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Croissance, inflation, investissements : les paradoxes de l’économie tunisienne

Les manchettes des journaux tunisiens sont rassurantes. On y parle de reprise de la croissance, du regain du tourisme, du recul de l’inflation et du retour des investisseurs étrangers. Mais derrière les titres optimistes, les chiffres racontent une histoire contrastée. L’économiste Hechmi Alaya invite, dans le dernier numéro d’Ecoweek (N°35-205) à « lire les journaux à l’envers » pour saisir la réalité.

Parlant de l’industrie, Alaya parle d’une « relance » qui cache l’effondrement, la presse parle d’une reprise du secteur industriel, moteur indispensable pour la croissance. Dans les chiffres : l’indice de production industrielle de l’INS est en recul. Celui de juin 2025 est au dessous du niveau de janvier, avec une moyenne semestrielle en baisse de –2,4 % sur un an.

Depuis janvier, 57 entreprises industrielles de plus de dix salariés ont fermé, dont 45 totalement exportatrices. En cinq ans, près de 700 sites industriels ont disparu.  Les données récentes indiquent qu’entre décembre 2023 et décembre 2024, l’indice est passé de 91,3 à 88 (–3,6 %). Selon Trading Economics, la production industrielle tunisienne s’est contractée de 3,1 % en décembre 2024.

Nuance positive : selon la TIA, le secteur industriel reste le premier bénéficiaire des investissements déclarés pour janvier – juin 2025, avec 37 % du total des intentions d’investissement et 39 % des emplois projetés, en hausse respective de 9,6 % et 7,5 % par rapport à 2024. Cette dynamique indique un certain regain d’initiative entrepreneuriale malgré les difficultés structurelles.

« Derrière les manchettes optimistes, les données économiques dessinent un tableau contrasté où la désindustrialisation et la dépendance alimentaire persistent. »

Investissements : discours officiel contre désertification… et lueur d’espoir

Dans la presse : la Tunisie redeviendrait attractive pour les investisseurs. Dans les chiffres: les déclarations de projets industriels à l’APII poursuivent une chute continue depuis quinze ans.

Au premier semestre 2025 : 1 443 projets ont été déclarés pour 955 millions de dinars, contre près de 2 000 projets et 1,4 milliard en 2010. Leur part dans le PIB est passée de 2,2 % à seulement 0,6 %. Les projets totalement exportateurs, un tiers en 2010, ne représentent plus que 6 %.

Selon les données récentes de la TIA : sur la même période (janvier – juin 2025), les investissements déclarés à l’échelle nationale s’élèvent à 3 299,8 millions de dinars, soit une progression de 16,9% par rapport à 2024.

Les projets créent environ 45 839 emplois (+4 %). L’essor est porté par un projet touristique majeur à Jendouba (300 millions de dinars, 600 emplois) et par des opérations de création représentant 75 % des investissements et 88 % des emplois.

Les zones de développement régional concentrent 51 % du total, et Kairouan se distingue avec un projet d’énergie renouvelable de 280 millions de dinars. Cette mise en lumière des investissements déclarés nuance le constat d’Alaya : le pays connaît un regain d’attractivité, mais la création d’emplois et la répartition sectorielle montrent encore des déséquilibres.

« Malgré les discours officiels, la part des projets industriels dans le PIB est passée de 2,2 % à 0,6 %, preuve d’une désertification industrielle durable. »

Tourisme : une embellie selon les titres publiés par les médias

Dans la presse : +9,8 % d’arrivées à fin juillet, soit 5,3 millions de non-résidents, 3,9 milliards de dinars de recettes (+8,2 %) et 12,3 millions de nuitées (+7,1 %). Plusieurs médias jugent atteignable l’objectif de 11 millions de touristes en 2025.

Dans les chiffres : les entrées de janvier à juillet représentent en moyenne 53,1 % du total annuel (2015-2024). À ce rythme, la Tunisie atteindra au mieux 10,2 millions d’entrées. 60 % des touristes viennent d’Algérie et de Libye, marchés peu générateurs de devises.

Les recettes par tête sont en recul : 860 dinars en 2025 contre 869 en 2024. Données récentes : ONU Tourisme rapporte +14 % d’arrivées en Afrique du Nord au premier semestre, mieux que la progression tunisienne (+9,8 %). Le projet touristique de Jendouba, soutenu par la TIA, illustre néanmoins un regain ponctuel d’investissement dans le secteur.

Agriculture : une récolte record, mais une dépendance intacte

Dans la presse : une récolte céréalière de 11,8 millions de quintaux, la meilleure des quinze dernières années (hors 2019).

