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JCC 2025 – Entre cinéma et musique, l’univers de Ziad Rahbani

La 36e édition des Journées Cinématographiques de Carthage, qui se tiendra du 13 au 20 décembre 2025, consacrera un hommage appuyé à l’une des figures les plus singulières du monde artistique arabe : Ziad Rahbani.

Décédé à Beyrouth le 1er août 2025 à l’âge de 68 ans, l’auteur, compositeur, acteur, dramaturge et chroniqueur libanais laisse derrière lui une œuvre foisonnante, marquée par la satire politique, une lucidité implacable et une modernité musicale qui ont profondément influencé toute une génération.

Fils de la grande chanteuse Fairuz et du compositeur Assi Rahbani, Ziad Rahbani s’est affirmé très tôt comme un artiste inclassable, héritier du patrimoine musical levantin mais farouchement libre dans son expression. Figure de proue de la contre-culture beyrouthine dans les années 1970 et 1980, il a également marqué de son empreinte le cinéma arabe, notamment à travers ses collaborations avec des cinéastes majeurs tels que Maroun Bagdadi, Farouk Beloufa, Randa Chahhal ou Kassem Hawal.

C’est à ce lien fort entre Ziad Rahbani et le nouveau cinéma arabe que les JCC 2025 ont choisi de rendre hommage. Une sélection de films auxquels il a participé – comme acteur ou compositeur – sera présentée dans le cadre du festival. Parmi eux, plusieurs œuvres rares ou restaurées permettront de redécouvrir son rôle discret mais essentiel dans l’évolution esthétique et sonore du cinéma engagé des années 1970-1980.

Des rencontres, projections spéciales et événements parallèles viendront compléter cette programmation, afin de célébrer la richesse de son parcours artistique. Ziad Rahbani ne sera pas à Carthage pour présenter son ironique Long métrage américain, mais sa présence sera partout dans cette édition, à travers son esprit mordant, son regard désabusé sur le monde arabe, et son sens inimitable de la composition.

Avec cet hommage, les JCC affirment une fois encore leur attachement à une mémoire cinématographique critique, populaire, indisciplinée – à l’image de l’artiste qu’ils saluent cette année.

Neïla Driss

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À la mémoire de Karim Kilani : un homme de cœur et de vision

Né à Carthage le 1er août 1964, Karim Kilani s’est éteint le 16 avril 2019, à l’âge de 54 ans. Homme d’affaires respecté, passionné de musique, de mer, et de savoir, il laisse derrière lui le souvenir d’un homme profondément humain, chaleureux, et d’une rare générosité. À l’approche de ce qui aurait été son 61e anniversaire, ses proches, ses collaborateurs et ses amis se souviennent d’un bâtisseur discret, dont l’empreinte demeure dans les cœurs autant que dans les structures qu’il a aidé à développer.

Issu d’une famille d’entrepreneurs, Karim Kilani a joué un rôle central dans la transformation du groupe familial. Grâce à sa vision à long terme et à ses qualités de stratège, il a su faire évoluer une société de gros spécialisée en quincaillerie en un véritable groupe structuré, réunissant plusieurs entreprises actives dans des secteurs complémentaires tels que le chauffage, l’électroménager, les sanitaires ou encore la logistique. Il a su anticiper les mutations du marché, impulser des orientations nouvelles, et fédérer des entités juridiquement distinctes autour d’une stratégie commune, assurant ainsi une croissance cohérente et durable.

Formé en économie, Karim Kilani avait choisi une spécialisation en économétrie qu’il avait poursuivie à Rabat, au Maroc. Mais son intérêt ne s’arrêtait pas au monde de l’entreprise ou de la théorie économique. Grand lecteur, il possédait une impressionnante bibliothèque, nourrie au fil des ans par sa passion pour l’Histoire et plus particulièrement l’histoire des religions, avec une fascination marquée pour les trois monothéismes. Ses lectures n’étaient pas de simples passe-temps : elles traduisaient une quête de compréhension, une ouverture d’esprit, et un profond respect pour la diversité des cultures et des croyances.

Cet humanisme se traduisait aussi dans sa manière d’être. Très sociable, bon vivant, profondément généreux, Karim Kilani était reconnu pour sa disponibilité envers les autres, son écoute, et sa tendance spontanée à soutenir des personnes ou des associations caritatives, toujours dans la discrétion. Son prénom, qui signifie « généreux », semblait lui aller à merveille, tant il incarnait cette qualité dans tous les aspects de sa vie.

