Chronique analytique au 14 novembre 2025 – Une accalmie fragile dans un monde sous tension
La semaine s’achève sur une tonalité contrastée au niveau international. Les marchés financiers ont retrouvé un peu de sérénité, portés par l’espoir d’un atterrissage en douceur des économies développées. Tandis que les crises géopolitiques continuent de maintenir un niveau d’incertitude élevé. Dans ce contexte, la Tunisie évolue dans un environnement marqué par des chocs externes persistants, une liquidité bancaire tendue et une trajectoire macroéconomique qui oscille entre signaux de résilience et fragilités structurelles.
Sur le plan politique, les tensions au Moyen-Orient et la réorganisation des blocs stratégiques entre États-Unis, Europe, Chine et BRICS continuent de peser sur les anticipations globales. L’aversion au risque demeure élevée, même si les marchés obligataires ont retrouvé une dynamique plus stable après plusieurs mois de volatilité. La baisse progressive des taux longs américains et européens a apporté un peu d’oxygène aux économies émergentes, réduisant temporairement la pression sur leurs devises et leur financement externe.
Du côté des matières premières, les cours du pétrole évoluent dans une fourchette relativement contenue, reflétant la combinaison entre une demande mondiale modérée et des ajustements de production coordonnés par l’OPEP+. Cette stabilité offre une fenêtre d’opportunité aux importateurs nets comme la Tunisie, même si la volatilité reste un risque permanent.
Sur le plan financier, les marchés actions internationaux affichent une performance hésitante, tiraillée entre les perspectives de détente monétaire en 2026 et les inquiétudes géopolitiques.
L’environnement global demeure donc moins stressant que durant l’été, mais il reste insécurisant pour les économies vulnérables, dont la Tunisie fait partie, surtout face à des besoins de financement en devises toujours importants.
Tunisie : une conjoncture marquée par des tensions de liquidité et une érosion progressive des avoirs extérieurs
Les données quotidiennes du 14 novembre 2025 confirment que la liquidité bancaire reste sous tension. Le solde du compte courant du Trésor se contracte fortement, passant à 996 MDT contre 1 113 MDT la veille, traduisant une mobilisation plus importante des ressources publiques. Les banques ne sont pas en reste : leur compte courant ordinaire tombe à 269 MDT, une nette dégradation qui reflète une demande élevée en refinancement et une pression persistante sur la liquidité du système.
Le volume global du refinancement auprès de la Banque centrale demeure élevé, à 11,5 milliards de dinars, mais légèrement en retrait par rapport à la veille. La BCT maintient son taux directeur à 7,5 %, tandis que le taux du marché monétaire suit la même tendance, confirmant un environnement monétaire toujours restrictif. Les opérations de réglage fin restent nulles, signe que l’autorité monétaire souhaite éviter tout signal de relâchement prématuré.
La BCT maintient son taux directeur à 7,5 %, tandis que le taux du marché monétaire suit la même tendance, confirmant un environnement monétaire toujours restrictif.
Les avoirs en devises poursuivent leur érosion graduelle : 24,9 milliards de dinars, soit 106 jours d’importation, contre 107 jours la veille et 113 jours un an plus tôt. La tendance baissière souligne une tension structurelle sur les réserves, en dépit de performances solides du tourisme et des transferts des Tunisiens résidents à l’étranger.
Les recettes touristiques atteignent désormais 7,14 milliards de dinars, en hausse de près de 477 MDT par rapport à l’année précédente.
Les revenus du travail continuent également de progresser, dépassant 7,5 milliards de dinars. Ces postes demeurent les principaux amortisseurs externes du pays.
Les avoirs en devises poursuivent leur érosion graduelle : 24,9 milliards de dinars, soit 106 jours d’importation, contre 107 jours la veille et 113 jours un an plus tôt. La tendance baissière souligne une tension structurelle sur les réserves, en dépit de performances solides du tourisme et des transferts des Tunisiens résidents à l’étranger.
Le dinar évolue de manière contrastée. Il se renforce légèrement face à l’euro mais continue de se déprécier face au dollar, reflétant l’évolution des grandes parités internationales. Cette dynamique contribue à maintenir une pression sur les prix des produits importés libellés en dollar, notamment les céréales et certains biens énergétiques.
Du côté des Bons du Trésor, la structure des encours montre une nette réduction des titres à court terme, traduisant la volonté de lisser les risques de refinancement, mais aussi l’accès plus coûteux au marché monétaire domestique. La dette extérieure continue d’être servie régulièrement, avec un cumul de 11 milliards de dinars au 10 novembre.
Un marché boursier prudent dans un environnement financier complexe
Le marché boursier tunisien reste dans une logique de prudence, en attente de signaux plus clairs sur la trajectoire macroéconomique et la politique monétaire. Les volumes interbancaires, en forte remontée, témoignent d’une activité financière dynamique mais sous contrainte. La stabilisation des taux courts permet néanmoins d’éviter une surchauffe du coût du crédit, même si les marges de manœuvre des banques demeurent limitées.
Quelles perspectives pour les prochains mois ?
À court terme, la Tunisie restera confrontée à une conjoncture marquée par une liquidité bancaire étroite, une pression sur les réserves extérieures et une forte dépendance aux recettes en devises non structurelles. La maîtrise de l’inflation, qui poursuit son repli progressif depuis les niveaux élevés de 2023–2024, est une bonne nouvelle, mais elle ne suffit pas à compenser les tensions sur les finances publiques et les besoins de financement externe.
À moyen terme, la dynamique dépendra principalement de la capacité du pays à sécuriser ses financements extérieurs, à accélérer les réformes structurelles et à stabiliser les fondamentaux budgétaires. Une éventuelle détente des conditions financières internationales en 2026 constituerait un appui important, mais elle ne saurait remplacer les ajustements domestiques nécessaires.
La période actuelle offre ainsi un moment charnière : une gouvernance tunisoise résiliente mais contrainte, insérée dans un environnement international moins volatil qu’il y a quelques mois, mais toujours incertain. La trajectoire des prochains trimestres dépendra de la capacité à consolider les acquis tout en engageant les réformes indispensables pour sécuriser la croissance et renforcer la souveraineté financière du pays.
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Références :
(1) Sources principales consultées pour le contexte international : World Bank MENAAP (14 nov. 2025), données prix Brent / marché pétrolier (14 nov. 2025), minutes Fed / prises de position récentes, analyses Reuters sur la réaction des marchés aux tensions régionales. (Banque Mondiale)
(2) (*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp
(**) https://www.ins.tn/
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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