Mort du romancier Sonallah Ibrahim ou Kafka l’Égyptien
L’écrivain égyptien Sonallah Ibrahim, figure littéraire de la «génération des années 1960» et l’un des auteurs les plus engagés du monde arabe, est mort le 13 août 2025 au Caire, à l’âge de 88 ans, «des suites d’une longue maladie». Romancier, nouvelliste et traducteur, il s’était imposé comme une conscience critique implacable des régimes successifs en Égypte, ses œuvres mêlant fiction, documentaire et observation politique.
Né en 1937 au Caire, alors royaume d’Égypte, Sonallah Ibrahim étudie le droit à l’université du Caire et rejoint rapidement le Mouvement démocratique pour la libération nationale (DMNL), de sensibilité marxiste. Le régime de Gamal Abdel Nasser, qui engage dès la fin des années 1950 une répression contre les communistes, arrête Sonallah Ibrahim en 1959,et le condamne à sept ans de prison par un tribunal militaire. Il le libérera en 1964, à l’occasion de la visite de Nikita Khrouchtchev pour l’inauguration du barrage d’Assouan. Des années d’incarcération qui marqueront profondément son œuvre, et notamment son premier livre, ‘‘Cette odeur’’, un des textes fondateurs de la modernité littérature égyptienne.
Romancier de conviction, Sonallah Ibrahim intègre dans ses récits de nombreux extraits de journaux, de magazines et de sources politiques, dans un style narratif froid, proche du reportage, afin de mettre en lumière des enjeux politiques ou sociaux précis.
Ses romans explorent la résistance aux grandes puissances politiques et économiques, dénonçant notamment l’emprise des multinationales sur le tiers-monde. ‘‘Charaf’’ fustige ainsi les politiques des grands laboratoires pharmaceutiques dans les pays du Sud, tandis que ‘‘Beyrouth Beyrouth’’ dresse un tableau de la guerre civile libanaise et que ‘‘Warda’’ éclaire un épisode méconnu de l’histoire des mouvements communistes au Yémen et à Oman dans les années 1960-1970. Avec ‘‘Amrikanli. Un automne à San Francisco’’, il détourne un terme arabe signifiant «à l’américaine» pour en faire une parodie historique, faisant écho au mot «Othmanly» associé à la domination ottomane.
Son œuvre est également marquée par une dimension kafkaïenne, comme dans ‘‘Le Comité’’, où un protagoniste se heurte aux procédures d’une organisation obscure, prétexte à de longues réflexions politiques.
‘‘Le petit voyeur’’ évoque l’enfance avec un père dans un petit appartement du Caire, tandis que ‘‘Le Gel’’, publié en 2015, rend compte du désœuvrement d’un étudiant étranger dans la Russie soviétique.
L’œuvre de Sonallah Ibrahim est traduite dans de nombreuses langues, dont le français.
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