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ECLAIRAGE – Le cri d’un citoyen tunisien : symptôme d’une économie à bout de souffle

Il arrive qu’un simple témoignage vaille mieux qu’un rapport officiel. Ces derniers jours, la vidéo d’un citoyen tunisien exprimant sa détresse face à la flambée des prix et à la dégradation du quotidien a bouleversé les réseaux sociaux. L’émotion qu’elle a suscitée dépasse la dimension individuelle : elle révèle, dans sa sincérité brute, le visage d’une crise économique et sociale devenue systémique. Ce cri du cœur, loin d’être isolé, s’inscrit dans une réalité nationale marquée par l’érosion du pouvoir d’achat, la raréfaction des produits, la désillusion politique et la perte de confiance envers l’État.

Un choc du coût de la vie et une érosion du pouvoir d’achat

Lorsque ce citoyen affirme que « les prix ont flambé et la vie est devenue insupportable », il ne s’agit pas d’une hyperbole (1 fest). Le constat est étayé par la tendance inflationniste persistante que connaît la Tunisie depuis plus de deux décennies. Avec une inflation qui oscillait autour de 6,7 % en 2024, et une hausse particulièrement marquée des prix des denrées alimentaires et des produits de première nécessité, le pouvoir d’achat réel des ménages s’est considérablement contracté (1).

Les hausses successives des prix des légumes, des fruits et du poisson, évoquées dans le témoignage, traduisent les tensions structurelles dans les circuits de distribution et dans la chaîne de valeur agricole (2). Ces tensions sont alimentées par la dépendance aux importations, la hausse des coûts de production (carburant, intrants agricoles, alimentation animale) et le désengagement progressif de l’État des mécanismes de régulation des prix. Le résultat est clair : le panier du consommateur moyen s’est appauvri, et le marché s’est segmenté entre une minorité solvable et une majorité qui survit.

 

Les hausses successives des prix des légumes, des fruits et du poisson, évoquées dans le témoignage, traduisent les tensions structurelles dans les circuits de distribution et dans la chaîne de valeur agricole. Ces tensions sont alimentées par la dépendance aux importations, la hausse des coûts de production (carburant, intrants agricoles, alimentation animale) et le désengagement progressif de l’État des mécanismes de régulation des prix.

 

Une économie sans moteur productif

Le diagnostic formulé par le citoyen — « l’État a abandonné son rôle dans la production » — rejoint celui de nombreux économistes. Le modèle de développement tunisien, centré sur la consommation et l’endettement, s’est essoufflé. L’investissement productif privé stagne, l’investissement public recule, et les politiques industrielles et agricoles manquent de cohérence (3).

 

Le diagnostic formulé par le citoyen — « l’État a abandonné son rôle dans la production » — rejoint celui de nombreux économistes. Le modèle de développement tunisien, centré sur la consommation et l’endettement, s’est essoufflé. L’investissement productif privé stagne, l’investissement public recule, et les politiques industrielles et agricoles manquent de cohérence.

 

Le pays importe désormais une part croissante de ses besoins alimentaires, tandis que la productivité agricole décline sous l’effet combiné du manque d’eau, de la vétusté des équipements et du retrait progressif des soutiens publics. L’agriculture, autrefois pilier de la souveraineté économique, se trouve fragilisée. Dans ce contexte, les importations deviennent vitales mais pèsent lourdement sur des finances publiques sous tension, accentuant le déséquilibre de la balance commerciale et la pression sur les réserves en devises (4).

L’État, réduit à un rôle de gestion courante, peine à garantir l’approvisionnement du marché. La pénurie de certains produits essentiels n’est pas seulement le résultat d’une spéculation ponctuelle, mais d’une incapacité structurelle à planifier, produire et réguler. Cette impuissance économique nourrit le sentiment d’abandon et alimente la défiance sociale.

