition 2025 a recensé 43 romans provenant de Tunisie, d’Égypte, d’Algérie, d’Irak, d’Oman, de Palestine, de Syrie et d’autres pays. Après une première liste élargie, quatre titres ont été retenus en shortlist : La Névrose de Staline d’Abdelouahab Aïssaoui, Qu’il te balance de Kamilia Abdelfattah, La Trace de l’ours de Honar Karim et Invisible de Shereen Fathy.
Culture, héritage et responsabilité institutionnelle
Dans son discours, Hichem Rebai, directeur général de la Banque de Tunisie, a rappelé l’histoire de l’institution et l’ancienneté du prix créé en 1984. Il a mis en avant son rôle pionnier, premier prix littéraire attribué par une institution financière dans le monde arabe. Il a souligné l’importance du soutien à la culture « dans une époque dominée par la performance chiffrée », et évoqué la vision universaliste d’Abou El Kacem Chebbi. Il a insisté sur le rôle du patrimoine littéraire dans la préservation de la mémoire, de l’identité et de la créativité à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle.
Le roman primé
Qu’il te balance s’est imposé par une structure narrative maîtrisée et une analyse fine des émotions humaines. Le jury a relevé la profondeur psychologique du personnage principal, Leïla, prise entre deux parents en conflit. Le texte mêle sensorialité, poésie, fragments réflexifs et scènes du quotidien. L’image du petit lapin sculpté, symbole de l’amour manquant, a retenu l’attention.
Un prix d’honneur pour une carrière structurante
Le prix décerné à Tahar Labib distingue l’ensemble de son œuvre en sociologie. Ses travaux, dont Sociologie de la poésie arabe, ont influencé les sciences humaines dans la région. Son action dans plusieurs institutions culturelles et scientifiques a également pesé dans la décision.
Un rendez-vous qui confirme le rôle de la Tunisie
L’édition 2025 renforce la place de la Tunisie dans le paysage littéraire arabe. La diversité des œuvres en compétition et la portée du prix confortent la Banque de Tunisie dans son rôle de mécène culturel.
Nous y reviendrons…
EN BREF
Le Prix Abou El Kacem Chebbi 2025 a été remis au palais de Ksar Saïd.
Kamilia Abdelfattah remporte le prix d’excellence pour Qu’il te balance.
Tahar Labib reçoit le prix d’honneur et partage symboliquement son montant avec des enfants de Gaza.
L’édition 2025 compte 43 romans issus de plusieurs pays arabes.
Dans le cadre de la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF), qui s’est déroulée du 12 au 21 novembre 2025, une rencontre exceptionnelle a réuni le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan, président du jury de la compétition internationale, autour d’un panel intitulé « Réflexions cinématographiques : un voyage dans les mondes de Nuri Bilge Ceylan ».
Modérée par le critique Ahmed Shawky, président de la Fédération internationale de la presse cinématographique (FIPRESCI), la rencontre a déroulé lentement le fil d’un parcours singulier, où photographie, littérature, philosophie et expérience intime de la vie se mêlaient pour façonner une œuvre parmi les plus marquantes du cinéma contemporain.
Les membres du jury étaient présents, comme pour rappeler que cette conversation n’était pas seulement un moment de prestige, mais un véritable partage de regard, au cœur même du festival.
Un parcours hors du commun
Né à Istanbul en 1959, Nuri Bilge Ceylan s’est d’abord consacré à la photographie avant de devenir cinéaste. Il a étudié l’ingénierie électrique à l’université du Bosphore, puis le cinéma à l’université Mimar Sinan, à Istanbul. Son premier court métrage, Koza (1995), sélectionné à Cannes, a inauguré une longue relation avec ce festival. Cet événement marquait le début d’une filmographie singulière où la nature, le silence et la contemplation occupent une place centrale.
