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Rym Bedoui Ayari, experte internationale en Franchise à La Presse : « La franchise est un modèle tunisien de développement et d’exportation »

Il y a un peu plus de deux décennies, l’exercice sous appellation d’origine, dit « Franchise », était quasiment méconnu des opérateurs tunisiens. Des enseignes internationales se sont, progressivement, implantées dès le début des années 2000, créant un effet d’entraînement pour le développement de nombreuses marques tunisiennes, pas uniquement sur la place de Tunis, mais également à l’export.

Aujourd’hui, cette technique est de plus en plus prisée, favorisant des investissements dans plusieurs domaines commerciaux, industriels et artisanaux, nonobstant une présence événementielle et médiatique.

La Presse a évoqué le sujet avec Rym Bedoui Ayari, experte internationale dans le domaine de la franchise, qui a bien voulu apporter des éclaircissements sur le concept lui-même de la franchise, ainsi que sur les défis qui lui sont associés, dont les conditions d’établissement, les conséquences d’une éventuelle rupture et surtout le potentiel économique et commercial. Interview.

La Presse — Si on veut revenir rapidement sur l’évolution de la franchise en Tunisie, comment peut-on évaluer son développement ?

La franchise est un mode de développement d’une entreprise, tel un partenariat ou une sortie en Bourse. Quand une entreprise veut se développer, elle a plusieurs alternatives, dont la franchise.

La franchise permet à l’entreprise de développer ses points de vente, sans avoir à investir elle-même dans ces points de vente. Elle va donc chercher des investisseurs qui, au lieu d’acheter des actions, vont ouvrir en son nom. 

La franchise a ses avantages et ses inconvénients, mais elle n’est pas faite pour tout le monde. Car cela nécessite un savoir-faire et certaines entreprises n’ont pas encore atteint le seuil minimum de maturité ou n’ont pas encore enregistré leur concept. Elles s’avèrent donc pas encore prêtes pour emboîter le pas.

Il y a trois piliers essentiels pour la franchise : un nom de marque bien implanté, un savoir-faire et la possibilité de le transférer.

Il est à distinguer, ici, entre la licence de marque et la franchise qui offre, elle, une promesse de réussite, que la licence de marque ne donne pas. Je m’explique. Un investisseur qui souhaite exercer sous une telle ou telle enseigne peut obtenir, sous certaines conditions, le droit d’utiliser un nom d’une marque réussie, tout en obtenant une assistance technique…

Cependant, dans la franchise, il y a, en outre, une duplication du modèle qui comprend un transfert de savoir-faire et un support technique, avec une promesse sous-jacente de réussite, bien entendu, sous un contrôle continu de la qualité, des standards et des normes.

La base de la franchise c’est la propriété intellectuelle. Une enseigne qui, après quelques années d’exercice réussies, ambitionne de se développer en créant de nouveaux points de vente avec d’autres investisseurs en leur donnant son nom. Eh bien, elle ne peut pas le faire si elle n’a pas enregistré au préalable son nom auprès de l’Innorpi (Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle). Ce sera perçu comme de l’escroquerie, quelqu’un qui a vendu quelque chose qui ne lui appartient pas.

D’où l’importance pour un pays d’avoir une législation dédiée à la franchise qui sera perçue comme un signal fort aux investisseurs. Et la Tunisie est l’un des rares pays en Afrique à s’être dotée d’une loi sur la franchise, depuis 2009 déjà.

Parmi les problématiques récurrentes associées à la franchise, se pose la question des redevances, légalement transférées à l’étranger. Quelle est votre perception de cet aspect ? Quel genre de contrôle est exercé par l’Etat à ce niveau ?

Pour les franchises internationales, je ne dispose pas de données tangibles. Toutefois, certains secteurs d’activité sont soumis à un agrément de l’Etat, représenté par le Conseil de la concurrence, comme la restauration, la formation et les salles de sport. D’autres secteurs, comme le textile ou l’optique, ne sont pas soumis à l’agrément de l’Etat.