Les chiffres : la consommation nationale exige l’importation d’au moins 26 millions de quintaux cette année, soit plus du double de la production. L’autosuffisance reste hors de portée, et la facture dépend toujours des cours mondiaux, notamment du blé russe. Les données récentes du ministère de l’Agriculture confirment le recours massif aux importations malgré la récolte en hausse par rapport à 2024.

«Les données de la TIA montrent un regain d’investissement national, encore insuffisant pour inverser les déséquilibres structurels.»

Croissance, inflation et salaires : un cocktail instable estime Alaya

Dans la presse, l’inflation en recul et croissance en reprise.

Les chiffres : la croissance du deuxième trimestre est gonflée par un bond exceptionnel de la production minière (+39,5 %). L’inflation des prix de gros s’établit à +4,1 % au premier semestre (contre 3 % en 2024). Le SMIG a augmenté de +12,5 %, mais la productivité n’a progressé que de +2,3 %. Données récentes : la Banque centrale confirme des tensions inflationnistes persistantes, notamment sur l’alimentaire et l’énergie.

Pour conclure, il faut reconnaitre qu’entre optimisme médiatique et réalités chiffrées Les manchettes continuent d’entretenir un récit optimiste, très souvent déconnecté des fondamentaux. Les données de l’INS, de l’APII et des organismes internationaux confirment la désindustrialisation et la dépendance alimentaire persistante.

Mais les statistiques de la TIA apportent un éclairage positif : l’investissement national progresse, le secteur industriel attire à nouveau des capitaux, et des projets régionaux structurants apparaissent.

L’économie tunisienne reste fragile, toutefois, quelques signaux montrent que l’élan entrepreneurial peut servir de levier si la politique publique l’accompagne efficacement.

A.B.A

CHIFFRES CLÉS

  • –2,4 % de production industrielle : L’indice de l’INS montre une contraction continue, confirmant l’essoufflement du tissu manufacturier.
  • 57 entreprises fermées : 45 d’entre elles étaient totalement exportatrices, révélant la vulnérabilité du secteur face à la concurrence régionale.
  • 3 299,8 millions de dinars d’investissements : Les données TIA confirment une hausse notable grâce à des projets structurants dans le tourisme et l’énergie.
  • 11,8 millions de quintaux de céréales : Une récolte record, mais encore loin des besoins estimés à 26 millions.
  • 860 dinars de recettes touristiques par tête : Un recul qui interroge sur la valeur ajoutée réelle du tourisme de proximité.

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Concurrence inégale : PME et sociétés communautaires, un duel économique injuste ?

Sociétés communautairesLe décret-loi n° 2025-3 du 2 octobre 2025, amendant le décret-loi n° 2022-15 du 20 mars 2022 relatif aux sociétés communautaires (JORT n° 121), confirme la volonté de l’État de soutenir les dynamiques locales et corriger certaines failles du texte initial, en prime en matière d’exonération fiscale pour les associés des sociétés communautaires. Désormais, les revenus issus de l’entreprise communautaire bénéficient d’un traitement fiscal favorable, là où le texte précédent introduisait une inégalité entre les associés selon la nature de leurs revenus. Cette rectification était nécessaire.

Mais en parallèle, ce même décret consolide un ensemble d’avantages déjà considérables accordés aux sociétés communautaires : exonérations fiscales étendues, accès au foncier public en gré à gré, suspension de TVA à l’achat comme à la vente, crédits à taux préférentiels garantis par l’État, et même un registre national dédié. Ces mesures, bien qu’animées par une volonté de soutien territorial, créent un déséquilibre structurel préoccupant.

Pendant que les sociétés communautaires bénéficient de ce régime d’exception, les PME tunisiennes — qui représentent la majorité du tissu économique national — continuent d’opérer dans un cadre contraignant : fiscalité pleine, TVA sur tous les achats et ventes, loyers commerciaux sans exonération, crédits bancaires à taux élevés, et accès limité aux marchés publics.

Les PME tunisiennes ne revendiquent pas d’avantages particuliers : elles exigent simplement d’être traitées à égalité, dans l’esprit de justice économique.

 

Comment garantir une concurrence loyale dans ces conditions ?

Comment justifier que deux entreprises, créées par des citoyens du même pays, soient soumises à des régimes aussi divergents ?

Ce n’est pas la légitimité des sociétés communautaires qui est en cause, mais bien l’absence d’équité dans le traitement des autres formes entrepreneuriales. À force de privilégier un modèle au détriment des autres, on risque de fragiliser l’écosystème économique dans son ensemble.