Avec La Petite Ville (Kasaba, 1997), Nuages de mai (Mayıs Sıkıntısı, 1999), Uzak (2002, Grand Prix du Jury et Prix d’interprétation masculine à Cannes), Les Climats (İklimler, 2006), Les Trois Singes (Üç Maymun, 2008, Prix de la mise en scène à Cannes), Il était une fois en Anatolie (Bir Zamanlar Anadolu’da, 2011, Grand Prix à Cannes), Winter Sleep (Kış Uykusu, Palme d’or 2014), Le Poirier sauvage (Ahlat Ağacı, 2018) et Les Herbes sèches (Kuru Otlar Üstüne, 2023, Prix d’interprétation féminine), Ceylan a bâti une œuvre profondément marquée par une quête existentielle, un sens aigu du cadre et une attention extrême aux paysages humains et naturels.
Photographie et philosophie d’un regard
Son cinéma se distingue par la lenteur maîtrisée de son rythme, l’économie de la parole, l’importance des visages et du silence, et un lien constant avec la littérature. Deux éléments, d’ailleurs, reviennent avec insistance dans sa filmographie : la photographie et la littérature, que le cinéaste aborde comme deux versants d’une même quête du sens.
Nuri Bilge Ceylan revient d’abord sur ses origines d’artiste, en faisant remonter son rapport aux images à l’adolescence. À quinze ans, dit-il, il était « très introverti et solitaire », et la photographie était alors, pour lui, « une passion pour les solitaires ». Cette pratique, loin d’être un simple hobby, devient un refuge et un mode d’observation du monde. Plus tard, vers vingt-cinq ans, il commence à fréquenter assidûment les salles de cinéma et comprend qu’il pourrait, lui aussi, faire du cinéma. Il achète une caméra, tourne seul, monte seul, filme la campagne où il vit, la nature, les visages qui l’entourent. Peu à peu, il s’entoure de quelques collaborateurs, puis d’une petite équipe de tournage, sans jamais renoncer à cette proximité très physique avec l’image. Même aujourd’hui, rappelle-t-il, ses plateaux restent réduits : six ou sept personnes, pas davantage.
Sa réflexion, telle qu’il la formule au Caire, rejoint ce qu’il affirme par ailleurs : tout ce qu’il fait en photographie ou en cinéma procède d’« une seule et même vision philosophique ». Il précise que chaque image qu’il capture porte, pour lui, « le même noyau » que celles de ses films. L’art, dit-il, « ne se divise pas » : il est prolongement spirituel et intellectuel d’une même quête, une « recherche permanente de sens ». Ses séries de photographies, exposées dans des musées ou galeries, partagent avec son cinéma un même souffle contemplatif, un soin extrême apporté à la composition, une langue visuelle calme et retenue qui s’attache aux détails minuscules, à ces fragments de réalité qui finissent par constituer le cœur de son expérience artistique.
Le cinéma comme exploration de l’âme
Ceylan refuse de considérer le cinéma comme de simples « images en mouvement ». Il y voit une occasion de consigner les instants les plus précis de l’existence, de braquer la lumière sur l’expérience humaine avec une profondeur philosophique et une sensibilité aiguë. Son style réaliste, patient, et ses images empreintes de poésie visuelle sont autant de moyens d’explorer l’âme humaine et sa relation au monde. Ce qui frappe, dans ses propos, c’est cette manière de revenir constamment à l’humain, jamais à la démonstration : il ne revendique ni une théorie, ni une école, mais un regard, nourri par la solitude, la lecture, la photographie et l’observation.
