Lese-Ansicht

Es gibt neue verfügbare Artikel. Klicken Sie, um die Seite zu aktualisieren.

JCC 2025 : inscriptions ouvertes pour Carthage Pro et ses ateliers Chabaka et Takmil

Le comité directeur de la 36ème édition des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC, 13-20 décembre 2025) a annoncé vendredi sur la page officielle des JCC l’ouverture des inscriptions pour la section “Carthage Pro”, dédiée aux deux ateliers “Chabaka” pour les projets en développement et “Takmil” pour les projets en posproduction. La date limite d’inscription est fixée au 15 septembre 2025.

Les rencontres de la plateforme professionnelle Carthage Pro auront lieu du 15 au 18 décembre 2025, dans le cadre de la programmation officielle des JCC.

Lancée en 1992, cette plateforme vise à travers ces deux ateliers à accompagner les cinéastes à différentes étapes de création -du développement à la postproduction- à travers un encadrement professionnel, des échanges et des opportunités de mise en réseau.

L’article JCC 2025 : inscriptions ouvertes pour Carthage Pro et ses ateliers Chabaka et Takmil est apparu en premier sur WMC.

El Gouna 2025 – 12 premiers films sélectionnés pour la 8ᵉ édition

Du 16 au 24 octobre 2025, la station balnéaire d’El Gouna, en Égypte, accueillera la 8ᵉ édition de son festival de cinéma, un rendez-vous désormais incontournable sur la carte des grands événements culturels de la région MENA. Depuis sa création, le Festival du film d’El Gouna (GFF) s’est imposé comme un espace de rencontre entre cinématographies arabes et internationales, un lieu de découverte et de dialogue où se croisent cinéastes confirmés et nouveaux talents. L’annonce de la première partie de sa programmation confirme cette ambition : treize films, dont plusieurs déjà auréolés de prix dans les plus grands festivals, viennent donner le ton d’une édition qui s’annonce particulièrement prestigieuse.

« Nous sommes incroyablement fiers du programme soigneusement élaboré qui sera présenté, chaque film contribuant à une riche tapisserie d’histoires venues du monde entier. Le festival est une plateforme de dialogue et de découverte, et nous sommes convaincus que cette première sélection résonnera profondément auprès de notre public », a déclaré Marianne Khoury, directrice artistique du GFF.

Des films déjà primés sur la scène internationale

Le cinéma iranien ouvrira cette première sélection avec It Was Just an Accident/Un simple accident de Jafar Panahi, Palme d’or au dernier Festival de Cannes. Fidèle à son art de faire surgir de petites situations un portrait plus vaste de la société, Panahi suit les conséquences en cascade d’un simple accident de la route. Derrière l’apparente banalité du point de départ, le film met à nu des mécanismes sociaux et politiques complexes, une écriture qui a valu au cinéaste sa reconnaissance internationale et qui trouve à El Gouna un nouveau public.

Autre grand nom du cinéma d’auteur contemporain, Joachim Trier revient avec Sentimental Value. Lauréat du Grand Prix à Cannes, ce récit intime explore la relation de deux sœurs aux trajectoires opposées : l’une a choisi la carrière d’actrice, l’autre la vie de famille. Le retour de leur père, cinéaste absent et désormais vieilli, ravive des blessures anciennes et interroge le rapport à la mémoire, à l’art et aux liens familiaux. Trier avait déjà marqué El Gouna en 2021 avec The Worst Person in the World ; son retour témoigne de la fidélité de certains cinéastes au festival.

Toujours venu de Norvège, Dag Johan Haugerud a remporté l’Ours d’or à la Berlinale avec Dreams (Sex Love). Le film adopte le point de vue adolescent d’une jeune fille tombant amoureuse de son professeur, qu’elle raconte dans ses écrits. Plus qu’un simple récit d’initiation, l’œuvre met en lumière la découverte du désir, la construction de l’identité et la complexité de la parole intime. La reconnaissance critique obtenue à Berlin – avec en prime le Prix FIPRESCI – confirme la singularité de son approche.

Richard Linklater, quant à lui, propose avec Blue Moon une variation audacieuse sur le temps réel : le récit se concentre sur la soirée du 31 mars 1943, où le parolier Lorenz Hart fait face à l’effondrement de sa vie professionnelle et personnelle. Porté par Andrew Scott, récompensé à Berlin d’un Ours d’argent pour sa prestation, le film est une plongée dans le destin d’un artiste, où la fragilité humaine rencontre l’exigence de la création.

Entre réalisme et imaginaire : la fiction en éclats

La sélection met également à l’honneur des récits où le réel se trouble au contact de l’imaginaire. Avec Resurrection, Bi Gan imagine un monde privé du rêve où un monstre tente de préserver les dernières illusions. Porté par une esthétique sensorielle, le film, couronné à Cannes d’un Prix spécial, interroge la place du rêve et de l’inconscient dans une société mécanisée.

Dans Sound of Falling, Mascha Schilinski raconte l’histoire de quatre jeunes filles, séparées par un siècle mais réunies par un même lieu, une ferme où leurs existences se reflètent les unes dans les autres. Lauréat du Prix du jury à Cannes, le film aborde le passage du temps, la mémoire des lieux et la transmission entre générations.

Le Mexicain Ernesto Martínez Bucio fait une entrée remarquée avec son premier long-métrage, The Devil Smokes (and Saves the Burnt Matches in the Same Box). Le film met en scène cinq enfants abandonnés, livrés à la garde d’une grand-mère schizophrène. Entre réalité et hallucinations, ce récit dérangeant, primé à la Berlinale, propose une plongée dans un imaginaire sombre, révélant un nouveau talent à suivre.

Deux autres films viennent enrichir cette catégorie de récits ancrés dans la vie et la création. Avec A Poet, Simón Mesa Soto suit le parcours d’un vieil écrivain erratique qui retrouve un sens à sa vie en guidant une adolescente vers l’écriture. Primé à Cannes dans la section Un Certain Regard, le film témoigne de l’importance des rencontres et du rôle des mentors. Enfin, Laura Wandel, déjà connue du public d’El Gouna pour Un monde/Playground, revient avec Adam’s Sake. L’histoire, centrée sur une infirmière pédiatrique confrontée au désespoir d’une mère refusant de quitter son enfant hospitalisé, aborde avec délicatesse la douleur, la solidarité et l’engagement des soignants. Présenté en ouverture de la Semaine de la critique à Cannes, le film confirme la place de Wandel comme une cinéaste attentive à l’enfance et aux relations humaines.

Des documentaires puissants et poétiques

À la fin de cette première sélection, le festival propose aussi plusieurs documentaires marquants. Better Go Mad in the Wild de Miro Remo (République tchèque, Slovaquie) explore la relation complexe de jumeaux élevés dans la nature et confrontés à la séparation. Récompensé par le Grand Prix du Festival de Karlovy Vary, le film mêle observation sensible et réflexion sur le lien fraternel et la solitude.

Avec Always, Deming Chen livre une allégorie sur la perte de l’innocence à travers le parcours d’un jeune Chinois, Gong Youbin, qui se découvre au fil de la poésie. Ce premier film, déjà lauréat du DOX:AWARD à CPH:DOX, démontre la vitalité du documentaire contemporain et sa capacité à s’emparer de formes narratives inédites.

Enfin, Raoul Peck, figure majeure du documentaire engagé, revient avec Orwell: 2+2=5. Après le succès international de I Am Not Your Negro, présenté à El Gouna en 2017, Peck s’attache cette fois aux derniers mois de George Orwell et à l’actualité brûlante de son œuvre 1984. Concepts tels que le doublethink ou le newspeak trouvent une résonance troublante dans notre monde contemporain, renforçant la pertinence politique du cinéma documentaire.

Un festival au cœur du dialogue culturel

Depuis sa création, le Festival du film d’El Gouna s’est fixé pour mission de créer un pont entre les cinémas du monde. En présentant des films arabes et internationaux à un public curieux et averti, il contribue à la circulation des œuvres et à l’émergence de nouvelles voix. « Ces films représentent un éventail mondial de récits, allant de la fiction aux documentaires les plus percutants, dont beaucoup ont déjà été distingués dans les grands festivals. Ce n’est qu’un aperçu du voyage cinématographique qui attend notre public », a souligné Andrew Mohsen, responsable de la programmation.

La richesse de cette première sélection témoigne de l’ambition du GFF : mettre en avant des films exigeants, des signatures confirmées comme des révélations, et offrir aux spectateurs une expérience où se rencontrent cultures, esthétiques et visions du monde. Dans les semaines à venir, de nouveaux titres viendront compléter cette programmation, mais déjà, cette première annonce affirme le rôle d’El Gouna comme un carrefour incontournable du cinéma international.

Neïla Driss

L’article El Gouna 2025 – 12 premiers films sélectionnés pour la 8ᵉ édition est apparu en premier sur webdo.

El Gouna 2025 – Appel à candidatures pour CineGouna Emerge

Pour sa 8ᵉ édition, le El Gouna Film Festival (GFF) annonce l’ouverture des candidatures pour les programmes CineGouna Emerge, une initiative soutenue par son Impact Partner — partenaire stratégique engagé dans des actions à fort impact social et culturel — la Sawiris Foundation for Social Development (SFSD), ainsi que par l’Union européenne en Égypte. Pensé pour accompagner et renforcer les talents émergents du cinéma, ce dispositif confirme l’engagement du festival à soutenir la nouvelle génération de créateurs en Égypte, dans le monde arabe et en Afrique.

Fort du succès rencontré lors des deux précédentes éditions, CineGouna Emerge a permis à des centaines de participants de tisser des liens avec l’industrie cinématographique régionale et internationale, tout en intégrant une communauté dynamique de pairs. De nombreux anciens participants ont franchi des étapes décisives dans leur parcours professionnel, reconnaissant souvent que ce programme a joué un rôle charnière dans leur évolution. Pour 2025, le festival élargit encore le champ des opportunités, veillant à ce que chaque jeune talent puisse trouver un espace pour se développer, se connecter et s’épanouir.

Cette édition se déploie à travers plusieurs parcours distincts. Le programme phare, CineGouna Emerge, s’adresse aux jeunes cinéastes et professionnels du secteur — réalisateurs, scénaristes, producteurs, acteurs, chefs opérateurs, monteurs, ingénieurs du son — en leur offrant une immersion complète dans le festival : projections, masterclasses, tables rondes, ateliers, et rencontres ciblées pour favoriser les échanges et collaborations.

Le SeeMe Track est spécialement conçu pour les acteurs émergents. Il leur permet de vivre l’expérience du tapis rouge, de se préparer à dialoguer avec la presse et les médias, et de se présenter avec assurance à des réalisateurs, producteurs et agents.

Avec le Perspectives Track, ce sont les jeunes photographes, journalistes, critiques de cinéma et créateurs de contenus qui sont mis en lumière. Ils pourront couvrir le festival par le biais d’articles, de reportages photographiques ou de vidéos, en collaboration avec l’équipe Presse et Publications du GFF.

Grande nouveauté cette année : Emerge: Take Two. Ce parcours inédit est réservé aux anciens participants des éditions précédentes, invités à revenir en tant que mentors pour accompagner les nouveaux venus tout au long de leur expérience au festival.

Les candidatures sont ouvertes aux personnes âgées de 18 à 35 ans, ou aux professionnels en début de carrière. Les participants doivent être étudiants ou diplômés de formations en cinéma ou médias, avoir contribué à au moins un film ou une série projeté publiquement, ou développer activement un projet lié au cinéma. Les candidats retenus bénéficieront d’une accréditation leur donnant accès aux projections, au CineGouna Forum et aux activités du marché. Leurs frais de déplacement intérieur, leur hébergement et leurs repas seront également pris en charge.

