Dinar tunisien : la faiblesse d’une monnaie qui peine à retrouver sa force
La force d’une monnaie ne se décrète pas. Elle se gagne, lentement, au rythme de la solidité économique qu’elle incarne. En Tunisie, le dinar reflète aujourd’hui les déséquilibres d’une économie sous tension. Malgré une inflation en repli et les efforts de stabilisation monétaire, il reste structurellement affaibli. Sa valeur sur les marchés, son pouvoir d’achat interne et la confiance qu’il inspire racontent, ensemble, une histoire de fragilité durable.
Depuis une quinzaine d’années, le dinar tunisien s’est continuellement déprécié face aux grandes devises internationales. En 2010, un euro s’échangeait contre environ 1,9 dinar. En 2025, il faut près de 3,4 dinars pour un euro et plus de 3 dinars pour un dollar. Cette chute n’est pas anodine : elle traduit une perte de valeur nominale qui se répercute sur le coût des importations, sur les prix intérieurs et, in fine, sur le pouvoir d’achat des ménages.
Cette dépréciation prolongée est la conséquence directe d’un déséquilibre entre l’offre et la demande de devises. La Tunisie importe beaucoup plus qu’elle n’exporte. Ses recettes touristiques et les transferts des Tunisiens résidents à l’étranger, bien qu’importants, ne suffisent plus à combler le déficit courant. Dans un climat d’incertitude économique et politique, les investissements étrangers se font rares, ce qui accentue la pression sur le marché des changes. Le dinar, affaibli par cette rareté de devises, glisse lentement, sans choc spectaculaire mais avec une constance inquiétante.
La Tunisie importe beaucoup plus qu’elle n’exporte. Ses recettes touristiques et les transferts des Tunisiens résidents à l’étranger, bien qu’importants, ne suffisent plus à combler le déficit courant. Dans un climat d’incertitude économique et politique, les investissements étrangers se font rares, ce qui accentue la pression sur le marché des changes.
Un pouvoir d’achat réel érodé
La faiblesse du dinar ne se limite pas à son taux de change : elle s’exprime dans la vie quotidienne des Tunisiens, à travers la perte de pouvoir d’achat. En octobre 2025, l’inflation a atteint 4,9%. Ce taux, bien qu’en baisse par rapport aux années précédentes, reste supérieur à celui des partenaires commerciaux de la Tunisie, notamment la zone euro où l’inflation avoisine 2,5%. Cette différence signifie que les prix augmentent plus vite en Tunisie qu’à l’étranger, ce qui réduit la valeur réelle du dinar.
Même si la monnaie semble se stabiliser sur le plan nominal, son pouvoir d’achat continue de s’effriter. Un même montant en dinars permet d’acheter moins de biens qu’auparavant, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Les ménages en font l’expérience au quotidien, lorsque le prix des produits importés — carburants, blé, médicaments ou équipements — s’élève mécaniquement au rythme de la dépréciation.
Une fragilité d’origine structurelle
Le problème du dinar n’est pas conjoncturel, il est structurel. Il réside dans les fondations mêmes de l’économie tunisienne, marquée par une productivité insuffisante, une dépendance chronique aux importations et des déficits jumeaux — budgétaire et courant — qui grèvent la stabilité monétaire.
L’État dépense plus qu’il ne perçoit, tandis que le pays continue d’importer davantage qu’il n’exporte. Cette double contrainte alimente une demande permanente de devises étrangères. À cela s’ajoute un endettement extérieur élevé, qui accroît la pression sur les réserves de change. La Banque centrale de Tunisie, malgré ses efforts pour préserver la stabilité des prix, évolue dans un contexte budgétaire et politique difficile qui limite la crédibilité de son action.
L’État dépense plus qu’il ne perçoit, tandis que le pays continue d’importer davantage qu’il n’exporte. Cette double contrainte alimente une demande permanente de devises étrangères. À cela s’ajoute un endettement extérieur élevé, qui accroît la pression sur les réserves de change.
Ces déséquilibres nourrissent un cercle vicieux : la dépréciation du dinar renchérit les importations, alimente l’inflation, creuse le déficit budgétaire et réduit les marges de manœuvre de la politique monétaire.
Une monnaie faible, des effets ambivalents
Une monnaie faible peut, en théorie, stimuler les exportations et le tourisme en rendant les produits tunisiens plus compétitifs à l’étranger. Mais cette logique ne fonctionne que dans les économies à forte capacité productive. Or, la production tunisienne reste largement dépendante d’intrants importés dont le coût augmente avec la dépréciation du dinar. Le gain de compétitivité est donc rapidement annulé par la hausse des coûts.
Les effets négatifs, eux, sont immédiats. Le coût de la vie augmente, les entreprises voient leurs charges s’alourdir, la dette extérieure devient plus coûteuse à rembourser, et la confiance dans la monnaie nationale s’amenuise. La faiblesse du dinar agit ainsi comme le miroir d’une économie vulnérable, exposée à des chocs externes qu’elle peine à absorber.
Redonner de la force au dinar : un chantier national
La solidité d’une monnaie est indissociable de celle de l’économie qu’elle représente. Pour redonner au dinar la force qu’il a perdue, la Tunisie devra s’attaquer à la racine du problème : la faiblesse de ses fondamentaux. Cela passe par la restauration des équilibres budgétaires, la relance de la production nationale, la diversification des exportations et la consolidation de la confiance des investisseurs, nationaux comme étrangers.
La solidité d’une monnaie est indissociable de celle de l’économie qu’elle représente. Pour redonner au dinar la force qu’il a perdue, la Tunisie devra s’attaquer à la racine du problème : la faiblesse de ses fondamentaux. Cela passe par la restauration des équilibres budgétaires, la relance de la production nationale, la diversification des exportations et la consolidation de la confiance des investisseurs, nationaux comme étrangers.
Une monnaie forte est celle d’un pays productif, crédible et stable. La Tunisie n’a pas perdu cette ambition : elle doit simplement retrouver le chemin de la cohérence économique et de la discipline budgétaire.
In fine, dire que le dinar est une monnaie faible, c’est reconnaître l’épuisement d’un modèle économique qui a longtemps vécu au-dessus de ses moyens. Mais cette faiblesse n’est pas une fatalité. En rétablissant la confiance, en maîtrisant l’inflation et en relançant la création de richesse, la Tunisie peut espérer redonner à sa monnaie la valeur d’un symbole retrouvé : celui d’une économie résiliente, ancrée dans la stabilité et tournée vers la productivité sociale.
———————————-
Références :
* BCT : Données économiques et financières : https://gosdmx.bct.gov.tn/gosdmx/pnrd?lang=FR
** INS : https://www.ins.tn/publication
===============================
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
L’article Dinar tunisien : la faiblesse d’une monnaie qui peine à retrouver sa force est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.