Les débuts : filmer l’intime pour atteindre l’universel
Au fil de la rencontre, Nuri Bilge Ceylan esquisse deux grandes phases de son œuvre. Il se souvient de ses débuts, films très intimes tournés avec sa famille, des proches, des acteurs non professionnels, dans des environnements qui lui sont familiers. Il estime que cette étape est presque incontournable : il fallait d’abord se confronter à soi-même, apprendre à se connaître, avant de pouvoir aborder des récits plus complexes. Les films suivants s’ouvrent à d’autres horizons, les récits s’étoffent, se densifient, gagnent en complexité philosophique. Pourtant, insiste-t-il, il ne s’intéresse pas aux histoires en tant que telles : « Les histoires ne m’intéressent pas, je préfère les questions. » Ses films sont moins des récits que des terrains de recherche, des lieux où l’on fait l’épreuve du doute, où l’on confronte des personnages à des interrogations auxquelles lui-même ne sait pas toujours répondre.
Créer dans le doute et la lenteur
Son rapport au temps de la création est à l’avenant. Une fois un film terminé, il lui faut souvent une année pour s’en remettre, et il ne pense pas immédiatement au suivant. Aucun « tiroir » rempli de projets en attente : quand un film se termine, le suivant n’existe pas encore. Puis, un jour, l’élan revient, sans qu’il puisse dire pourquoi ni comment, et il se remet à écrire. Il l’avoue, non sans ironie : il n’est pas naturellement très motivé, il se « pousse » lui-même à faire un nouveau film. Tous les jours, dit-il encore, l’idée d’arrêter le traverse ; mais il ne voit pas ce qu’il ferait d’autre de sa vie. Ce mouvement de va-et-vient entre lassitude, doute et nécessité d’avancer irrigue l’ensemble de son discours.
Cette dynamique se double d’un travail d’écriture à deux voix, notamment avec son épouse, qui participe au scénario. Les idées circulent, les discussions s’enchaînent, et les désaccords sont fréquents, en particulier autour des dialogues. Il ne s’en plaint pas : ces disputes, au contraire, font avancer le film. L’écriture, pour lui, n’est pas un geste solitaire figé mais une confrontation, une mise à l’épreuve.
Il explique aussi qu’il aime écrire des histoires à première vue simples, qui lui permettent de pousser dans le détail les questions qu’il se pose lui-même lorsqu’il est seul. Ces questionnements, confie-t-il, ressemblent parfois à une forme de thérapie : il interroge, cherche des réponses, plonge si profondément dans certaines réflexions qu’il se retrouve parfois incapable de les exprimer entièrement.
L’acteur, partenaire du doute
Le cinéaste raconte également le chemin qu’il a parcouru avec les acteurs. Il dit avoir un rapport très particulier au casting : aucun préjugé au départ, seulement une idée du personnage. Il filme différents acteurs, professionnels ou pas, monte les images, observe la chimie qui se crée entre eux, recompose les groupes pour voir ce qui fonctionne le mieux. Le doute ne le quitte pas : au début d’un tournage, il a toujours peur de ne pas avoir choisi les bons interprètes. Il tient à ne pas surcharger ses comédiens de répétitions : une seule lecture du scénario lui suffit, il ne souhaite pas multiplier les essais, de peur de finir par détester son propre film. Ce qu’il demande, en revanche, est très clair : une mémorisation rigoureuse des dialogues, car sa confiance dans les acteurs repose sur cette précision. Toutefois, au fil des années, ses dialogues se sont affinés, densifiés, ce qui rend plus difficile le recours à des non-professionnels ; d’où, de plus en plus souvent, le choix de comédiens expérimentés.
Il évoque aussi cette expérience singulière où il a lui-même joué dans l’un de ses films. Il le dit sans détour : il a détesté être acteur. Sa timidité en faisait une épreuve. Mais cette tentative lui a permis de mieux comprendre ce que ressent un interprète devant la caméra, et donc de mieux les diriger par la suite. Là encore, l’expérience personnelle se transforme en outil de mise en scène, en savoir pratique.
