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La décadence de l’université tunisienne  

Très attendu, le classement international Shanghai ranking des top 1000 universités au monde a été dévoilé le 15 août 2025. Ne cherchez pas la Tunisie, elle est disqualifiée, recalée, pas citée, même pas dans les remerciements… La Tunisie n’y est pas, absolument aucune université tunisienne ne figure dans le tableau d’excellence. Zéro ! Une disqualification qui ne dérange pas l’establishment et personne n’en parle. C’est gravissime, c’est pathétique et voilà pourquoi !

Moktar Lamari *

L’agence Tap, les médias de Tunis et autres agences liées aux affaires universitaires en Tunisie ont fait un black-out total, ils s’intéressent plutôt aux classements de la Fifa, pour les équipes de football ou encore du nombre de billets vendus pour les spectacles de Nabiha Karaouli ou Cheb Mami.  

Face à la débâcle des performances universitaires tunisiennes, le gouvernement ne pipe pas mot, ne communique pas et il ne s’inquiète pas, alors que les parents et les nouveaux bacheliers veulent choisir leur établissement universitaire et orientation disciplinaire. La rentrée est dans quatre semaines.

Pendant des heures et des heures, nos médias commentent tous les jours les classements des équipes de football, le recul ou l’avancement de Ons Jabeur avec les classements internationaux, avec intérêt et fort audimat, mais quand il est question de classements des universités et universitaires tunisiens, silence radio.

Indicateur d’un décrochage systémique

Ici se confirment le sous-développement et la pauvreté intellectuelle d’une large frange des élites et institutions universitaires. Et pour cause : zéro université tunisienne dans ce palmarès de l’excellence de la recherche et de l’innovation.

Dans d’autres pays, on aurait demandé la démission du ministre en charge de la gouvernance des universités et de la recherche scientifique. Mais pas en Tunisie, c’est plutôt «normal», une normalité toute relative et distinctive de cette déchéance de la recherche, 15 ans après la Révolte du Jasmin.

Bourguiba a mis en place un système universitaire d’élite et d’avant-garde, rien à voir avec ceux de l’Algérie, du Maroc ou du reste des pays africains. Il a tenu à ce que des universitaires internationaux viennent enrichir et fertiliser la recherche scientifique en Tunisie. Il a mis les moyens, motivé et ciblé le mérite et l’excellence dans le recrutement et l’avancement.

Mais, aujourd’hui, c’est comme si un tremblement de terre a secoué le système universitaire tunisien et les valeurs liées. On ironise au sujet des universités tunisiennes depuis qu’un doctorant en physique à l’Université de Sfax a «démontré» que la terre est plate et pas ronde, sous plusieurs directions de professeurs islamistes en 2014.

On ne s’inquiète pas de la médiocrité et on ne met pas en question la valeur des formations et les compétences des élites, dont les diplômes sont estampés par les universités tunisiennes (s’ils ne sont pas bidouillés), toutes disciplines confondues, et générations comprises.

Pas mieux, les «grandes écoles françaises»

Pour se démarquer, quelques centaines de Tunisiens diplômés des grandes écoles de France, regardent d’en haut et avec un brin de supériorité leurs homologues diplômés en Tunisie. Ces diplômés dans les dit-on grandes écoles françaises ne sont pas mieux lotis dans ce dernier classement de Shanghai 2025.

Seulement 3 grandes écoles françaises sur une trentaine au total figurent dans le top des 1000 meilleures universités au monde, c’est dire que ces grandes écoles ne valent pas grand-chose comparées à leurs homologues américaines, canadiennes, allemandes, anglaises ou chinoises. Malgré leurs moyens et propagandes liés, ces écoles et ces membres de l’Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge) françaises ne s’en sortent pas glorieux, et l’arbre se reconnaît à ses fruits.

Les trois grandes écoles françaises qui figurent dans ce palmarès sont l’Institut Polytechnique (entre les 200e et 300e), l’École normale supérieure de Lyon ou l’INSAE de Toulouse (600e-700e), aucune autre «grande école française» ne figure dans le palmarès.

La France avec 65 millions d’habitants arrive à mettre seulement 27 de ses institutions universitaires dans ce palmarès, et souvent dans la queue du peloton. Le Canada, avec 38 millions d’habitants fait mieux, avec 28 universités largement mieux placées que leurs homologues françaises. L’Italie arrive avec 47 universités dans le top 1000, l’Angleterre avec 67, la Chine et les États-Unis avec des centaines.