Musicien dans l’âme, il était aussi passionné de sons et de rythmes. DJ amateur, il a animé de nombreuses soirées dans les clubs tunisiens, notamment au Calypso à Hammamet, où il partageait sa passion avec talent et enthousiasme. Ses sets étaient connus pour leur éclectisme, leur énergie communicative, et son habileté à faire danser les foules, toujours avec le sourire.

Parallèlement à ses activités professionnelles, Karim Kilani a également présidé le Sporting Club de Ben Arous, contribuant au rayonnement de cette structure locale. Il ne pratiquait pas lui-même de sport, mais il croyait fermement à l’importance du tissu associatif et au rôle fédérateur des clubs sportifs dans la société. Son implication dans ce club, comme dans tout ce qu’il entreprenait, était motivée par le désir de soutenir, d’encourager, et de construire.

Il était aussi membre fondateur du CJD Tunisie (Centre des Jeunes Dirigeants), à travers lequel il a encouragé une nouvelle génération de chefs d’entreprise à allier performance économique et responsabilité sociale. Ses idées sur l’entreprise étaient résolument modernes, alliant rigueur, créativité et respect des autres.

La mer occupait aussi une place à part dans sa vie. Il aimait y retrouver le silence, l’horizon, la beauté brute. Il partait souvent à la pêche, passion qu’il vivait avec la même intensité que ses lectures ou la musique. Il a d’ailleurs été inhumé au cimetière marin de Sidi Bou Said, surplombant les flots bleus qu’il chérissait tant.

À six ans de sa disparition, le souvenir de Karim Kilani reste vivace. Non seulement dans les entreprises qu’il a bâties ou accompagnées, mais aussi dans les esprits de ceux qu’il a soutenus, encouragés, fait rire ou aidés à rêver. Dans les pages de ses livres, les disques qu’il mixait, les associations qu’il soutenait ou les projets qu’il lançait, il a semé les traces d’une vie intense, généreuse, et profondément humaine.

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A Paris, une statue pour Gisèle Halimi, mémoire d’un combat ancré entre deux rives


Paris lui rend hommage avec une statue, haute de quatre mètres, érigée en juillet 2025 dans le nord de la capitale, rue de la Chapelle. Cette sculpture dorée de Gisèle Halimi, avocate, militante et femme politique, décédée en juillet 2020, fait désormais partie d’un parcours urbain dédié aux grandes figures féminines honorées lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Elle rejoint neuf autres femmes ayant marqué l’Histoire, dans un quartier en pleine mutation où la ville de Paris entend inscrire les luttes pour l’égalité dans l’espace public.

Gisèle Halimi y a toute sa place. Non seulement pour la portée de ses combats, mais aussi pour la constance avec laquelle elle a défendu, tout au long de sa vie, les principes de justice, de dignité et de liberté.

Statue Gisèle Halimi Paris

Née Zeiza Gisèle Élise Taïeb, le 27 juillet 1927 à La Goulette, près de Tunis, elle grandit dans une famille juive modeste. Enfant, elle prend très tôt conscience de l’inégalité entre les sexes : son père, dit-elle, aurait préféré qu’elle soit un garçon. Elle refuse les rôles qu’on tente de lui imposer, proteste contre les prières obligatoires à l’école, rejette les tâches réservées aux filles. Ce refus de la soumission, dès l’enfance, est le point de départ d’un engagement de toute une vie.

Son attachement à la Tunisie restera profond. Elle ne cessera de revendiquer ses racines tunisiennes, méditerranéennes, juives et laïques, et d’affirmer combien son enfance à La Goulette avait façonné sa manière de penser, de se révolter, d’aimer. Elle consacrera à cette période plusieurs livres, notamment Le Lait de l’oranger, où elle raconte son enfance dans cette banlieue portuaire de Tunis, et Fritna, un récit intime et bouleversant consacré à sa mère, dans lequel elle revient sur l’ambivalence de leur relation et sur l’éducation des filles dans une société patriarcale.

