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Edito: Réconciliation

Libres, enfin libres, fût-ce au prix d’une caution bancaire au montant astronomique à donner le vertige. Abdelaziz Makhloufi et Ahmed Abdelkefi, deux icônes du monde entrepreneurial, étaient maintenus jusque-là en détention préventive, en attente de jugement. Ils ont été libérés, au grand soulagement de tous, familles, parents, amis proches ou lointains, société civile, acteurs économiques et sociaux. Ils retrouvent, le temps du dénouement judiciaire, leur liberté d’action, de mouvement et sans doute aussi leur goût d’entreprendre et leur capacité de créer de la richesse, des emplois et des revenus. Manière élégante de prouver, si besoin est, que leur ascension, leur parcours professionnel, leur réussite, leur notoriété conquise par la force des idées et des bras, ne doivent rien au hasard. Une vie d’éclaireur menée au pas de charge, et une conduite exemplaire en dépit de la complexité et de la vacuité des procédures réglementaires. C’est le lot commun des chefs d’entreprise, qui avancent à vive allure dans un désert législatif. S’ils s’étaient résignés à évoluer à la cadence de l’Administration, en permanence en retard d’une bataille économique, ils n’auraient rien entrepris de ce qui fait aujourd’hui la grandeur du pays et le respect qu’il inspire ici et ailleurs.

 

L’inculpation d’Abdelaziz Makhloufi et Ahmed Abdelkefi avait mis en émoi le pays et provoqué une onde de choc systémique, dont on n’a pas fini de mesurer les dégâts. Chacun à sa manière avait su et pu bâtir une constellation d’entreprises de haut niveau et fortement intégrées, à force de vision, d’anticipation, d’abnégation, de labeur et d’obstination. On doit au premier des avancées dans l’agrobusiness, faisant de la Tunisie un acteur majeur de la filière huile d’olive. L’ on s’est mis à parler de « l’or vert » qui n’est pas exclusivement une manne du ciel. Le second a révolutionné l’industrie financière en initiant de nouveaux mécanismes de financement qui ont libéré un immense potentiel d’investissement et fait grimper de plusieurs points la croissance potentielle.

Ultime fait de guerre économique à leur crédit, ils ont réussi à briser un tabou et envoyé un message d’une rare clarté : si d’autres l’ont fait, c’est que nous pouvons le faire. Ils se sont fait connaitre et se sont imposés dans des marchés lointains qu’on disait imprenables, infranchissables, en arborant les signaux du génie national. Avec eux, le monde est devenu notre nouvelle frontière. Pour autant, ils ne sont pas les seuls à avoir secoué, actionné et accéléré la roue de l’économie nationale, tant s’en faut.

 

On ne compte plus le nombre de nos chefs d’entreprises – grandes et petites – au patriotisme économique chevillé au corps. Qui sont pleinement engagés sur le front du redressement de l’économie, souvent sans grands appuis financiers ni soutien public. On ne peut pas passer sous silence non plus ceux de nos chefs d’entreprise, dont certains aux états de service impressionnants, qui croupissent derrière les barreaux en étant simplement mis en examen, en attendant le verdict final. On aimerait les voir, dans l’intérêt du pays, dans leur rôle, aux avant-postes de la compétition économique aux allures guerrières. La justice doit passer dans le respect de l’Etat de droit. La sanction, si elle s’impose et se justifie, doit être calibrée. Avec l’ultime souci d’aménager des voies de sortie équitable et de ne pas insulter l’avenir. La détention, à moins d’actes ou de pratiques mafieux et criminels, n’est pas ce qu’il y a de mieux pour régler des contentieux de nature économique, financière, fiscale ou de change qui ne mettent pas en péril la stabilité et la sécurité du pays. C’est peu de dire qu’il faut préserver à tout prix l’outil de production et ne rien faire qui puisse affaiblir notre capacité d’innovation et de production.

 

Soyons clairs : le mode de gouvernance de nos entreprises est si centralisé, si concentré au sommet de la hiérarchie que la moindre éclipse du top management expose l’entreprise ou le groupe à tous les dangers.