Les agréments sont donnés généralement sur cinq ans renouvelables, sur présentation d’un business plan, voire si cela va créer des emplois… C’est une commission au sein du ministère du Commerce qui va évaluer et décider. Le renouvellement se fait également sur dossier. Ensuite, il y a des termes fixés dans le contrat entre deux entreprises. Pour ce qui est des redevances, elles sont en moyenne de 5 à 6 %. Dans le secteur de la formation, cela peut monter jusqu’à 25 %, compte tenu de l’aspect immatériel.

Si telle est la situation concernant l’établissement, qu’en est-il des conditions de séparations ? Comment procède-t-on si l’une des deux parties veut rompre le contrat ?

Généralement, le contrat prévoit des clauses de rupture et énormément de choses peuvent se discuter derrière. Il y a des pénalités qui pourraient en découler, des deux côtés. En règle générale, il y a rupture du contrat lorsque le franchisé ne répond plus aux normes du franchiseur : qualité, sécurité, approvisionnement, manquements vis-à-vis des autorités fiscales et sociales.

Ce genre de manquements pourrait nuire à l’image du réseau qui peut décider de se séparer d’un partenaire. Aussi, si le franchisé n’atteint pas la performance souhaitée — malgré l’assistance et le soutien du franchiseur —, ne fait pas l’effort nécessaire, ne fait pas preuve de sérieux, une rupture de contrat pourrait être envisagée en dernier recours, sachant qu’une rupture ou une fermeture d’un point de vente est souvent sujette à interprétation négative : dire par exemple que telle enseigne ferme pour des raisons de faillite ou pour fraude fiscale ou autre…

Est-ce qu’un franchisé, qui est le propriétaire de son implantation, peut changer d’enseigne et donc de franchiseur ?

Il ne peut pas le faire avant l’expiration du délai de 5 ans. Par ailleurs, les bons contrats de franchise peuvent donner au franchiseur la priorité sur le bail en cas de transfert. Dans ce cas, le franchisé quitte et le franchiseur peut trouver un autre investisseur qui va poursuivre l’activité sous la même enseigne. C’est le franchisé qui perd, dans ce cas. En outre, le contrat de franchise peut prévoir une période neutre, où le franchisé désireux de rompre ne peut pas installer une enseigne concurrente ou créer sa propre enseigne, soit une période de protection pour le franchiseur.

Comment un pays comme la Tunisie peut tirer profit de la franchise ?

En Tunisie, les gens commencent à travailler avec des professionnels et sont bien conseillés en général.  Personnellement, avec la plateforme « Wefranchiz », j’ai conceptualisé 56 modèles, mettant en relation franchiseurs et franchisés.  Je suis parvenue à accompagner des entreprises tunisiennes à établir des franchises en Algérie, en Libye et dans d’autres pays africains et du Golfe… 

C’est un mode de développement et on a atteint, en Tunisie, une certaine maturité. Par exemple, le café là où nous sommes, c’est une enseigne développée par un groupe tunisien bien connu, vous avez d’autres exemples dans la restauration, dans la pâtisserie traditionnelle, dans le textile…

Aujourd’hui, avec beaucoup de fierté, quand vous faites un tour, vous observez pas mal de points de vente montés en franchise et ce sont des enseignes purement tunisiennes qui font de la franchise.

Quelle est, donc, la plus-value pour l’Etat ? 

Un franchiseur, qui est forcément une entreprise, ne peut donner son enseigne qu’à une autre entreprise déjà existante. Et, évidemment, elle exigera la transparence des états financiers et des déclarations légales. Cela génère forcément des revenus à l’Etat. Sur notre plateforme « Wefranchiz », nous recevons énormément de demandes de Tunisiens qui veulent investir sous des enseignes déjà réussies, question de parer au risque associé au démarrage.