Pour Amr Mansi, directeur exécutif du El Gouna Film Festival, « CineGouna Emerge est l’initiative la plus proche de notre cœur, et l’une des plus impactantes du festival. En l’élargissant en un programme multi-parcours, nous offrons à chaque jeune talent — qu’il soit cinéaste, acteur, critique ou créateur de contenu — la possibilité d’apprendre, de progresser et de briller à El Gouna. »

Marianne Khoury, directrice artistique du GFF, souligne : « Lors des deux dernières éditions, nous avons constaté l’impact transformateur de CineGouna Emerge. Beaucoup de nos anciens participants travaillent aujourd’hui activement dans l’industrie, et leurs retours sont extrêmement positifs. L’extension du programme cette année vise à rendre ce que nous avons reçu : les anciens accompagneront les nouveaux, et ensemble, nous continuerons à bâtir un réseau créatif fort et solidaire. »

Pour Hayat Aljowaily, responsable de CineGouna Emerge, « notre mission a toujours été de soutenir la nouvelle génération de conteurs d’histoires en Égypte, dans le monde arabe et en Afrique. L’introduction de nouveaux parcours comme Take Two illustre notre foi dans la continuité, le mentorat et la force de la communauté au sein du secteur cinématographique. »

Les inscriptions pour tous les parcours de CineGouna Emerge 2025 sont ouvertes sur le site officiel du El Gouna Film Festival et se clôtureront le 17 août 2025. Une opportunité unique pour les jeunes créateurs de rejoindre un réseau en pleine expansion, et de participer à l’essor du cinéma dans la région.

L’article El Gouna 2025 – Appel à candidatures pour CineGouna Emerge est apparu en premier sur webdo.

Fadhel Jaziri n’est plus

Le créateur et artiste Fadhel Jaziri est décédé après un long combat contre la maladie. Très apprécié par le public, actif sur la scène culturelle depuis six décennies, Fadhel Jaziri lègue aux Tunisiens une œuvre multiforme.

Après son passage à la Troupe régionale de Gafsa, Fadhel Jaziri a pleinement participé à l’aventure du Nouveau Théâtre, aux côtés de Mohamed Driss, Fadhel Jaibi, Jelila Baccar et Habib Masrouki.

Après une décennie de refondation du théâtre tunisien avec des œuvres comme La Noce, Ghassalet Nouader ou Arab, Jaziri s’est tourné vers le cinéma où il a participé à plusieurs œuvres en tant que comédien puis réalisateur. Citons par exemple Traversées de Mahmoud Ben Mahmoud ou encore Thalathoun, un film autour des années trente.

Depuis les années 1990, Fadhel Jaziri s’est investi dans des happenings à grand spectacle à l’image de Hadhra et Nouba qui ont bouleversé le rapport du public avec le patrimoine du chant sacré ou profane.

Après avoir produit films et créations diverses, Fadhel Jaziri s’est consacré ces dernières années à la création d’un centre culturel international à Djerba.
Paix à son âme et condoléances à sa famille, ses nombreux amis et la grande famille de la culture et des arts.

L’article Fadhel Jaziri n’est plus est apparu en premier sur webdo.

83ᵉ Golden Globes Awards – La critique tunisienne Neïla Driss confirmée comme votante internationale

La critique de cinéma tunisienne Neïla Driss vient d’être reconduite pour une seconde année consécutive en tant que membre du corps électoral des Golden Globes. Après une première sélection en 2024 en tant qu’alternate voter, elle accède cette année au statut de International Voter, avec voix délibérative pour la 83ᵉ édition. Ce renouvellement témoigne de la confiance accordée par la Golden Globe Foundation, qui évalue chaque année l’implication, la rigueur et la pertinence des contributions de ses membres.

Créés en 1944 à Hollywood, les Golden Globes récompensent chaque année les meilleurs films et séries, ainsi que leurs interprètes, réalisateurs et scénaristes. Ils sont considérés comme l’un des événements majeurs de la saison des prix, juste après les Oscars. Depuis leur réforme récente, les Golden Globes se sont ouverts à des journalistes du monde entier, afin de garantir une meilleure représentativité de la diversité cinématographique internationale.

Neïla Driss est critique de cinéma, membre de la FIPRESCI (Fédération internationale de la presse cinématographique), et collabore avec plusieurs médias tunisiens et internationaux. Elle couvre depuis de nombreuses années les grands festivals de cinéma, notamment Cannes, Le Caire, Carthage ou encore El Gouna, et signe des articles d’analyse, de critique et de reportage, toujours ancrés dans une perspective à la fois cinéphile et journalistique.

NEILA DRISS

Depuis 2024, elle fait également partie des critiques sélectionnés par le Centre du Cinéma Arabe pour participer aux votes des Critics Awards for Arab Films et des Arab Critics Awards for European Films, deux distinctions qui contribuent à mettre en lumière les œuvres les plus marquantes des cinémas arabes et européens contemporains.

Sa reconduction parmi les votants internationaux des Golden Globes consacre une reconnaissance du sérieux de son travail, mais aussi de sa singularité de ton et d’approche. Cette fonction, renouvelée chaque année, s’inscrit dans une volonté d’ouverture et de diversification des profils au sein du corps électoral, qui rassemble désormais plus de 380 journalistes spécialisés issus de près de 80 pays.

L’article 83ᵉ Golden Globes Awards – La critique tunisienne Neïla Driss confirmée comme votante internationale est apparu en premier sur webdo.

Golden Globes 2026 – Les candidatures sont ouvertes, mais où sont les films tunisiens ?

Les Golden Globes Awards viennent d’ouvrir les candidatures pour leur 83e édition, prévue le 11 janvier 2026, en direct du Beverly Hilton à Los Angeles. Première grande cérémonie de la saison des prix, l’événement célèbre chaque année le meilleur du cinéma, de la télévision – et depuis peu, du podcast – dans une ambiance glamour qui lui vaut le surnom de « Hollywood’s Party of the Year® ».

Les inscriptions sont désormais ouvertes via la plateforme officielle de soumission :
👉 Soumettre un film ou une série

La date limite est fixée au vendredi 31 octobre 2025, et les nominations seront annoncées le lundi 8 décembre 2025.

La soirée sera diffusée en direct sur CBS et en streaming sur Paramount+ aux États-Unis. Pour la deuxième année consécutive, l’humoriste, actrice et comédienne Nikki Glaser, nommée aux Golden Globes, aux Grammys et aux Emmys, assurera le rôle d’hôte de la cérémonie, animant les remises de prix et les moments forts du direct.

À la production, Glenn Weiss et Ricky Kirshner, duo multi-récompensé aux Emmy Awards, rempilent pour une troisième année consécutive en tant que showrunners exécutifs, sous la houlette de Dick Clark Productions. Le show, diffusé dans plus de 185 pays, reste l’un des événements télévisés les plus suivis au monde.

Créés en 1944, les Golden Globes Awards se distinguent par la diversité de leurs catégories, notamment celle du « Meilleur film en langue étrangère », qui offre une visibilité rare aux œuvres non anglophones. Pourtant, malgré cette opportunité, on constate que les films tunisiens y sont pratiquement absents.

Ce constat étonne d’autant plus que les cinéastes tunisiens soumettent régulièrement leurs œuvres aux Oscars dans cette même catégorie. En 2024 encore, Les filles d’Olfa/Four Daughters de Kaouther Ben Hania figurait parmi les finalistes aux Oscars, mais n’avait pas été proposé aux Golden Globes.

La procédure de soumission est pourtant claire et accessible. Le règlement complet est consultable ici :
👉 Règles, calendrier et catégories

Aucune obligation de distribution américaine préalable n’est requise, et la plateforme permet de soumettre directement en ligne, que ce soit pour un film, une série ou un podcast.

Par ailleurs – et c’est un fait distinct mais significatif – depuis quelques années, les Golden Globes Awards ont élargi leur collège électoral à des critiques de cinéma du monde entier. En 2024, j’ai eu l’honneur d’être sélectionnée comme électrice internationale. Je suis ainsi devenue la première – et à ce jour la seule – critique tunisienne à faire partie des votants aux Golden Globes. Cette évolution témoigne d’une volonté réelle d’ouverture, de diversification des regards, et de meilleure représentation des sensibilités cinématographiques mondiales.

Alors que les candidatures pour l’édition 2026 sont désormais ouvertes, la question mérite d’être posée : pourquoi les cinéastes tunisiens ne soumettent-ils pas leurs films pour ce prix prestigieux dans la catégorie « Film en langue étrangère » ?

Neïla Driss

L’article Golden Globes 2026 – Les candidatures sont ouvertes, mais où sont les films tunisiens ? est apparu en premier sur webdo.

JCC 2025 – Entre cinéma et musique, l’univers de Ziad Rahbani

La 36e édition des Journées Cinématographiques de Carthage, qui se tiendra du 13 au 20 décembre 2025, consacrera un hommage appuyé à l’une des figures les plus singulières du monde artistique arabe : Ziad Rahbani.

Décédé à Beyrouth le 1er août 2025 à l’âge de 68 ans, l’auteur, compositeur, acteur, dramaturge et chroniqueur libanais laisse derrière lui une œuvre foisonnante, marquée par la satire politique, une lucidité implacable et une modernité musicale qui ont profondément influencé toute une génération.

Fils de la grande chanteuse Fairuz et du compositeur Assi Rahbani, Ziad Rahbani s’est affirmé très tôt comme un artiste inclassable, héritier du patrimoine musical levantin mais farouchement libre dans son expression. Figure de proue de la contre-culture beyrouthine dans les années 1970 et 1980, il a également marqué de son empreinte le cinéma arabe, notamment à travers ses collaborations avec des cinéastes majeurs tels que Maroun Bagdadi, Farouk Beloufa, Randa Chahhal ou Kassem Hawal.

C’est à ce lien fort entre Ziad Rahbani et le nouveau cinéma arabe que les JCC 2025 ont choisi de rendre hommage. Une sélection de films auxquels il a participé – comme acteur ou compositeur – sera présentée dans le cadre du festival. Parmi eux, plusieurs œuvres rares ou restaurées permettront de redécouvrir son rôle discret mais essentiel dans l’évolution esthétique et sonore du cinéma engagé des années 1970-1980.

Des rencontres, projections spéciales et événements parallèles viendront compléter cette programmation, afin de célébrer la richesse de son parcours artistique. Ziad Rahbani ne sera pas à Carthage pour présenter son ironique Long métrage américain, mais sa présence sera partout dans cette édition, à travers son esprit mordant, son regard désabusé sur le monde arabe, et son sens inimitable de la composition.

Avec cet hommage, les JCC affirment une fois encore leur attachement à une mémoire cinématographique critique, populaire, indisciplinée – à l’image de l’artiste qu’ils saluent cette année.

Neïla Driss

L’article JCC 2025 – Entre cinéma et musique, l’univers de Ziad Rahbani est apparu en premier sur webdo.

Lynette Howell Taylor élue présidente de l’Académie des Oscars

La productrice britannique Lynette Howell Taylor a été élue présidente de l’Académie des Oscars pour la mandature 2025‑2026, succédant ainsi à Janet Yang, arrivée au terme de son mandat. Le conseil des gouverneurs de l’institution a officialisé sa nomination lors d’un vote tenu à Los Angeles, marquant un tournant significatif dans l’histoire de l’Académie.

Âgée de 46 ans, née à Liverpool, Howell Taylor devient la plus jeune présidente de l’Académie depuis 70 ans — depuis que George Seaton en avait pris la tête à 44 ans — et la première personnalité née hors des États-Unis à occuper ce poste depuis le Canadien Arthur Hiller, en 1993. Ces deux faits traduisent une volonté de renouvellement de la part de l’organisation, qui cherche à diversifier ses figures dirigeantes tout en renforçant sa portée internationale.

La nouvelle présidente sera entourée d’une équipe élue simultanément pour cette même mandature. Lesley Barber, représentante de la branche Musique, a été reconduite au poste de vice-présidente et continuera de présider le comité dédié à l’adhésion. Jennifer Fox, de la branche des producteurs, accède pour la première fois au bureau en tant que vice-présidente et prendra la tête du comité des récompenses. Le documentariste Simon Kilmurry, également nouvel entrant, assumera les fonctions de vice-président et de trésorier, tandis que Lou Diamond Phillips, représentant la branche des acteurs, occupera un poste de vice-président en charge des questions d’équité et d’inclusion. Enfin, Howard A. Rodman, issu de la branche des scénaristes, est reconduit en tant que vice-président et secrétaire, et poursuivra son travail à la tête du comité de gouvernance.

