Inflation en Tunisie : des chiffres rassurent…d’autres inquiètent
Alors que l’inflation officielle semble sous contrôle, les données monétaires racontent une autre histoire. Hechmi Alaya décrypte un paradoxe tunisien : une masse monétaire en forte expansion, sans flambée apparente des prix.
Inflation : un reflux trompeur
- 4,9 % : taux d’inflation officiel en octobre 2025 (contre 6,7 % un an plus tôt).
- 5,3 % : inflation moyenne attendue pour l’année 2025.
- 0,1 % : hausse mensuelle des prix de l’alimentation en octobre.
- 1,1 % : inflation sur les produits à prix administrés — son plus bas niveau depuis 2018.
« L’inflation n’est pas ce qu’indique l’indice officiel des prix. » — Hechmi Alaya
Alaya pointe les limites méthodologiques de l’IPCF : sélection des produits, prix administrés, moyennes arithmétiques qui lissent les hausses réelles. Il évoque une « inflation cachée » qui pèse sur les ménages sans apparaître dans les chiffres.
Mais on peut faire dire aux chiffres ce que nous voulons que les gens croient n’est ce pas ?
Masse monétaire : une croissance à deux chiffres
- +11,0 % : croissance moyenne de la masse monétaire (M3) depuis janvier 2025.
- +15,5 % : hausse de la masse de cash (billets et pièces) à fin septembre.
- +11,1 % : progression des dépôts à vue sur un an.
« La quantité de monnaie augmente beaucoup plus vite que les richesses réellement créées. » — Hechmi Alaya
Cette expansion monétaire, selon lui, est « une fuite en avant budgétaire » : elle alimente l’État, pas l’économie réelle.
Crédit : l’État capte la liquidité
- 95,7 % : part de la création monétaire provenant des crédits (moyenne sur 5 ans).
- 31,5 % : part des crédits captée par l’État en 2025 (contre 2,5 % dans les années 2000).
- 63,7 % : part des crédits allouée à l’économie réelle — un plus bas historique.
« La politique monétaire est désormais asservie à la politique budgétaire. » — Hechmi Alaya
Les banques, contraintes par l’État et une faible demande privée, privilégient les créances publiques. Résultat : raréfaction de la monnaie privée et stagnation des investissements productifs.
Demande en berne, pouvoir d’achat érodé
- 1,2 fois : vitesse moyenne de circulation de la monnaie en 2025 (contre 2 fois dans les années 2000).
- 8 170 dinars : revenu par habitant en 2025, équivalent à celui de 2017.
- 12850 dinars : revenu par habitant en parité de pouvoir d’achat, au niveau de 2014.
« Les Tunisiens n’ont pas retrouvé leur niveau de vie d’il y a huit ans. » — Hechmi Alaya
La faiblesse de la demande intérieure freine la transmission inflationniste de la masse monétaire. Mais elle traduit surtout un appauvrissement généralisé.
Une stabilité apparente, déséquilibres profonds
Hechmi Alaya alerte : « Ce n’est pas l’inflation qui est maîtrisée, c’est la demande qui est étouffée. » La Tunisie vit une illusion de stabilité, masquant une fragilité monétaire et sociale. Sans réforme du Policy-mix, le risque d’un retour brutal de l’inflation reste entier.
(Source : Ecoweek numéro 41 du 9 novembre 2025)
EN BREF
- L’inflation officielle recule, mais les indicateurs masquent une hausse réelle des coûts supportés par les ménages.
- La masse monétaire progresse à deux chiffres, portée par le financement de l’État plutôt que par l’économie productive.
- Le crédit se concentre sur les besoins publics, marginalisant les entreprises et les investissements.
- La demande intérieure reste faible, freinant la transmission des hausses monétaires.
- Cette stabilité apparente cache des déséquilibres profonds et un risque de retour inflationniste.
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