 

Moins de chefs d’entreprise en prison, c’est plus de croissance, de ressources financières pour l’Etat et l’assurance de meilleures perspectives de rentrées fiscales, sans compromettre la pérennité de l’appareil productif. Soyons clairs : le mode de gouvernance de nos entreprises est si centralisé, si concentré au sommet de la hiérarchie que la moindre éclipse du top management expose l’entreprise ou le groupe à tous les dangers. Le processus de décision ne sera plus ce qu’il devrait être, au risque d’accélérer l’effondrement de la société. Ses partenaires d’hier : banques, fournisseurs et clients deviennent plus exigeants, moins consentants et peu compréhensifs, qu’ils achèvent de précipiter la chute sinon l’arrêt de la production.

Cet univers professionnel vous déploie le parapluie par beau temps et le retire dès que le ciel s’assombrit de nuages orageux. C’est ainsi. Il y a des actes que la morale et la loi réprouvent et condamnent. La justice doit dire le droit, en évitant la double peine, qui consiste à sanctionner le « coupable » tout en portant atteinte à notre dynamique de croissance. Certaines sorties de piste par des patrons en émergence rapide, grisés par la richesse, le pouvoir et peu regardants sur la réglementation, méritent une thérapie – pas forcément douce – autre que la prison. Le pays a besoin d’une bouffée d’espoir, de réconciliation effective et d’apaisement total.

 

L’honneur de l’Etat et sa crédibilité en dépendent. Pour autant, il doit faire la part des choses en séparant le bon grain de l’ivraie. Il doit se garder de jeter le bébé avec l’eau du bain. Le temps de la justice est long, celui de l’économie est très court.

 

L ’Etat a l’obligation de moraliser la vie économique. Il est dans son rôle d’engager sur une vaste échelle une opération « mains propres » pour éradiquer corruption, violation de la loi, fraude fiscale et douanière, au besoin en exerçant une violence institutionnelle, du reste tout à fait légitime. Qui n’y souscrit? L’honneur de l’Etat et sa crédibilité en dépendent. Pour autant, il doit faire la part des choses en séparant le bon grain de l’ivraie. Il doit se garder de jeter le bébé avec l’eau du bain. Le temps de la justice est long, celui de l’économie est très court. Le train des innovations technologiques n’attend pas. Malheur aux vaincus. Besoin de compromis équitable ? Sans doute, pour éviter l’impasse.

Il faut un immense choc de confiance, de réconciliation, d’apaisement pour briser le cercle vicieux de la récession ou, au mieux, d’une croissance atone.

 

 Le pays cumule un énorme retard de croissance. Les signes de désertification industrielle et de décrochage économique se lisent dans les statistiques de nos échanges extérieurs. L’urgence est dans notre réarmement industriel, avant qu’il ne soit trop peu et trop tard. L’implication et l’engagement de tous les acteurs économiques et sociaux, y compris ceux des âmes repentantes du monde patronal, ne seraient pas de trop pour remonter la pente et amorcer le redressement de l’économie.

Il faut un immense choc de confiance, de réconciliation, d’apaisement pour briser le cercle vicieux de la récession ou, au mieux, d’une croissance atone. Et retrouver les chemins d’un développement durable et maîtrisé qui restitue au pays son rang, la place qui doit être la sienne et l’image à laquelle il aspire. On transforme l’essai d’autant plus vite quand le pays se réconcilie avec lui-même, avec ses problèmes et ses péchés. Principal cri de ralliement : la réconciliation sans faille et sans détour. Pour oser espérer que notre futur ait un avenir.

