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La déesse qui défiait la mort : comment Isis a conquis les cœurs de Carthage

Le culte d’Isis en Tunisie représente un héritage méditerranéen exceptionnel révélé par l’archéologie. le Professeur Christian Cannuyer, historien, orientaliste et docteur en égyptologie a présenté le 13 novembre au Palais Ennejma Ezzahra à Sidi Bou Saïd un inventaire scientifique des traces millénaires de cette religion égyptienne qui a conquis le monde méditerranéen avant le christianisme. Il intervenait dans le cadre d’une Conférence internationale  « De Tanit à Isis : figures féminines et héritages contemporains » organisée par la Fondation Ben Abbes Stichting. 

Le mythe d’Isis, né en Égypte au troisième millénaire avant notre ère, porte un message selon lequel l’amour triomphe de la mort. Cette déesse a ressuscité son époux Osiris après son assassinat par son frère Seth. À l’époque hellénistique, ce message de salut personnel s’est diffusé dans tout le bassin méditerranéen, devenant l’une des premières religions universelles. Cette puissance spirituelle s’est imposée à une époque où les religions gréco-romaines étaient devenues formalistes, offrant aux fidèles l’espoir d’un salut personnel.

En Tunisie, les témoignages archéologiques sont nombreux mais révèlent une implantation tardive du culte. Avant l’époque romaine, les traces sont rares. Le seul témoin explicite de l’époque punique est une stèle découverte en 1899 à Carthage évoquant un prêtre d’Isis nommé Pès. La plupart des témoignages datent du premier siècle avant notre ère. Cette implantation tardive s’explique par la prédominance du culte de Tanit, grande déesse carthaginoise, et de son parèdre Baal Hammon. Des analogies existaient néanmoins entre Tanit et Isis, toutes deux grandes figures féminines salvatrices et protectrices liées à la fertilité. Il fallut attendre la chute de Carthage pour qu’Isis s’installe durablement en Afrique proconsulaire.

Les temples jumeaux dédiés à Sérapis et à Isis à Carthage ont fait l’objet d’une publication récente. Leur découverte remonte à Évariste Pricot de Sainte-Marie qui entreprit des fouilles entre 1874 et 1875. Parmi ses découvertes figure la célèbre statue de l’impératrice Sabine, épouse d’Hadrien. Ces objets destinés au Louvre furent chargés sur la frégate Magenta qui sombra dans la rade de Toulon en 1875. En 1995, des fouilles sous-marines permirent de récupérer une grande partie de la cargaison archéologique.

La découverte d’une stèle de fondation en 1990 permit de localiser précisément ces sanctuaires au fond de l’actuelle avenue Bourguiba, au sud des thermes d’Antonin. Le professeur Cannuyer a souligné que ces sites se situent précisément là où se trouve aujourd’hui le palais de Mahmoud Ben Ayed. La présence d’une tête de l’empereur Hadrien suggère que le temple fut fondé lors de sa visite en Afrique en 128, probablement le 24 janvier, date de naissance de l’empereur qui vouait un culte particulier à l’Égypte et à Sérapis.

Les fouilles ont révélé un riche ensemble de divinités égyptiennes vénérées à Carthage, notamment Sérapis, Hermanubis (fusion d’Hermès et d’Anubis), ainsi que des statues d’Anubis à tête de chien découvertes à Dougga. Le dieu Thot, représenté sous forme de cynocéphale, est également attesté. Saint Cyprien de Carthage au troisième siècle évoquait l’adoration de crocodiles, de cynocéphales et de serpents dans les temples carthaginois, témoignant de la persistance de ces cultes égyptiens. Des pieds votifs offerts à Sérapis pour remercier le dieu de guérisons ont été retrouvés, faisant référence à un miracle rapporté par Tacite concernant l’empereur Vespasien.

Si le culte d’Isis ne pénétra qu’au deuxième ou premier siècle avant notre ère, des dévotions égyptiennes furent bien plus précoces. Des amulettes égyptiennes des sixième et cinquième siècles avant notre ère ont été découvertes, notamment représentant le dieu Bès. Au musée du Bardo figurent une gourde du nouvel an au nom du roi Amasis de la vingt-sixième dynastie et le sarcophage de la déesse Harisad-Baal présentant toutes les caractéristiques d’une déesse égyptienne.

Une statuette découverte à Soliman et conservée au Bardo représente une Isis lactans, Isis allaitant l’enfant Horus. Cette iconographie, présente dans toute la Méditerranée jusqu’au cinquième siècle, portait en égyptien le titre de mère de Dieu. Le conférencier a établi un lien avec l’iconographie chrétienne de Marie mère de Dieu, titre défendu au concile d’Éphèse en 431. Le professeur Cannuyer a également évoqué une continuité avec l’islam, citant les sourates du Coran mentionnant la femme de Pharaon ayant recueilli Moïse. Cette figure nommée Assia dans la tradition musulmane présente des analogies avec Isis, toutes deux recueillant un coffret voguant sur le Nil. Des linguistes ont suggéré que le nom Assia pourrait dériver du nom d’Isis.

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