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Football | La Tunisie bouscule amicalement le Brésil

La période des matches de préparation pour la Coupe du Monde de football 2026 a commencé. Pour la Tunisie, l’événement du mardi 18 novembre 2025 à Lille, en France, face aux Brésil, avec toutes ses vedettes, a ressemblé à un très grand défi puisqu’il s’agissait de se mesurer au pays iconique du ballon ronde. Le test est momentanément concluant, mais il reste l’essentiel : la confirmation lors de la CAN Maroc dans quelques semaines. La balle est à nouveau dans le camp des coéquipiers de Hannibal Mejbri.

Jean-Guillaume Lozato *

Brésil-Tunisie ? Tunisie-Brésil ? Quelle formulation adopter ? C’est la question que l’on se pose quand on sait que le site choisi pour cette confrontation se situe au Nord de la France.

Au stade Pierre Mauroy, beaucoup étaient sceptiques quant aux possibilités tunisiennes. Qu’en est-il vraiment du Brésil ? Et de la Tunisie ?

Initions cette réflexion en rappelant quelques points à propos du Brésil, puis de la Tunisie. Ainsi, nous serons mieux armés pour nous pencher précisément sur ce match et son résultat.

Le Brésil, éternel présent  

Le Brésil, c’est le porte-drapeau du beau jeu et de la conciliation entre effort physique et créativité artistique.

La circulation du jeu à la brésilienne fait emprunter au ballon des trajectoires aussi variables que maîtrisées. Cette image colle à la réputation du footballeur brésilien typique, jusqu’à inspirer l’équipementier Nike pour sa campagne publicitaire de 1998.

Cette expression technique et chorégraphique bien au-dessus de la moyenne a permis de fournir un contingent intemporel d’acteurs sportifs exceptionnels. Le premier d’entre eux étant Pelé. Le plus complet. Le plus présentable aussi. Suivi de très près par Garrincha, le plus déconcertant de par ses dribbles accordés aux mouvements saccadés de ses jambes torses.

Depuis, les générations se sont succédé. Cette touche brésilienne du «Joga bonito» subsiste et renvoie à une image de carte postale idéalisée. Le plus grand pays d’Amérique Latine par sa superficie peut se vanter d’un vivier extraordinaire, qui ne s’est jamais tari. Néanmoins, il reste sur un échec à Qatar 2022 où la mission s’était terminée en quarts de finale. Les «Auriverde» demeurent une valeur sûre. Il faudra composer avec eux au prochain Mondial, d’autant plus qu’ils seront sur «leur» continent. De tous temps, la romance brésilienne du ballon est apparue en tant que force transcontinentale. Tandis que le narratif tunisien se place davantage sur une ligne éditoriale continentale.

La Tunisie des éternels départs

À l’origine, la Tunisie revêt un statut de précurseur continental suite à son épopée positive à Argentina 78. Supposée annonciatrice, cette aventure a plus ressemblé à un film qu’à une saga en plusieurs parties.

Un demi-siècle après, la Tunisie semble à la traîne par rapport à l’Algérie et surtout au Maroc qui ont déjà franchi par deux fois l’obstacle du premier tour en Coupe du Monde. Une difficulté imputable à la cadence de la bureaucratie et à l’immobilisme qui a caractérisé la mentalité locale lorsqu’il fallait appliquer des décisions. Se référer à la Révolution du Jasmin est d’ailleurs trompeur. Car c’est le plus souvent sans faire de bruit que la Tunisie a appliqué des réformes. Ou s’en est abstenue. Ainsi, alors qu’elle avait lancé un véritable mot d’ordre pour l’installation des éoliennes, elle a désormais été largement dépassée par… le Maroc dans ce domaine précis. Cette phénoménologie est transposable au foot.

Au Qatar, les Tunisiens avaient produit un jeu aux facettes intéressantes durant la phase de poules, et auraient dû se qualifier pour le tour suivant. Défier une grosse cylindrée comme le Brésil permettait donc d’estimer comment adapter le curseur à la vitesse et aux exigences de la route dessinée par la course au trophée mondial.

De la synthèse au syncrétisme

La confrontation latino-américaine/nord-africaine rentrait dans cette logique de confrontation entre deux nations qui avaient laissé une sensation d’inaccompli en terre qatarie.

Les Brésiliens, entraînés par le célèbre Carlo Ancelotti, ont déjà la tête et le bagage pour la phase finale. Les Tunisiens sont plus dubitatifs. Qu’importe. Les vingt-deux acteurs d’un soir étaient très motivés pour ce match réunissant les conditions logistiques d’une vraie Coupe du Monde.

