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Etat de Palestine | Une approche décoloniale  

Ouvrage collectif édité en anglais aux Etats-Unis en 2021 par des universitaires d’origine palestinienne et dirigé par la politologue Leila Farsakh, ‘‘Repenser l’État en Palestine : entre reconnaissance onusienne et réalité coloniale’’ propose des analyses économiques, juridiques, politiques et culturelles. Il dépasse le simple débat un État / deux États et propose une vision plurielle, dé-coloniale et profondément humaine de l’avenir de la région.

Abdelhamid Larguèche *

Le 22 septembre 2025, une majorité écrasante de l’Assemblée générale des Nations Unies sera invitée à voter en faveur de la reconnaissance de la Palestine comme État membre à part entière de l’organisation. Ce vote historique, porté par une vague de reconnaissances nationales et soutenu par une opinion internationale horrifiée par les images de destruction à Gaza, sera certainement célébré comme une victoire diplomatique majeure pour la cause palestinienne.

Pourtant, ce triomphe onusien attendu contraste violemment avec une réalité quotidienne implacable.

À Gaza, une population survit sous les bombes et un blocus total, dans des conditions qualifiées de «crise humanitaire au-delà de l’imaginable» par l’Onu même.

En Cisjordanie, la colonisation israélienne s’étend inexorablement, fragmentant le territoire en une mosaïque d’enclaves isolées, tandis que Jérusalem-Est fait l’objet d’une annexion rampante.

Le contraste est saisissant : une reconnaissance symbolique au plus haut niveau international d’un côté, et de l’autre, une négation persistante sur le terrain des droits les plus élémentaires et de toute souveraineté réelle.

C’est dans ce gouffre entre le droit et la réalité, entre la diplomatie et la colonisation, que s’inscrit l’ouvrage collectif dirigé par la politologue Leïla H. Farsakh ‘‘Repenser l’État en Palestine : Autodétermination et décolonisation au-delà de la partition.’’ Il pose une question radicale : et si la quête d’un siège à l’Onu, aussi légitime soit-elle, masquait un piège plus profond ? Celui de croire que la forme État, dans le contexte d’un colonialisme de peuplement toujours actif, puisse suffire à garantir la liberté.

Echec d’Oslo et souveraineté fantôme

L’introduction de Leïla Farsakh rappelle combien le projet d’État fut central pour affirmer l’existence politique du peuple palestinien. La déclaration d’indépendance de 1988, la reconnaissance par 137 États, l’admission de la Palestine à l’Onu comme État observateur : autant d’étapes qui semblaient valider ce droit. Mais les accords d’Oslo ont transformé l’utopie en piège.

En acceptant de limiter l’autodétermination aux fragments de la Cisjordanie et de Gaza, l’OLP a permis à Israël de reformuler, plutôt que de mettre fin, à son régime colonial. L’Autorité nationale palestinienne (ANP), censée incarner l’embryon de l’État, s’est muée en appareil de gestion néolibérale, dépendant de l’aide internationale et chargé de maintenir l’ordre plus que de libérer un peuple.

Cette analyse rejoint la critique cinglante formulée dès les années 1990 par le grand intellectuel palestinien Edward Saïd. Pour lui, Oslo était une «reddition de velours», une «forme de packaging israélo-américain pour l’occupation» qui créait une «autorité palliative» sans pouvoir réel. Il dénonçait avec une clairvoyance prophétique l’émergence d’une bourgeoisie palestinienne corrompue, plus intéressée par les privilèges que par la libération. L’alternative qu’il défendait farouchement était celle d’un État unique, laïc et démocratique sur toute la Palestine historique, fondé sur l’égalité absolue des droits pour tous ses citoyens, sur le modèle de la lutte sud-africaine contre l’apartheid.

Après Oslo, Edward Saïd rejette catégoriquement cette option, voyant en elle une illusion dangereuse. L’alternative qu’il défend est l’idée d’un État unique, laïc et démocratique, sur toute la Palestine historique, inspiré de l’expérience sud-africaine contre l’apartheid.

Gaza, Jérusalem, et la crise d’un projet national

La première partie du livre donne à voir les fractures internes du projet étatique, plus criantes que jamais.

À Gaza, explique Tareq Baconi, la division entre Fatah et Hamas a transformé le territoire en champ de ruines humanitaire, symbole d’un nationalisme fragmenté et de l’échec cuisant de l’autorité souveraine. Le territoire, théoriquement «libéré» en 2005, est en réalité la plus grande prison à ciel ouvert du monde, démontrant l’absurdité d’une souveraineté sans frontières ni contrôle.

À Jérusalem-Est, Hania Assali montre comment la politique israélienne d’annexion et d’exclusion démographique a marginalisé les Palestiniens, malgré leur résistance acharnée — comme lors de «l’intifada des prières» en 2017 et 2021. La ville, cœur symbolique de toute souveraineté palestinienne, est méthodiquement vidée de sa substance arabe.