La crise de la gouvernance et la faillite de la planification

Le citoyen le dit sans détour : « Les responsables sont prisonniers d’un système sans vision ni stratégie ». Ce jugement traduit une crise de gouvernance profonde. Depuis plusieurs décennies, la Tunisie fonctionne sans véritable planification économique intégrée. Les politiques publiques se succèdent au rythme des urgences, sans coordination entre les ministères, sans priorités claires, et sans mobilisation du secteur privé productif.

Cette absence de stratégie a des effets visibles : une croissance molle (autour de 2 % en moyenne sur les cinq dernières années), un taux de chômage élevé (supérieur à 15 %, et dépassant 35 % chez les jeunes diplômés), et une désindustrialisation progressive. La politique budgétaire, contrainte par le service de la dette, se contente de mesures palliatives, tandis que la politique monétaire, focalisée sur la stabilité des prix, a peu d’impact sur l’investissement et la création d’emplois.

Dans ce contexte, la lutte contre la spéculation — souvent présentée comme un axe majeur — devient un argument politique plus qu’une politique économique. Le citoyen le souligne : « Si les spéculateurs existent, qu’on les montre ». Cette phrase dénonce l’usage rhétorique du terme pour masquer la faiblesse de l’appareil d’État. La spéculation n’est qu’un symptôme d’un marché désorganisé, d’une économie informelle florissante et d’une absence d’autorité régulatrice efficace.

 

Cette absence de stratégie a des effets visibles : une croissance molle (autour de 2 % en moyenne sur les cinq dernières années), un taux de chômage élevé (supérieur à 15 %, et dépassant 35 % chez les jeunes diplômés), et une désindustrialisation progressive. La politique budgétaire, contrainte par le service de la dette, se contente de mesures palliatives, tandis que la politique monétaire, focalisée sur la stabilité des prix, a peu d’impact sur l’investissement et la création d’emplois.

 

Le délitement social et la perte du contrat civique

Derrière les difficultés économiques, ce témoignage met en lumière une crise sociétale : celle de la confiance. « Quand quelqu’un réussit, on l’accuse d’avoir volé », déplore-t-il. Ce constat illustre une fracture morale : dans une économie stagnante, la réussite devient suspecte, et la solidarité s’effrite. Le tissu social tunisien, autrefois fondé sur une forte cohésion communautaire, se délite sous l’effet combiné de la pauvreté, de la méfiance et du repli sur soi.

Le citoyen, enseignant de son état, évoque aussi la faillite du système éducatif : « On ne forme plus des générations capables de penser ou de construire ». Là encore, le constat rejoint les analyses de terrain : un système éducatif déconnecté du marché du travail, figé dans des programmes obsolètes, et incapable de promouvoir la créativité ou l’esprit d’entreprise. Ce déclin éducatif alimente un cercle vicieux : chômage, fuite des compétences, démotivation, et perte de productivité nationale.

Entre populisme et impuissance : un État en perte de crédibilité

Ce témoignage, dans sa virulence, est aussi une critique implicite du populisme ambiant. Les slogans officiels — « lutte contre la corruption », « redressement national », « autosuffisance » — apparaissent creux lorsqu’ils ne s’accompagnent d’aucune amélioration concrète du quotidien. La gouvernance actuelle, concentrée entre les mains de l’exécutif, peine à convaincre d’une vision claire de sortie de crise.

L’État tunisien vit aujourd’hui dans une tension permanente entre le discours et la réalité : il promet la souveraineté alimentaire mais réduit les subventions agricoles ; il prône la justice sociale mais laisse l’inflation ronger les revenus fixes ; il annonce la relance mais gèle les recrutements publics. Cette incohérence mine la légitimité du pouvoir et alimente une colère sociale devenue chronique.

 

L’État tunisien vit aujourd’hui dans une tension permanente entre le discours et la réalité : il promet la souveraineté alimentaire mais réduit les subventions agricoles ; il prône la justice sociale mais laisse l’inflation ronger les revenus fixes ; il annonce la relance mais gèle les recrutements publics. Cette incohérence mine la légitimité du pouvoir et alimente une colère sociale devenue chronique.

