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Cannes 2025 – L’iranien Jafar Panahi sacré, l’irakien Hasan Hadi distingué

La 78e édition du Festival de Cannes s’est achevée dans une atmosphère d’apaisement et de satisfaction partagée, portée par une sélection dense, exigeante, et un palmarès d’une rare justesse. Sur le tapis rouge du Palais des Festivals, les membres du jury sont apparus aux côtés des équipes de films venues saluer une dernière fois la Croisette, avant de découvrir le verdict tant attendu.

Douze jours durant, les cinéphiles, journalistes et festivaliers ont vibré au rythme des vingt-deux films en compétition. Dans les files d’attente, les halls d’hôtels ou les abords des salles, les discussions allaient bon train. Les favoris changeaient au gré des projections, les arguments s’échangeaient avec fougue, les certitudes chancelaient. Chacun défendait sa vision, ses émotions, ses élans : entre la force émotionnelle de Valeur sentimentale de Joachim Trier, la radicalité sensorielle de Sirât du cinéaste hispano-français Oliver Laxe ou encore la complexité politique d’Un simple accident du réalisateur iranien Jafar Panahi, les propositions remarquables ne manquaient pas. À ces œuvres déjà mémorables s’ajoutait l’énigmatique Kuang Ye Shi Dai (Resurrection) de Bi Gan, une proposition inclassable, mais inoubliable.

Laurent Lafitte, maître de cérémonie, a lancé la soirée de clôture sans préambule, dévoilant un palmarès très attendu dans une ambiance à la fois recueillie et joyeuse. Un instant inattendu est toutefois venu rompre le protocole : l’acteur américain John C. Reilly, chargé de remettre le prix du scénario à Jean-Pierre et Luc Dardenne pour leur film Jeunes mères, a choisi l’humour pour alléger l’atmosphère. Évoquant la panne d’électricité survenue dans la journée, il a plaisanté : « Chaque fois que je viens à Cannes, il se passe quelque chose. Cette fois, c’est mon anniversaire ! » Puis, à la surprise générale, il s’est mis à chanter La Vie en rose en anglais — la seule version, a-t-il avoué, qu’il connaissait — avant de s’excuser avec un sourire désarmant.

Le Prix du Jury, attribué ex-aequo, a été l’un des moments les plus émouvants de la soirée. Il est revenu à Sirât d’Oliver Laxe et à Sound of Falling de la réalisatrice allemande Mascha Schilinski. Sur scène, le discours d’Oliver Laxe a pris des allures de prière humaniste. S’exprimant en arabe, il a cité un verset coranique : « Nous vous avons créés en peuples et tribus afin que vous vous connaissiez. » Une parole qu’il a confié avoir entendue de la bouche d’un chauffeur de taxi palestinien lors d’un festival à Jérusalem, et qui a profondément marqué sa vision du monde.

 

Cannes 2025 – Le Prix du Jury, attribué ex-aequo à Sirât d’Oliver Laxe

 

Le prix de la mise en scène est allé au Brésilien Kleber Mendonça Filho pour O Agente Secreto, une adaptation contemporaine, nerveuse et explosive d’un récit d’espionnage. Wagner Moura, bouleversant dans le rôle principal, a reçu le prix d’interprétation masculine pour ce même film. Le prix d’interprétation féminine a quant à lui couronné Nadia Melliti, pour son rôle dans La petite dernière de Hafsia Herzi.

 

Cannes 2025 – Le prix d’interprétation féminine à Nadia Melliti

 

Un prix spécial du Jury a été attribué à Résurrection. Il était difficile d’imaginer une autre distinction pour ce film étrange et singulier, tant il semble résister à toute classification. Une œuvre hors normes, donc, pour un prix hors catégories.

En revanche, l’absence remarquée de Woman and Child de Saeed Roustaee a laissé un goût d’inachevé. Le film, d’une grande justesse, n’a reçu aucune récompense, et son actrice principale, Parinaz Izadyar, aurait mérité de repartir avec le prix d’interprétation. Son jeu, d’une richesse remarquable, embrassait une large palette d’émotions, de la mère endeuillée à la femme abandonnée, de la sœur trahie à l’amante blessée. Un rôle intense, pour un très beau film, qui n’a visiblement pas su émouvoir les membres du jury.

