Ukraine : les missiles Tomahawks peuvent-ils changer le cours de la guerre ?
Donald Trump, qui va rencontrer Vladimir Poutine dans deux semaines en Hongrie et qui reçoit ce vendredi 17 octobre son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, est-il prêt à accorder à ce dernier les missiles Tomahawks qu’il convoite tant ?
Nouvel épisode dans les relations en dents de scie entre le président américain, Donald Trump, et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky. Celui-ci est en visite ce vendredi 17 octobre à Washington. Il vient solliciter en particulier la livraison de missiles de croisière Tomahawks, tant redoutés par Moscou pour l’importance de leur charge explosive, leur longue portée et leur précision diabolique.
Le locataire de la Maison Blanche sautera-t-il ce pas fatidique qui, s’il ne changeait pas radicalement le rapport des forces entre les deux belligérants, amènerait Vladimir Poutine à la table des négociations ? Trop tôt pour envisager cette hypothèse. Même si nous savons que l’entrevue entre les deux chefs d’Etat a été précédée par des échanges préalables entre des représentants militaires ukrainiens et des poids lourds du complexe militaro-industriel américain. Et ce, à l’instar des entreprises de défense américaines Lockheed Martin et Raytheon, avec, bien entendu, l’aval du Pentagone.
D’ailleurs, fraîchement sorti de l’accord de cessez-le-feu à Gaza, le président américain a laissé entendre mardi 14 octobre qu’il « pourrait » autoriser la vente de missiles Tomahawks à l’Ukraine. « Si cette guerre ne se règle pas, je pourrais envoyer des Tomahawks », a déclaré Donald Trump. « Un Tomahawk est une arme incroyable. Et la Russie n’en a pas besoin. Si la guerre n’est pas réglée, nous pourrions le faire. Nous pourrions ne pas le faire. Mais nous pourrions le faire », a-t-il encore ajouté, maniant encore une fois le flou artistique dont il est coutumier.
Une arme redoutable
Capable d’atteindre une cible jusqu’à 2 500 km en portant une charge de 450 kg d’explosifs, le missile de croisière Tomahawk est construit par l’entreprise américaine Raytheon et mis en service dans les années 1980. Il s’agit d’un missile de croisière subsonique, c’est-à-dire volant au ras du sol à environ 880 km/h. Ce qui le rend plus difficilement détectable par les radars.
A cet égard, notons qu’il a été utilisé pour la première fois avec succès lors de la première guerre du Golfe en 1991 contre les systèmes de défense antiaériens et les postes de commandement irakiens. Il est alors de toutes les guerres des États-Unis, de l’intervention en Bosnie en 1995 aux frappes contre le régime syrien en 2018.
A savoir que l’Ukraine dépend pour le moment des missiles fournis par l’Occident, comme le Storm Shadow, qui ont une portée limitée à environ 250 kilomètres.
La guerre de l’énergie
Or, il convient de rappeler que dans le conflit ukrainien, le secteur énergétique est devenu une arme stratégique. D’ailleurs, en réponse à la guerre à grande échelle que Moscou mène depuis 2022 en ciblant les infrastructures électriques et gazières ukrainiennes pour saper la résistance des habitants et paralyser le pays, Kiev a riposté ces derniers mois en frappant au cœur même de l’industrie pétrolière russe et en multipliant les attaques contre des raffineries russes.
Ainsi, depuis août 2025, l’Ukraine a mené une trentaine d’attaques contre des raffineries et dépôts de carburant à l’intérieur du territoire russe et dans les zones occupées, notamment en Crimée. Ces frappes provoquent des pénuries dans certaines régions, avec des files d’attente aux stations-service et une hausse du prix de l’essence. L’objectif est donc de toucher l’opinion publique russe, mais aussi et avant tout de réduire la capacité de la Russie à financer sa guerre.
Selon les experts militaires, l’utilisation de missiles américains accroîtra sensiblement les frappes dans la profondeur contre les infrastructures pétrolières. D’autant plus que l’armée ukrainienne utilisait en grande partie des drones, dont la vitesse limitée et la faible capacité explosive limitaient la puissance de destruction.
Le courroux du Kremlin
Cela étant, la possibilité que l’Ukraine obtienne des missiles Tomahawks a déclenché l’inquiétude et même des menaces à peine voilées de Moscou.
Ainsi, Vladimir Poutine a averti que la livraison de Tomahawks serait « un tournant dans ses relations avec le président américain. Car les utiliser sans une participation directe des soldats américains, c’est impossible. Et ce serait un changement majeur, une nouvelle escalade, notamment dans les relations entre la Russie et les États-Unis ».
Pour sa part, l’ancien président russe Dmitri Medvedev, connu pour ses déclarations intempestives, a menacé les États-Unis et Donald Trump personnellement d’une réponse nucléaire.
« Il a été dit cent fois, d’une manière compréhensible même pour l’homme étoilé, qu’il est impossible de distinguer un missile Tomahawk nucléaire d’un missile conventionnel en vol », a-t-il déclaré. « La livraison de ces missiles pourrait mal finir pour tout le monde. Et surtout, pour Trump lui-même ».
Incertitudes
Mais, la potentielle livraison des missiles américains, dont le coût est estimé à 1,3 million de dollars, pose plusieurs questions financières et logistiques : qui payera la note, jugée trop salée, Kiev ou les pays européens membres de l’Otan ? Combien de missiles pourraient livrer les États-Unis sans « appauvrir » leurs réserves de missiles Tomahawks ? Alors même que Donald Trump aurait assuré, avant de rencontrer Volodymyr Zelensky à Washington ce vendredi 17 octobre, que « même si nous en avons beaucoup, nous ne pouvons pas épuiser les stocks pour d’autres pays. On va voir ce qu’on peut faire sur ce point », estimant que ces armes étaient nécessaires à la sécurité américaine.
Autre obstacle, mais d’ordre technique : le missile Tomahawk est conçu pour être lancé depuis des sous-marins et des navires de surface. Or, décimée, la marine ukrainienne ne dispose depuis 2022 que de quelques patrouilleurs et navires de guerre incapables de lancer ces missiles.
Enfin, le fonctionnement de ces missiles extrêmement sophistiqués requiert la présence de techniciens américains sur le sol ukrainien; une ligne rouge pour Moscou.
Alors, l’administration Trump prendra-t-elle le risque périlleux d’un face-à-face aux conséquences incalculables, en défiant la première puissance nucléaire du monde ? Impensable.
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