 

Un cri qui résonne comme une alerte nationale

Ce citoyen, en exprimant son désarroi, ne fait pas que témoigner — il diagnostique. Son cri traduit ce que les institutions peinent à reconnaître : la Tunisie traverse une crise de modèle, pas seulement une crise de conjoncture. Une économie sans vision productive, un État sans planification, un peuple sans espoir — telle est la trilogie du malaise national.

Mais dans ce cri réside aussi une leçon : celle d’un peuple qui refuse de se taire. Derrière la colère, il y a encore une exigence de dignité, un appel à la rationalité économique et à la responsabilité politique. La Tunisie n’a pas besoin de nouveaux slogans, mais d’un nouveau contrat économique et social, fondé sur la production, la compétence et la justice.

Car comme le dit le citoyen : « Les marchés sont pleins, mais les poches sont vides ». Et tant que cette phrase demeurera vraie, aucune réforme ne sera crédible.

 

Mais dans ce cri réside aussi une leçon : celle d’un peuple qui refuse de se taire. Derrière la colère, il y a encore une exigence de dignité, un appel à la rationalité économique et à la responsabilité politique. La Tunisie n’a pas besoin de nouveaux slogans, mais d’un nouveau contrat économique et social, fondé sur la production, la compétence et la justice.

 

 

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Références :

(1) : FEST : https://library.fes.de/pdf-files/bueros/tunesien/14391.pdf

(2) : INS : https://www.ins.tn/publication/indice-des-prix-la-consommation-septembre-2025

(3) : ITCEQ: http://www.itceq.tn/files/tableaux-de-bord/conjoncture/2025/tbord-mars2025.pdf

(4) : BCT : https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/documents/Conjoncture_fr.pdf

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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ECLAIRAGE – Tunisie – Les leçons d’un dilemme monétaire mondial

L’actualité monétaire américaine, marquée par les tensions au sein de la Réserve Fédérale, offre un miroir instructif pour la Tunisie. Derrière la communication de la Fed et sa volonté affichée de transparence, se cache un dilemme classique mais d’une actualité brûlante. A savoir : comment concilier la lutte contre l’inflation et le soutien à l’emploi, sans compromettre la crédibilité de l’institution monétaire.

Un dilemme américain aux résonances tunisiennes

La Fed se retrouve sur une ligne de crête : un resserrement trop hâtif de sa politique monétaire risquerait d’étouffer la reprise et de raviver le chômage; tandis qu’un statu quo prolongé accentuerait les pressions inflationnistes. Ce dilemme, qui place l’institution face au choix entre deux maux, illustre les limites d’une politique monétaire contrainte par la perception politique et la peur de perdre son indépendance.

La situation tunisienne, bien que différente par nature et par ampleur, n’en est pas moins proche dans sa logique. La Banque centrale de Tunisie (BCT) fait face au même tiraillement : préserver la stabilité des prix dans un contexte d’inflation encore élevée; tout en soutenant une économie en sous-régime, minée par un chômage structurel et une faible création d’emplois productifs.

Crédibilité monétaire et pression politique

À Washington comme à Tunis, l’indépendance de la Banque centrale n’est jamais acquise. Aux États-Unis, la Fed est critiquée par un Congrès inquiet de l’inflation. Car celle-ci ronge le pouvoir d’achat d’un électorat déjà fragilisé. En Tunisie, la BCT est soumise à d’autres types de pressions : celles d’un gouvernement contraint par le déficit budgétaire et la dette publique, et par les revendications sociales exigeant davantage de liquidités et de crédit à l’économie.

Le risque est similaire : si la Banque centrale sacrifie la stabilité monétaire pour répondre aux besoins conjoncturels du gouvernement, elle perd en crédibilité. Mais si elle maintient une politique restrictive au nom de la lutte contre l’inflation, elle freine la relance et alimente le chômage. Ce cercle vicieux est au cœur du dilemme tunisien actuel.