On sait que bon an mal an, deux à trois milliers de jeunes tunisiens font saigner les économies de leur famille pour aller faire des études universitaires en France. Mais, le retour sur investissement n’est pas à la hauteur des attentes. La France dégringole dans les domaines scientifiques de pointe pour des choix politiques peu judicieux et elle décroche, son système universitaire s’essouffle grandement.

Déclarer l’«état d’urgence universitaire»

Il faut faire quelque chose. Notre avenir et principalement celui de nos enfants est en jeu, compromis par ce laisser-aller.

Arrêtons de nous leurrer, et retroussons les manches pour travailler et exiger des performances de nos universitaires. Il faut des dossiers de publications étoffés, compétitifs pour mériter le statut d’universitaire, sans quoi un doctorat ne vaut rien, absolument rien.

Un doctorat sans publication est périmé en quatre à cinq ans, un docteur ne vaut plus rien si sa thèse n’est pas transformée en articles scientifiques publiés dans des revues cotées et jugées par un comité de pairs (à l’aveugle).

Vous l’avez compris, aucune université tunisienne ne figure dans les 1000 meilleures universités du monde. On aurait attendu au moins 2 ou 3 universités dans ce classement, pour respecter notre poids relatif dans la population ou l’économie mondiales. Il n’en fut rien.

Et dire qu’on veut libérer la Palestine

Ce fiasco n’a rien à voir avec Israël, ou l’impérialisme mondial, ou toute autre théorie complotiste, les universitaires tunisiens ne publient pas assez et ne font quasiment pas de recherche scientifique de qualité.

De par le monde, un professeur universitaire doit publier au moins 3 à 4 articles par an dans des revues scientifiques sérieuses et jugées par les pairs, en plus des enseignements et encadrements. Pas en Tunisie : c’est simplement décevant et inquiétant. Les payeurs de taxes doivent avoir pour leur argent.

On fait semblant d’être chercheur, ou universitaire, et on se plait dans cette ambiance marquée par la médiocrité plutôt que par le mérite et l’excellence.

Ce résultat est sans appel, grave et honteux. On doit faire quelque chose pour changer cette courbe tendancielle dans la médiocrité et la déchéance. Le gouvernement doit décréter l’état d’urgence en matière de formation et recherche universitaires.

On ne peut pas se hisser dans le rang des nations technologiques et prospères sans d’excellentes universités et de sérieux universitaires, prolifiques et innovants.

Israël, un petit pays de 5 millions d’habitants, a une dizaine d’universités dans ce classement prestigieux. Tous les pays du Maghreb, soit plus de 100 millions d’âmes, en ont une seule, celle de Hassen II à Casablanca.

Le retard ne se rattrape pas, et ceux qui excellent vont avancer encore plus vite que les suiveurs, les râleurs et branleurs. Ces derniers finissent par décrocher à terme.

À ce rythme, Israël va pouvoir étendre son pouvoir et peut-être son occupation des territoires d’une large partie de ces pays arriérés sur le plan de la recherche scientifique et technologique dans le monde arabe.

La métaphore du Rabbin Nessim

La supériorité de l’État israélien et des juifs de manière générale en science et technologie est culturelle et civilisationnelle. Le maire d’une ville tunisienne, dénommé Amar (1921-1984) me racontait que lorsqu’il avait 7 ans dans son village natal rural, il y avait une dizaine de familles de confession juive. Ces familles se plaignaient au Rabbin Nessim pour dire que leurs enfants se font battre et se font voler par les enfants des familles arabes.

Nasim répondait sagement «1- je vais parler à vos enfants pour les réconforter et les motiver et les soigner par mes prières, mais le plus important, 2- envoyez vos enfants dans les meilleures écoles et meilleures universités, et vous verrez on prendra la revanche, les Arabes ne sont pas de gros bosseurs…».

Et ceci explique cela, plusieurs de ces enfants juifs nés en Tunisie sont devenus des chercheurs de calibre mondial, des pilotes d’avions F35, des récipiendaires de prix Nobel, des investisseurs et propriétaires de multinationales. Pas les Tunisiens de souche «arabo-berbère», pour eux c’est encore le système d’«inchallah», l’école et l’université c’est nécessaire, mais pas, avec des perceptions de perte du temps, quand ils évoquent la pandémie du chômage des diplômés.

