ECLAIRAGE –Tunisie – Dinar vs EUR/USD : un mouvement suspendu …
L’évolution récente des marchés des changes offre un paradoxe qui n’est pas sans conséquence pour la Tunisie. Alors que les écarts de taux d’intérêt entre les États-Unis et la zone euro se resserrent nettement — ce qui aurait dû favoriser un redressement de l’euro — la paire EUR/USD demeure étonnamment stable*. Cette inertie, loin d’être anecdotique, traduit l’attentisme d’investisseurs tournés vers deux événements susceptibles de modifier la perception du risque et les anticipations de politique monétaire.
Depuis fin octobre, le différentiel de rendement entre les obligations américaines et allemandes à deux ans a reculé à son plus bas niveau pendant plusieurs semaines. De même, les marchés anticipent un rapprochement des trajectoires de taux terminaux de la Fed et de la BCE. Ordinairement, un tel mouvement réduit l’attrait du dollar et soutient l’euro. Mais la paire reste figée, comme si le marché n’osait pas s’engager avant d’obtenir des signaux plus déterminants.
Les investisseurs attendent d’abord les chiffres de l’emploi américain de septembre ainsi que les demandes hebdomadaires d’allocations chômage. Ce sont les véritables baromètres de la vigueur économique des États-Unis et de l’orientation future de la Fed. Ils scrutent également les résultats trimestriels de Nvidia**, dont le poids psychologique dépasse la seule sphère technologique. Une publication décevante pourrait dégrader l’appétit pour le risque au niveau mondial, pesant sur les marchés et influençant indirectement les attentes en matière de taux d’intérêt.

Toutefois, un scénario haussier pour l’euro reste toutefois plausible. Si les statistiques américaines révèlent un ralentissement marqué du marché du travail et si Nvidia publie des résultats en retrait, les rendements américains pourraient s’orienter à la baisse. Le dollar perdrait alors de sa force relative, permettant à l’euro de progresser en direction de 1,1730 avec un potentiel d’extension vers 1,1820*.
Pour la Tunisie, un tel mouvement offrirait un certain répit. Le renforcement de l’euro contribuerait à alléger le coût des importations européennes, atténuant les pressions inflationnistes sur les biens manufacturés, pharmaceutiques et alimentaires. Il améliorerait aussi la capacité de couverture en devises des entreprises tunisiennes, notamment celles dépendant d’intrants européens. Dans ce contexte, la Banque centrale de Tunisie (BCT) bénéficierait d’un environnement légèrement plus favorable, avec des tensions moindres sur les réserves et une moindre volatilité du dinar.
Le scénario inverse demeure cependant tout aussi crédible. Si le marché du travail américain surprend par sa résilience et si Nvidia confirme la solidité de la dynamique technologique, les rendements américains conserveront un niveau élevé. Le dollar resterait ainsi attractif. La Tunisie évoluerait alors dans un environnement plus contraignant, marqué par un renchérissement des matières premières libellées en dollar, une facture énergétique plus lourde, des pressions accrues sur les réserves et un resserrement implicite des conditions financières internes.
La Tunisie observe donc un marché des devises figé, mais prêt à se déplacer brusquement au gré des annonces américaines. L’inertie actuelle ne doit pas être interprétée comme un signe de stabilité durable. Elle traduit au contraire une phase de tension latente, dont les effets potentiels pourraient influencer les prix importés, les équilibres extérieurs et les marges de manœuvre de la politique monétaire tunisienne. Dans un environnement mondial où un rapport sur l’emploi ou les résultats d’un champion de l’intelligence artificielle peuvent reconfigurer les flux financiers, la vigilance demeure le maître mot pour l’économie tunisienne.
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Références :
(*) : selon les estimations de l’IAEF-Salle des Marchés au 20/11/2025
(**) : Nvidia est une entreprise technologique américaine spécialisée dans la conception de processeurs graphiques (GPU) et de puces électroniques. Fondée en 1993, elle est surtout connue pour ses cartes graphiques destinées au jeu vidéo, mais ses puces sont également devenues essentielles pour l’intelligence artificielle, les centres de données, les véhicules autonomes et d’autres applications de calcul intensif.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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