 

Le risque est similaire : si la Banque centrale sacrifie la stabilité monétaire pour répondre aux besoins conjoncturels du gouvernement, elle perd en crédibilité. Mais si elle maintient une politique restrictive au nom de la lutte contre l’inflation, elle freine la relance et alimente le chômage. Ce cercle vicieux est au cœur du dilemme tunisien actuel.

 

Inflation, chômage et croissance : le triangle impossible

La règle de Taylor, souvent invoquée par les banquiers centraux, veut que la réaction à l’inflation soit plus forte que celle au chômage. Mais dans les économies fragiles, cette hiérarchie se heurte à la réalité sociale. En Tunisie, où le chômage des jeunes dépasse 35 % et où le pouvoir d’achat se dégrade continuellement, privilégier exclusivement la stabilité des prix revient à ignorer la dimension humaine de la croissance.

La Fed, durant la crise des subprimes, avait su sortir des sentiers battus sous l’impulsion de Ben Bernanke, en adoptant une politique non conventionnelle audacieuse. La Tunisie, confrontée à une situation de stagnation prolongée, pourrait s’inspirer de cette flexibilité intellectuelle : oser des instruments de relance ciblés, mobiliser la politique de crédit vers la production et la transformation, et rétablir la confiance dans le circuit financier interne.

 

La Fed, durant la crise des subprimes, avait su sortir des sentiers battus sous l’impulsion de Ben Bernanke, en adoptant une politique non conventionnelle audacieuse. La Tunisie, confrontée à une situation de stagnation prolongée, pourrait s’inspirer de cette flexibilité intellectuelle : oser des instruments de relance ciblés, mobiliser la politique de crédit vers la production et la transformation, et rétablir la confiance dans le circuit financier interne.

 

In fine : restaurer la crédibilité sans étouffer l’économie

Le dilemme américain éclaire, à sa manière, les tensions tunisiennes entre orthodoxie monétaire et urgence sociale. Dans les deux cas, la crédibilité d’une banque centrale ne se mesure pas uniquement à sa rigueur; mais à sa capacité à agir avec discernement et courage face aux contraintes politiques et économiques.

La Tunisie, en observant les hésitations de la Fed, doit comprendre que la véritable indépendance d’une banque centrale ne réside pas dans le refus du risque, mais dans sa faculté à articuler stabilité, croissance et équité sociale. Autrement dit, l’économie tunisienne ne peut se contenter d’une politique monétaire défensive : elle doit oser une stratégie d’ajustement active, au service de l’investissement et de l’emploi, sans renoncer à la discipline qui fonde la confiance.

 

L’économie tunisienne ne peut se contenter d’une politique monétaire défensive : elle doit oser une stratégie d’ajustement active, au service de l’investissement et de l’emploi, sans renoncer à la discipline qui fonde la confiance.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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Revue économique et financière hebdo au 24 octobre 2025 : équilibre fragile … maîtrisé

A l’ international : marchés sous pression, entre prudence et incertitude

La scène économique mondiale reste marquée par une forte volatilité liée à la conjonction de facteurs géopolitiques et monétaires. Le ralentissement de la croissance mondiale s’accentue, notamment en Europe, où la BCE maintient une politique de taux élevés pour contenir une inflation encore au-dessus de sa cible. Aux États-Unis, la Réserve fédérale poursuit une approche prudente, temporisant toute baisse de taux dans un contexte de résilience de l’emploi et d’endettement public record.

Sur les marchés financiers, les investisseurs demeurent attentistes : les places boursières européennes ont connu des séances hésitantes. Tandis que le dollar reste relativement ferme face à l’euro.

Les cours du pétrole évoluent autour de 85 dollars le baril, soutenus par les tensions persistantes au Moyen-Orient et les réductions de production décidées par l’OPEP+.

Les marchés émergents, notamment africains, subissent une pression croissante sur leurs devises face au durcissement monétaire global. Cette situation alimente des sorties de capitaux, accentuant les besoins de financement extérieur et pesant sur les balances de paiements.