Comme je l’avais pressenti dès les premières projections, et anticipé dans mon article Cannes 2025 – Pronostics croisés à quelques heures du palmarès, les deux plus hautes distinctions ont été décernées aux œuvres qui avaient su le plus toucher à la fois le public et la critique. La Palme d’or a été attribuée à Un simple accident de Jafar Panahi, un film d’une sobriété radicale, tendu comme un fil de rasoir ; tandis que le Grand Prix est allé à Affeksjonsverdi (Valeur sentimentale) de Joachim Trier, une œuvre d’une subtilité bouleversante. Ces deux récompenses majeures ont été accueillies avec un rare consensus. Pour la première fois depuis longtemps, le palmarès semblait faire l’unanimité : nul n’a parlé d’injustice, d’absurde ou d’oubli criant.

Cannes 2025 – Grand Prix à Affeksjonsverdi (Valeur sentimentale) de Joachim TRIER

 

Juliette Binoche, présidente du jury, a pris la parole dans un discours sensible, évoquant les artistes et les peuples qui souffrent à cause de leurs opinions, et rappelant la force de l’art lorsqu’il puise dans la compassion, la tendresse, et une humanité partagée. L’art, a-t-elle affirmé, provoque, questionne, bouleverse, et révèle en nous des dimensions insoupçonnées ; il mobilise notre part la plus précieuse, la plus vivante, et transforme les ténèbres en espérance. C’est à cette lumière qu’elle a expliqué le choix du jury pour la Palme d’or.

Récompensé pour Un simple accident, Jafar Panahi, déjà lauréat du Lion d’or à Venise en 2000 pour Le Cercle et de l’Ours d’or à Berlin en 2015 pour Taxi Téhéran, a prononcé un discours d’une intensité bouleversante, qui a profondément ému la salle :

« Avant de dire quelque chose, permettez-moi de remercier ma famille, pour tout le temps où je n’étais pas présent avec eux, et toute mon équipe. Ils m’ont accompagné sur ce chemin pour qu’on fasse ce film ensemble. Je vous remercie aussi toute l’équipe qui m’a accompagné ici en France pour la post-production. Je crois que c’est le moment de demander à tous les gens, tous les Iraniens, avec toutes les opinions différentes, partout dans le monde, en Iran ou ailleurs… je me permets de demander une chose : mettons tous les problèmes, toutes les différences de côté. Le plus important en ce moment, c’est notre pays et sa liberté. Ensemble. Que personne n’ose nous dire ce qu’il faut faire correctement, ce qu’il faut dire ou ne pas dire, ce qu’il faut manger… Le cinéma, c’est une société. Personne n’a le droit de nous dicter notre conduite. J’espère ce jour. Je vous remercie tous, je remercie le Festival de Cannes et tout le monde présent. »

 

Cannes 2025 – Palme d’or : Un simple accident de Jafar PANAHI

 

Un autre moment fort de cette soirée a été la remise de la Caméra d’or, récompensant le meilleur premier film toutes sections confondues. Pour la première fois de son histoire, le Festival a couronné une œuvre venue d’Irak. La présidente du jury, la cinéaste italienne Alice Rohrwacher, a remis la distinction à The President’s Cake de Hasan Hadi, présenté à la Quinzaine des cinéastes. « Une œuvre qui nous a hantés, moi et mon jury, comme un fantôme », a-t-elle confié. Le film se déroule sous le régime autoritaire irakien : la jeune Lamia, neuf ans, tente de rassembler les ingrédients nécessaires à la préparation d’un gâteau, pour commémorer l’anniversaire de la mort de Saddam Hussein. Une fable grinçante et poignante sur l’enfance, la mémoire, et l’absurdité du pouvoir.

 

Le Palmarès du 78e Festival de Cannes :

Le Jury, présidé par Juliette Binoche et composé de Halle Berry, Payal Kapadia, Alba Rohrwacher, Leïla Slimani, Dieudo Hamadi, Hong Sangsoo, Carlos Reygadas et Jeremy Strong, a distingué les films suivants parmi les 22 en Compétition :

Longs Métrages :

  • Palme d’or : Un simple accident – Jafar PANAHI
  • Grand Prix : Affeksjonsverdi (Valeur sentimentale) – Joachim TRIER
  • Prix du Jury (ex-aequo) : Sirât d’Oliver LAXE et Sound of Falling  de Mascha SCHILINSKI
  • Prix de la Mise en Scène : Kleber MENDONÇA FILHO pour O Agente Secreto (L’Agent secret)
  • Prix du scénario : Jean-Pierre et Luc DARDENNE pour Jeunes mères
  • Prix d’interprétation féminine : Nadia MELLITI dans La petite dernière de Hafsia HERZI
  • Prix d’interprétation masculine : Wagner MOURA dans O Agente Secreto de Kleber MENDONÇA FILHO
  • Prix spécial du Jury : Kuang Ye Shi Dai (Resurrection) – Bi GAN

Courts Métrages :

