Sommet Trump-Poutine : Kiev et les Européens sur la touche
La mise à l’écart de l’Europe du Sommet de l’Alaska entre le président américain Donald Trump et son homologue russe Vladimir Poutine signifie que les Européens sont désormais considérés comme quantité négligeable… sur leur propre continent !
À l’issue du plus sanglant conflit en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, le monde s’oriente fatalement vers une nouvelle Yalta où sera redessinée la nouvelle carte de l’Europe mais en l’absence des Européens, délibérément mis à l’écart par le président américain Donald Trump et son homologue russe Vladimir Poutine. Lesquels se retrouveront vendredi 15 août à Anchorage, en Alaska, pour un tête-à-tête déjà historique. Et ce, pour mettre fin à la guerre en Ukraine en échange de concessions territoriales imposées à Kiev, mais en l’absence de Volodymyr Zelensky.
En effet, depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, l’Europe a été systématiquement écartée des pourparlers entre les États-Unis et la Russie sur l’avenir de l’Ukraine. Le président américain a été invité à participer, mercredi 13 août, à une visioconférence avec les dirigeants européens et le président ukrainien en amont du Sommet de l’Alaska. L’Europe et l’Ukraine espèrent être consultées sur le plan américain avant la rencontre entre Trump et Poutine, mais ils n’auront probablement pas leur mot à dire.
Pourtant, faut-il le rappeler, le Vieux Continent aura alloué depuis le début de la guerre en 2022 pas moins de 135,1 milliards d’euros de soutien à l’Ukraine via des contrats d’approvisionnement en matière de défense ; soit 20 milliards de plus que les États-Unis.
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La transaction du siècle
Clin d’œil malicieux de l’Histoire. Lors de ce sommet en Alaska, un éventuel « échange de territoires » avec la Russie sera au menu. Mais qui se rappelle que l’Alaska – un vaste territoire d’une superficie d’environ 1,7 million de km² appartenant à la Russie – a été vendu en 1867 par l’Empire russe aux États-Unis lors d’une transaction, conclue pour la modique somme de 7,2 millions de dollars ?
En effet, la Russie impériale possédait l’Alaska depuis la fin du XVIIIᵉ siècle. Cependant, la colonie, difficile à défendre et à administrer, rapportait peu. Craignant une perte pure et simple en cas de conflit avec le Royaume-Uni, dont les possessions canadiennes étaient voisines, le tsar Alexandre II envisagea la vente. Le secrétaire d’État américain William H. Seward, convaincu de l’intérêt géopolitique de l’opération, mena les négociations. Le traité fut signé le 30 mars 1867 et ratifié par le Sénat américain.
Pourtant, l’opinion publique américaine se moqua de cette acquisition, surnommée « la folie de Seward » ou « le congélateur de Seward ». Les décennies suivantes allaient prouver la pertinence de cette décision. L’Alaska s’avéra riche en ressources naturelles : or, pétrole, gaz, poissons, bois, et plus tard, un emplacement stratégique pendant la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide. Bref, ce pari risqué en 1867 se révéla par la suite comme l’une des meilleures affaires territoriales de l’histoire des États-Unis.
Polémique
Mais revenons aux éventuelles concessions territoriales, à l’heure où l’armée russe gagne du terrain en Ukraine. Moscou réclame quatre régions partiellement occupées (Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson), en plus de la Crimée annexée en 2014. Il est même probable que la Russie accepterait que l’Ukraine rejoigne l’Union européenne, si elle renonçait, condition sine qua non, à intégrer l’Otan.
Pour sa part, le président américain a relancé une idée polémique : envisager un échange de territoires entre l’Ukraine et la Russie dans le cadre d’un accord de paix.
Une proposition totalement inacceptable pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui souligne que la Constitution ukrainienne interdit tout changement de frontières sans référendum national ; ainsi que pour de nombreux responsables européens qui considèrent qu’un accord excluant l’Ukraine « viole le droit international » et « légitime de facto une occupation par la force ».
« Toute tentative de décider du sort de l’Ukraine en son absence est illégitime », écrivait le président ukrainien sur X, soulignant que « récompenser l’agresseur pour obtenir la paix était inacceptable.
Poutine, le maître des horloges
Au final, et quelle que soit l’issue du Sommet de l’Alaska, les observateurs sont unanimes à considérer que la rencontre entre Poutine et Trump est en soi une victoire éclatante de la diplomatie russe sur les États-Unis.
Selon un expert en géopolitique et en relations internationales, « le président américain a accepté de rencontrer Poutine sans aucune condition préalable dans l’espoir qu’un entretien bref puisse résoudre un conflit complexe. En revanche, Moscou n’a fait aucune concession et continue de défendre les revendications formulées dès 2024 ». Bref, en dépit des déclarations fermes, « Washington n’a pas de stratégie cohérente ni de plan d’action sur le dossier ukrainien, tandis que la Russie reste ferme sur ses positions ».
En d’autres termes, il s’agit d’un face-à face entre un dirigeant imprévisible, fantasque et brouillon et un redoutable joueur d’échecs à l’esprit calculateur et au tempérament reptilien. Qui avalera l’autre à la fin de la partie ? La réponse coule de source.
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