Gisèle Halimi enfant en Tunisie

Dans La Kahena, publié en 2006, elle s’identifie à cette reine berbère qui résista aux envahisseurs arabes au VIIe siècle, et dont l’histoire, longtemps effacée ou mythifiée, résonne chez elle comme un symbole de révolte féminine. À travers cette figure, Halimi puise dans les racines nord-africaines un modèle d’insoumission, et une manière de relier son propre engagement féministe à une mémoire plus vaste, souvent marginalisée. C’est aussi dans ce livre qu’elle interroge plus directement son identité multiple, à la croisée de plusieurs appartenances, dans un monde politique où l’universel est trop souvent pensé au masculin.

Avocate au barreau de Tunis, puis de Paris, elle s’engage dès les années 1950 aux côtés des militants indépendantistes tunisiens, puis dans la défense des militants du FLN algérien. Elle devient célèbre en 1960 pour avoir défendu Djamila Boupacha, une militante torturée et violée par des militaires français. En rendant publique cette affaire, elle met au cœur du débat des réalités que la société française voulait ignorer : la torture, la guerre, le viol comme arme de domination.

Dans les années 1970, elle devient l’une des figures centrales du féminisme français. Elle cofonde avec Simone de Beauvoir le mouvement Choisir la cause des femmes, signe le Manifeste des 343, et mène le procès de Bobigny en 1972, où elle défend une jeune fille poursuivie pour avoir avorté après un viol. Ce procès, très médiatisé, contribuera à ouvrir la voie à la loi Veil de 1975, légalisant l’IVG en France.

Députée, ambassadrice de la France à l’UNESCO, essayiste et militante infatigable, Gisèle Halimi n’a jamais cessé de lutter, refusant les compromis, affirmant sans relâche que l’égalité entre les sexes et la justice pour les peuples ne peuvent être dissociées.

Après la révolution tunisienne de 2011, Gisèle Halimi multiplie les prises de parole pour soutenir la transition démocratique. Elle se rend à plusieurs reprises en Tunisie, rencontre des associations, des responsables politiques, s’adresse aux médias, et affirme, dans une tribune publiée dans Le Monde, que « la Tunisie a montré la voie du courage ». Elle plaide pour un État laïque, et insiste sur l’importance de préserver les acquis des femmes tunisiennes, tout en appelant à inscrire une véritable égalité entre les sexes dans la nouvelle Constitution. À chaque visite, elle renouvelle son attachement au pays, tout en avertissant contre les reculs possibles en matière de droits.

Son engagement auprès des Tunisiennes est sans relâche. Elle participe à des rencontres avec des jeunes militantes, encourage les nouvelles générations à faire entendre leur voix, et met en garde contre les compromis politiques sur le dos des droits des femmes. Pour elle, l’égalité n’est pas négociable. Elle rappelle que l’émancipation passe par l’éducation, l’indépendance économique, et la maîtrise de son propre corps. Sa parole reste lucide, ferme, profondément politique.

Ce n’est pas la première fois que Paris honore sa mémoire. En 2021 déjà, une promenade Gisèle-Halimi avait été inaugurée en bord de Seine, entre le pont de l’Alma et le pont des Invalides, dans le quartier où elle vivait. La statue récemment installée rue de la Chapelle vient inscrire un peu plus durablement son nom dans le paysage de la capitale.

Mais au-delà de Paris, il serait peut-être temps que la Tunisie elle-même rende hommage à cette femme née sur son sol, formée par sa culture, et qui l’a portée si haut. Gisèle Halimi a honoré la Tunisie par ses combats, son intégrité et la clarté de sa parole. Elle a fait entendre, bien au-delà des frontières, une voix libre, ancrée dans son histoire tunisienne, mais tournée vers l’universel.

Neïla Driss

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ONU – Hommage à deux Casques bleus tunisiens tombés en mission

A l’occasion de la Journée internationale des Casques bleus, célébrée le 29 mai, l’ONU rend hommage à deux Tunisiens morts en mission : le Premier Caporal Béchir Ben Mohamed Dhiabi, déployé en République centrafricaine avec la MINUSCA, et Hichem Fahem, civil engagé avec la mission en Libye (MANUL).

Ils figurent parmi 57 soldats de la paix décédés cette année lors d’opérations onusiennes. À ce titre, ils recevront à titre posthume la médaille « Dag Hammarskjöld » lors d’une cérémonie présidée par António Guterres au siège des Nations unies à New York.

