L’Union européenne envisage de mettre fin, d’ici 2030, à son financement de deux grands mécanismes mondiaux de santé : l’Alliance mondiale pour les vaccins (Gavi) et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. C’est en tout cas ce que révèle Euractiv, se basant sur un document interne. Cette décision, qui ferait écho à celle des États-Unis sous la présidence de Donald Trump, marquerait un tournant majeur dans la politique européenne de santé mondiale.
Sale temps pour la santé mondiale. Après les États-Unis de Trump, la Commission européenne de von der Leyen envisagerait de couper son aide à la santé mondiale.
Préparé pour le commissaire européen aux Partenariats internationaux, Jozef Síkela, le document propose de réviser en profondeur l’aide publique au développement (APD) afin de concentrer les fonds sur des programmes où l’UE peut exercer une influence politique directe, lit-on sur euractiv.fr.
Malgré son statut de premier bailleur mondial d’APD, l’UE estime que son « poids politique ne correspond pas à son poids financier ». Bruxelles souhaite donc rationaliser ses contributions et introduire des clauses de caducité pour les initiatives jugées redondantes, notamment celles portées par Gavi et le Fonds mondial.
Des organisations pourtant vitales pour la santé mondiale
Créées pour améliorer l’accès à la vaccination et aux traitements dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, Gavi et le Fonds mondial revendiquent des résultats spectaculaires : environ 20,6 millions de vies sauvées grâce aux programmes de vaccination et 70 millions par la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, rappelle Euractiv.
Leur rôle reste crucial pour la prévention de maladies comme le paludisme, Ebola, la polio ou la variole du singe. Toutefois, la Commission européenne estime que l’aide devrait désormais être plus stratégique et davantage alignée sur les intérêts économiques et géopolitiques de l’Union.
Une tendance mondiale au recul de l’aide au développement
Cette réflexion s’inscrit dans un contexte global de désengagement des grandes puissances en matière d’aide internationale.
Depuis 2021, l’UE a versé 3,5 milliards d’euros à divers fonds mondiaux, mais la tendance est à la baisse. Les États-Unis ont déjà réduit leur financement de Gavi et du Fonds mondial, tout en se retirant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
De même, l’Allemagne, la France, la Belgique et d’autres États membres ont diminué leurs contributions à l’APD pour réallouer une partie des budgets à la défense et à la sécurité.
Il est donc évident que ces coupes budgétaires fragilisent des initiatives comme Gavi, qui cherche à lever des fonds pour vacciner 500 millions d’enfants d’ici 2030. En juin 2025, l’organisation n’a récolté que 9,5 milliards de dollars, soit moins que l’objectif de 11,9 milliards fixé pour son plan quinquennal.
Le Royaume-Uni, autre donateur majeur, a également réduit sa contribution de 400 millions de livres sterling.
Face à ces difficultés, l’UE subit une pression croissante pour compenser les retraits des autres bailleurs. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait d’ailleurs appelé en septembre à « prendre le relais là où d’autres se sont retirés », en lançant une nouvelle initiative mondiale pour la résilience sanitaire.
Vers un nouveau modèle d’aide conditionnelle
En pratique, Bruxelles réoriente progressivement son aide vers des financements publics-privés et plus conditionnels, destinés à promouvoir les intérêts économiques européens.
C’est dans ce contexte qu’en octobre dernier Ursula von der Leyen a annoncé la création du Global Gateway Investment Hub (GGIH), une plateforme d’investissement destinée à canaliser les fonds publics et privés vers des projets considérés comme stratégiques pour l’Union.
Des alternatives encore floues
Si Gavi affirme vouloir « se rendre inutile » à long terme en aidant les pays à renforcer leur autonomie vaccinale, aucun modèle de remplacement concret n’existe pour l’instant.
Les clauses de caducité envisagées par l’UE devraient coïncider avec le prochain cadre financier pluriannuel 2028-2034, qui mettra davantage l’accent sur la mobilisation du secteur privé et la sécurisation des intérêts géopolitiques européens.
Dans un communiqué, la Commission a assuré maintenir un dialogue ouvert avec les organisations concernées, tout en soulignant la « nécessité d’adapter l’aide internationale » à un contexte marqué par la rareté des ressources et le renforcement des systèmes de santé locaux.
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