Plus surprenant, Hanane Toukan analyse le Musée palestinien de Birzeit, inauguré en 2016. Conçu comme un symbole de modernité et d’identité nationale, il reflète les ambitions des élites proches de l’ANP et du Golfe, mais suscite aussi des critiques cinglantes : à quoi sert un musée national quand le peuple manque d’électricité, de logements, de liberté et de patrie ?

L’économie de l’État, ou quand la libération devient gestion

Dans un chapitre décisif, Adam Hanieh démonte l’économie politique de la construction de l’État. L’ANP, loin d’incarner un projet émancipateur, a intégré les logiques néolibérales dictées par la Banque mondiale et le FMI. Une nouvelle élite économique palestinienne s’est formée, plus soucieuse de profits que de souveraineté.

Ainsi, la formation de l’État ne s’est pas traduite par la fin de la domination coloniale, mais par une nouvelle dépendance : financière vis-à-vis des bailleurs, politique et sécuritaire vis-à-vis d’Israël. Cette analyse fait écho aux avertissements de Leila Shahid, ancienne déléguée générale de la Palestine auprès de l’Union européenne (UE), qui alertait dès les années 2000 sur les dangers de la «dépendance à l’aide internationale», créant une «économie de rente» qui étouffe toute velléité de résistance et de développement autonome.

Des droits plutôt qu’un État

Face à cet échec, certains chercheurs proposent un renversement stratégique. Yousef Munayyer plaide pour l’abandon de la quête d’un État et le recentrement de la lutte sur les droits inaliénables : égalité, dignité, retour des réfugiés. Cette approche, relayée par le mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS), a trouvé un écho croissant, notamment aux États-Unis où l’opinion publique évolue.

Dans le même esprit, Nadim Khoury rappelle l’importance de la justice transitionnelle. Comment parler de paix sans reconnaître la Nakba, sans réparer les injustices historiques, sans garantir le droit au retour ?

Imaginer l’après-partition : un État pour tous ?

Le cœur du livre explore les alternatives au paradigme de la partition, dans la droite ligne de la vision d’Edward Saïd.

Leïla Farsakh retrace les projets historiques d’un État unique, démocratique et inclusif, proposés par l’OLP dans les années 1970 comme par certains intellectuels sionistes critiques.

Susan Akram insiste sur la validité juridique de la nationalité palestinienne, malgré les tentatives israéliennes de l’effacer. Elle argue que le droit international, qui a permis la reconnaissance à l’Onu, doit aussi servir de fondement à la revendication d’égalité dans un seul État.

Mazen Masri propose d’examiner les différents modèles constitutionnels — fédéralisme, binationalisme, démocratie libérale — pour concilier droits individuels et droits collectifs.

Au-delà de la théorie, ces contributions posent une question centrale : quelle forme politique pourrait garantir à la fois la fin de la colonisation et l’égalité de tous les habitants de la Palestine historique ?

Les Palestiniens d’Israël entre citoyenneté et «indigénéité»

Les chapitres consacrés aux Palestiniens citoyens d’Israël soulignent leur rôle crucial. Maha Nassar analyse leur position ambiguë : citoyens d’un État qui les discrimine, ils demeurent partie intégrante de la lutte nationale palestinienne. Ilan Pappé, de son côté, propose de penser leur avenir à travers la notion de «souveraineté autochtone» : une manière de replacer la lutte palestinienne dans le cadre plus large de la décolonisation.

Un horizon à reconstruire

En conclusion, l’ouvrage affirme une idée forte : le projet d’État a rempli son rôle historique, mais il est désormais épuisé. L’avenir de la lutte palestinienne passe par un changement de paradigme.

Plutôt que la quête d’une souveraineté territoriale illusoire — même si elle est désormais reconnue par l’Onu —, il s’agit d’articuler une politique fondée sur la justice, l’égalité et la dignité. Décoloniser la Palestine ne signifie pas seulement libérer une terre, mais transformer les relations entre colonisateurs et colonisés, reconnaître les mémoires croisées, et inventer une communauté politique partagée.

Un livre pour sortir de l’impasse

Avec ses analyses économiques, juridiques, politiques et culturelles, ‘‘Repenser l’État en Palestine’’ dépasse le simple débat un État / deux États. Il propose une vision plurielle, dé-coloniale et profondément humaine de l’avenir.

En ce sens, ce livre est plus qu’une critique de l’échec d’Oslo : c’est un appel urgent à imaginer un autre futur, au-delà des reconnaissances symboliques et des structures de domination, où Palestiniens et Israéliens pourraient enfin vivre ensemble dans la dignité et l’égalité.

* Historien.

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