Cet édito est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n° 932 du 19 novembre au 3 décembre 2025 

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Edito : Finances

Vue d’en haut, du ciel, la galaxie financière tunisienne a fière allure. Vue d’en bas, au plus près dans ses rapports avec le reste de l’économie, sa situation est moins idyllique. Le paysage paraît fort contrasté. Et pour cause ! Les banques, les compagnies d’assurance, les sociétés de leasing, le capital risque et le marché boursier affichent des résultats qui font grincer des dents les entreprises et les particuliers qu’ils sont censés financer, accompagner et concourir à leur prospérité. Les bénéfices engrangés par les institutions financières font pâlir d’envie et ajoutent aux frustrations des PME – et pas qu’elles seules -, qui luttent pour leur survie quand elles ne sont pas à deux doigts du dépôt de bilan. Les particuliers, faute de mieux, s’y résignent. Les PME crient au scandale au motif que l’accès au crédit est semé d’embûches, et quand elles y parviennent, le prix à payer est exorbitant. Les groupes bien établis, aux assises financières plus solides, ou du moins perçus comme tels, ont tendance à réduire à leur tour la voilure. Les banques publiques s’en méfient et les banques privées poussent jusqu’à l’excès le principe de précaution, mettant ainsi peu d’empressement à ouvrir les vannes du crédit. Ainsi va le pays.

Les banques, fer de lance de l’économie, s’en défendent et réfutent toute discrimination ou un quelconque resserrement de crédit. Elles font valoir leur bilan et leur concours à l’économie en progression continue, sachant qu’elles sont, elles-mêmes, soumises, sous la supervision de l’Institut d’émission, à des règles prudentielles strictes et contraignantes. Faisceau de malentendus ou  apports conflictuels banques-entreprises ? La question ne sera pas tranchée de sitôt. Les compagnies d’assurance, qui gagnent en puissance, ne sont pas en reste. Elles se disent engagées dans une vaste campagne de proximité et de conquête de sympathie de clients, grands et petits ; elles seraient à des années-lumière de toute forme de différenciation… Sans leur implication pleine et entière et leur capacité de prendre en charge les risques en tout genre, l’économie perdrait son principal levier d’investissement et de croissance. Et l’Etat l’un de ses principaux bailleurs de fonds.

Les sociétés de leasing ont de beaux restes. Elles sont, d’une certaine manière, confinées dans le rôle de variables d’ajustement financier. Elles seraient à ce titre au-dessus de tout soupçon. Elles font valoir leur singularité par rapport au secteur bancaire dont elles sont souvent issues. Comme quoi, les banques de la place font tout et les sociétés de leasing font le reste. La Bourse, en attendant l’arrivée de gros poissons, retrouve des couleurs et affiche des résultats qui ne laissent pas de marbre les grands comme les petits porteurs. Et pour compléter le tableau, le microcrédit, qui fait feu de tout bois, a dépassé le stade de voiture-balai. Hier, il ciblait les auto-entrepreneurs, les TPE; aujourd’hui, il est rejoint par la cohorte des PME, des exclus et des déçus du système bancaire.

Les sociétés de leasing ont de beaux restes. Elles sont, d’une certaine manière, confinées dans le rôle de variables d’ajustement financier. Elles seraient à ce titre au-dessus de tout soupçon.

Moralité : il y va de la PME comme de la classe moyenne, laminée et victime d’une paupérisation dont on ne voit pas la fin. Les banques, tant décriées par les uns et rarement encensées par ceux-là mêmes qui ont profité de leur concours pour régner souvent en maître sur l’économie, ont dû abuser de leur puissance. Pour autant, elles ont au final promu l’économie nationale et veiller à son développement. Sans l’engagement des banques et des assureurs, l’activité industrielle n’aurait pas atteint le niveau de sophistication qu’on lui connait, les services liés à l’industrie existeraient à peine et les vents de la modernisation n’auraient pas soufflé aussi fort sur l’agriculture.

Plus proches de nous dans e temps, ce sont surtout nos banques qui ont sauvé l’Etat d’un naufrage financier programmé. Sans leur concours à la limite du tolérable, au risque de provoquer un effet d’éviction de grande ampleur au désavantage de l’économie, l’Etat n’aura pas été assez loin du défaut de paiement. Il a pu, grâce à leur engagement, boucler son budget et éviter des fins de mois si difficiles qu’elles auraient mis en danger l’ensemble de l’édifice public. L’argent, c’est le nerf de la guerre. Dans leur rôle de pourvoyeur de fonds à l’Etat, mais aussi à l’économie, les établissements financiers n’ont pas failli à leur mission. Non sans en tirer profit. Il ne pouvait en être autrement, sans se mettre eux-mêmes en danger, pour assurer leur propre pérennité. A cette nuance près qu’ils ont restitué à l’Etat -qui ne les a guère ménagés sous forme d’impôt une grande partie des gains qu’ils avaient engrangés en finançant le déficit public.