Demain commence aujourd’hui

Pour résumer, le système universitaire tunisien a besoin d’une révolution propre à lui, pour bannir le mandarinat, la médiocrité et surtout le système D, connu en Tunisie par le système du piston…

Pour figurer dans les rankings, il faut mettre les moyens et du cœur. De l’argent et beaucoup de travail et d’organisation dans le montage de projets de recherche novateurs, impliquant des partenaires internationaux et mettant au cœur de leur programmation les étudiants doctorants et maitrisards.

Des projets de recherche différents de ceux cofinancés par la coopération française ou allemande, des vrais projets de recherche à la frontière des nouvelles technologies. La diaspora tunisienne opérant dans les universités canadiennes peut apporter son expertise, et beaucoup de moyens financiers, scientifiques et logistiques (réseautage) pour publier plus, innover, breveter, et diffuser.

Le président Kaïs Saïed, qui affiche un engagement sérieux pour remettre le système éducatif et scientifique à niveau, a du pain sur la planche. Il ne peut pas tout faire, c’est plus fort que lui. Il faut beaucoup plus que des discours et des promesses.

C’est aux universitaires, aux collègues et professeurs opérant dans ces tours d’ivoire fermées de prendre conscience de leur fragilité, incompétence et incohérence. La Tunisie mérite mieux de ses universités et de ses élites universitaires. Nos enfants et les futures générations ne doivent pas être pénalisés par la décrépitude des infrastructures, physiques et humaines, du système universitaire actuel.

* Economiste universitaire.

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Les pays arabes condamnent les déclarations de Netanyahu sur le « Grand Israël », et après ?

Palestine Pays Arabes
Palestine Pays Arabes – image ChatGPT

RAMALLAH, 15 août 2025 — Réunis sous l’égide de la Ligue des États arabes et de l’Organisation de la coopération islamique, les ministres des Affaires étrangères de 31 pays arabes et islamiques ont publié une déclaration conjointe condamnant les propos du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sur la réalisation de la vision du « Grand Israël ».

Ils estiment que ces déclarations représentent une menace directe pour la sécurité nationale arabe, la souveraineté des États et la stabilité régionale et internationale. Les ministres dénoncent également l’approbation par le ministre israélien Bezalel Smotrich d’un plan de colonisation dans la zone E1, ainsi que ses propos rejetant toute perspective de création d’un État palestinien.

La déclaration rappelle que ces initiatives violent le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité, notamment la résolution 2334, qui condamne les activités de colonisation israéliennes visant à modifier le statut démographique et juridique des territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem-Est.

Les ministres réaffirment que la bande de Gaza est une partie intégrante du territoire palestinien occupé et rejettent toute tentative de déplacement du peuple palestinien. Ils exigent la levée immédiate du blocus, l’ouverture des points de passage et un accès inconditionnel à l’aide humanitaire.

Ils appellent aussi à mettre fin aux violations israéliennes, qu’ils qualifient de crimes de guerre, et demandent à la communauté internationale, en particulier aux membres permanents du Conseil de sécurité et aux États-Unis, d’assumer leurs responsabilités juridiques et morales.

Enfin, ils réitèrent leur soutien à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), seul représentant légitime du peuple palestinien, et appellent à la mise en place d’un État palestinien indépendant sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.

Indicateurs clés

  • 31 pays — signataires de la déclaration conjointe.
  • Résolution 2334 — du Conseil de sécurité de l’ONU, violée par la colonisation israélienne.
  • 1967 — frontières reconnues pour un futur État palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale.
  • 1 avis consultatif — de la Cour internationale de Justice réaffirmant l’illégalité de l’occupation.

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Expansionnisme israélien : Riyad, Doha, Amman et Le Caire montent au créneau

PalestinePlusieurs pays arabes et la Ligue arabe ont fermement condamné les récentes déclarations du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, qui a évoqué sa “vision d’Israël grande”, incluant l’annexion de territoires arabes.

L’Arabie saoudite, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, a dénoncé “les idées expansionnistes et coloniales” d’Israël, réaffirmant le droit du peuple palestinien à un État indépendant et mettant en garde contre les violations qui menacent la stabilité régionale et mondiale.

Le Qatar a parlé d’“arrogance” et d’“attisement des crises”, jugeant ces propos contraires au droit international et au principe de souveraineté des États. Doha a appelé à une solidarité internationale face à des provocations susceptibles d’aggraver la violence dans la région.