Les entreprises communautaires bénéficient aujourd’hui d’un arsenal d’incitations :

  • exonération de l’impôt sur les sociétés ;
  • exonération de la TFP ;
  • un régime suspensif de TVA à l’achat et à la vente ;
  • un accès au crédit à taux préférentiel, garanti par la SOTUGAR ;
  • un accès prioritaire aux terrains et immeubles publics, en gré à gré, pour des durées allant au-delà des 25 ans, avec exonération de loyer pendant 5 ans ;
  • création d’un registre national spécifique, distinct du registre des entreprises classiques. Ces mesures puissantes traduisent une volonté politique forte mais posent une question de fond : comment une PME classique pourrait survivre face à un acteur bénéficiant d’un traitement aussi préférentiel ?
« Ce n’est pas la légitimité des sociétés communautaires qui est en cause, mais l’absence d’équité dans le traitement des autres formes entrepreneuriales. »

 

Un déséquilibre flagrant !

Prenons l’exemple d’une PME de transport : elle achète ses véhicules avec TVA, loue ses locaux avec TVA, paie ses impôts, et contracte un crédit bancaire à taux élevé. Face à elle, une entreprise communautaire bénéficie d’exonérations, de suspension de TVA, de loyers différés et d’un accès facilité au foncier public.

Comment parler de concurrence loyale dans ces conditions ?

Comment justifier que des entreprises créées par des citoyens du même pays soient traitées de manière aussi inégalitaire ?

 PME et sociétés communautaires : deux visages d’un même tissu économique

Les PME tunisiennes ne sont pas des entités abstraites. Elles sont locales, enracinées, créatrices d’emplois, souvent familiales. Elles ne demandent pas de privilèges, mais un traitement équitable. Si l’objectif est de créer 10.000 emplois via les entreprises communautaires, ne risquons-nous pas d’en détruire 50.000 en fragilisant les PME existantes ?

« Loin d’opposer les modèles, harmoniser les avantages entre sociétés communautaires et PME, c’est reconnaître leur contribution commune au développement du pays. »

 

Appel à la Présidence : pour une justice économique inclusive

Le Président de la République a fait de l’équité territoriale et sociale un pilier de sa vision. Il paraît évident dans cette optique d’élargir cette équité au tissu entrepreneurial dans son ensemble. Les PME tunisiennes méritent les mêmes facilités que les sociétés communautaires : accès au foncier, exonérations et crédits préférentiels.

Et si les PME s’engageaient aussi pour leur territoire ?

Parmi les arguments avancés pour justifier les avantages accordés aux sociétés communautaires figure leur obligation de consacrer une part de leurs bénéfices au développement local. C’est une belle intention. Mais cette exigence, loin d’être exclusive, pourrait tout à fait être adoptée par les PME — à condition qu’elles bénéficient, elles aussi, des mêmes facilités.

Pourquoi ne pas imaginer un modèle où les PME, si elles sont exonérées d’impôt sur cinq ou dix ans, s’engagent à reverser un tiers de leurs bénéfices à des projets d’intérêt collectif ?

« Face à des exonérations fiscales, à un accès facilité au foncier et à des crédits garantis par l’État, les PME tunisiennes se retrouvent dans une position intenable. »

 

Pourquoi ne pas élargir cette logique vertueuse à l’ensemble du tissu entrepreneurial tunisien ?

Ce n’est donc pas un argument recevable pour exclure les PME des dispositifs d’appui.
Ce qui est possible pour une entreprise communautaire peut l’être pour une PME, dès lors que les obligations et les avantages sont équilibrés. L’équité ne consiste pas à réserver les privilèges à une forme juridique, mais à encourager toutes les entreprises à contribuer au bien commun, selon leurs moyens.

Pourquoi ne pas harmoniser les régimes ?

Pourquoi ne pas permettre aux PME de bénéficier, elles aussi, d’un traitement juste ?
pour une réforme qui rassemble. Loin d’opposer les modèles, il s’agit ici d’appeler à une cohérence. Les entreprises communautaires sont une belle idée. Mais elles ne doivent pas devenir un instrument de déséquilibre.

Harmoniser les avantages, ouvrir les dispositifs aux PME, c’est reconnaître que toutes les entreprises tunisiennes, qu’elles soient communautaires ou classiques, participent à la même ambition nationale.

Amel Belhadj Ali

EN BREF

  • Le décret-loi n°2025-3 accorde de nouveaux avantages fiscaux et fonciers aux sociétés communautaires.
  • Les PME tunisiennes dénoncent une concurrence déloyale et un déséquilibre économique croissant.
  • L’auteure plaide pour une harmonisation des régimes et une justice économique inclusive.
  • Objectif : élargir les dispositifs d’appui aux PME et promouvoir un modèle équitable.
  • L’enjeu : préserver l’unité du tissu entrepreneurial tunisien.

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