 

En Tunisie, une liquidité bancaire sous surveillance

En Tunisie, les indicateurs monétaires récents mettent en évidence une liquidité bancaire toujours tendue, malgré quelques signes de rééquilibrage. Le solde du compte courant du Trésor s’est contracté à 1 325,8 MDT, contre 2 136,3 MDT un an plus tôt, traduisant la montée des besoins de financement de l’État. Les comptes ordinaires des banques affichent un niveau modéré de 357 MDT, signe d’une gestion serrée des ressources.

Les billets et monnaies en circulation s’élèvent à 25 226 MDT, en légère hausse, reflet de pressions saisonnières liées à la fin d’année. Face à cette situation, la Banque centrale de Tunisie demeure le pivot du système, ajustant finement son intervention.

Le volume global de refinancement s’établit à 11 763 MDT, en léger repli. Les appels d’offres hebdomadaires sont stables à 5 600 MDT. Tandis que les opérations de refinancement à long terme bondissent à 2 628 MDT contre 717 MDT un an plus tôt, signe d’un recours accru à la liquidité structurelle.

Le taux du marché monétaire reste ancré à 7,49 %, très proche du taux directeur de 7,5 %, traduisant une stabilisation bienvenue après plusieurs années de durcissement.

Des fondamentaux externes globalement stables

Les avoirs nets en devises atteignent 25 006 MDT, équivalant à 107 jours d’importation, un niveau satisfaisant mais en léger recul par rapport aux 111 jours enregistrés en 2024. Le dinar tunisien montre une résilience notable : il se maintient autour de 3,41 TND pour un euro et s’apprécie face au dollar, désormais autour de 2,93 TND, bénéficiant du repli du billet vert sur les marchés internationaux.

Les entrées de devises confirment cette solidité. Les recettes touristiques cumulées atteignent 6 715 MDT, en hausse de près de 8 % sur un an, tand que les transferts des Tunisiens à l’étranger progressent de 7,6 % à 6 992 MDT. Ces flux soutiennent la stabilité du dinar et atténuent les tensions sur les réserves. En revanche, le service de la dette extérieure reste élevé, à 10 863 MDT, bien que légèrement inférieur au niveau de l’année précédente.

Le marché financier entre prudence et repositionnement

Sur le marché monétaire, la Banque centrale affiche une volonté de maintenir un équilibre délicat entre soutien à la liquidité et maîtrise des tensions inflationnistes. La réduction des opérations d’open market et la stabilisation du refinancement global illustrent cette approche mesurée.

Le marché des Bons du Trésor traduit un repositionnement stratégique de la dette publique. Les émissions à court terme reculent fortement à 3 010 MDT. Quant aux Bons du Trésor Assimilables à moyen et long termes, ils s’envolent à 28 607 MDT, contre 17 003 MDT un an auparavant. Cette évolution témoigne d’une gestion proactive visant à allonger la maturité de la dette et à réduire la pression du refinancement immédiat.

La Bourse de Tunis reste calme, marquée par un volume d’échanges modéré et une préférence pour les valeurs bancaires et d’assurances. Les investisseurs institutionnels observent une attitude prudente, dans l’attente des orientations définitives du projet de loi de finances 2025, dont les mesures fiscales et budgétaires pourraient influencer les perspectives sectorielles.

Des perspectives de stabilité relative

À court terme, la Tunisie devrait maintenir une stabilité monétaire soutenue par la vigueur du dinar et la solidité des flux extérieurs. La dynamique du tourisme et des transferts demeure un atout majeur pour la balance des paiements. Toutefois, les marges de manœuvre budgétaires resteront limitées face à la hausse des besoins de financement et à la rigidité des dépenses publiques.