La Tunisie est le 18e contributeur mondial aux missions de maintien de la paix de l’ONU, avec 934 militaires et policiers, dont 60 femmes, présents notamment en Afrique subsaharienne. 

Cette journée, instaurée en 2002, rend hommage aux plus de 4 400 Casques bleus tombés depuis 1948 au service de la paix.

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Juliette Binoche ouvre Cannes en mémoire de Fatma Hassouna, tuée à Gaza

C’est dans un silence solennel que la 78e édition du Festival de Cannes a été inaugurée hier soir, marquée par une prise de parole poignante de Juliette Binoche, Présidente du Jury.

Vêtue d’un ensemble entièrement blanc, signe de deuil et de paix, la comédienne française a ouvert la cérémonie en rendant un hommage vibrant à la photojournaliste palestinienne Fatma Hassouna, tuée le 25 avril dernier à Gaza dans une frappe israélienne qui a également coûté la vie à dix membres de sa famille.

Avec une émotion contenue, Juliette Binoche a salué le courage et le talent de la journaliste, évoquant « une femme dont le regard sur le monde était devenu indispensable », rappelant son engagement à documenter la réalité du conflit au péril de sa vie.

Fatma Hassouna

Quelques heures avant sa mort, Fatma Hassouna avait reçu une nouvelle qui devait bouleverser sa vie : le film Put Your Soul On Your Hand And Walk, réalisé par l’Iranienne Sepideh Farsi, dans lequel elle tenait le rôle principal, venait d’être sélectionné en compétition officielle à Cannes. Une reconnaissance artistique qui prenait un relief tragique à peine vingt-quatre heures plus tard.

Dans un discours empreint d’humanité, Juliette Binoche a souligné la dimension universelle de l’art comme acte de résistance et de mémoire : « L’art est un témoignage puissant de nos vies, de nos rêves. Il transcende les frontières, les conflits, et les murs. Et nous, spectateurs, nous l’embrassons. »

L’instant, sobre et intense, a suscité une vive émotion parmi les invités, rappelant que le Festival de Cannes, au-delà des paillettes, reste un espace engagé, un lieu où les voix les plus fragiles peuvent encore résonner.

L’ouverture du Festival de Cannes a également suscité de nombreuses critiques puisque près de 400 personnalités internationales du cinéma ont signé une tribune dans le quotidien Libération pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « silence » face à la situation à Gaza. 

Parmi les signataires figurent des noms prestigieux comme le réalisateur espagnol Pedro Almodóvar, l’acteur américain Richard Gere, l’actrice Susan Sarandon, le double lauréat de la Palme d’Or Ruben Östlund, le cinéaste canadien David Cronenberg et l’acteur Javier Bardem.

Ils appellent à agir « pour toutes celles et ceux qui meurent dans l’indifférence ». « Nous artistes et acteur.ice.s de la culture, nous ne pouvons rester silencieux.se.s tandis qu’un génocide est en cours à Gaza », indique ce texte cosigné par quelque 380 artistes. Leur tribune rend également un vibrant hommage à la photojournaliste palestinienne Fatma Hassouna.

La tribune s’émeut également de « l’absence de soutien » de l’Académie des Oscars quand le Palestinien Hamdan Ballal a été attaqué par des colons israéliens fin mars, quelques jours après avoir été oscarisé pour son documentaire No Other Land. « Une telle passivité nous fait honte », écrivent les signataires.

« Pourquoi le cinéma, vivier d’œuvres sociales, engagées, paraît se désintéresser de l’horreur du réel, de l’oppression subie par nos consœurs et confrères ? », s’interrogent-il, appelant à agir « pour toutes celles et ceux qui meurent dans l’indifférence ».

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Hommage posthume à Fadhel Jaziri : Quand la culture tunisienne prend vie sur scène

Du théâtre militant aux grandes fresques musicales, il a donné une voix à la Tunisie et l’a proposée au monde. L’homme de scène s’en va, laissant derrière lui un héritage que nul ne pourra effacer.

La Presse — Le rideau s’est baissé sur une vie de création. Lundi 11 août 2025, Fadhel Jaziri s’est éteint à l’âge de 77 ans, laissant en deuil une partie de la mémoire culturelle tunisienne. Metteur en scène, auteur, réalisateur et producteur, il a traversé plus d’un demi-siècle d’art en bâtissant des ponts entre les époques, les genres et les publics. Du théâtre militant aux grandes fresques musicales, du cinéma à la redécouverte des traditions populaires, il a façonné un univers où la Tunisie se raconte à elle-même et au monde.

