Lese-Ansicht

Es gibt neue verfügbare Artikel. Klicken Sie, um die Seite zu aktualisieren.

La Tunisie, entre anxiété collective et quête de sens 

Selon une étude publiée en 2024, en Tunisie, près de 20 % des adolescents de 15 à 17 ans souffrent d’anxiété, contre 5 % de dépression, tandis que la prévalence des troubles anxieux généralisés (TAG) dépasse 11 % en soins primaires, avec des conséquences sévères sur la vie professionnelle, sociale et familiale. Les consultations et hospitalisations pour troubles anxio-dépressifs explosent, et les pharmacies peinent à suivre la demande.

Manel Albouchi *

Dans ce contexte, obsessions, compulsions, attaques de panique et phobies sociales deviennent le reflet d’une anxiété collective, miroir d’un pays en quête de sens et de stabilité.  

La Tunisie avance aujourd’hui comme un navire fragile, ballotté entre vents contraires. Entre promesses de transformation et peur d’effondrement, le pays hésite. Les places publiques, les cafés, les files d’attente et même les silences des conversations quotidiennes résonnent d’un même écho : l’angoisse. 

Cette anxiété n’est pas seulement individuelle. Elle traverse les corps et les esprits, devenant une atmosphère, un langage que la société utilise pour exprimer son déséquilibre intérieur. Les crises économiques, l’instabilité politique et les tensions sociales ne sont que la surface visible de cette vibration collective. 

Les troubles anxieux comme miroir 

Derrière les portes des cabinets, dans les foyers et sur les places publiques, l’anxiété se manifeste sous mille formes : 

  • Obsessions : pensées intrusives, récurrentes et non désirées génératrices d’anxiété ou de détresse. Par exemple craindre constamment d’être responsable d’un accident, imaginer des maladies inexistantes, ou être obsédé par des images violentes ou interdites. 
  • Compulsions : actes physiques ou mentaux répétitifs imposés pour apaiser l’anxiété, souvent excessifs et déconnectés de la peur initiale. Comme se laver les mains jusqu’à irritation, vérifier les portes et fenêtres à plusieurs reprises, compter ou répéter des phrases pour neutraliser une pensée intrusive. 
  • Attaques de panique : épisodes soudains de peur intense, accompagnés de palpitations, essoufflement ou vertiges, représentant 60 % des consultations cardiologiques sans cause organique identifiée. 
  • Phobies sociales : peur marquée d’être jugé ou observé, y compris dans le monde numérique et des données personnelles. 
  • İnsomnies

Pour beaucoup, ces manifestations ne sont pas absurdes : elles symbolisent le rituel de survie d’un Moi blessé, en quête d’un semblant de maîtrise intérieure. 

En réalité chaque symptôme est un fragment d’histoire ; chaque consultation, un écho d’un malaise plus large. 

Vibrations et réorganisation 

La physique nous enseigne que tout système en déséquilibre cherche un nouvel état stable. La société tunisienne vibre aujourd’hui à une fréquence instable, oscillant entre espoir et désenchantement. 

Les obsessions, compulsions, attaques de panique et phobies sociales deviennent des manifestations de tensions accumulées. Comme dans une réaction chimique, l’instabilité peut produire destruction ou recomposition, ouvrant la voie à nouvelles structures créatives. L’anxiété individuelle et collective est ainsi une énergie brute, à canaliser pour transformer le désordre en équilibre et l’inquiétude en innovation. 

Politique et psychique  

La semaine dernière, un jeune patient souffrant de TOC m’a confié : «Après avoir vu un discours de Kais Saïed sur les réseaux sociaux, tout mon corps s’est tendu. Ce soir-là, malgré mes vérifications habituelles de la porte dix fois, je n’ai pas réussi à dormir. J’ai éteint tous les appareils électriques, fermé mon téléphone et cherché un vieux réveil. Toutes les cinq minutes, je vérifiais qu’il fonctionnait. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit.» 

La scène politique agit comme un théâtre psychique. Les figures d’autorité deviennent des symboles où se projettent les blessures collectives : le besoin d’un père protecteur face à l’incertitude se mêle à la colère contre les schémas d’oppression. L’intime et le collectif se rejoignent dans les mêmes symptômes : insomnies, compulsions, attaques de panique, phobies sociales. 

L’angoisse : une énergie créatrice 

La question centrale n’est pas seulement de diagnostiquer, mais de transformer. L’angoisse n’est pas une faiblesse : c’est une énergie brute. 

A l’echelle Individuel, les thérapies intégratives incluant la pleine conscience et le travail symbolique permettent d’apprivoiser cette angoisse. 

Pour le collectif, les espaces de parole permettent à cette angoisse de devenir récit, art, projet. Chaque geste, chaque choix, chaque rencontre devient un fil qui tisse une nouvelle étoffe sociale et psychique. 

Tissons ensemble l’avenir 

La Tunisie est à un carrefour : l’anxiété peut se figer en pathologie sociale, ou devenir le ferment d’une métamorphose, transformant la peur en mouvement et l’instabilité en créativité. 

Comme un élément chimique cherchant sa configuration stable, une société confrontée à l’instabilité peut engendrer de nouvelles formes de solidarité, de pensée et de liberté. La souffrance devient sagesse ; l’anxiété, invitation à vibrer autrement et à tisser un avenir renouvelé. 

* Psychothérapeute, psychanalyste.

L’article La Tunisie, entre anxiété collective et quête de sens  est apparu en premier sur Kapitalis.

❌