À moyen terme, l’équilibre économique dépendra de la coordination entre la politique budgétaire (Cf : LF2026 à l’examen) et monétaire. Une réduction progressive du recours à la dette à court terme, associée à des réformes structurelles ciblant la productivité, sera déterminante pour renforcer la compétitivité nationale. Car, faute de relance effective, le pays s’expose au risque d’une croissance atone accompagnée d’une inflation d’origine structurelle, notamment dans les secteurs de l’énergie et de l’alimentation.

Un équilibre fragile mais maîtrisé

Le paysage économique tunisien au 24 octobre 2025 se caractérise par une stabilisation fragile mais réelle. La Banque centrale, en jouant le rôle d’arbitre prudent, parvient à maintenir une cohérence entre les besoins de financement et la stabilité du dinar. Les recettes extérieures offrent une respiration bienvenue, mais les pressions budgétaires et la dépendance à l’endettement exigent une vigilance de tous les instants.

L’enjeu des prochains mois sera de trouver le juste équilibre entre relance et discipline : stimuler la croissance sans compromettre la stabilité monétaire demeure le défi central de l’économie tunisienne.

 

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Références :

(1) Sources principales consultées pour le contexte international : World Bank MENAAP (24 oct. 2025), données prix Brent / marché pétrolier (24 oct. 2025), minutes Fed / prises de position récentes, analyses Reuters sur la réaction des marchés aux tensions régionales. (Banque Mondiale)

(2) (*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp

(**) https://www.ins.tn/

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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ECLAIRAGE — Dette souveraine – Le retour aux fondamentaux … Un mal nécessaire devenu dépendance structurelle

L’endettement public est au cœur des débats économiques contemporains. Instrument de relance lorsqu’il finance l’investissement, il devient un fardeau lorsqu’il entretient les déséquilibres et la dépendance. Pour les ménages comme pour les entreprises, la dette excessive est un signal d’alerte ; pour les États, elle devient une question de souveraineté.

Dans le cas de la Tunisie, l’endettement est aujourd’hui moins un choix qu’une nécessité imposée par la faiblesse des recettes fiscales, la stagnation de la croissance et la pression sociale. Mais cette dette n’est pas neutre : elle est en grande partie contractée en devises étrangères. Ce qui change radicalement la donne.

La clé : la monnaie d’émission de la dette

Les économistes de tous bords, notamment en Tunisie, le rappellent : un pays ne risque véritablement une crise de dette souveraine que dans deux situations. Premièrement, si la dette est libellée dans une devise étrangère. Et deuxièmement, si l’État n’a pas la possibilité de la racheter via sa propre Banque centrale.

C’est précisément ce qui distingue les grandes puissances des pays émergents. Les États-Unis peuvent s’endetter sans craindre de défaut : leur dette est en dollars, et la Réserve fédérale peut, en dernier ressort, « monétiser » cette dette — c’est-à-dire la racheter en créant de la monnaie. Ce mécanisme, certes inflationniste quand les tensions sur les capacités de production sont exacerbées et surchauffe, reste une forme de souveraineté. Il garantit la liquidité de la dette publique et protège l’État contre la spéculation.

 

C’est précisément ce qui distingue les grandes puissances des pays émergents. Les États-Unis peuvent s’endetter sans craindre de défaut : leur dette est en dollars, et la Réserve fédérale peut, en dernier ressort, « monétiser » cette dette — c’est-à-dire la racheter en créant de la monnaie. Ce mécanisme, certes inflationniste quand les tensions sur les capacités de production sont exacerbées et surchauffe, reste une forme de souveraineté.

 

La Tunisie, piégée par sa dépendance extérieure

La Tunisie, comme beaucoup d’économies émergentes, ne dispose pas de ce privilège. Plus d’un tiers de sa dette extérieure est libellée en devises étrangères, principalement en euros et en dollars. Or, le dinar ne bénéficie pas d’un statut international : la Banque centrale de Tunisie ne peut créer ni dollars ni euros pour rembourser ses engagements.