Membre de l’Académie depuis 2014, Lynette Howell Taylor siège actuellement pour la deuxième fois au conseil des gouverneurs en tant que représentante de la branche des producteurs. Elle a également exercé pendant trois ans les fonctions de vice‑présidente et présidé le comité des Oscars. Ces dernières années, elle a fortement contribué à moderniser la réflexion de l’Académie sur ses cérémonies et ses critères d’attribution, notamment en travaillant à leur ouverture et à leur adaptation face aux mutations du secteur audiovisuel.

Son parcours dans le cinéma indépendant américain témoigne d’une sensibilité artistique affirmée, et d’un engagement constant pour une production audacieuse, humaine et exigeante. Elle a produit plus de vingt-cinq longs métrages, parmi lesquels Half Nelson, Blue Valentine, The Place Beyond the Pines, Captain Fantastic ou encore Big Eyes. Mais c’est en 2018, avec A Star Is Born, réalisé par Bradley Cooper, qu’elle atteint une notoriété mondiale : le film reçoit huit nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film, et connaît un immense succès critique et public. Lynette Howell Taylor produira ensuite la 92e cérémonie des Oscars en 2020, aux côtés de Stephanie Allain, une édition saluée pour son énergie et sa volonté d’ouverture, qui lui vaudra une nomination aux Emmy Awards.

Formée à la Liverpool Institute for Performing Arts, elle fonde en 2017 sa propre société de production, 51 Entertainment, avec une orientation très claire : promouvoir des récits inclusifs, soutenir les voix sous-représentées, et défendre l’égalité des genres dans tous les maillons de la chaîne cinématographique. Ce positionnement militant, au cœur des débats qui traversent Hollywood depuis l’affaire Weinstein, a renforcé sa crédibilité dans les cercles de décision de l’industrie.

Sa nomination intervient à un moment stratégique pour l’Académie, qui cherche à renforcer sa légitimité et sa pertinence dans un paysage audiovisuel en pleine transformation. Ces derniers mois, la prestigieuse institution a entrepris de réformer ses statuts et d’élargir son horizon, en introduisant de nouvelles catégories de prix, comme celle du meilleur directeur de casting dès 2026, ou celle du meilleur coordinateur de cascades à partir de 2027. Elle tente aussi de renouer avec le public : la dernière cérémonie des Oscars a réuni 19,7 millions de téléspectateurs aux États-Unis, une nette remontée par rapport aux années précédentes.

Dans ce contexte, Bill Kramer, directeur général de l’Académie, s’est félicité de cette élection. Il a salué le rôle majeur de Lynette Howell Taylor dans la modernisation du comité des récompenses, soulignant sa vision stratégique, son dévouement, et sa capacité à fédérer les énergies autour des missions fondamentales de l’organisation : soutenir ses membres à travers le monde, préserver la santé financière de l’Académie, et célébrer les accomplissements du cinéma mondial.

Avec ce nouveau bureau, composé de profils expérimentés et engagés, Lynette Howell Taylor prend les rênes de l’Académie à un moment clé. Elle incarne une nouvelle génération de leadership, porteuse d’une vision inclusive et résolument tournée vers l’avenir. Son élection est plus qu’un symbole : c’est le signe qu’Hollywood, malgré ses lenteurs, continue à se réinventer.

L’article Lynette Howell Taylor élue présidente de l’Académie des Oscars est apparu en premier sur webdo.

El Gouna 2025 – Le festival relance le concours “Eish”

Après le succès retentissant de sa première édition en 2024, le concours « Eish » fait son retour au sein du El Gouna Film Festival, dans une édition renouvelée et ambitieuse, portée par une alliance fructueuse entre le festival, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies en Égypte, et la société Zest. Cette initiative régionale unique convie à nouveau les cinéastes d’Égypte et du monde arabe à proposer leurs projets de courts métrages en développement, d’une durée maximale de quinze minutes, autour d’un thème crucial mais souvent marginalisé dans le paysage audiovisuel : la sécurité alimentaire.

Le mot « Eish » en lui-même porte une double signification qui résonne profondément avec la philosophie du concours. En arabe classique, il signifie « Vivre », tandis qu’en dialecte égyptien, il désigne le « Pain ». Deux sens qui, loin de s’opposer, se rejoignent de manière essentielle : car le pain est la base de la vie. Sans pain, il est impossible de vivre. Ce titre simple, direct et polysémique, résume à lui seul le message que ce concours cherche à transmettre — celui d’une urgence vitale, d’un droit humain fondamental, et d’un combat collectif à mener.

La date limite de soumission des projets a été fixée au 30 août 2025, et le projet lauréat sera dévoilé lors d’un événement spécial organisé dans le cadre de la huitième édition du festival, qui se tiendra du 16 au 24 octobre à El Gouna. Ce calendrier n’est pas anodin : l’ouverture du festival coïncide cette année avec la Journée mondiale de l’alimentation, renforçant le message que cinéma et engagement humanitaire peuvent avancer main dans la main.

Un succès immédiat et un écho régional

Lancée en 2024, la première édition du concours avait suscité un engouement immédiat, avec un nombre impressionnant de candidatures reçues en un laps de temps réduit. Ce succès témoigne non seulement de la vitalité de la jeune création arabe, mais aussi de l’urgence ressentie par les nouvelles générations d’artistes à traiter de sujets sociétaux majeurs, à commencer par celui de la faim, de l’inégalité dans l’accès à la nourriture, et de la précarité alimentaire, qui touche encore des millions de personnes dans la région.

Le projet lauréat de l’an passé, Khufu du cinéaste Mohamed Khaled Al Assi, illustrait parfaitement cette volonté : à travers l’histoire simple et bouleversante d’une famille dont la survie économique dépend d’un seul chameau tombé malade, le réalisateur explorait avec pudeur les conséquences d’une instabilité financière aiguë, à l’échelle domestique. Un récit local, intime, mais porteur d’un écho universel.

L’art pour éveiller les consciences

« Eish n’est pas simplement un concours », rappelle Amr Mansi, directeur exécutif et cofondateur du El Gouna Film Festival, « c’est un appel à faire de l’art une force de changement. » Pour lui, cette initiative incarne pleinement la foi du festival dans le pouvoir du cinéma à faire évoluer les mentalités, à sensibiliser, à provoquer des dialogues. « Nous sommes fiers de poursuivre cette collaboration avec le WFP et Zest. Elle permet aux cinéastes arabes de raconter des histoires profondément ancrées dans leur réalité, et qui abordent de front des enjeux vitaux comme la sécurité alimentaire. »

Cette démarche est pleinement partagée par le Programme alimentaire mondial, représenté en Égypte par Jean-Pierre de Margerie, qui souligne la capacité du cinéma à humaniser les défis les plus complexes. « L’accès à la nourriture est à la base de la dignité humaine, de la stabilité et de la résilience des sociétés. Le cinéma a ce pouvoir unique : il ne se contente pas d’émouvoir, il incite à l’action. »

Quand la nourriture devient récit

Si l’engagement du WFP apparaît évident, la présence de Zest dans ce partenariat pourrait surprendre. Mais pour Abdallah Dnewar, directeur des programmes spéciaux chez Zest et responsable du concours, cette collaboration coule de source. « Zest est une entreprise qui place l’interaction avec la nourriture au cœur de son activité. Le lien entre alimentation et narration est, selon nous, fondamental : il permet d’explorer la complexité de l’expérience humaine. En nous associant au GFF et au WFP, nous offrons aux créateurs une tribune inédite pour raconter l’histoire de notre humanité à travers ce que nous mangeons, partageons ou perdons. »

Cette perspective ouvre un champ immense aux cinéastes : des questions de pénurie aux problématiques d’agriculture durable, des tensions liées aux chaînes d’approvisionnement aux récits de résilience face à la faim, le concours « Eish » incite à traiter la sécurité alimentaire sous toutes ses facettes, avec inventivité et engagement.

Un engagement ancré dans la mission du festival

Le El Gouna Film Festival, depuis sa création, s’est imposé comme un espace de découverte et de dialogue, où les voix arabes trouvent un écho international. En mettant en avant le cinéma comme vecteur de conscience sociale, le festival ne se contente pas de célébrer la création : il en fait un levier de transformation. Son objectif reste inchangé : promouvoir le cinéma arabe dans toute sa diversité, favoriser les échanges culturels, et soutenir l’émergence de nouveaux talents.

Le concours « Eish » s’inscrit dans cette lignée, en combinant engagement social, accompagnement artistique et rayonnement régional. En plaçant la thématique de la sécurité alimentaire au cœur du processus créatif, il permet aux cinéastes de raconter autrement leur monde, leurs inquiétudes, mais aussi leur espérance.

Le cinéma peut-il contribuer à la justice alimentaire ? Le GFF, le WFP et Zest parient que oui. Et ce sont les jeunes cinéastes arabes qui, une fois encore, auront la parole.

Neïla Driss

L’article El Gouna 2025 – Le festival relance le concours “Eish” est apparu en premier sur webdo.

Kaouther Ben Hania en compétition à Venise avec « The Voice of Hind Rajab »

La réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania entre en compétition officielle à la Mostra de Venise avec son nouveau long-métrage The Voice of Hind Rajab (La voix de Hind Rajab). Cette sélection confirme le rayonnement international de l’une des voix les plus singulières du cinéma arabe contemporain, quelques mois seulement après sa nomination aux Oscars pour Les Filles d’Olfa (Four Daughters).

Dans une déclaration bouleversante, Kaouther Ben Hania revient sur la genèse fulgurante de ce projet né d’un choc personnel. C’est en pleine campagne pour les Oscars, alors qu’elle s’apprêtait à tourner un film qu’elle préparait depuis dix ans, qu’un enregistrement audio va tout bouleverser. Lors d’une escale à l’aéroport de Los Angeles, elle entend la voix d’une fillette appelant à l’aide : « J’ai entendu un enregistrement de Hind Rajab qui suppliait qu’on vienne l’aider. J’ai immédiatement ressenti un mélange de tristesse accablante et d’impuissance. C’était physique, comme si le sol s’effondrait sous moi. Je ne pouvais pas continuer comme prévu. »

Hind Rajab, 6 ans, est une enfant palestinienne de Gaza. Le 29 janvier 2024, alors que sa famille tente de fuir les bombardements israéliens, leur voiture est prise pour cible. Hind est la seule survivante, cachée dans le véhicule avec les corps de ses proches. Elle appelle à l’aide via un téléphone portable. L’enregistrement de sa voix – devenu viral – capte en temps réel l’attente, la peur, la solitude. Malgré l’alerte lancée par le Croissant-Rouge, l’enfant ne sera jamais secourue. Elle est retrouvée morte quelques jours plus tard, avec les secouristes envoyés pour elle. La voiture qui les transportait avait reçu 355 balles.

The Voice of Hind Rajab

Profondément marquée par ce drame, la réalisatrice entre en contact avec la famille de Hind, avec les équipes du Croissant-Rouge, et obtient l’intégralité de l’audio original, soixante-dix minutes d’un enregistrement insoutenable. C’est à partir de ces voix réelles et de ces témoignages qu’elle décide de bâtir un film de fiction : The Voice of Hind Rajab.

Le film repose sur un dispositif minimaliste : un lieu unique, aucune image de violence, mais un hors-champ qui oppresse. Un choix assumé : « Les images violentes sont partout autour de nous : sur nos écrans, nos téléphones. Ce que je voulais montrer, c’est l’invisible – l’attente, la peur, le silence insupportable quand personne ne vient. »

Dans cette mise en scène de l’attente, du silence, de l’inaction face à l’urgence, Kaouther Ben Hania interroge ce que le cinéma peut encore dire, ce qu’il peut préserver face à l’accélération du temps médiatique. Pour elle, The Voice of Hind Rajab n’est pas seulement un film sur Gaza : « Cette histoire ne parle pas seulement de Gaza. Elle évoque un deuil universel. Le cinéma peut préserver une mémoire. Il peut résister à l’amnésie. Que la voix de Hind Rajab soit entendue. »

Produit par Nadim Cheikhrouha, Odessa Rae et James Wilson, le film a été soutenu par Totem Films pour les ventes internationales. Il a également bénéficié d’une subvention du Fonds de soutien à la création artistique et littéraire, relevant du ministère tunisien des Affaires culturelles.

Après La Belle et la Meute, L’Homme qui a vendu sa peau ou encore Les Filles d’Olfa, Kaouther Ben Hania continue d’explorer les failles du monde à travers des dispositifs singuliers. Avec The Voice of Hind Rajab, elle signe un film de résistance et de mémoire, où le cinéma devient à la fois écoute, hommage, et cri contre l’oubli.

