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Lettre de Abdellatif Laâbi à la jeunesse marocaine

Nous reproduisons ci-dessous la lettre du poète marocain Abdellatif Laâbi à la jeunesse de son pays, qui manifeste depuis quelques jours, à l’initiative du collectif GenZ212, pour revendiquer des services publics d’éducation et de santé plus dignes. Ce texte est extrait du livre de l’auteur ‘‘Un autre Maroc’’ (Editions de la Différence, Paris, 2013).

Au-delà des souffrances que vous endurez, il y a une image que l’Histoire gardera de vous. Et elle sera lumineuse, croyez-moi.

Dans toutes les histoires particulières, ce sont les jeunes qui ont été à la pointe des combats pour la liberté. Ce sont eux qui ont consenti pour elle les plus lourds sacrifices. Grâce à vous, nous savons que les tyrannies ne sont pas éternelles. Elles peuvent manœuvrer, manipuler et acheter les consciences, mais elles finissent par s’écrouler à l’instar de n’importe quel édifice reposant sur des fondations corrompues, construit avec des matériaux volés.

Vous avez restitué son âme à une scène politique où la plupart des protagonistes avaient vendu la leur au diable, au pouvoir et à l’argent. Les rêves que vous portez en vous ne sont pas de ceux qui meurent car ils sont inscrits dans le noyau de l’identité humaine. Ils tiennent leur force de la nature qui nous englobe, elle dont le cycle des saisons ne saurait être interrompu et où l’hiver, les hivers préparent immanquablement le printemps.

J’ai eu moi aussi votre âge et me suis battu pour des rêves proches des vôtres *. J’ai traversé bien des épreuves et m’en suis relevé. Soixante ans après, je suis encore là à vous entretenir au nom de la liberté.

* Le poète fait ici allusion à son combat pour la liberté qui lui valut d’être emprisonné de 1972 à 1980, avant de s’exiler en France en 1985.

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De Katmandou à Rabat, la génération Z exprime le ras-le-bol de la jeunesse marocaine

Deux personnes ont perdu la vie, hier mercredi, suite aux violences qui se sont se produites en marge de protestations pacifiques au Maroc. Mais, que se passe-t-il au royaume chérifien, l’un des rares pays du Maghreb jusqu’à ce jour épargné par la lame de fond du Printemps arabe ?

« Liberté, dignité, justice sociale», « Des stades gigantesques, mais pas d’éducation », « Les hôpitaux avant la Coupe du monde » … Tels sont les slogans soulevés depuis la semaine écoulée par les manifestants de la génération Z. Lesquels sont descendus dans la rue dans plusieurs villes du Maroc notamment Rabat, Casablanca, Tanger, Agadir ou encore  Marrakech pour exprimer le ras-le-bol de la jeunesse marocaine excédée par la montée des inégalités et le manque de perspectives et afin de dénoncer la détérioration du service public. Enfin, pour réclamer notamment un meilleur système de santé et une éducation de qualité, tout en dénonçant la corruption qui gangrène les institutions.

Alors que Rabat consacre des budgets jugés colossaux à l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations, en décembre, et à la Coupe du monde, prévue en 2030. A savoir qu’au total, 9,5 milliards de dirhams (environ 890 millions d’euros) sont alloués à la rénovation de six stades. Tandis que 5 milliards de dirhams (environ 469 millions d’euros) contribuent à la construction du Grand Stade de Casablanca.

Le tout dans un pays rongé par une sourde inquiétude sur l’avenir du royaume. Et ce, en raison de la santé du roi Mohammed VI et la lutte secrète au sein du Makhzen entre le jeune héritier du trône, le prince Moulay El Hassan, le fils aîné du roi Mohammed VI (22 ans) et son oncle Moulay Rachid.