Constants dans l’effort, solides, immédiatement entreprenants, les Aigles de Carthage ont ouvert le score par l’avant-centre Hazem Mastouri. Un but subtil, plein de timing et de sang-froid, rendu possible par une passe décisive à la semi-transversalité digne de David Beckham. Transmission distillée par Ali Abdi, un des pions essentiels de cet échiquier que les Brésiliens encerclés se sont retrouvés contraints de contourner.

Par la suite, les Sud-Américains ont poussé, mais sans dominer. À l’exception d’un tir de Rodrygo très bien dévié par Yan Valéry, la première moitié de match a été orchestrée par les Tunisiens. En revanche, leur impulsion s’est amenuisée les quarante-cinq minutes suivantes, sous l’effet d’actions de Vinicius, Paqueta et surtout Estevao. Ce dernier a signé l’égalisation sur penalty, tiré très particulièrement dans un élan fractionné à la Pelé.

Au coup de sifflet final, prévalait le sentiment d’un 1-1 équitable mérité, mais avec la conscience que les Rouges revenaient de loin quand on repense au penalty manqué par Paqueta et à une action «jaune» finie sur le poteau.

Retenons enfin deux noms. Le premier est Elias Saad. L’attaquant du FC Augsbourg sait naviguer de son aile gauche vers l’axe. Auteur d’une superbe action à la cinquante-cinquième minute, le natif de Hambourg détient les capacités pour évoluer en tant qu’ailier ou avant-centre. Voire en attaquant de soutien si une verticalisation figée s’impose en fonction de l’adversaire.

L’autre nom à retenir est Hannibal Mejbri, garant du pressing tout en participant à la construction énergiquement. Il a livré mardi soir un de ses meilleurs matches.

D’une certaine manière, le match a fait office de synthèse des éléments sur lesquels se concentrer après les prestations inégales contre la Mauritanie et la Jordanie. Passant du général au particulier, du collectif à l’individuel, Mejbri se pose en ambassadeur d’un syncrétisme sportivo-culturel.

Le natif d’Ivry-sur-Seine passé par le Paris FC en formation puis professionnel à Monaco, Manchester, Birmingham, Séville et Burnley, a déjà acquis un solide capital de connaissances et d’expériences malgré son jeune âge.

Maintenir le cap

Tout comme il existe une culture d’entreprise, il existe des variantes d’approches selon les championnats. D’où une nécessité de consultation entre les joueurs et leur coach Sami Trabelsi, et une mutualisation des efforts qui permettra de limiter les coûts des investigations et autres investissements autour de la sélection nationale. Une vision à la logique économiste qui serait en phase avec le football d’aujourd’hui ressemblant de plus en plus au «Knowledge Management», chose que les fédérations marocaine et qatarie ont parfaitement compris, chacune dans des domaines différents d’intervention.

Deux figures historiques mais d’envergures différentes se sont affrontées pour notre plus grand plaisir. Quel que fût le résultat de ce match, tout pouvait servir la critique et l’autocritique tunisiennes. Un score de parité ? C’est ce qui pouvait arriver de mieux.

Une lourde défaite aurait amoindri le mental des Aigles de Carthage. Et une victoire aurait engendré du rêve avec un risque potentiel d’illusion. En mars 2023, le Maroc avait défait le Brésil en match amical (2-1 à Tanger). La Tunisie n’a pas atteint ce palier mais elle et son homologue marocaine sont les deux seules équipes arabes à avoir réussi historiquement à ne pas avoir perdu contre la «Seleçao».

Le Brésil reste un adversaire extrêmement dangereux, qui impressionne de par sa réputation et son style de jeu peuplant les imaginaires. La carte de visite de l’équipe nationale de Tunisie est moins impressionnante. Mais ses joueurs ont les moyens de rajouter quelques lignes sur son CV. De plus, ils ont joué ce match de préparation en France où c’était l’occasion de resserrer les liens avec le public composé de la diaspora tunisienne. Il s’agit là d’un facteur psychologique important.

Pour la première fois depuis la création de la Coupe du Monde, une absence des équipes européennes dans le dernier carré ne serait pas à exclure. Alors, pourquoi pas organiser un rendez-vous en demi-finales pour le Brésil et le Maroc avec… la Tunisie en guest star ?

Pour que ce test ne se convertisse pas en crash-test, restons prudents pour le moment en relisant cette citation de l’écrivain italien Italo Calvino : «C’est le sort des plus beaux rêves de se transformer tout d’un coup en cauchemars.»

* Ecrivain et analyste de football.

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