Neïla Driss

L’article Kaouther Ben Hania en compétition à Venise avec « The Voice of Hind Rajab » est apparu en premier sur webdo.

Cannes 2025 – « Woman and Child », le grand absent du palmarès

Pour la deuxième fois, Saeed Roustaee quitte le Festival de Cannes sans figurer au palmarès officiel, et cela demeure difficilement compréhensible. En 2022, son remarquable Leila et ses frères avait certes remporté le Prix FIPRESCI, mais n’avait reçu aucune récompense du jury officiel. Cette année, avec Woman and Child, le cinéaste iranien livre pourtant un nouveau film puissant, parfaitement maîtrisé, qui aurait largement mérité une reconnaissance à la hauteur de son audace et de sa profondeur.

Présenté en sélection officielle au 78ème Festival de Cannes, Woman and Child (Zan o Bacheh, en version originale) a immédiatement marqué les esprits lors de sa première au Grand Théâtre Lumière. Accueilli par une longue standing ovation, ce film bouleversant illustre avec force les tensions sociales et intimes qui agitent l’Iran d’aujourd’hui.

Saeed Roustaee, réalisateur iranien né en 1989 à Téhéran, s’est imposé comme l’un des cinéastes les plus pertinents de sa génération. Diplômé de l’Université Soore de Téhéran, il est connu pour ses œuvres incisives telles que Life and a Day (2016) et La Loi de Téhéran (2019), qui explorent les fractures sociales et les violences au sein de la société iranienne. Saeed Roustaee est aussi un artiste dont la liberté d’expression a été mise à rude épreuve. Son film Leila et ses frères (2022), présenté à Cannes sans l’aval des autorités iraniennes, lui a valu des démêlés judiciaires importants, avec une condamnation à six mois de prison avec sursis pour « propagande contre le régime ».

Woman and Child se concentre sur le parcours de Mahnaz, interprétée avec une intensité remarquable par Parinaz Izadyar, une infirmière veuve qui élève seule ses enfants dans le Téhéran contemporain, avec l’aide de sa mère chez laquelle elle vit. Alors qu’elle s’apprête à refaire sa vie avec Hamid, son fiancé joué par Payman Maadi, un drame familial survient : le fils de Mahnaz est renvoyé de l’école, et bientôt, un accident tragique vient bouleverser le fragile équilibre familial. Ce choc intime devient le révélateur de tensions plus larges, sociales et politiques, qui traversent la société iranienne.

Le synopsis pourrait sembler classique à première vue, mais c’est dans la manière dont Saeed Roustaee construit cette histoire qu’émerge toute la force du film. La narration est subtile, entre suspense et émotion brute, et jamais le réalisateur ne cède à la facilité. Le film déroute par ses nombreux retournements narratifs, ces twists qui bousculent notre compréhension des personnages et de leur réalité, tout en maintenant une tension dramatique jusqu’à la dernière minute. Cette construction complexe, digne d’un thriller psychologique, épouse brillamment la montée d’une tension sociale palpable dans l’Iran d’aujourd’hui.

L’une des grandes forces du film réside dans son portrait d’une femme iranienne contemporaine, confrontée à une société patriarcale et répressive. Mahnaz est une figure d’indépendance et de résistance, qui lutte pour sa liberté et celle de ses enfants. Mais son combat est aussi celui de toutes les femmes iraniennes, enfermées dans un système rigide où le poids des traditions misogynes, des lois et des normes religieuses, pèse lourdement. À travers elle, Saeed Roustaee donne une voix à une population qui souffre en silence, un cri étouffé mais vibrant. Ce portrait social est d’autant plus fort qu’il est porté par l’interprétation intense et juste de Parinaz Izadyar, saluée à l’unanimité par la critique. Beaucoup ont estimé qu’elle méritait haut la main le Prix de la meilleure interprétation féminine à Cannes, tant son jeu mêle vulnérabilité et force, douleur et rage contenue.

 

Cannes 2025 – Montée des marches pour l’équipe du film « Woman and child »

 

Mais cette œuvre sociale majeure n’a pas échappé à la polémique. Woman and Child a suscité une controverse avant même sa présentation à Cannes. L’Association des cinéastes iraniens indépendants (IIFMA) a accusé Saeed Roustaee de faire de la « propagande » pro-régime, en raison notamment de l’obtention d’un permis de tournage — perçu comme une marque de compromission — et de la représentation de femmes voilées, y compris dans des scènes se déroulant dans la sphère domestique. Selon l’IIFMA, cela constituerait une trahison du mouvement « Femme, Vie, Liberté », né après la mort de Mahsa Amini et qui a profondément bouleversé la société iranienne.

Roustaee a répliqué publiquement en expliquant que l’autorisation officielle n’était qu’une formalité administrative indispensable pour mener à bien le film féministe qu’il avait en tête. Il a revendiqué son œuvre comme relevant d’un « cinéma de résistance », affirmant que le film devait justement parler de l’émancipation féminine depuis l’intérieur du système, afin de pouvoir atteindre le public iranien.

Lors de la conférence de presse qui a suivi la projection, Roustaee a été interrogé sur la question de l’autocensure, notamment à la lumière de l’interdiction en Iran de son troisième film, Leila et ses frères. Il a répondu qu’il ne savait pas exactement si, dans son inconscient, il s’autocensurait. Âgé de 35 ans et vivant en Iran, il connaît bien son cinéma, qui s’inscrit dans la continuité du cinéma social iranien des 45 dernières années. Il ne sait pas jusqu’où il s’autocensure, si c’est le cas, mais il fait des films pour être vus par le public iranien dans les salles du pays. Il admet donc qu’il fait sûrement attention à certains aspects pour que cela soit possible.

D’autres critiques ont rejoint ce débat, cette fois au sein même de la diaspora iranienne. Certains reprochent à Roustaee de ne pas montrer des femmes assez libres ou assez émancipées à l’écran, estimant qu’il reste trop prudent dans sa manière de les représenter. Alors que, dans la réalité iranienne, un nombre croissant de femmes choisissent de ne pas porter le voile dans la sphère publique, certains lui reprochent de montrer des personnages féminins voilés à la maison, ce qui pourrait être interprété comme une forme d’acceptation ou de normalisation d’une norme imposée. D’autres réalisateurs iraniens ont, ces dernières années, cherché à ne pas respecter cette règle : par exemple Mohammad Rasoulof a choisi, dans son film Le Diable n’existe pas (2020), de montrer des femmes non voilées dans la sphère privée ; ou plus récemment encore Jafar Panahi, dont on voit une femme non voilée y compris dans la rue dans son film Un simple accident. Roustaee, par son travail, navigue avec subtilité dans ces eaux troubles, ce qui ne peut que susciter débats et questionnements.

 

Cannes 2025 – Le réalisateur Saeed Roustaee, les acteurs Payman Maadi, Parinaz Izadyar et l’enfant Arshida Dorostkar

 

Sur le plan de la direction d’acteurs, le film brille aussi par la complicité entre Saeed Roustaee et Payman Maadi, acteur qu’il considère comme son « acteur fétiche ». Leur collaboration remonte à Life and a Day, et depuis, Maadi incarne souvent des personnages complexes, révélateurs des contradictions de la société iranienne. Dans Woman and Child, son interprétation de Hamid ajoute une couche supplémentaire à la tension dramatique, entre soutien et conflit familial.

L’écriture du film mérite également une mention spéciale. Le scénario, solidement construit, explore de manière subtile mais incisive les thèmes du deuil, de la justice, et de la condition des femmes. Ce qui fait la force du récit, c’est sa capacité à mêler un drame intime et une critique sociale profonde. La tension narrative est savamment orchestrée, chaque scène apportant son lot de révélations et de retournements, ce qui rend la progression du film captivante et parfois déconcertante. Selon moi, Woman and Child aurait mérité un prix du meilleur scénario à Cannes, tant ce travail d’écriture épouse parfaitement la complexité psychologique des personnages tout en reflétant la réalité sociale iranienne.

Le film est donc une œuvre qui témoigne d’un esprit rebelle profond, d’une volonté farouche de faire entendre une voix féminine dans un contexte où celle-ci est souvent réduite au silence. Woman and Child n’est pas seulement le portrait d’une femme isolée : c’est aussi un miroir de la société iranienne contemporaine, où traditions, religion, pouvoir patriarcal et aspirations individuelles s’entrechoquent douloureusement.

Mais au-delà de son sujet immédiat, Woman and Child interroge aussi, en filigrane, la notion même de responsabilité dans une société où les lignes d’autorité sont brouillées. Où commence l’autorité d’un parent ? Jusqu’où s’étend celle de l’État, de la tradition, ou même de la famille élargie ? En abordant la question de la justice et de la garde des enfants, Saeed Roustaee ouvre la voie à une réflexion plus large sur la manière dont les sociétés patriarcales organisent — ou désorganisent — les liens familiaux et sociaux. Dans un pays où la tutelle légale des enfants est encore majoritairement confiée aux hommes, qu’advient-il des femmes lorsqu’elles réclament, non pas un statut, mais un droit à la voix, à la colère, et à l’auto-détermination ?

Par ailleurs, Woman and Child pose en creux une question plus vaste : que peut encore le cinéma face à la censure, à l’oppression, ou à l’indifférence des institutions ? Jusqu’où un cinéaste peut-il résister tout en restant audible ? Jusqu’où peut-il aller pour défendre sa liberté d’expression et de création ? Faut-il aller jusqu’à quitter son pays, comme l’a fait Mohammad Rasoulof ? Faut-il braver la justice, comme l’a fait Jafar Panahi ? Ces interrogations, laissées en suspens, prolongent la portée du film bien au-delà de l’écran — et convoquent, pour les spectateurs comme pour les programmateurs, une réflexion urgente sur le rôle politique et symbolique de l’art.

Neïla Driss

 

 
 
 

L’article Cannes 2025 – « Woman and Child », le grand absent du palmarès est apparu en premier sur webdo.

Cannes 2025 – L’iranien Jafar Panahi sacré, l’irakien Hasan Hadi distingué

La 78e édition du Festival de Cannes s’est achevée dans une atmosphère d’apaisement et de satisfaction partagée, portée par une sélection dense, exigeante, et un palmarès d’une rare justesse. Sur le tapis rouge du Palais des Festivals, les membres du jury sont apparus aux côtés des équipes de films venues saluer une dernière fois la Croisette, avant de découvrir le verdict tant attendu.

Douze jours durant, les cinéphiles, journalistes et festivaliers ont vibré au rythme des vingt-deux films en compétition. Dans les files d’attente, les halls d’hôtels ou les abords des salles, les discussions allaient bon train. Les favoris changeaient au gré des projections, les arguments s’échangeaient avec fougue, les certitudes chancelaient. Chacun défendait sa vision, ses émotions, ses élans : entre la force émotionnelle de Valeur sentimentale de Joachim Trier, la radicalité sensorielle de Sirât du cinéaste hispano-français Oliver Laxe ou encore la complexité politique d’Un simple accident du réalisateur iranien Jafar Panahi, les propositions remarquables ne manquaient pas. À ces œuvres déjà mémorables s’ajoutait l’énigmatique Kuang Ye Shi Dai (Resurrection) de Bi Gan, une proposition inclassable, mais inoubliable.

Laurent Lafitte, maître de cérémonie, a lancé la soirée de clôture sans préambule, dévoilant un palmarès très attendu dans une ambiance à la fois recueillie et joyeuse. Un instant inattendu est toutefois venu rompre le protocole : l’acteur américain John C. Reilly, chargé de remettre le prix du scénario à Jean-Pierre et Luc Dardenne pour leur film Jeunes mères, a choisi l’humour pour alléger l’atmosphère. Évoquant la panne d’électricité survenue dans la journée, il a plaisanté : « Chaque fois que je viens à Cannes, il se passe quelque chose. Cette fois, c’est mon anniversaire ! » Puis, à la surprise générale, il s’est mis à chanter La Vie en rose en anglais — la seule version, a-t-il avoué, qu’il connaissait — avant de s’excuser avec un sourire désarmant.