Le climat, la nature et le silence
L’un des axes majeurs de son travail tient à sa relation au climat, aux saisons, à la nature. La météo, pour lui, n’est pas une donnée secondaire : elle influence sa manière de filmer, et il la considère comme un élément dramatique à part entière. Le choix d’un hiver neigeux, d’un été écrasant, d’un automne pluvieux n’est pas décoratif : il reflète la réalité, les conditions concrètes de la vie, et devient un élément puissant de la narration. Ce rapport au climat traverse toute sa filmographie, jusqu’à donner son titre à l’un de ses films les plus emblématiques. Les paysages d’Anatolie, les routes désertes, les villages isolés deviennent ainsi des personnages silencieux, mais omniprésents.
L’humiliation, une blessure intime et universelle
Un autre motif traverse ses films avec insistance : l’humiliation. Nuri Bilge Ceylan ne cherche pas à en faire mystère. Il explique qu’il déteste être humilié, qu’il en a peur, que cela touche probablement à une blessure intime. Lorsqu’un personnage est humilié, dit-il, il révèle des aspects cachés de lui-même, il réagit, se transforme ; l’humiliation devient une épreuve qui permet de le cerner mieux. Il cite Dostoïevski, qui a lui aussi beaucoup travaillé ce thème. Et il établit un lien entre cette obsession et le monde contemporain : aujourd’hui, l’humiliation passe aussi par les réseaux sociaux, elle peut prendre mille formes, s’étaler en public, changer la trajectoire d’une vie. Enfant, il a grandi dans une toute petite ville, sans accès à ce qui se passait ailleurs. Le monde était réduit à cet espace. L’ère numérique a tout bouleversé. Le monde, désormais, ressemble à un « petit village » où chacun observe, commente et juge l’autre. Ses films, en mettant en scène ces humiliations visibles ou souterraines, prolongent cette réflexion.
Littérature et transmission
La littérature occupe une place centrale dans cet univers. Ceylan évoque avec reconnaissance l’empreinte de Tchekhov, dont des détails parsèment, selon lui, tous ses films. Il lui arrive de le citer explicitement, tout comme Dostoïevski, dont Crime et châtiment, lu à dix-neuf ans, l’a profondément marqué. En le relisant plus tard, il a eu le sentiment qu’on ne changeait pas tant que cela avec l’âge : certaines questions, certains chocs restent intacts. Il raconte aussi la découverte récente de l’écrivain égyptien Tawfiq El-Hakim, et notamment de Journal d’un substitut de campagne, qu’il a aimé au point de vouloir l’adapter au cinéma. Il a découvert ensuite que le texte avait déjà fait l’objet d’un film en Égypte, et se dit aujourd’hui curieux de voir cette adaptation. Ce détour par la littérature arabe témoigne de sa disponibilité à d’autres imaginaires et d’un dialogue constant entre cultures.
Une philosophie de vie et de création
La conversation glisse également vers une dimension plus intime et philosophique. Nuri Bilge Ceylan confie qu’au fil du temps, il a appris une chose : il ne se considère pas lui-même comme une personne importante, il ne se donne pas de valeur particulière. Ce qui l’importe, c’est l’humanité dans son ensemble, même s’il avoue ne pas savoir précisément ce que cela signifie. Il parle d’un instinct de protection que nous posséderions tous, et avec lequel il aime jouer : le casser, mettre à l’épreuve la fierté de ses personnages, les forcer à voir là où ils se croyaient solides. Pour cela, paradoxalement, il lui faut lui-même une certaine fierté, ne serait-ce que pour la confronter. Il dit voir la vie d’une manière légèrement décalée : même dans des situations difficiles, il lui arrive de se surprendre à sourire ou à accepter ce qui survient. Il insiste : il a sa propre sensibilité, mais il ne se sent pas toujours comme « les autres ». De manière générale, il perçoit la vie comme dépourvue de grand sens, et cette vision l’amène à ne pas prendre les choses trop au sérieux. Cela ne fait pas de lui un homme léger, dit-il ; simplement quelqu’un qui observe autrement les détails de la vie, qui parfois est totalement lui-même, parfois non.