Une jeunesse libre

Ainsi, depuis le 28 septembre, le Maroc vit au rythme de manifestations d’une rare ampleur dans le pays. Des milliers de jeunes ont répondu aux appels à manifester, lancés surtout sur les réseaux sociaux. Sachant que les protestations ont été coordonnées par un collectif baptisé « Gen Z 212 », en référence à la génération Z et à l’indicatif téléphonique du pays (212). En référence à des mouvements similaires qui secouent d’autres pays comme le Népal ou Madagascar.

Avec plus de 120 000 membres sur sa plateforme, contre 1 000 à son lancement, le collectif s’est imposé en quelques jours comme le porte-voix d’une génération exaspérée. Son logo, « Gen Z » en lettres massives traversé d’une étoile rouge, rappel du drapeau marocain, s’affiche désormais sur de nombreuses publications sur les réseaux sociaux.

« Nous n’appartenons à aucun parti, ni mouvement politique. Nous sommes une jeunesse libre. Notre voix est indépendante. Notre seule revendication est la dignité et les droits légitimes pour chaque citoyen ».

Une jeunesse à laquelle le Premier ministre Aziz Akhannouch avait promis un million d’emplois en cinq ans, soit 200 000 par an. Mais les programmes d’aide à l’emploi n’ont pas suivi. Le taux de chômage reste élevé : il atteignait 13,3 % en 2024. Mais surtout il était de 36,7 % chez les jeunes de 15 à 24 ans, 19,6 % chez les diplômés et 19,4 % chez les femmes.

Les raisins de la colère

Et c’est la mort suspecte de huit femmes enceintes, en août, à la suite d’accouchements par césarienne à l’hôpital public Hassan-II d’Agadir qui a mis le feu aux poudres. Car ce scandale sanitaire illustre la déliquescence du service public et renforce l’image d’un pays à deux vitesses, où l’accès aux soins reste profondément inégal. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne que le Maroc ne dispose que de 7,7 professionnels de santé pour 10 000 habitants. Un chiffre largement en dessous des recommandations de l’agence onusienne.

« Ce drame a été l’élément déclencheur des protestations, révélant un système d’alerte et d’action complètement grippé, entre une médecine publique en crise face à un secteur privé réservé aux plus aisés », analyse Mehdi Alioua, sociologue à Sciences Po Rabat-UIR. « Ce parallèle a touché beaucoup de jeunes,. D’autant qu’ils voient l’État injecter des milliards dans les stades, alors qu’eux-mêmes, même diplômés, n’ont aucune perspective de vivre dignement », a-t-il encore ajouté.

Quid de la génération Z ?

Rappelons enfin que la génération Z aura offert un sérieux démenti au cliché selon lequel elle serait apathique et peu intéressée par la politique.

En effet, cette colère sociale, portée par une jeunesse marocaine connectée et révoltée contre les inégalités, s’inscrit dans un mouvement transfrontalier qui a déjà touché plusieurs pays d’Asie ces derniers mois comme au Népal début septembre où le gouvernement a été balayé en quelques jours, aux Philippines ou encore en Indonésie. Avant cela, le Bangladesh, le Sri Lanka mais aussi le Kenya avaient connu des mouvements similaires.

Pour Ketakandriana Rafitoson, enseignante-chercheure en Science politique à l’Université catholique de Madagascar, « ce mouvement est avant tout inédit par sa forme profondément horizontale, spontanée et décentralisée. Contrairement aux mobilisations du passé portées ou récupérées par des partis politiques, des syndicats ou des figures charismatiques, celle-ci est née d’une indignation collective organique, principalement dans des espaces numériques, et s’est structurée sans leader unique ».

Et de conclure : « Cela lui donne une puissance symbolique nouvelle, car elle ne répond pas à une logique de conquête du pouvoir, mais à un impératif existentiel, celui de réclamer un avenir vivable ».

Toutefois,  les mouvements de la génération Z qui ont déjà démontré leur capacité à faire bouger les lignes en faisant tomber des gouvernements- comme ce fût le cas au Népal- restent vulnérables à la récupération politique. Le principal défi consiste à transformer l’expression de la colère en une véritable stratégie. Tout en évitant d’être happé par des partis traditionnels. L’enjeu est de taille.

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