Le pays doit donc gagner ces devises, à travers les exportations, le tourisme, les transferts des Tunisiens à l’étranger, ou encore de nouveaux emprunts. Cette mécanique, fragile par nature, rend la Tunisie vulnérable aux chocs externes, à la hausse des taux mondiaux et à la dépréciation du dinar.

 

Le pays doit donc gagner ces devises, à travers les exportations, le tourisme, les transferts des Tunisiens à l’étranger ou encore de nouveaux emprunts.

 

 

Dette tunisienne

 

Lorsque les remboursements s’accumulent, l’État se retrouve acculé : réduire les dépenses, geler les recrutements, retarder les paiements, ou emprunter encore. C’est le cercle vicieux de la dette improductive, celle qui finance le fonctionnement de l’État plutôt que son développement.

Le tabou de la monétisation

Certains économistes tunisiens plaident pour un recours contrôlé à la création monétaire afin de financer les investissements publics, à l’image de ce que pratiquent les pays développés, dont notamment le Japon. Mais la Banque centrale de Tunisie, arc-boutée sur son indépendance, reste réticente. Son mandat, inspiré du modèle européen, privilégie la stabilité des prix à la croissance et à l’emploi.

Ce cadre, pertinent dans un environnement d’inflation chronique, devient cependant restrictif lorsque l’économie stagne. La peur de « l’inflation par la planche à billets » a conduit à une forme d’austérité monétaire qui étouffe l’investissement public et prive l’État d’un levier de relance. Dans un pays où le chômage dépasse 15 % et où les infrastructures se dégradent, la question mérite d’être reposée.

 

La Tunisie, qui envisage de faire son grand retour sur le marché financier international en 2026, se trouve paradoxalement dans une situation inverse : bien qu’elle dispose de sa propre monnaie, une part importante de sa dette est libellée en devises étrangères.

 

La leçon grecque et la leçon tunisienne

L’exemple de la Grèce en 2010 a montré qu’un pays peut perdre sa souveraineté monétaire même au sein d’une union puissante. Athènes, intégrée à la zone euro, ne pouvait plus monétiser sa dette : la Banque centrale européenne (BCE) détenait le monopole de la création monétaire. Elle a donc dû se plier à une austérité dictée par les créanciers.

La Tunisie, qui envisage de faire son grand retour sur le marché financier international en 2026, se trouve paradoxalement dans une situation inverse : bien qu’elle dispose de sa propre monnaie, une part importante de sa dette est libellée en devises étrangères. Elle n’est donc pas pleinement souveraine dans la gestion de sa dette, puisqu’elle dépend de ressources extérieures pour en assurer le service. Dans les deux cas, le constat demeure identique : sans maîtrise ni de la monnaie ni de la dette, il ne peut y avoir de véritable souveraineté économique.

 

Repenser la dette : substituer la confiance interne à la dépendance externe

Revenir aux fondamentaux, pour la Tunisie, signifie rompre avec la logique d’endettement externe systématique. Il s’agit de renforcer la dette en dinars, d’élargir le marché obligataire local, de mobiliser l’épargne nationale et de regagner la confiance des investisseurs locaux.

Un État qui inspire confiance à ses citoyens n’a pas besoin de s’endetter à l’étranger pour se financer. Cela suppose plus de transparence, une meilleure gouvernance budgétaire et une politique économique lisible.

 

La dette n’est pas un mal en soi. Cependant elle devient une servitude lorsqu’elle se conjugue à la perte de maîtrise monétaire et à la dépendance extérieure.

 

À long terme, c’est cette souveraineté financière retrouvée qui permettra à la Tunisie de financer son développement sans se condamner à l’endettement perpétuel.

In fine, la dette n’est pas un mal en soi. Cependant elle devient une servitude lorsqu’elle se conjugue à la perte de maîtrise monétaire et à la dépendance extérieure. Le véritable « retour aux fondamentaux » pour la Tunisie ne réside pas dans la réduction comptable de la dette, mais dans la reconquête de son sens : financer la croissance et non la survie.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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