Le dernier acte

Même son départ a porté la signature de l’artiste. Jaziri avait pensé son enterrement comme une véritable mise en scène : il avait demandé à ceux qui l’accompagneraient au cimetière de s’habiller en blanc. Ce jour-là, les femmes étaient présentes, toutes vêtues de blanc, pour lui dire adieu. Un geste fort, à la fois esthétique et symbolique, qui bousculait les codes funéraires habituels.

Il n’a pas fallu longtemps pour que les esprits chagrins s’emparent de l’image, reprochant la présence des femmes au cimetière, sous prétexte que la tradition les en éloigne. C’est oublier que cette interdiction n’est pas absolue, et que les habitudes sociales comme les pratiques religieuses évoluent avec le temps. D’ordinaire, certaines femmes attendent le « sbeh al kbar » — le matin qui suit l’enterrement — pour se recueillir. Ce jour-là, elles ont simplement avancé le rendez-vous, parce que l’instant d’adieu ne pouvait attendre.

Ce dernier tableau, voulu par l’artiste, dit tout de son regard sur la vie et sur l’art : c’est briser les convenances quand elles deviennent de simples carcans, et rappeler que l’essentiel ne réside pas dans les formes extérieures, mais dans ce qui reste dans l’âme.

Les débuts d’un enfant de Tunis

Né en 1949 dans la médina de Tunis, il découvre le théâtre très jeune au Collège Sadiki. Très vite, l’art devient plus qu’une passion mais une promesse faite à lui-même. Ses études le mènent à Londres puis à Paris, où il s’imprègne des expériences artistiques les plus audacieuses de son époque. Mais c’est en Tunisie qu’il veut bâtir.

En 1971, il lance le Festival de la Médina, puis cofonde le Théâtre du Sud de Gafsa. Là, au contact de publics éloignés de la capitale, il comprend que l’art n’a de sens que s’il franchit les frontières sociales et géographiques. Cette démarche, adoptée dès ses débuts, contredit frontalement les critiques de ses adversaires de toujours, qui lui reprochaient ses origines – fils de la médina, enfant du vieux Tunis « beldi ». Pourtant, l’artiste engagé n’a jamais été enfermé dans les cercles clos de la capitale; il a porté l’art là où on ne l’attendait pas. Sa trajectoire contredit sans équivoque ces accusations. Il a formé et accompagné des jeunes venus de toutes les régions, ouvert des scènes à ceux qui n’y auraient jamais accédé, et contribué à la décentralisation culturelle bien avant que le terme ne devienne un mot d’ordre officiel.

Hadhra, la mémoire en musique

Homme de théâtre et de cinéma, le visionnaire culturel change d’échelle et se lance dans de vastes fresques musicales. Nouba (1991) est un vibrant hommage à la musique populaire tunisienne, et Hadhra (1993) l’inscrit définitivement dans l’histoire culturelle du pays. Ce voyage hypnotique au cœur des chants soufis tunisiens devient un chef-d’œuvre intemporel, joué et rejoué pendant plusieurs décennies à l’intérieur et à l’extérieur.

Ses autres créations — Nujum, Mezoued, Ezzaza, Hob Zamen, Mahfel — prolongent cette volonté obstinée : faire dialoguer tradition et modernité, sans jamais trahir ni l’une ni l’autre. Et si aujourd’hui les scènes tunisiennes voient fleurir une multitude de spectacles autour du mezoued ou de la musique soufie, il faut rappeler que leur véritable père fondateur reste Fadhel Jaziri qui a façonné ces œuvres.

Il a ouvert la voie en magnifiant ce patrimoine, en le portant sur les grandes scènes et en y insufflant une mise en scène audacieuse. Il a convoqué la danse contemporaine, osant marier gestes modernes et tenues traditionnelles. On se souvient de ces jeunes, drapés de burnous, de jebbas, ou de kachabia, dansant sur une soulamia transcendée, où chaque mouvement semblait porter la mémoire d’un peuple. Chez lui, le folklore n’était jamais figé, il devenait matière vivante, réinventée à chaque représentation.