Le Prix du Jury, attribué ex-aequo, a été l’un des moments les plus émouvants de la soirée. Il est revenu à Sirât d’Oliver Laxe et à Sound of Falling de la réalisatrice allemande Mascha Schilinski. Sur scène, le discours d’Oliver Laxe a pris des allures de prière humaniste. S’exprimant en arabe, il a cité un verset coranique : « Nous vous avons créés en peuples et tribus afin que vous vous connaissiez. » Une parole qu’il a confié avoir entendue de la bouche d’un chauffeur de taxi palestinien lors d’un festival à Jérusalem, et qui a profondément marqué sa vision du monde.

 

Cannes 2025 – Le Prix du Jury, attribué ex-aequo à Sirât d’Oliver Laxe

 

Le prix de la mise en scène est allé au Brésilien Kleber Mendonça Filho pour O Agente Secreto, une adaptation contemporaine, nerveuse et explosive d’un récit d’espionnage. Wagner Moura, bouleversant dans le rôle principal, a reçu le prix d’interprétation masculine pour ce même film. Le prix d’interprétation féminine a quant à lui couronné Nadia Melliti, pour son rôle dans La petite dernière de Hafsia Herzi.

 

Cannes 2025 – Le prix d’interprétation féminine à Nadia Melliti

 

Un prix spécial du Jury a été attribué à Résurrection. Il était difficile d’imaginer une autre distinction pour ce film étrange et singulier, tant il semble résister à toute classification. Une œuvre hors normes, donc, pour un prix hors catégories.

En revanche, l’absence remarquée de Woman and Child de Saeed Roustaee a laissé un goût d’inachevé. Le film, d’une grande justesse, n’a reçu aucune récompense, et son actrice principale, Parinaz Izadyar, aurait mérité de repartir avec le prix d’interprétation. Son jeu, d’une richesse remarquable, embrassait une large palette d’émotions, de la mère endeuillée à la femme abandonnée, de la sœur trahie à l’amante blessée. Un rôle intense, pour un très beau film, qui n’a visiblement pas su émouvoir les membres du jury.

Comme je l’avais pressenti dès les premières projections, et anticipé dans mon article Cannes 2025 – Pronostics croisés à quelques heures du palmarès, les deux plus hautes distinctions ont été décernées aux œuvres qui avaient su le plus toucher à la fois le public et la critique. La Palme d’or a été attribuée à Un simple accident de Jafar Panahi, un film d’une sobriété radicale, tendu comme un fil de rasoir ; tandis que le Grand Prix est allé à Affeksjonsverdi (Valeur sentimentale) de Joachim Trier, une œuvre d’une subtilité bouleversante. Ces deux récompenses majeures ont été accueillies avec un rare consensus. Pour la première fois depuis longtemps, le palmarès semblait faire l’unanimité : nul n’a parlé d’injustice, d’absurde ou d’oubli criant.

Cannes 2025 – Grand Prix à Affeksjonsverdi (Valeur sentimentale) de Joachim TRIER

 

Juliette Binoche, présidente du jury, a pris la parole dans un discours sensible, évoquant les artistes et les peuples qui souffrent à cause de leurs opinions, et rappelant la force de l’art lorsqu’il puise dans la compassion, la tendresse, et une humanité partagée. L’art, a-t-elle affirmé, provoque, questionne, bouleverse, et révèle en nous des dimensions insoupçonnées ; il mobilise notre part la plus précieuse, la plus vivante, et transforme les ténèbres en espérance. C’est à cette lumière qu’elle a expliqué le choix du jury pour la Palme d’or.

Récompensé pour Un simple accident, Jafar Panahi, déjà lauréat du Lion d’or à Venise en 2000 pour Le Cercle et de l’Ours d’or à Berlin en 2015 pour Taxi Téhéran, a prononcé un discours d’une intensité bouleversante, qui a profondément ému la salle :

« Avant de dire quelque chose, permettez-moi de remercier ma famille, pour tout le temps où je n’étais pas présent avec eux, et toute mon équipe. Ils m’ont accompagné sur ce chemin pour qu’on fasse ce film ensemble. Je vous remercie aussi toute l’équipe qui m’a accompagné ici en France pour la post-production. Je crois que c’est le moment de demander à tous les gens, tous les Iraniens, avec toutes les opinions différentes, partout dans le monde, en Iran ou ailleurs… je me permets de demander une chose : mettons tous les problèmes, toutes les différences de côté. Le plus important en ce moment, c’est notre pays et sa liberté. Ensemble. Que personne n’ose nous dire ce qu’il faut faire correctement, ce qu’il faut dire ou ne pas dire, ce qu’il faut manger… Le cinéma, c’est une société. Personne n’a le droit de nous dicter notre conduite. J’espère ce jour. Je vous remercie tous, je remercie le Festival de Cannes et tout le monde présent. »

 

Cannes 2025 – Palme d’or : Un simple accident de Jafar PANAHI

 

Un autre moment fort de cette soirée a été la remise de la Caméra d’or, récompensant le meilleur premier film toutes sections confondues. Pour la première fois de son histoire, le Festival a couronné une œuvre venue d’Irak. La présidente du jury, la cinéaste italienne Alice Rohrwacher, a remis la distinction à The President’s Cake de Hasan Hadi, présenté à la Quinzaine des cinéastes. « Une œuvre qui nous a hantés, moi et mon jury, comme un fantôme », a-t-elle confié. Le film se déroule sous le régime autoritaire irakien : la jeune Lamia, neuf ans, tente de rassembler les ingrédients nécessaires à la préparation d’un gâteau, pour commémorer l’anniversaire de la mort de Saddam Hussein. Une fable grinçante et poignante sur l’enfance, la mémoire, et l’absurdité du pouvoir.

 

Le Palmarès du 78e Festival de Cannes :

Le Jury, présidé par Juliette Binoche et composé de Halle Berry, Payal Kapadia, Alba Rohrwacher, Leïla Slimani, Dieudo Hamadi, Hong Sangsoo, Carlos Reygadas et Jeremy Strong, a distingué les films suivants parmi les 22 en Compétition :

Longs Métrages :

  • Palme d’or : Un simple accident – Jafar PANAHI
  • Grand Prix : Affeksjonsverdi (Valeur sentimentale) – Joachim TRIER
  • Prix du Jury (ex-aequo) : Sirât d’Oliver LAXE et Sound of Falling  de Mascha SCHILINSKI
  • Prix de la Mise en Scène : Kleber MENDONÇA FILHO pour O Agente Secreto (L’Agent secret)
  • Prix du scénario : Jean-Pierre et Luc DARDENNE pour Jeunes mères
  • Prix d’interprétation féminine : Nadia MELLITI dans La petite dernière de Hafsia HERZI
  • Prix d’interprétation masculine : Wagner MOURA dans O Agente Secreto de Kleber MENDONÇA FILHO
  • Prix spécial du Jury : Kuang Ye Shi Dai (Resurrection) – Bi GAN

Courts Métrages :

  • Palme d’or : I’m Glad You’re Dead Now – Tawfeek BARHOM
  • Mention spéciale : Ali – Adnan AL RAJEEV

 

Cannes 2025 – Palme d’or : I’m Glad You’re Dead Now – Tawfeek BARHOM

 

Caméra d’or

  • The President’s cake de Hassan HADI – Quinzaine des Cinéastes
  • Mention Spéciale : My Father’s shadow d’Akinola DAVIES Jr – Un Certain Regard

 

Cannes 2025 – Caméra d’Or pour The President’s cake de Hassan HADI

 

À l’issue de cette cérémonie de clôture, il reste le souvenir d’un festival riche et profondément cohérent, où la diversité des récits, la profondeur des regards et la sincérité des propositions artistiques ont guidé les choix. Un millésime 2025 qui, sans chercher l’éclat à tout prix, s’est imposé par son équilibre, sa justesse, et cette forme rare d’évidence qui fait les grands palmarès.

Neïla Driss

 
 
 
 
 
 
 

 

L’article Cannes 2025 – L’iranien Jafar Panahi sacré, l’irakien Hasan Hadi distingué est apparu en premier sur webdo.

Cannes 2025 – Pronostics croisés à quelques heures du palmarès

Le rideau s’apprête à tomber sur la 78e édition du Festival de Cannes. Dans quelques heures, le jury présidé par Juliette Binoche dévoilera son palmarès. Une édition riche, où les propositions esthétiques se sont multipliées, avec un équilibre délicat entre cinéma politique, récits intimes, expérimentations formelles et grandes performances d’acteurs. À mesure que la fin approche, les spéculations se multiplient, les critiques échangent, comparent, défendent leurs coups de cœur. Et comme souvent, les pronostics divergent.

Du côté de la presse internationale, deux titres émergent très nettement parmi les favoris pour la Palme d’or. Le plus souvent cité est Sentimental Value du Norvégien Joachim Trier, un drame familial tout en délicatesse, porté par Renate Reinsve et Stellan Skarsgård. Le film a ému jusqu’aux larmes une partie de la critique, et sa projection a été suivie d’une ovation de 19 minutes. Sensible, fin, d’une rare justesse émotionnelle, Sentimental Value s’inscrit dans la lignée des œuvres intimistes célébrées à Cannes ces dernières années. Distribué par Neon, déjà derrière plusieurs Palmes récentes, il coche toutes les cases du favori « raisonnable ».

Mais un autre titre revient aussi régulièrement dans les papiers des journalistes : Un simple accident/It Was Just an Accident de Jafar Panahi, film iranien audacieux, politique, drôle et tragique à la fois. Jafar Panahi, toujours empêché de tourner dans son pays, livre ici un récit d’une grande liberté formelle, où la satire sociale s’infiltre par les ressorts d’une comédie presque burlesque. Beaucoup de critiques saluent ce film comme l’un des plus percutants de la sélection. Y compris moi-même.

Un simple accident vient d’ores et déjà de remporter le Prix de la Citoyenneté 2025 décerné par l’association Clap Citizen Cannes.

Ce sont justement les deux films que je place, personnellement, tout en haut de ma propre liste. Il me reste encore trois films en compétition à découvrir, mais ceux-là s’imposent déjà par leur puissance. Jafar Panahi d’un côté, pour sa capacité à dire l’Iran d’aujourd’hui, et d’ailleurs l’humanité entière, avec un humour noir salutaire, et Joachim Trier de l’autre, pour cette manière bouleversante de raconter le deuil, l’amour filial et le temps qui passe. Deux propositions radicalement différentes, mais également maîtrisées.

Pour les prix d’interprétation, la critique internationale penche volontiers du côté de Josh O’Connor (The Mastermind) et Yui Suzuki (Renoir), souvent cités comme favoris. Des performances sans doute solides, mais pour ma part, mes regards se portent ailleurs.

Du côté féminin, Parinaz Izadyar m’a bouleversée dans Woman and Child de Saeed Roustaee. Elle incarne une mère prise dans une situation sociale et judiciaire infernale avec une pudeur et une intensité remarquables. Son visage hanté, sa dignité blessée, sa détermination muette : elle compose un personnage inoubliable.

Renate Reinsve a aussi été grande dans son rôle dans Sentimental value, la scène de panique avant sa première est juste extraordinaire. Tout le long du film, elle a su jouer son rôle avec une grande palette d’émotions justes.

Une autre possibilité réside peut-être dans Léa Drucker, formidable dans Dossier 137. Elle joue avec une grande précision, rendant palpable l’ambiguïté morale de son personnage. Un rôle difficile, tenu avec une rigueur. Elle est un peu la préférée de la presse française.

Chez les hommes, pourquoi ne pas imaginer Tahar Rahim couronné pour Alpha de Julia Ducournau? Sa performance est toute en tension, traversée d’une rage contenue, d’un désespoir brut. Il impressionne par son engagement total dans ce rôle physique et intérieur à la fois. Peu de journalistes l’ont cité dans leurs pronostics, mais cela ne veut rien dire à Cannes.

En ce qui concerne les autres prix, la presse semble assez unanime sur la qualité de The Secret Agent de Kleber Mendonça Filho, souvent évoqué pour un Grand Prix. Film ambitieux, dense, politique, il s’impose par la maîtrise de sa narration, sa puissance visuelle et sa portée contemporaine. Il figure aussi dans mes choix personnels.

