Visas américains : Quand la santé devient un nouvel outil de tri
Dans la mécanique déjà redoutable des visas américains, un nouveau rouage vient de s’ajouter, silencieux mais potentiellement décisif. Depuis un câble interne du Département d’État daté du 6 novembre 2025, les agents consulaires sont désormais invités à prendre en compte l’état de santé des demandeurs — obésité, diabète, cancers, troubles cardiaques, dépression — autant de conditions qui, selon Washington, pourraient annoncer de “futurs coûts médicaux élevés”.
Une inflexion qui, sous des airs technocratiques, redessine la frontière entre mobilité et exclusion, en ciblant de fait les populations les plus vulnérables.
Une politique migratoire restructurée par l’argument sanitaire
La nouveauté n’est pas tant dans le refus lui-même — les États-Unis ont toujours exercé une large marge d’appréciation — que dans le glissement du critère : d’un contrôle essentiellement sécuritaire et économique, on passe à une logique de prévention des dépenses de santé, où l’individu devient un risque financier avant d’être un voyageur.
Rien dans le texte n’érige ces maladies en interdictions automatiques. Mais l’invitation faite aux agents d’examiner “la capacité du demandeur à ne pas devenir un fardeau public” crée une zone grise où la subjectivité l’emporte sur la procédure.
Cette évolution inscrit la santé dans un régime migratoire qui, déjà, multiplie les filtres et déplace les lignes sans véritable débat public.
Sur le papier, la directive s’applique à tous. Dans la réalité, elle s’ajoute aux strates d’inégalités déjà existantes entre les voyageurs des pays du Nord et ceux du Sud.
Dans nombre de pays d’Afrique, du Maghreb ou d’Asie, l’accès au visa américain tient souvent du parcours d’obstacles : interrogatoires insistants, demandes de justificatifs parfois contradictoires, refus difficilement contestables.
Taux de refus : la Tunisie dans la moyenne haute
C’est notamment le cas en Tunisie, où les taux de refus se maintiennent depuis plusieurs années à des niveaux significatifs.
Les données officielles du Département d’État américain indiquent qu’en 2024, le taux de refus ajusté pour les visas B (tourisme/affaires) atteignait 23,21 % — un niveau supérieur à celui de pays comme la Turquie (19,78 %) et nettement plus élevé que dans la plupart des pays européens (la France, par exemple, affichait 8,50 % la même année).
À l’autre extrémité du spectre, certains pays africains dépassent encore les 70 % de refus, témoignant de la profondeur des disparités.
Ce contraste illustre une réalité persistante : pour une partie du monde, le visa américain demeure un privilège hautement conditionnel, soumis à un faisceau de suspicions migratoires qui précèdent parfois même l’examen du dossier.
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