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Tunisie | La pénurie de médicaments, un scandale silencieux

 En Tunisie, la santé des citoyens se joue trop souvent dans le silence des rayons vides des pharmacies publiques et privées. Les pénuries de médicaments ne sont plus une exception mais une réalité persistante. Elles touchent des traitements vitaux : médicaments de la thyroïde comme Euthyrox, insuline, psychotropes, anticancéreux. Pour les patients, c’est une question de continuité des soins et, parfois, de survie.

Dr Hichem Ben Azouz *

L’interruption d’un traitement chronique n’est pas un simple désagrément. C’est une menace directe pour la santé. Pour les patients souffrant de troubles thyroïdiens, quelques jours sans Euthyrox suffisent à dérégler l’équilibre hormonal. Fatigue, palpitations, dépression, prise de poids ou complications cardiaques apparaissent rapidement. Diabétiques, hypertendus ou malades psychiatriques connaissent la même angoisse, courir de pharmacie en pharmacie, supplier un proche à l’étranger d’envoyer une boîte, ou se tourner vers des circuits parallèles à des prix exorbitants. Chaque rupture se traduit par un préjudice médical, économique et moral.

Médecins impuissants

Pour les médecins, ces pénuries sont un casse-tête quotidien. Comment soigner lorsque le traitement prescrit n’existe plus ? Faute de solutions, les praticiens bricolent. Substitution par un autre dosage, recours à des alternatives importées, ou pire, interruption du traitement. Cette situation fragilise la relation de confiance avec les patients et crée un risque éthique. Prescrire ce qui est disponible plutôt que ce qui est nécessaire.

Les causes d’un système malade

Ces pénuries ne tombent pas du ciel. Elles révèlent une fragilité structurelle :

  • Finances en panne : la Pharmacie Centrale est étranglée par les retards de paiement de la CNAM et des hôpitaux publics.
  • Dépendance excessive aux importations, qui expose aux retards logistiques et aux fluctuations du dinar.
  • Opacité dans les stocks : aucune plateforme publique ne permet aux citoyens ou aux médecins de savoir ce qui est disponible.

Au final, les malades chroniques deviennent les variables d’ajustement d’un système sous perfusion.

Un droit bafoué

La Constitution tunisienne garantit le droit à la santé. Mais un droit sans accès réel aux médicaments est un droit vide. La continuité des soins est rompue. Des malades perdent des semaines de traitement, des familles s’endettent pour trouver des alternatives, des patients fragiles s’exposent à des complications irréversibles. Quand le médicament disparaît, c’est toute la confiance dans le système de santé qui s’effondre.

L’exemple sud-africain

L’Afrique du Sud a connu le même cauchemar. Mais la société civile a réagi avec le Stockout Project : une plateforme où patients et médecins signalent immédiatement les ruptures dans les hôpitaux publics. Ces alertes sont compilées, publiées et transmises aux autorités, qui doivent agir. Cette transparence a forcé le ministère de la Santé à corriger des défaillances locales. Les patients ont retrouvé un levier de pouvoir citoyen. Pourquoi la Tunisie ne s’en inspirerait-elle pas ?

Ce qui doit changer

  1. Transparence : mettre en place une plateforme nationale d’alerte accessible aux pharmaciens, médecins et patients.
  2. Obligation de déclaration : forcer laboratoires et distributeurs à publier régulièrement les stocks des médicaments vitaux.
  3. Production locale : investir massivement dans les génériques tunisiens pour réduire la dépendance aux importations.
  4. Réforme financière : assainir la dette de la Pharmacie Centrale et garantir des délais de paiement rapides.
  5. Société civile vigilante : associations de patients, ONG de santé et ordres professionnels doivent surveiller, dénoncer et exiger des comptes.

Pour conclure

La pénurie de médicaments en Tunisie n’est pas seulement une question logistique. C’est une atteinte au droit à la santé, un scandale silencieux qui fragilise les patients, met les médecins en difficulté et sape la confiance nationale. Mais des solutions existent. En s’inspirant de modèles comme le Stockout Project, en donnant aux citoyens les moyens de signaler, en rendant les autorités responsables, la Tunisie peut transformer cette crise en opportunité. Un pays qui prive ses citoyens de médicaments essentiels ne se prive pas seulement de santé : il se prive d’avenir.

* Médecin, Johannesburg, Afrique du Sud.

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