Quant à Woman and Child, il mériterait selon moi au moins un prix du meilleur scénario, tant sa construction narrative épouse brillamment la tension sociale et l’effondrement intime. Le travail de Saeed Roustaee, sur le plan de l’écriture, est remarquable. Le film déroute par ses différents « twists », à chaque fois qu’on a l’impression que le film va dans une direction, il en prend une autre, à notre grande surprise. Sans oublier que le suspense demeure jusqu’à la dernière minute.

Un autre film a fait couler beaucoup d’encre : Sirat, régulièrement cité par les critiques pendant le festival. Il a marqué, dérouté, provoqué. Sa place dans le palmarès est possible, bien que son extrême singularité puisse aussi le desservir. Il fascine autant qu’il interroge : c’est souvent bon signe à Cannes, mais le jury en décidera.

Dans tous les cas, les lignes ne sont pas encore figées. La variété des films cités, les divergences d’opinion, les surprises possibles – tout cela rappelle que le palmarès cannois échappe souvent aux logiques linéaires. Et c’est ce qui le rend si passionnant.

Rendez-vous ce soir pour la réponse du jury. Les dés sont lancés, les jeux sont faits !

Neïla Driss

 
 

 

L’article Cannes 2025 – Pronostics croisés à quelques heures du palmarès est apparu en premier sur webdo.

Cannes 2025 – « Sentimental Value », l’intime en héritage

Avec Sentimental Value, présenté cette année en compétition officielle au 78e Festival de Cannes, Joachim Trier revient là où il s’est imposé, film après film, comme l’un des cinéastes européens les plus sensibles et subtils de sa génération. Fidèle à la Croisette, le réalisateur norvégien avait bouleversé le public en 2021 avec Julie (en 12 chapitres) (The Worst Person in the World), qui avait valu à son actrice principale, Renate Reinsve, le prix d’interprétation féminine. Ce fut une révélation : l’éclosion d’un tandem artistique qui se prolonge et s’affirme aujourd’hui avec force dans ce nouveau film, troisième collaboration après Oslo, 31 août, Julie, et désormais Sentimental Value.

Joachim Trier signe ici une œuvre tout en finesse, une chronique familiale qui explore les strates invisibles du ressentiment, de l’héritage et de la transmission. Fidèle à sa manière, il mêle l’intime et l’universel avec une délicatesse rare. Il filme les familles comme d’autres filment les guerres : avec pudeur, mais sans jamais édulcorer la violence sourde des blessures.

L’histoire s’ouvre à Oslo, dans une maison au charme un peu désuet, très belle, mais marquée dès sa construction par un défaut minime et pourtant fondateur : une fissure dans les fondations, qui traverse les murs de tout un côté de l’édifice. Ce détail architectural, à peine signalé, devient immédiatement métaphorique. Il annonce le cœur du film : cette maison est le théâtre de l’histoire des Berg, une famille unie, mais rongée par les non-dits, les rancunes anciennes et les absences douloureuses. D’ailleurs, le film débute par quelques scènes retraçant l’histoire de cette famille dans cette maison, comme si l’espace lui-même conservait la mémoire des drames passés.

À la mort de la mère, deux sœurs se retrouvent : Nora, l’aînée, actrice hypersensible en proie au doute, et Agnes, plus posée, mère d’un jeune garçon. Leur père, Gustav, cinéaste célèbre mais longtemps absent, fait son retour à Oslo à cette occasion. Mais il ne revient pas seulement pour les funérailles. Il vient aussi pour proposer à sa fille Nora un rôle dans le film qu’il s’apprête à tourner, son premier depuis quinze ans. Ce geste, en apparence généreux, se teinte immédiatement d’ambiguïté : Gustav ne peut s’empêcher d’exprimer un mépris à peine voilé pour les choix artistiques de sa fille — notamment sa participation à une série télévisée — et trahit, dans chacune de ses attitudes, une incapacité chronique à manifester un amour paternel véritable. Le film s’installe alors dans cette tension : un père qui revient trop tard, une fille qui a cessé d’attendre, et une maison devenue le réceptacle d’une mémoire encombrée, saturée de ce qui n’a pas été dit.

Renate Reinsve, ici, est tout simplement magistrale. Dès la première séquence, où sa troupe de théâtre s’agite dans les coulisses pour la convaincre de monter sur scène, elle impose un personnage à la fois fragile, ancré, excessif, et d’une bouleversante vérité. Elle incarne une femme en déséquilibre, jamais tout à fait à sa place, que ce soit dans sa famille, dans sa carrière ou dans le monde. Elle ne cherche pas à séduire : elle explore. Elle se livre, entière, sans détour. Joachim Trier, comme toujours, sait filmer ses acteurs dans la nuance, mais avec elle, il y a quelque chose de plus : une complicité presque chorégraphique entre la mise en scène et l’interprétation. Renate Reinsve module chaque émotion dans une infinité de demi-teintes, elle porte le film avec une précision et une profondeur rares, sans jamais appuyer ses effets. Il devient difficile d’imaginer une autre actrice dans ce rôle tant elle semble l’habiter de l’intérieur, avec une sincérité organique.

Face à elle, Stellan Skarsgård est parfait dans le rôle du patriarche ambigu, à la fois distant et dominateur, parfois touchant dans sa maladresse, souvent insupportable dans sa suffisance. Son personnage est celui d’un homme qui n’a jamais su être père, mais qui continue à vouloir être metteur en scène, comme si ce statut pouvait tout excuser. Il parvient d’ailleurs à convaincre une actrice hollywoodienne, incarnée par Elle Fanning, de jouer dans son film. Une rencontre à Deauville, une admiration réciproque, et la magie semble opérer. Mais lorsque les répétitions commencent, dans la maison familiale, et que l’actrice s’attaque au rôle de la mère disparue, quelque chose résiste. La douleur réelle s’infiltre dans la fiction. Le passé refuse de se laisser dompter par la mise en scène.

Et peu à peu, la vérité se dévoile : pour que ce film-là puisse exister, il faudra que Nora l’incarne. Elle seule peut affronter cette mémoire, ce rôle, ce père. Elle seule peut rendre justice à ce que cette maison, ce deuil, cette histoire recèlent de blessures non guéries.

Avec Sentimental Value, Joachim Trier livre un film profondément mélancolique, mais traversé d’éclats d’humour discret. On y retrouve ses thèmes de prédilection — la famille, le deuil, la création, le lien père-fille — abordés avec un raffinement narratif encore plus épuré que dans ses œuvres précédentes. Il s’autorise même quelques touches de comédie absurde, dans certaines scènes, sans jamais rompre l’équilibre émotionnel du récit.

Le film prend toute sa dimension dans sa dernière partie, lorsque Gustav, enfin, filme. Un tournage, une caméra qui s’allume, une scène qui se rejoue dans la lumière du présent. C’est là que Trier, sans recours à aucun pathos, parvient à émouvoir profondément. Le cinéma devient réparation, ou du moins tentative de réparation. Il ne s’agit pas de réécrire le passé, mais d’en faire quelque chose. D’en extraire, peut-être, une valeur sentimentale.

Future Palme d’or ? Ou Prix de meilleure interprétation féminine ?

Neïla Driss

 

L’article Cannes 2025 – « Sentimental Value », l’intime en héritage est apparu en premier sur webdo.

Cannes 2025 – Un Certain Regard : Once Upon a Time in Gaza primé, la Palestine à l’honneur

La section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2025 s’est achevée sur une note d’émotion et d’engagement, marquant un moment fort pour le cinéma arabe et en particulier pour la Palestine et la Tunisie.

Cette année, la sélection a mis en lumière 20 longs métrages venus du monde entier, dont 9 premiers films éligibles à la Caméra d’or. Fidèle à son ambition de révéler des voix singulières, cette section parallèle au sein de la sélection officielle a honoré des œuvres audacieuses, politiques et puissamment ancrées dans les réalités contemporaines.

Dès la soirée d’ouverture, un événement inédit a donné le ton de cette édition 2025 : pour la première fois dans l’histoire du Festival, c’est un film tunisien qui a ouvert Un Certain Regard. Promis le ciel, réalisé par Erige Sehiri, a ainsi inauguré la section avec élégance et conviction. Après Sous les figues, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2022, la cinéaste tunisienne confirme son ancrage dans le paysage international, offrant cette fois une œuvre plus ample, à la fois intime et politique, où la quête de liberté se mêle aux blessures de l’histoire contemporaine. Ce choix d’ouverture résonne comme un signal fort, tant pour le cinéma tunisien que pour la reconnaissance des cinéastes arabes à Cannes.

Mais c’est un autre film arabe qui a marqué les esprits et conquis le jury : Once Upon a Time in Gaza, réalisé par les frères Arab & Tarzan Nasser, a remporté le Prix de la Mise en Scène. Le film s’impose comme une œuvre bouleversante, aussi poignante que nécessaire, qui plonge au cœur d’une Gaza ravagée, dans une fresque à la fois réaliste et poétique, où l’humain résiste à l’absurde du quotidien sous blocus.

Les deux cinéastes palestiniens, connus pour leur cinéma engagé (Dégradé, Gaza mon amour), livrent ici leur film le plus puissant à ce jour, dans un contexte d’urgence extrême. La récompense qu’ils reçoivent dépasse le cadre purement artistique : elle symbolise un geste de reconnaissance, à l’heure où les artistes palestiniens peinent à faire entendre leur voix sur les scènes internationales, alors même que leur terre est en proie à une violence sans précédent.

La présidente du jury, la cinéaste britannique Molly Manning Walker, entourée de Louise Courvoisier, Vanja Kaludjercic, Roberto Minervini et Nahuel Pérez Biscayart, a salué la richesse et la diversité des propositions. Le palmarès reflète cette diversité, avec des prix attribués à des cinéastes émergents venus d’horizons variés.

Palmarès – Un Certain Regard 2025

  • Prix Un Certain Regard : La Misteriosa Mirada del Flamenco (Le Mystérieux Regard du flamant rose) de Diego Céspedes — premier film
  • Prix du Jury : Un Poeta de Simón Mesa Soto
  • Prix de la Mise en Scène : Arab & Tarzan Nasser pour Once Upon a Time in Gaza
  • Meilleur Acteur : Frank Dillane dans Urchin de Harris Dickinson
  • Meilleure Actrice : Cléo Diára dans O Riso e a Faca (Le Rire et le couteau) de Pedro Pinho
  • Meilleur Scénario : Pillion de Harry Lighton — premier film

Dans un monde qui vacille, le cinéma d’Un Certain Regard rappelle que les regards singuliers sont plus que jamais nécessaires. Et cette année, ils sont venus de Gaza, de Tunis, de Lisbonne, de Bogota ou encore de Londres, portés par une génération de cinéastes qui filment pour exister, pour résister, et pour continuer à croire au pouvoir du récit.

Neïla Driss

 
 

L’article Cannes 2025 – Un Certain Regard : Once Upon a Time in Gaza primé, la Palestine à l’honneur est apparu en premier sur webdo.

Cannes 2025 : « La Vie après Siham », l’intime en héritage

Avec « La Vie après Siham », présenté à Cannes 2025 dans la sélection de l’ACID, le réalisateur franco-égyptien Namir Abdel Messeeh livre un documentaire d’une rare intensité émotionnelle. Ce film autobiographique, à la fois journal de deuil, enquête familiale et geste cinématographique profondément personnel, confirme la singularité de son auteur, déjà salué pour le très beau « La Vierge, les Coptes et moi » en 2011, un film qui mêlait documentaire et reconstitution, et qui avait remporté le Tanit d’argent documentaire aux Journées Cinématographiques de Carthage en 2012.

Né à Paris en 1974 dans une famille copte égyptienne, formé à la FEMIS, Namir Abdel Messeeh a toujours inscrit son œuvre dans une exploration des identités multiples, entre France et Égypte, entre croyances héritées et regard critique. Dans La Vie après Siham, il poursuit cette quête intime en revenant sur une promesse faite à sa mère avant sa mort : raconter son histoire. Le film devient ainsi non seulement un portrait d’outre-tombe, mais aussi un acte de fidélité, de réparation et de transmission.

Une promesse comme point de départ

Le film s’ouvre sur une perte : celle de la mère, Siham, figure centrale du récit, disparue avant le père, Waguih. Huit ans plus tard, celui-ci meurt à son tour, et le réalisateur, leur fils, se retrouve seul face à un double deuil. Plus encore, il est confronté à une mission qu’il s’est lui-même assignée : raconter leur histoire, et par extension, la sienne.

