75 projets retenus sur 139 candidatures, 54 organismes partenaires mobilisés, un financement allant jusqu’à 1700 dinars mensuels par chercheur : le Pr Chedly Abdelly, directeur général de l’Agence nationale de promotion de la recherche scientifique (ANPR), a dévoilé ce vendredi 14 novembre 2025 sur les ondes de RTCI les chiffres de la nouvelle session MOBIDOC Green Post-Doc, un dispositif qui place les jeunes chercheurs en première ligne face aux urgences environnementales de la Tunisie.
L’Agence nationale de promotion de la recherche scientifique lance une nouvelle session du programme MOBIDOC dans sa version environnementale. Sur 139 projets soumis, 75 ont été retenus pour bénéficier d’un accompagnement visant à transformer la recherche académique en solutions opérationnelles. L’objectif affiché : répondre aux urgences environnementales à travers la gestion des déchets, l’économie circulaire, la préservation de la biodiversité et les énergies propres.
MOBIDOC, contraction de « mobilité » et « docteur », existe depuis 2012. Le principe repose sur un partenariat triangulaire entre un jeune chercheur, sa structure de recherche et un partenaire socio-économique. Ensemble, ils identifient des problématiques concrètes et développent des projets de recherche appliquée sur une durée de 24 à 36 mois.
Le financement s’élève à 1700 dinars mensuels pour les docteurs et 1500 dinars pour les doctorants préparant leur thèse. Selon le Pr Abdelly, 907 projets ont été financés depuis le lancement du programme, grâce à un financement conjoint de l’Union européenne et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
Des résultats contrastés mais encourageants
Le bilan présenté révèle plusieurs indicateurs positifs. Les participants au programme MOBIDOC produisent davantage de brevets que la moyenne nationale. En Tunisie, on compte environ 3000 publications scientifiques par an pour seulement 100 brevets. Les « mobidociens » dépassent ce ratio, démontrant une meilleure capacité à valoriser leurs recherches.
Le dispositif a également permis la création de startups fonctionnelles et a servi de tremplin vers des programmes de coopération bilatérale et européenne. Toutefois, le taux d’intégration professionnelle dans les entreprises partenaires demeure modeste, autour de 20% pour les éditions achevées.
Le directeur général de l’ANPR explique ce chiffre par la structure du tissu économique tunisien, dominé par les petites et moyennes entreprises, mais surtout par l’absence de cellules de recherche-développement au sein de ces structures. Il estime que les jeunes docteurs formés par MOBIDOC pourraient justement contribuer à créer ces cellules de veille scientifique et technologique.
La version « Green » du programme répond à une urgence. La Tunisie, comme l’ensemble des pays, subit les effets du changement climatique. L’appel à projets a privilégié des thématiques prioritaires : économie circulaire, gestion durable des ressources naturelles, préservation de la biodiversité et énergies renouvelables.
Les 75 projets retenus impliquent 54 organismes partenaires, avec une participation remarquée des femmes. Environ deux tiers des bénéficiaires travailleront avec des entreprises, tandis que 30% intégreront des centres de recherche-développement. Contrairement aux éditions précédentes, MOBIDOC Green s’ouvre également aux municipalités et aux associations environnementales.
Des solutions concrètes pour les territoires
Le Pr Abdelly cite l’exemple d’un projet de phytostabilisation mené par le Dr Rabia Rebbah. Cette approche biologique utilise des plantes pour décontaminer les décharges non contrôlées, nombreuses à travers le territoire tunisien. Certaines de ces décharges sont contaminées par des métaux lourds toxiques. Les plantes sélectionnées permettent soit de stabiliser ces polluants pour éviter leur propagation vers les zones agricoles, soit de les extraire du sol.
Ce type de projet ouvre la voie à des collaborations avec plusieurs municipalités, notamment dans la région du Cap Bon, confrontées à des problématiques similaires de gestion des déchets. Fort de cette première édition nationale, l’ANPR prévoit de lancer un MOBIDOC Green à dimension régionale. L’objectif consiste à cibler les gouvernorats les plus affectés par les problèmes environnementaux, comme Gabès ou Gafsa, et à organiser des séances de concertation avec les acteurs locaux pour identifier les priorités.
Cette démarche vise à favoriser l’implication des laboratoires et des compétences régionales, tout en restant ouverte aux expertises nationales. MOBIDOC Green s’inscrit dans le cadre du programme ARÈS (Appui à la recherche et à l’enseignement supérieur dans le secteur de l’environnement), composante du programme national « Tunisie verte et durable ». La convention a été signée il y a un peu plus d’un an.
Outre MOBIDOC Green, le programme ARÈS a lancé l’appel « Green Impact », destiné aux consortiums d’au moins deux laboratoires disposant de résultats validés. Sur 71 propositions reçues, 15 projets seront financés à hauteur de 700 000 dinars chacun. Les conventions de financement devraient être signées en décembre 2025.
Le programme travaille également sur la création et l’ajustement de parcours de formation universitaire. Et ce, pour mieux répondre aux besoins évolutifs du secteur environnemental et améliorer l’employabilité des diplômés.
Le défi du transfert technologique
Le principal enjeu demeure la transformation des résultats de laboratoire en solutions opérationnelles. Selon le Pr Abdelly, la Tunisie excelle dans la production scientifique mais peine à valoriser cette recherche sur le terrain. La maturation technologique nécessite un partenariat étroit entre chercheurs et utilisateurs finaux.
Les 907 projets MOBIDOC financés depuis 2012 ont touché plusieurs secteurs :
-Agriculture et agroalimentaire (28%);
-Éthique (22%):
-Santé (15%);
-Industrie chimique (15%);
-Énergie (5 à 6%);
-Et services (4%).
Les sciences humaines et sociales restent sous-représentées avec seulement 1% des projets, une lacune que l’agence souhaite corriger dans les prochaines éditions. Le projet ARÈS mobilise l’ensemble des directions générales du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ainsi, il témoigne d’une volonté de coordination interministérielle face aux défis environnementaux.