La Jordanie a qualifié les déclarations de “provocation dangereuse”, avertissant qu’elles ne diminueraient en rien les droits inaliénables du peuple palestinien. Amman a pointé un gouvernement israélien isolé sur la scène internationale en raison de son offensive à Gaza et en Cisjordanie.

L’Égypte, de son côté, a demandé des éclaircissements, estimant que ces positions compromettent la paix et s’opposent aux aspirations régionales et internationales. Le Caire a réaffirmé que la seule voie vers la stabilité passe par la fin de la guerre à Gaza et la création d’un État palestinien sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.

La Ligue arabe a dénoncé “une atteinte grave à la souveraineté arabe” et “une menace pour la sécurité collective”, appelant le Conseil de sécurité de l’ONU à réagir.

Ces réactions surviennent alors que Netanyahou, poursuivi par la CPI pour crimes de guerre, justifie son projet comme une “mission historique”, dans un contexte de guerre meurtrière et de discours d’extrême droite en Israël appelant à un expansionnisme de “la vallée du Nil à l’Euphrate”.

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Rencontre entre Kaïs Saïed et l’Union des avocats arabes

Le président de la République, Kaïs Saïed, a reçu mardi au palais de Carthage les dirigeants de l’Union des avocats arabes (UAA). Et ce, pour discuter du rôle historique et actuel de la profession d’avocat dans la défense des droits et des libertés.

Au cours de cette séance, il s’est entretenu avec le secrétaire général de l’UAA, le bâtonnier Mekkaoui Benaïssa, et le président de l’organisation, Abdel Halim Allam. Et ce, en présence du bâtonnier de l’Ordre national des avocats de Tunisie, maître Hatem Meziou.

A cette occasion, le président Saïed a retracé l’évolution historique de la profession d’avocat. Tout en rappelant que la notion de mandat de représentation en justice (mandat ad litem) existait bien avant la formalisation de la profession par des lois modernes. Elle visait en effet à assurer la justice et la protection des droits fondamentaux.

En outre, le chef de l’État a souligné la double mission des avocats : leur contribution à l’établissement de la justice dans la société, ainsi que leur rôle dans les luttes pour l’indépendance dans plusieurs pays arabes.

Enfin, il a salué l’engagement des avocats qui se portent volontaires pour défendre les droits légitimes du peuple palestinien devant toutes les instances internationales.

Avec TAP

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Gaza : l’Union des avocats arabes appelle à des sit-in réguliers

Le secrétaire général de l’Union des avocats arabes (UAA), Me Mekkaoui Benaissa, a appelé, vendredi 8 aout, tous les avocats arabes à organiser des sit-in hebdomadaires ou bimensuels et des marches pour dénoncer l’agression israélienne contre le peuple palestinien. Lors d’un colloque, il a proposé des procès symboliques contre Israël dans toutes les régions arabes pour passer à l’action.

Le bâtonnier tunisien Hatem Mziou a réaffirmé le soutien de la Tunisie à la cause palestinienne et annoncé de nouvelles initiatives judiciaires internationales contre les auteurs présumés de crimes de guerre. Il a aussi soutenu les caravanes et flottilles vers Gaza, appelant à renforcer la pression pour mettre fin à la guerre et acheminer l’aide humanitaire.

Le secrétaire général adjoint Hussein Shaban a insisté sur le rôle du barreau dans la défense de la Palestine et appelé à mobiliser la société civile arabe pour porter cette cause à l’international et criminaliser l’occupation.

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Le pouvoir du narratif, ou comment l’imaginaire façonne le réel

Pendant des décennies, nous avons grandi en regardant des westerns où les Indiens étaient présentés comme des sauvages sanguinaires, attaquant sans raison de paisibles colons blancs. Ils scalpaient, violaient, tuaient, et nous les détestions. Pourquoi donc ? Parce que les films et les séries américains le disaient, et nous n’avions aucun autre récit pour contredire cette vision.

Pendant des années, les « méchants » étaient les Russes. L’ennemi ultime. Ils étaient froids, brutaux, inhumains, toujours en train de comploter contre le monde libre. Là encore, pourquoi les haïssions-nous ? Parce que Hollywood, avec une efficacité redoutable, imposait cette image dans l’inconscient collectif.

Puis est venue l’ère où le « méchant arabe » est devenu la figure incontournable du mal dans les blockbusters. Un mal caricatural, sale, fanatique, barbu, hurleur, porteur de bombes et destructeur de tout ce qui ressemble à une civilisation. Cela aussi, nous l’avons vu à l’écran, encore et encore, jusqu’à ce que cela devienne, pour beaucoup, une vérité.