Ce qui rend la tâche plus complexe, c’est que Namir Abdel Messeeh est un documentariste habitué à capter le réel sans toujours solliciter le consentement de ceux qu’il filme. Or, cette fois-ci, c’est sa propre intimité qu’il doit explorer. Il ne s’agit plus seulement d’observer, mais d’interroger, de ressentir, de se confronter aux silences familiaux, aux récits divergents, aux souvenirs lacunaires. Et surtout, de se livrer.

 

 

Un collage émotionnel et sensoriel

La mise en forme de cette quête intime prend une structure fragmentaire, qui épouse la nature même du souvenir. La Vie après Siham est un film kaléidoscopique qui mêle archives familiales, tournages contemporains, séquences en super 8 et extraits de vieux films égyptiens, notamment ceux de Youssef Chahine, figure tutélaire qui plane sur le film comme un double artistique. Le résultat est un collage visuel et émotionnel, où chaque image convoque une mémoire, une absence ou un écho.

La caméra s’attarde sur les gestes du père, sur les objets laissés par la mère, sur les lieux où elle a vécu. Elle filme aussi les hésitations du cinéaste lui-même, ses doutes, ses maladresses, sa douleur. On le voit interroger, se souvenir, parfois tourner en rond. Le film ne cache rien de ces moments de perte de contrôle, et c’est dans cette sincérité même qu’il trouve sa force.

La mémoire comme champ de bataille

L’une des dimensions les plus passionnantes du film réside dans son rapport à la vérité. En commençant par « la version officielle » de l’histoire familiale, telle qu’elle est racontée dans les réunions, Namir Abdel Messeeh découvre peu à peu que les récits de sa mère et de son père se contredisent, que certains événements ont été tus ou embellis, que la mémoire est un territoire mouvant, instable. Le documentaire devient alors enquête, mais une enquête sans résolution définitive : le réel est multiple, et chaque version a sa légitimité.

Cette confrontation avec les récits parentaux donne au film une dimension presque psychanalytique. Il ne s’agit plus seulement de rendre hommage aux morts, mais de comprendre ce qu’ils nous ont légué, consciemment ou non. Et ce legs est ambivalent : il contient de l’amour, bien sûr, mais aussi des contradictions, des non-dits, des blessures.

La quête d’un lieu d’appartenance

Si le film se déploie entre la France et l’Égypte, c’est parce que l’histoire familiale elle-même est traversée par l’exil. Les parents ont quitté leur pays d’origine, mais n’y ont jamais vraiment renoncé. Et le fils, né en France, navigue entre deux cultures, deux langues, deux manières d’être au monde.

La Vie après Siham interroge ainsi la notion de « pays natal » : est-ce une terre, une langue, une mémoire ? Le film ne donne pas de réponse tranchée, mais il montre avec acuité combien le sentiment d’appartenance peut être en même temps flou et important pour les enfants de l’immigration. À travers les photos, les chants, les films, c’est tout un pan d’histoire commune entre l’Égypte et la diaspora copte en France qui affleure, en creux.

La dimension politique du film est d’ailleurs présente, mais toujours en arrière-plan. Il n’y a pas de discours militant, mais une attention constante à ce que signifie « être arabe », « être égyptien », « être français », quand ces identités sont vécues au croisement de plusieurs mémoires.

 

 

Une catharsis par le cinéma

Plus qu’un film de deuil, La Vie après Siham est un film de transformation. Il ne cherche pas à fixer le passé, mais à l’interroger, à en faire émerger un sens, parfois douloureux, parfois salvateur. La promesse faite à la mère devient ainsi une forme de contrat moral, que le réalisateur honore avec délicatesse, sans pathos, mais avec une sensibilité à fleur de peau.

Comme dans ses précédents films, Namir Abdel Messeeh n’a pas peur de l’autodérision, du doute, de l’imperfection. Il filme sa propre vulnérabilité avec une honnêteté rare. Et c’est cette vulnérabilité, pleinement assumée, qui touche et qui reste.

Le cinéma, pour lui, est un lieu d’élaboration du réel, un outil pour dire l’indicible, pour réparer les brèches intimes, pour faire le deuil — non pas en oubliant, mais en transformant l’absence en mémoire active. C’est aussi, peut-être, une façon de devenir père à son tour, en transmettant ce qu’on a reçu, ou ce qu’on a tenté de comprendre.

 

 

Un accueil chaleureux et une reconnaissance internationale

La projection du film à Cannes a réuni l’ensemble de l’équipe, y compris les producteurs égyptiens, dans une ambiance d’appréciation sincère et d’enthousiasme partagé, tant du public que des critiques. Ce succès s’inscrit dans une trajectoire déjà marquée par une reconnaissance importante en Égypte et dans le monde arabe.

La Vie après Siham a reçu en 2021 deux prix des sponsors du Cairo Film Connection, ART et Ergo, en soutien à de nouvelles voix cinématographiques dans le monde arabe. Cette aide a permis la production de ce documentaire remarquable qui a su capter l’attention des festivaliers cannois. Ce soutien institutionnel souligne l’importance de plateformes telles que le Cairo Film Connection dans l’accompagnement des projets ambitieux de la région.

Mohamed Sayed Abdel Rahim, responsable des Cairo Industry Days au Festival International du Film du Caire, a exprimé sa grande satisfaction quant à l’accueil chaleureux réservé au film lors de sa première : « Nous sommes extrêmement fiers de voir l’un des projets du Cairo Film Connection connaître un tel succès international et une telle reconnaissance dans un festival aussi prestigieux que Cannes. Cette réussite illustre l’importance du soutien aux jeunes talents arabes et met en lumière le rôle catalyseur du Cairo Film Connection pour les projets cinématographiques ambitieux. »

Cette réussite illustre également le rôle grandissant du Festival International du Film du Caire et de sa plateforme industrie dans le développement du cinéma arabe, en offrant à ses talents une visibilité sur les scènes internationales et en renforçant la présence des créateurs égyptiens et arabes dans les grands forums mondiaux.

Neïla Driss

 

L’article Cannes 2025 : « La Vie après Siham », l’intime en héritage est apparu en premier sur webdo.

Cannes 2025 – Le Maroc mise sur l’avenir et la coproduction

Au cœur de la 78ᵉ édition du Festival de Cannes, la présence marocaine s’affiche avec une cohérence et une ambition renouvelées. Pour la première fois, le Royaume du Maroc, à travers le Centre Cinématographique Marocain (CCM), installe un stand institutionnel au sein du Marché du Film, affirmant avec force une stratégie de rayonnement portée par les Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Cette participation marque un tournant pour le cinéma marocain, pensé comme levier de diplomatie culturelle et vecteur de visibilité internationale.

Le stand marocain, installé au cœur de l’effervescence professionnelle du Marché du Film, se veut plus qu’un simple espace d’exposition. Il est conçu comme une plateforme stratégique de rencontres, de valorisation et de structuration du secteur. Cinq films marocains y sont mis en avant, dont quatre projets projetés dans les salles du Marché : The Wound de Seloua El Gouni, La Dernière répétition de Yassine Fennane, Le Lac bleu de Daoud Aoulad-Syad, et Hôtel de la paix de Jamal Belmejdoub. Une présentation exclusive des premières images de The Black Pearl d’Ayoub Qanir, actuellement en cours de finalisation, complète cette sélection. Ces œuvres témoignent, chacune à leur manière, d’un dynamisme artistique et d’une diversité de regards qui incarnent l’évolution actuelle du paysage cinématographique marocain.

 

 

Lors de l’ouverture du stand, Abdelaziz El Bouzdaini a souligné que « le Marché du Film représente une plateforme stratégique pour les créateurs, les institutions et les partenaires. La présence du Maroc cette année reflète une volonté claire d’inscrire durablement notre production cinématographique dans les grands circuits de coopération et de diffusion ». Une déclaration qui inscrit cette initiative dans une stratégie de long terme, à la fois ambitieuse et structurée.

La présence marocaine à Cannes ne s’arrête pas au Marché du Film. Elle se déploie aussi dans les sélections officielles du Festival, affirmant la reconnaissance croissante des jeunes voix du pays. Le court-métrage L’Mina de Randa Maroufi figure à la 64ᵉ Semaine de la Critique, tandis que Boujloud de Rita Bousfiha-Lamotte est sélectionné aux AI Film Awards Cannes 2025. Deux œuvres qui traduisent l’émergence d’une nouvelle génération de cinéastes, aux écritures affirmées et à la portée déjà internationale.

Autre marque de rayonnement, deux longs métrages tournés au Maroc ont été retenus par le Festival : Sîrat de l’Espagnol Oliver Laxe, en compétition officielle, tourné dans le désert marocain avec une équipe technique locale, et 13 jours, 13 nuits de Martin Bourboulon, présenté hors compétition. Deux productions qui confirment à la fois l’attractivité du territoire marocain comme terre de tournage et l’expertise technique de ses professionnels. Cette double reconnaissance s’inscrit dans une politique volontariste de développement des infrastructures, de professionnalisation des équipes et de mise en valeur des paysages et savoir-faire marocains.

 

 

Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique plus large, où la culture devient outil de diplomatie et d’influence. Le Maroc sera en effet l’invité d’honneur de la 82ᵉ Mostra de Venise. Des discussions sont également en cours pour une présence marocaine à la Berlinale et au Festival international du film de Tokyo. Trois étapes majeures d’une stratégie qui entend faire du Royaume un acteur incontournable sur la scène cinématographique mondiale.

Cette stratégie d’internationalisation repose aussi sur un engagement clair envers les jeunes générations. Le 18 mai 2025, au Pavillon Marocain, un atelier de coproduction Maroc-France a été organisé par le CCM et le CNC, à l’occasion du premier anniversaire de l’accord de coproduction signé entre les deux pays. Cinq projets ont été sélectionnés parmi des candidatures de jeunes cinéastes marocains : La maison des anges de Jihane Joypaul, La piste de Mohcine Nadifi, Laissées pour compte de Kenza Tazi, Le champ de Mohamed Bouhari et Malik, un projet d’animation porté par Khalid Nait-Zlay.

Tous ces projets, portés par des réalisateurs ou réalisatrices en tout début de carrière, bénéficient à Cannes d’un accompagnement concret : rendez-vous professionnels personnalisés, rencontres avec des producteurs français, conseils pour l’élaboration de coproductions efficaces. Une démarche qui vise à soutenir le renouvellement générationnel du cinéma marocain et à inscrire les jeunes talents dans un cadre international dès la genèse de leurs projets.

La présence de Madame Rachida Dati, Ministre de la Culture de la République française, au Pavillon Marocain a ajouté à cet atelier une dimension institutionnelle forte. En rencontrant notamment les équipes de La maison des anges et de Malik, elle a réaffirmé l’engagement de la France en faveur de la coopération artistique avec le Maroc et souligné l’importance de ces échanges pour les industries culturelles des deux pays.

 

 

Au fil des initiatives, le Maroc esquisse ainsi les contours d’une politique culturelle ambitieuse et cohérente, fondée sur la valorisation de ses créateurs, l’ouverture aux partenariats, et l’ancrage de son cinéma dans les circuits internationaux de création, de diffusion et de coproduction. La présence à Cannes 2025, articulée autour d’une triple dimension – institutionnelle, artistique et pédagogique – incarne un tournant stratégique dans cette vision globale.

Mais au-delà des images, des chiffres et des présences, une question se pose désormais : cette politique d’exportation et de structuration saura-t-elle nourrir un écosystème interne durable, capable d’offrir aux créateurs marocains, au-delà des projecteurs cannois, les conditions d’une liberté artistique et d’une véritable autonomie de production ? Alors que s’ouvrent les prochaines échéances internationales, cette interrogation demeure au cœur des défis que le cinéma marocain devra relever pour affirmer pleinement sa place sur la carte mondiale du 7ᵉ art.

Neïla Driss, d’après communiqués
 

 

L’article Cannes 2025 – Le Maroc mise sur l’avenir et la coproduction est apparu en premier sur webdo.