  • Palme d’or : I’m Glad You’re Dead Now – Tawfeek BARHOM
  • Mention spéciale : Ali – Adnan AL RAJEEV

 

Cannes 2025 – Palme d’or : I’m Glad You’re Dead Now – Tawfeek BARHOM

 

Caméra d’or

  • The President’s cake de Hassan HADI – Quinzaine des Cinéastes
  • Mention Spéciale : My Father’s shadow d’Akinola DAVIES Jr – Un Certain Regard

 

Cannes 2025 – Caméra d’Or pour The President’s cake de Hassan HADI

 

À l’issue de cette cérémonie de clôture, il reste le souvenir d’un festival riche et profondément cohérent, où la diversité des récits, la profondeur des regards et la sincérité des propositions artistiques ont guidé les choix. Un millésime 2025 qui, sans chercher l’éclat à tout prix, s’est imposé par son équilibre, sa justesse, et cette forme rare d’évidence qui fait les grands palmarès.

Neïla Driss

 
 
 
 
 
 
 

 

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Cannes 2025 – Un Certain Regard : Once Upon a Time in Gaza primé, la Palestine à l’honneur

La section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2025 s’est achevée sur une note d’émotion et d’engagement, marquant un moment fort pour le cinéma arabe et en particulier pour la Palestine et la Tunisie.

Cette année, la sélection a mis en lumière 20 longs métrages venus du monde entier, dont 9 premiers films éligibles à la Caméra d’or. Fidèle à son ambition de révéler des voix singulières, cette section parallèle au sein de la sélection officielle a honoré des œuvres audacieuses, politiques et puissamment ancrées dans les réalités contemporaines.

Dès la soirée d’ouverture, un événement inédit a donné le ton de cette édition 2025 : pour la première fois dans l’histoire du Festival, c’est un film tunisien qui a ouvert Un Certain Regard. Promis le ciel, réalisé par Erige Sehiri, a ainsi inauguré la section avec élégance et conviction. Après Sous les figues, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2022, la cinéaste tunisienne confirme son ancrage dans le paysage international, offrant cette fois une œuvre plus ample, à la fois intime et politique, où la quête de liberté se mêle aux blessures de l’histoire contemporaine. Ce choix d’ouverture résonne comme un signal fort, tant pour le cinéma tunisien que pour la reconnaissance des cinéastes arabes à Cannes.

Mais c’est un autre film arabe qui a marqué les esprits et conquis le jury : Once Upon a Time in Gaza, réalisé par les frères Arab & Tarzan Nasser, a remporté le Prix de la Mise en Scène. Le film s’impose comme une œuvre bouleversante, aussi poignante que nécessaire, qui plonge au cœur d’une Gaza ravagée, dans une fresque à la fois réaliste et poétique, où l’humain résiste à l’absurde du quotidien sous blocus.

Les deux cinéastes palestiniens, connus pour leur cinéma engagé (Dégradé, Gaza mon amour), livrent ici leur film le plus puissant à ce jour, dans un contexte d’urgence extrême. La récompense qu’ils reçoivent dépasse le cadre purement artistique : elle symbolise un geste de reconnaissance, à l’heure où les artistes palestiniens peinent à faire entendre leur voix sur les scènes internationales, alors même que leur terre est en proie à une violence sans précédent.

La présidente du jury, la cinéaste britannique Molly Manning Walker, entourée de Louise Courvoisier, Vanja Kaludjercic, Roberto Minervini et Nahuel Pérez Biscayart, a salué la richesse et la diversité des propositions. Le palmarès reflète cette diversité, avec des prix attribués à des cinéastes émergents venus d’horizons variés.

Palmarès – Un Certain Regard 2025

  • Prix Un Certain Regard : La Misteriosa Mirada del Flamenco (Le Mystérieux Regard du flamant rose) de Diego Céspedes — premier film
  • Prix du Jury : Un Poeta de Simón Mesa Soto
  • Prix de la Mise en Scène : Arab & Tarzan Nasser pour Once Upon a Time in Gaza
  • Meilleur Acteur : Frank Dillane dans Urchin de Harris Dickinson
  • Meilleure Actrice : Cléo Diára dans O Riso e a Faca (Le Rire et le couteau) de Pedro Pinho
  • Meilleur Scénario : Pillion de Harry Lighton — premier film

Dans un monde qui vacille, le cinéma d’Un Certain Regard rappelle que les regards singuliers sont plus que jamais nécessaires. Et cette année, ils sont venus de Gaza, de Tunis, de Lisbonne, de Bogota ou encore de Londres, portés par une génération de cinéastes qui filment pour exister, pour résister, et pour continuer à croire au pouvoir du récit.

Neïla Driss

 
 

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