Dans tous ces récits, les Américains, eux, sont toujours du bon côté. Même quand le danger vient d’au-delà des étoiles, ce sont encore eux qui sauvent le monde. Les extra-terrestres attaquent la Terre ? Ce sont les pilotes américains qui volent à la rescousse, la Maison Blanche qui dirige la riposte, le président américain qui prononce le discours qui galvanise l’humanité. Même dans l’imaginaire intergalactique, c’est toujours l’Amérique qui incarne l’ordre, la justice et le salut. Et il faut reconnaître qu’elle a su, avec constance et talent, construire cette image rassurante d’elle-même, en investissant massivement dans son industrie culturelle.

Le cinéma américain, en particulier, a permis au monde entier de connaître l’Amérique et son histoire, dans ses moindres détails : depuis l’arrivée des premiers pionniers, en passant par la guerre de Sécession, la catastrophe de Pearl Harbor, la Seconde Guerre mondiale, la guerre du Vietnam, la prohibition… Par la puissance de son narratif, l’Amérique a imposé ses exploits, ses inventions, et même ses drames, auxquels nous avons spontanément compati, comme le meurtre de Kennedy ou les attentats du 11 septembre. L’Amérique a su se rendre proche, familière, mémorable. Elle a su faire en sorte qu’elle devienne une référence, une figure connue de tous, presque intime. Elle a su, par la force de son récit, entrer dans notre imaginaire collectif, dans nos émotions, dans notre idéal, parfois même dans notre aspiration à lui ressembler.

Ce n’est pas un hasard. C’est une construction. Une stratégie. Un choix culturel mûrement entretenu. Car le narratif, ce n’est pas seulement raconter une histoire. C’est imposer une vision du monde. C’est diffuser un imaginaire qui, à force d’être répété, devient une référence, puis une vérité.

Et pourtant, nous, arabes, avons aussi notre propre Histoire. Nous avons notre version et notre lecture du monde. Nous avons notre identité. Nos propres exploits. Nos grandes figures, nos luttes, nos rêves, nos blessures, nos belles périodes… Mais tout cela reste méconnu, marginal, périphérique. Parce que nous ne l’avons pas raconté, ou pas assez. Parce que nous avons laissé d’autres peuples raconter pour nous – parfois contre nous.

Ce constat ne relève ni du ressentiment ni de la plainte. Il n’y a là aucun reproche envers ceux qui ont su construire leur propre récit et l’imposer au monde. Il y a seulement la lucidité de reconnaître qu’à force de silence, d’oubli ou de passivité, nous avons laissé les autres peupler notre imaginaire à notre place. Et qu’il est temps d’inverser le mouvement.

Les peuples qui ne maîtrisent pas leur propre narratif, qui ne racontent pas eux-mêmes leur Histoire et leurs histoires, qui ne diffusent pas leur vision du monde, se retrouvent piégés dans les récits des autres. Et c’est ce qui est arrivé – et arrive encore – aux Arabes. Non seulement nous ne contrôlons pas l’image que les autres se font de nous, mais nous ne la produisons même pas.

Car un narratif puissant ne se construit pas en une génération. Il repose sur une continuité, une production massive et régulière, une capacité à se raconter, à s’imposer dans l’imaginaire collectif mondial. Les Américains l’ont compris très tôt, les Russes l’ont tenté avec plus ou moins de succès, les Indiens y parviennent de plus en plus grâce à l’essor de Bollywood. Mais le monde arabe, malgré sa richesse culturelle, peine encore à se réapproprier son propre récit.

Or, le cinéma, la télévision, la littérature, le jeu vidéo, le théâtre même : tous ces outils sont des champs de bataille contemporains. Ce sont eux qui forgent l’imaginaire mondial. Ce sont eux qui déterminent qui est « le bon », qui est « le méchant », qui est « moderne », « arriéré », « civilisé », « dangereux », « fascinant », « exotique »…

Il est temps, donc, non pas de pleurer sur le narratif des autres, mais de construire le nôtre. De produire, de diffuser, de raconter. D’oser des récits forts, multiples, complexes. De ne plus toujours attendre que l’Occident nous filme, nous décrive, nous caricature.

Parce qu’un peuple sans récit, ou dont le récit est toujours dicté par les autres, est un peuple qui disparaît de l’imaginaire mondial. Et à terme, de l’Histoire.

Neïla Driss

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