Cannes 2025 – Les Golden Globes lancent leur prix du documentaire

Eugene Jarecki reçoit le tout premier Prix Golden Globe Cannes du documentaire

Cannes a vu naître un nouveau prix cette année : le tout premier Cannes Golden Globe Prize for Documentary, remis par la Artemis Rising Foundation. Ce prix inédit a été décerné au cinéaste américain Eugene Jarecki, figure incontournable du documentaire engagé. Annonce faite lors d’un événement spécial organisé dans le cadre du Marché du Film, cette récompense souligne la volonté affirmée des Golden Globes et de la fondation Artemis Rising de mettre en lumière l’importance croissante du documentaire dans le paysage cinématographique contemporain.

Lauréat à deux reprises du Grand Prix du Jury au Festival de Sundance, plusieurs fois primé aux Emmy Awards et aux Peabody Awards, Eugene Jarecki voit ainsi consacrée une œuvre qui ne cesse d’interroger les fondements de la démocratie, les dérives du pouvoir et la complexité de l’histoire américaine. Son nouveau film, The Six Billion Dollar Man, a été présenté en avant-première mondiale le 21 mai à Cannes, marquant une nouvelle étape dans une filmographie réputée pour sa profondeur analytique et sa puissance émotionnelle.

 

 

Le jury du prix était composé de personnalités majeures du monde de l’image et de l’engagement artistique : Helen Hoehne, présidente des Golden Globes ; Regina K. Scully, fondatrice et directrice générale de la Artemis Rising Foundation, plusieurs fois récompensée pour son travail de mécénat ; Geralyn White Dreyfous, productrice oscarisée et cofondatrice de Impact Partners ; et l’actrice et productrice Tessa Thompson, connue pour son engagement et sa sensibilité artistique.

 

 

Dans leur déclaration commune, les membres du jury ont mis en avant la capacité de Jarecki à conjuguer les exigences du journalisme avec l’intuition du poète. « Ses films allient une analyse pénétrante à une audace constante, tout en restant empreints de compassion et d’empathie », ont-elles souligné. Elles ont salué sa volonté de « nous aider à élargir notre compréhension du bien et du mal » et son courage à « soulever le capot de la société pour révéler ce qui est en train d’être reconfiguré sans notre consentement ». Pour le jury, l’œuvre de Jarecki représente une invitation puissante à repenser nos perspectives et à défendre nos libertés fondamentales.

Tessa Thompson, qui a révélé le nom du lauréat lors de l’événement, a pris la parole pour souligner combien la quête de vérité constitue un combat exigeant. « Dans cette recherche acharnée de la vérité, nous ne devons jamais présumer que les gouvernements souhaitent nous en rapprocher. Le documentaire a ce pouvoir unique de montrer le coût humain de cette quête, les sacrifices consentis par celles et ceux qui s’y consacrent. Il est essentiel de continuer à fouiller, à interroger et à protéger la vérité, ainsi que celles et ceux qui s’en font les gardiens. »

Ce prix, dont la première édition à Cannes fait date, incarne une alliance forte entre les Golden Globes et la Artemis Rising Foundation, qui s’associent ici à Think-Film Impact Production pour défendre la place centrale du documentaire dans les combats culturels et politiques de notre époque. Ensemble, ces partenaires souhaitent promouvoir un cinéma qui ne se contente pas de documenter la réalité, mais qui la transforme, en influençant les lois, les mentalités et les politiques publiques.

Depuis sa création en 1944, la cérémonie des Golden Globes récompense les grandes réussites du cinéma et de la télévision. Au cours des trente dernières années, elle a permis de redistribuer plus de 55 millions de dollars à des causes liées à l’industrie du divertissement, allant des bourses d’études à la restauration de films, en passant par des actions humanitaires et des programmes d’accès pour les communautés marginalisées.

La Artemis Rising Foundation, sous la direction de Regina K. Scully, soutient depuis de nombreuses années des projets artistiques, éducatifs et médiatiques qui remettent en question les normes établies. Elle a notamment contribué à produire des films documentaires majeurs comme The Invisible War, The Hunting Ground, The Tale, Athlete A, ou encore Won’t You Be My Neighbor?. Chacun de ces films aborde, avec force et sensibilité, des enjeux de société cruciaux : agressions sexuelles, représentations genrées dans les médias, santé mentale, résilience, écologie ou justice sociale.

Quant à Think-Film Impact Production, la société européenne dirigée par Danielle Turkov Wilson, elle s’est imposée comme un acteur incontournable du cinéma d’impact. Co-initiatrice du programme impACT au Marché du Film de Cannes en 2021, elle a depuis étendu son action à la Mostra de Venise, avec la création du Collateral Impact Award. Parmi les films accompagnés par Think-Film figurent Navalny (Oscar et BAFTA du meilleur documentaire), Black Box Diaries (nommé aux Oscars et aux BAFTA), Dark Waters de Todd Haynes, ou encore le très attendu Facing War, qui suit les dernières années du secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg. Ce dernier a d’ailleurs marqué l’histoire en devenant le premier film non danois à ouvrir le festival CPH:DOX en 2025.

En créant ce prix, les Golden Globes et leurs partenaires entendent inscrire leur engagement dans la durée, en faisant de Cannes une tribune internationale pour celles et ceux qui, par l’image et la rigueur documentaire, œuvrent à une meilleure compréhension du monde. En distinguant Eugene Jarecki, ils honorent un cinéaste dont l’œuvre témoigne d’un humanisme intransigeant, doublé d’un profond respect pour la vérité – aussi dérangeante soit-elle.

Neïla Driss, d’après communiqué

 

L’article Cannes 2025 – Les Golden Globes lancent leur prix du documentaire est apparu en premier sur webdo.

Cannes 2025 – « Un simple accident », un film de colère et d’humanité

Présenté en compétition officielle au 78e Festival de Cannes, « Un simple accident » a bouleversé la Croisette. La projection s’est achevée sous une standing ovation longue et chaleureuse, l’une des plus émouvantes de cette édition. Ce film puissant, tendu, traversé par une rage sourde et une humanité bouleversante, pourrait bien figurer parmi les favoris pour la Palme d’Or.

Son auteur, Jafar Panahi, n’est pas un inconnu sur la scène cannoise. Réalisateur majeur du cinéma iranien, il y a remporté la Caméra d’or en 1995 pour Le Ballon blanc (Quinzaine des réalisateurs), le prix du Jury Un Certain regard pour Sang et Or en 2003, et son film Trois visages y a décroché le prix du scénario en 2018. Mais depuis plus de dix ans, son nom est aussi synonyme de résistance. Résistance à un régime qui a tenté de le réduire au silence, en lui interdisant de filmer, de voyager, ou de s’exprimer publiquement. Cela ne l’a jamais empêché de continuer à faire du cinéma, souvent en cachette, souvent avec des moyens de fortune, mais toujours avec cette nécessité vitale d’interroger son époque, sa société, et les souffrances de son peuple.

Un simple accident, comme nombre de ses précédents films, a été réalisé sans autorisation de tournage délivrée par la République islamique et les actrices du film ne portent pas toutes le hidjab, une transgression passible de lourdes peines en Iran.

Jafar Panahi a payé cher son insoumission : arrestations, assignation à résidence, interdiction de travail, et plusieurs peines de prison. Il est sorti récemment d’une incarcération de sept mois, mais lors de la présentation cannoise, il a tenu à rappeler que nombre de ses confrères et consœurs, en particulier les actrices, sont toujours emprisonnés ou réduits au silence, uniquement pour avoir défendu la liberté, la justice, ou simplement la vérité.

Sur scène, le cinéaste a dédié la projection de son film aux cinéastes iraniens, et plus particulièrement aux actrices « qui ne peuvent plus travailler parce qu’elles ont participé au mouvement de libération des femmes et contre le port obligatoire du voile ». Visiblement ému, il a évoqué sa propre détention, l’impossibilité de travailler librement en Iran, et la douleur de voir ses camarades dispersés dans le monde, souvent en exil, arrachés à leurs terres, mais continuant malgré tout à faire des films. Il a conclu avec cet espoir tenace : « Un jour, nous pourrons rentrer chez nous et filmer à nouveau dans notre pays. »

 

 

Dans Un simple accident, tout part d’un fait banal, presque anodin. Un père, sa fille, et une mère enceinte sont en voiture, la nuit. Soudain, ils heurtent et blessent un chien. La fillette reproche à son père de ne pas avoir freiné. Il se défend, dit que l’animal s’est jeté sous la voiture et que la route n’était pas éclairée. Une scène d’apparence ordinaire, mais qui contient déjà tous les éléments qui vont faire basculer le film dans un drame psychologique intense.

La voiture tombe en panne peu après. Est-ce à cause du choc ? On ne le saura jamais vraiment. Un homme tente de les aider, un autre les observe et commence à suivre la famille, discrètement. Le lendemain, cet homme enlève le père. Il s’apprête à le tuer, mais hésite. Est-il sûr de son identité ? Est-ce bien lui, cet ancien geôlier, cet homme qui l’a torturé en prison ? La question le hante. Il décide de le garder captif le temps de vérifier. Il fait alors appel à d’autres anciens prisonniers, eux aussi victimes du même bourreau, pour essayer de le reconnaitre.

Chacun apporte son témoignage. Il y a celui qui veut oublier, tourner la page, recommencer sa vie, celui qui réclame vengeance immédiate, celle qui ne parvient pas à surmonter les séquelles physiques et psychologiques de la torture… Le film avance par couches successives, chaque voix apportant une nuance, une douleur différente. Jusqu’à un face-à-face final entre le prisonnier et son ravisseur. La vérité éclatera-t-elle ? Ou est-ce simplement une autre projection de la mémoire brisée de ces hommes et femmes broyés par l’appareil répressif d’un État qui nie les libertés les plus fondamentales ?

Un simple accident n’est pas un film à suspense au sens classique du terme, même s’il en emprunte certains ressorts. C’est avant tout une réflexion sur la mémoire, la justice, la vengeance, et la possibilité (ou l’impossibilité) de la réconciliation. Jafar Panahi y tisse une métaphore lucide de la société iranienne, traumatisée par des décennies de répression. À travers les figures de ses personnages — l’enfant innocente, le père embarrassé, la mère silencieuse, les anciens prisonniers tiraillés entre oubli et revanche —, il déploie un tissu de récits individuels qui, mis bout à bout, forment une fresque collective de la douleur iranienne.

 

 

La mise en scène, sobre et tendue, accentue ce sentiment d’étouffement. Les plans serrés, les jeux d’ombre et de lumière, les silences, les cris, tout concourt à créer une atmosphère de doute permanent. Est-ce lui ? Est-ce le bon ? Peut-on croire sa mémoire ? Peut-on faire justice avec si peu de certitudes ? A-t-on le droit de se faire justice soi-même ? Et si on tue, ne devient-on pas comme ce bourreau?  Ce n’est pas la réponse qui importe, mais le chemin que chacun emprunte. Et au fil du film, les divers personnages évoluent.

Le film interroge aussi ce que signifie être un être humain face à la machine de l’État. Il oppose, de manière presque documentaire, les survivants et les bourreaux, les victimes et les complices, les résistants et les zélateurs. Il n’y a pas de manichéisme dans Un simple accident, mais une complexité morale vertigineuse. Chacun est confronté à ses choix, à ses douleurs, à son passé. Chacun essaie de comprendre ce qui lui est arrivé, et ce qu’il doit faire à présent.

Avec ce film, Jafar Panahi confirme qu’il est l’un des grands cinéastes du présent. Malgré les interdictions, les arrestations, les exils forcés, il continue à faire entendre la voix de ceux qu’on empêche de parler. Un simple accident est peut-être son œuvre la plus politique, et paradoxalement la plus humaine. Il nous rappelle que derrière les slogans, les lois et les censures, il y a des vies. Des existences abîmées, mais debout. Des hommes et des femmes qui, envers et contre tout, continuent à croire à la dignité.

À Cannes, ce cri a trouvé un écho. Le public du Grand Théâtre Lumière, debout, a longuement applaudi ce retour en grâce. Une Palme d’Or serait une reconnaissance éclatante, mais le film a déjà accompli bien davantage : il a touché les consciences. Avec une bouleversante simplicité.

Neïla Driss

 

L’article Cannes 2025 – « Un simple accident », un film de colère et d’humanité est apparu en premier sur webdo.

❌