À Carthage, le défi de la mise en scène

Cette capacité à transformer le patrimoine en expérience vivante, à marier tradition et modernité, reste la marque de son génie – un contraste saisissant avec les représentations contemporaines que l’on peut observer aujourd’hui, comme lors de la soirée du 11 août 2025 à l’amphithéâtre romain de Carthage.

L’amphithéâtre a vibré au rythme des cultures venues des quatre coins du monde. Dans le cadre du spectacle Ballets folkloriques du monde, l’entrée de la troupe tunisienne des Twayef de Ghbonten a été saluée par des applaudissements nourris et des youyous, sur les premières notes de « Jinek ye Carthage ». Ce groupe de poètes-chanteurs, inscrit depuis 2024 sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l’Unesco, a présenté un morceau de la richesse culturelle tunisienne. Pour autant, si les autres pays participants ont proposé des tableaux chorégraphiques précis, mêlant costumes traditionnels et danses typiques, la prestation tunisienne, sans dévaluer sa valeur intrinsèque, n’était pas adaptée aux circonstances ni au support qu’offre le théâtre de Carthage. Un groupe d’hommes chantait sans que le public puisse toujours saisir les paroles, et agitait des sortes de foulards, créant un contraste avec l’exigence scénique attendue sur une scène aussi prestigieuse.

L’homme qui a transformé la scène tunisienne avait toujours su adapter ses créations à chaque support : chorégraphie, costumes, scénographie et visuel étaient pensés comme un tout, en parfaite harmonie avec l’espace scénique et les spectateurs. La culture, vaste et complexe, exige une vision transversale embrassant toutes les expressions artistiques et culturelles, et non pas une seule discipline étroite. Elle requiert un goût raffiné et la capacité de transformer cette vision en expérience tangible. Réduire ce secteur à la seule portée d’un instrument, aussi noble soit-il, c’est risquer de jouer toujours la même note, alors que la culture a besoin d’un orchestre entier. Sans ces ingrédients, on navigue à vue, et même le patrimoine le plus précieux peut perdre de sa force, comme ce fut le cas dans ce spectacle du 11 août, véritable contretemps artistique, au regard de la richesse patrimoniale et du savoir-faire scénique que la Tunisie détient, mais aussi face à la qualité des prestations présentées par les autres pays invités.

Héritage et responsabilité

Aujourd’hui, ceux qui montent sur scène portent en eux, qu’ils le sachent ou non, un fragment de cet héritage. L’artiste engagé a prouvé qu’un art pouvait être à la fois populaire et exigeant, enraciné dans ses terres et ouvert aux vents du monde.
Il a montré que la Tunisie pouvait se raconter dans sa langue, dans ses gestes, dans ses sons, sans filtre ni traduction, et que cette voix pouvait résonner bien au-delà de ses frontières. Ceux qui créent aujourd’hui ne partent pas d’une page blanche. Ils avancent sur un socle que Fadhel Jaziri a patiemment bâti – un socle de mémoire, d’audace et de fidélité aux racines. Leur mission n’est pas de répéter ses œuvres, mais de les dépasser, d’oser à leur tour, de surprendre comme il a su surprendre.

L’inspirateur des générations d’artistes s’en est allé, mais il ne laisse pas un vide. Il laisse un mouvement. Un élan qu’il appartient désormais à toute une génération de prolonger, de nourrir, de porter plus loin encore. Car créer, c’est ce qu’il a toujours fait. Et c’est ainsi qu’il continuera de vivre à travers ceux qui auront le courage de reprendre le flambeau.

Parmi les leçons que nous laisse cet architecte de la culture, il y a celle-ci : la culture est aussi cruciale que le développement économique. Lui qui, un temps, avait adhéré à un parti politique avant de s’en détourner, déçu, savait que bâtir une société solide passe par la transmission et l’épanouissement artistique. Décentraliser les arts, introduire les matières artistiques dès le plus jeune âge dans les programmes scolaires, ne pas se contenter d’une heure hebdomadaire aléatoire, tels étaient ses combats silencieux mais déterminants.