Le niveau d’imposition n’a jamais été aussi élevé – faible croissance oblige. Les banques ne sont pas au bout de leur peine. Elles se voient infliger une réduction rétroactive de moitié des taux fixes de l’octroi de crédit, à concurrence de 8% de leur bénéfice, au profit d’entreprises marginales, sans garantie et sans intérêts. Ces mesures ne sont pas du genre à muscler nos banques, bien au contraire. Il est d’ailleurs à craindre l’annonce, à l’avenir, de résultats qui sèmeraient la panique chez les gros actionnaires et les petits porteurs. Ces mesures, prises à la hâte, sans concertation avec le secteur, sans de véritables études d’impact, pèseront lourdement sur les comptes et les résultats à venir des banques, en raison de la fragmentation et de l’atomisation du secteur bancaire.

Les banques ne sont pas au bout de leur peine. Elles se voient infliger une réduction rétroactive de moitié des taux fixes de l’octroi de crédit, à concurrence de 8% de leur bénéfice, au profit d’entreprises marginales, sans garantie et sans intérêts.

Cela vaut également pour les compagnies d’assurance, qui ne brillent pas par leur effet de taille. Des banques autrement plus grandes, sans rien perdre de leur agilité, s’en sortiraient mieux grâce aux économies d’échelle. On mesure l’ampleur du manque à gagner à l’idée que nos banques et nos compagnies d’assurance se soient détournées des voies de croissance externe autrement plus accélérée, via des manœuvres de fusion-acquisition. Qu’il n’y ait aujourd’hui aucune banque ou compagnie d’assurance dans le top 20, voire dans les 50 premières africaines, semble hors de raison et nous laisse sans voix. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous prétendre nous frayer un chemin dans un continent plus ouvert et plus concurrentiel que jamais ? L’internationalisation inéluctable de nos entreprises aura d’autant plus de chances d’aboutir quand elle est précédée et accompagnée par nos banques au faîte de leur puissance. Il serait vain de s’en remettre à des banques étrangères, qui prêchent pour leur paroisse et défendent leurs propres entreprises.

Il ne fait aucun doute que des banques aux ambitions internationales seraient à même de préfigurer la banque de demain, solidement connectée, affichant haut et fort sa transformation digitale et sa force d’innovation. Elles seraient bien en place dans la compétition régionale, voire continentale, auréolées d’une offre de produits qui mettraient nos entreprises à l’égal de leurs compétiteurs. Non que les petites banques à l’instar des assurances – de proximité ou qui campent sur des niches spécifiques ne soient pas utiles, bien au contraire, mais cela n’enlève rien à la nécessité de faire émerger des champions nationaux de taille mondiale pour faire jeu égal avec les grands de la région. Et tirer l’économie nationale vers le haut.

Il ne fait aucun doute que des banques aux ambitions internationales seraient à même de préfigurer la banque de demain, solidement connectée, affichant haut et fort sa transformation digitale et sa force d’innovation.

Les ambitions managériales continentales des établissements financiers n’y suffiront pas. Il faudra pour cela l’appui franc et massif de l’autorité publique. En clair, une législation plus permissive avec moins de réticence, d’hésitation et de principe de précaution abusif, une vision politique plus aboutie et plus assumée et une volonté d’ouverture sur le monde sans restriction aucune. Il y a plus de deux siècles, un ancien ministre français connu pour ses compétences, appelé de sa retraite à la rescousse par le roi pour redresser l’économie, n’a rien trouvé de mieux à lui dire : Sire, faites-nous de bonne politique, et je vous ferai de bonnes finances. Nous y voilà

Cet éditorial est publié dans le dernier numéro de L’Économiste Maghrébin – Spécial Finances, actuellement disponible en kiosque.

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