Nous recevons également pas mal de demandes de Tunisiens établis à l’étranger, intéressés de plus en plus de monter des projets en franchise, plutôt que d’acquérir de l’immobilier et des terrains agricoles.

Et pour conclure ?

Je pense que la vraie intelligence des économistes et des gens qui opèrent et veulent participer à la vie économique du pays, ce n’est pas de dire que la franchise est un modèle international. Aujourd’hui, la franchise est un élément tuniso-tunisien. C’est un modèle d’affaires qui fait vivre beaucoup de ménages.

C’est un modèle de développement adopté par des Tunisiens, qui n’a pas uniquement prospéré dans le pays, mais qui devient un projet d’exportation. Les statistiques montrent que la peur de la concurrence internationale est de 1%. La franchise est demandée un peu partout, dans les quartiers populaires comme dans les banlieues aisées, et ce, grâce à la volonté d’entrepreneurs tunisiens qui ont décidé de concevoir leurs propres modèles, que ce soit dans le commerce, dans la restauration, dans la nouvelle technologie, etc.

Un entrepreneur qui crée son concept, il l’expérimente et, une fois réussi, il va vendre puis exporter ce savoir-faire. Et parmi les continents les plus demandeurs c’est l’Afrique. 

Et nous avons l’atout de la diaspora, basée à l’international, qui, au lieu de mettre de l’argent dans des investissements immobiliers ou autres, préfère investir dans la franchise. Il faut, sans doute, bien choisir ses partenaires, son emplacement et bien élaborer son contrat, mais le constat est là : nous avons une diaspora qui connaît la franchise et qui y croit. Certes, tout n’est pas parfait, mais le secteur est en développement.

Le pourquoi du comment !

La Presse — La Tunisie s’est dotée, en 2009, d’une loi sur le commerce de distribution, où le chapitre 5 est consacré à la franchise (loi n°2009-69). 

Cette loi a été complétée par le décret n°2010-1501 du 21 juin 2010 portant fixation des clauses minimales obligatoires des contrats de franchise ainsi que des données minimales du document d’information d’accompagnement.

D’autres textes ont été adoptés en 2015 et 2016, afin de mieux organiser la concurrence et les prix et touchaient, entre autres, la franchise.

Le contrat de franchise est défini par le législateur comme suit : « C’est un contrat par lequel le propriétaire d’une marque ou d’une enseigne commerciale, dénommée franchiseur accorde le droit de son exploitation à une personne physique ou morale, dénommée franchisée, et ce, dans le but de procéder à la distribution de produits ou à la prestation de services moyennant une redevance. Le droit d’exploitation de la franchise comprend le transfert des connaissances acquises, le savoir-faire et l’exploitation des droits de la propriété intellectuelle ».

Selon le ministère du Commerce, plusieurs secteurs sont concernés par l’exercice de la franchise. Cela concerne le commerce de distribution comme les produits alimentaires, les parfumeries, produits de beauté et cosmétique, le prêt-à-porter, les chaussures, la maroquinerie, les articles de chaussures et de sport, les meubles, les équipements informatiques…

Cela concerne aussi les services comme la location de voitures, la gestion des hôtels, la formation professionnelle, les services de réparation et de maintenance ou encore la thalassothérapie. 

Selon une récente étude, la principale motivation des investisseurs pour s’implanter en franchise est liée à l’image de marque du franchiseur qui permet de bénéficier immédiatement d’une base de clientèle déjà existante.

Pour le franchiseur, cela permet de développer rapidement le réseau en partageant les risques et les bénéfices.

Enfin, pour le consommateur, une enseigne ayant une notoriété offre un capital confiance qui n’est pas forcément évident pour une nouvelle marque qui vient de commencer.

Le développement des franchises s’inscrivait dans le cadre de la modernisation des circuits commerciaux, qui encourage la transparence et génère des recettes fiscales supplémentaires.

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