Inclure les jeunes dans des activités culturelles, c’est leur offrir un espace d’expression, les protéger de la radicalisation, leur transmettre le goût du patrimoine et de l’identité collective. Dans un pays déjà riche de mosquées et d’institutions religieuses, le cap doit désormais être mis sur les centres culturels, les maisons des jeunes et les événements culturels, été comme hiver, pour que l’art irrigue toute la société et prépare les générations futures à créer, à rêver, et à aimer la culture et la vie plutôt que de céder à la colère, à la haine et à la culture de la mort.

Festival du Film Africain de Louxor 2026 : ouverture des candidatures jusqu’au 25 novembre

Le Festival du Film Africain de Louxor (LAFF, Egypte) a annoncé l’ouverture des candidatures pour sa 15ème édition, qui se tiendra du 30 mars au 5 avril 2026. Les réalisateurs africains ainsi que les cinéastes de la diaspora sont invités à soumettre leurs œuvres jusqu’au 25 novembre 2025 via le site officiel du festival. Les films présentés devront impérativement avoir été produits en 2025 et n’avoir jamais été projetés en Egypte.

Le festival propose quatre compétitions principales : les longs métrages de plus de 60 minutes (fiction, documentaire et animation), les courts métrages réservés exclusivement aux cinéastes africains, les films de la diaspora destinés aux réalisateurs africains établis hors du continent (portant un regard international sur l’Afrique), ainsi qu’une compétition dédiée aux jeunes talents des gouvernorats de Louxor et de Qena d’Egypte.

Après un hommage réservé lors de la 14ème édition en 2025 à la mémoire du journaliste et critique de cinéma tunisien Khemais Khayati, la 15ème édition rendra un hommage à la mémoire du grand cinéaste égyptien feu Youssef Chahine, placé sous le thème “Youssef Chahine… une histoire égyptienne”, à l’occasion du centenaire de sa naissance.

Pour rappel, la 14ème édition avait distingué le court-métrage tunisien “Loading” d’Anis Lassoued, qui a remporté le deuxième prix du meilleur court-métrage, et récompensé Amal Mannai par le prix de la meilleure actrice pour son rôle dans “Asfour Jenna” de Mourad Ben Cheikh, sélectionné en compétition officielle des longs métrages de cette édition.

Le Festival international du Film Africain de Louxor (LAFF) vise à promouvoir le cinéma africain, à créer des passerelles entre réalisateurs du continent et de la diaspora, et à faire de Louxor un carrefour cinématographique et culturel de premier plan.

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Hommage : Mona Ezzine Dougaz, une Tunisienne d’exception

Distinguée hispanisante, traductrice et enseignante universitaire, Mona Ezzine Dougaz est décédée hier jeudi 3 juillet 2025.

La grande famille des hispanisants tunisiens et ses très nombreux amis pleurent Mona Ezzine Dougaz, trop tôt disparue après un courageux combat contre la maladie. Décédée hier, elle laisse un grand vide et l’image d’une femme de devoir dont la carrière fut à tous égards exemplaire.

Enseignante de langue espagnole, elle était très appréciée par ses étudiants et ses collègues. Sa formidable capacité à la traduction simultanée faisait d’elle un atout très recherché par les organisateurs de colloques scientifiques et de rencontres ministèrielles.

Maîtrisant plusieurs langues à la perfection, Mona Ezzine Dougaz a compté parmi les plus distingués hispanisants de Tunisie. Sa maîtrise de la langue espagnole dans ses nuances les plus subtiles faisait d’elle un modèle admiré.

Hier, dès le faire-part de son décès par la famille, les hommages ont afflué de partout. De l’ambassade d’Espagne à l’ambassade d’Argentine en passant par l’Institut Cervantès, les communiqués étaient empreints d’émotion, de respect et de reconnaissance. De même, en provenance de l’université tunisienne, les hommages ont été nombreux.

Femme de cœur, Mona Ezzine Dougaz était aussi l’égérie et le premier soutien de son fils, le tennisman Aziz Dougaz dont elle appuyait le parcours sportif avec persévérance. Toujours présente à ses côtés, elle était vigilante, décidée et aimante.

Que ce soit dans sa vie académique, son travail de traductrice ou ses engagements, Mona Ezzine Dougaz a toujours quêté et trouvé l’excellence. Paix à sa belle âme de Tunisienne d’exception et condoléances à sa famille.

L’inhumation aura lieu aujourd’hui, vendredi 4 juillet à 14h, au cimetière de Gammarth.

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