La durée, le montage et la liberté du travail
Sur la durée de ses films, il fait preuve d’un mélange de lucidité et d’humour. Nuri Bilge Ceylan a reconnu ne pas savoir pourquoi ils deviennent de plus en plus longs. Il a dit en souriant qu’il savait que cela dérangeait tout le monde – les distributeurs, les producteurs, les festivals, le public – mais qu’il n’y pouvait rien. Il a ajouté que la psychologie humaine était trop complexe pour être résumée, et que, lorsqu’il écrit, il ne pense pas à la longueur et ne cherche jamais à faire long. Il a même proposé à son producteur français, a-t-il raconté, de le payer moins si le prochain film dépassait encore la durée prévue, afin d’être tranquille et de pouvoir travailler librement.
Par ailleurs, lors du montage, il s’aperçoit parfois qu’une scène n’est pas bonne et préfère alors en tourner d’autres pour pouvoir choisir ensuite. Il aime disposer de plusieurs alternatives et multiplier les options. Grâce au numérique, il filme beaucoup, parfois jusqu’à deux cents heures. Ses budgets sont donc importants, non pas parce qu’il engage des acteurs coûteux, mais parce qu’il tourne énormément, multiplie les angles, explore différentes émotions et prend le temps nécessaire pour trouver ce qu’il cherche.
La musique, le comique et l’universalité
Son rapport à la musique témoigne de la même logique. Il ne choisit jamais la musique avant la fin du montage. Ce n’est qu’une fois les images assemblées, une fois les silences et les respirations trouvés, qu’il décide de ce qui doit venir s’y ajouter, ou non. La musique n’est pas là pour dicter l’émotion, mais pour épouser un mouvement déjà présent dans l’image. De la même façon, il tient à introduire une part de comique dans ses films, bien qu’ils ne soient jamais des comédies. « La vie est amusante », affirme-t-il. Il dit n’avoir aucun goût pour la sentimentalité ; il cherche au contraire un réalisme qui, parfois, fait rire le public là où lui ne cherchait qu’à être exact.
Enfin, il insiste sur le fait que ses films ne sont pas « turcs » au sens étroit. Il dit parler de l’humain, pas du Turc, convaincu que les gens sont les mêmes partout. Cette universalité, il ne la revendique pas comme une ambition abstraite, mais comme une conséquence logique de sa démarche : filmer les sentiments, les failles, les contradictions qui dépassent les frontières, sans se soucier de les habiller d’une identité nationale.
CIFF 2025 – Nuri Bilge Ceylan et es membres du jury, venus l’écouter.
Un regard lent sur un monde pressé
Cette rencontre, organisée dans le cadre des journées de l’industrie du festival, s’inscrit dans la volonté du Festival international du film du Caire de nourrir un dialogue culturel et artistique entre les créateurs et le public, et de mettre en lumière des figures qui ont contribué à renouveler le langage de l’image et à élargir les horizons du récit visuel. La salle était pleine, les regards accrochés aux mots de Ceylan. Il est toutefois regrettable que les interventions du modérateur aient parfois pris un tour excessivement technique, laissant peu de place aux anecdotes, aux souvenirs, à ces petites histoires qui, racontées par un cinéaste de cette trempe, auraient rendu la rencontre plus chaleureuse encore, plus incarnée.
Reste une impression forte : celle d’un artiste qui ne sépare jamais la pensée de la forme, ni la vie de l’art, et qui poursuit, film après film, une même question, inlassable. Alors qu’il présidait le jury de la compétition internationale, on ne peut s’empêcher de se demander comment ce regard, forgé dans la lenteur, la nuance et le doute, influe sur les films qu’il juge et sur ceux qu’il fera demain. Dans un paysage où tout semble aller toujours plus vite, la présence de Nuri Bilge Ceylan au Caire rappelle qu’il existe encore un cinéma qui prend le temps de regarder, d’écouter et de penser.