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Fathi Ben Khalifa : « Adopter des décisions audacieuses et révolutionnaires »

Alors que le projet de loi de finances 2026 est en cours de préparation, il est crucial de dresser un bilan réaliste de la loi de finances 2025. Plusieurs mesures phares, notamment la reconstitution du cheptel bovin et la régularisation des puits non autorisés, ont été programmées; mais elles restent en grande partie non appliquées. Le plafonnement du prix du lait, insuffisant pour couvrir les coûts de production, freine les investissements des agriculteurs et creuse un déficit commercial important. Fathi Ben Khalifa, conseiller économique auprès de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), livre une analyse approfondie du secteur agricole. Interview.

Quelles politiques permettraient au secteur agricole d’accéder au moins à 11% des financements globaux, comme dans d’autres pays, afin de soutenir la souveraineté alimentaire et le développement économique ?

Pour illustrer la situation financière, voici quelques chiffres : le taux directeur de la Banque centrale est de 2,5% au Maroc, 2,75% en Algérie, alors qu’en Tunisie, il atteint 7,7%. En 2024, sur un total de 118,6 milliards de dinars de crédits accordés à l’économie, seulement 3,34% sont destinés à l’agriculture, soit environ 3,968 milliards de dinars. Les banques publiques contribuent à hauteur de 1,14%, tandis que les banques privées couvrent 2,2%. Ce taux d’investissement apparaît insuffisant pour soutenir le développement agricole.

Le secteur agroalimentaire, malgré sa contribution notable à l’équilibre de la balance commerciale (6-7% des exportations totales) et à l’emploi (18%), ne bénéficie que d’une très faible part de financement. Cette incohérence doit être corrigée, car l’agriculture est un levier fondamental pour la souveraineté alimentaire du pays.

Il faut donc que le secteur agricole reçoive au moins 20% des financements globaux afin de pouvoir produire localement des semences et renforcer des filières comme les céréales, la pomme de terre, et toutes les productions alimentaires nécessaires. Il faut que les prêts agricoles bénéficient de taux d’intérêt préférentiels, ne dépassant pas 4%, car des taux plus élevés empêchent tout investissement rentable. Aucun autre secteur en Tunisie ne supporte des taux aussi élevés que ceux actuellement appliqués à l’agriculture, ce qui fragilise considérablement les exploitations.

En outre, le secteur agricole est laissé seul face à la gestion des risques. Un fonds d’indemnisation avait été mis en place pour compenser les pertes dues aux catastrophes, mais il est bloqué depuis la campagne 2023-2024 par le ministère des Finances. En conséquence, les agriculteurs céréaliers n’ont pas reçu leurs indemnisations, bien qu’ils aient cotisé et qu’ils disposent des preuves d’adhésion. Cette situation ferme l’accès au crédit bancaire, tout en privant les agriculteurs de leurs droits à des indemnisations légitimes, ce qui crée une bombe à retardement sociale et économique. Dans plusieurs régions, notamment les zones irriguées, les agriculteurs rencontrent de grandes difficultés. Par exemple, dans des zones arides, certains producteurs se voient couper l’eau, ce qui compromet gravement leurs activités. Les demandes d’indemnisation liées à ces préjudices restent sans réponse.

Par ailleurs, depuis 2019, certaines exploitations agricoles disposent de certificats sans reconnaissance officielle par les autorités locales, créant une insécurité juridique.

Comment lever les obstacles administratifs qui paralysent la distribution agricole et la pêche, tout en assurant la transparence et l’équité ?

Les agriculteurs peinent à écouler leurs produits, soumis à des contrôles policiers rigoureux qui paralysent la distribution. Dans certaines régions, des stocks de semences de qualité reconnue sont saisis ou accusés à tort d’être illégaux, aggravant les difficultés du secteur. Les circuits de distribution sont fragiles, parfois perturbés par des interventions arbitraires, ce qui déstabilise les prix à la consommation.

Face à ces défis, il est proposé de délivrer aux agriculteurs une carte professionnelle facilitant leurs déplacements et simplifiant la gestion administrative de leurs produits. Toutefois, les producteurs subissent encore des entraves, comme les blocages dans l’approvisionnement en carburant pour les tracteurs, qui ralentissent la production. Des dysfonctionnements administratifs et des actions incohérentes, voire hostiles, émanant de certaines autorités, compliquent la situation.

Ces manquements affectent gravement la pêche également, un secteur important et vulnérable. Un système de surveillance satellitaire des bateaux, censé assurer la sécurité des pêcheurs, fonctionne mal et suscite des soupçons de corruption et de monopole. Des blocages fréquents dans les ports provoquent des retards, des extorsions et des tensions à l’encontre des marins. Dans ce contexte, une enquête approfondie sur la gestion de ce système est demandée afin d’en garantir la transparence et l’équité.

Par ailleurs, la question du foncier agricole demeure un obstacle majeur.  L’Agence foncière agricole est presque paralysée, avec un grand nombre de terres non régularisées ni intégrées dans le circuit économique. Une régularisation du statut foncier est urgente pour sécuriser les exploitations et encourager l’investissement dans le secteur.

Extrait de l’interview qui est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n° 932 du 19 novembre au 3 décembre 2025

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