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Ces Tunisiennes sans voix – Un quotidien loin de tout repos

Elles sont ouvrières agricoles ou femmes de ménage. Elles gagnent peu, mais continuent à entretenir leur famille. Au four et au moulin, pour ainsi dire. Le travail, mais aussi les tâches ménagères et l’éducation des enfants font partie intégrante de leur quotidien. Autant dire que lorsque vient le soir, elles rompent un lourd agenda bien minuté et dorment d’un sommeil profond. Sauf, si les soucis du jour continuent à les habituer une partie de la nuit. Une pensée pour elles en cette fête de la femme. Comme un hommage appuyé.

Appelons-là Fatma. Elle a cinquante ans et de longues années de souffrances et de déceptions. Vivant dans une région centrale de la Tunisie, elle est ouvrière agricole. Elle est mariée et mère de trois enfants. Elle se réveille tôt et part travailler dans les champs des alentours, gagnant, bon an mal an, pas plus de 25 dinars ou 30 par jour.

Son mari a un handicap. Il est au chômage et travaille quelques jours par mois. Seul un de ses enfants, Mounir, mécanicien sur des engins agricoles, possède un emploi dans une ferme située à côté de leur foyer, avec un salaire qui ne dépasse pas 650 dinars par mois. Fatma et Mounir font vivre, avec ce qu’ils gagnent toute la famille ; soit cinq personnes.

Et à l’heure où l’on commémore le 69ème anniversaire de la promulgation du Code du Statut Personnel (CSP), il est bon de se rappeler l’existence de ces sans voix. Qui font partie de ces femmes lève-tôt qui souffrent le martyr. Parce que non seulement démunies, mais parce qu’elles continuent à marcher bravant les vicissitudes de la vie. Une femme qu’on a mariée souvent jeune et sans qu’elle ait vraiment eu d’autres choix que d’épouser, qui un cousin, qui un voisin.

 

Son mari a un handicap. Il est au chômage et travaille quelques jours par mois. Seul un de ses enfants, Mounir, mécanicien sur des engins agricoles, possède un emploi dans une ferme située à côté de leur foyer et son salaire ne dépasse pas 650 dinars par mois. Fatma et Mounir font vivre, avec ce qu’ils gagnent toute la famille.

 

Evidemment, il ne faut pas tomber dans le catastrophisme. En oubliant que le vécu des femmes, y compris celles qui vivent dans nos campagnes, n’est plus ce qu’il était un certain 13 août 1956 lorsque le Zaïm Habib Bourguiba, alors Premier ministre du dernier des beys, Mohamed Lamine Bey, décide de siffler la fin de la récréation d’une vie faite d’asservissement de la femme.

« 55 morts et 796 blessées »

Evidemment aussi grâce à des initiatives courageuses des dernières années, l’Etat tunisien s’est porté au secours des ouvrières agricoles. Avec la promesse d’un Fonds de sécurité sociale pour les ouvrières agricoles ; « Une protection sociale qui repose sur un système intégré qui vise à promouvoir la culture de l’entrepreneuriat à travers des incitations financières et des mécanismes garantissant la protection sociale contre la maladie, les accidents de travail et des pensions de retraite ».

 

 

Ou encore, la promulgation d’une loi (la Loi n° 2019-51 du 11 juin 2019, portant création d’une catégorie de « transport de travailleurs agricoles »). Un service défini dans un de ses articles comme « un service de transport public non régulier de personnes réservé aux travailleurs agricoles titulaires, saisonniers ou provisoires ». Les ouvrières agricoles sont sujettes à des accidents en raison de mauvaises conditions de transport. Des chiffres font état qu’entre 2015 et 2023, 55 femmes ont trouvé la mort et 796 ont été blessées ».

Mais, comme tout le monde le sait, nombre de vécus difficiles persistent. « Les ouvrières agricoles rencontrent des conditions de travail souvent précaires, marquées par l’exploitation et la marginalisation. Elles sont majoritairement des femmes, travaillant sans contrat, sans protection sociale, et souvent exposées à des produits chimiques dangereux sans équipement de protection », peut-on lire dans certains descriptifs les concernant.

Soumises aux mêmes obligations familiales

Beaucoup de femmes continuent, cela dit, à être au four et au moulin dans une Tunisie rurale marquée par la persistance d’une certaine mentalité. C’est que les tâches ménagères et l’éducation des enfants continuent pour l’essentiel le lot quotidien des ouvrières agricoles. Dont les estimations font apparaître leur importance dans la population : elles seraient au nombre de « 500 000 » et « représenteraient plus de 80 % de la main-d’œuvre dans le secteur agricole ». Autant dire que lorsque vient le soir, elles rompent un lourd agenda bien minuté et dorment d’un sommeil profond. Sauf, si les soucis du jour continuent à les habituer une partie de la nuit.

 

Il ne faut pas tomber dans le catastrophisme. En oubliant que le vécu des femmes y compris celles qui vivent dans nos campagnes n’est plus ce qu’il était un certain 13 août 1956 lorsque le Zaïm Habib Bourguiba alors Premier ministre du dernier des beys, Mohamed Lamine Bey, décide de siffler la fin de la récréation d’une vie faite d’asservissement de la femme.

Loin de nos campagnes, d’autres sans voix existent. Chacun peut les voir au quotidien dans nos administrations, entreprises et même dans certains foyers. Elles assurent, le plus souvent, des travaux de ménage. Et sont souvent, côté précarité, dans la même situation que les ouvrières agricoles. Et évidemment elles sont soumises quasiment aux mêmes obligations familiales.

Leur quotidien est réglé d’avance. Il est fait souvent d’une course matinale derrière des transports défaillants et quelque peu irréguliers. Il leur faudra prendre une voiture de louage et deux bus pour arriver à leur lieu de travail. Un transport sans le moindre confort : quelquefois une banquette leur sert de siège. Et au bout, une journée de travail au cours de laquelle elle se nourrit d’une bouteille de petit-lait et d’un peu de pain. Beaucoup transportent le matin dans une sacoche un menu repas fait d’un plat de couscous ou de pâte de la veille qu’elle réchauffe dans un four micro-onde sur son lieu de travail.

Heureusement pour beaucoup – ou certaines – d’entre elles, la loi sur la précarité de l’emploi – la loi n°16 de l’année 2025 relative à « l’organisation des contrats de travail et à l’interdiction de la sous-traitance », décidée en mai dernier par le premier magistrat du pays – est passée par là. Leur assurant une dignité et une meilleure sécurité quant à leur avenir et celui de leur famille. Soit la fin d’un calvaire.

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Sarah Daly : « Le corps féminin arabe reste prisonnier d’un imaginaire forgé par la colonisation »

Entre mémoire coloniale et réalités contemporaines, l’écrivaine tunisienne Sarah Daly, installée à Paris, interroge les représentations persistantes du corps féminin arabe. Titulaire de plusieurs certifications en problématiques de sexualité et genre, elle appuie son travail sur une expertise rigoureuse des enjeux liés aux identités et aux rapports de pouvoir. Auteure de deux romans, elle explore, à travers une écriture à la fois poétique et engagée, les tensions entre héritages historiques et mutations sociales. Collaborant régulièrement avec plusieurs médias, elle prolonge sa réflexion au-delà de la fiction, décryptant avec acuité les dynamiques de genre, de sexualité et de postcolonialisme. De l’orientalisme érotisé à la réappropriation de l’espace public, son œuvre et ses analyses révèlent les fractures intimes et politiques qui façonnent encore la condition des femmes, en Tunisie comme ailleurs.

En 2025, le corps des femmes arabes demeure-t-il un objet de fantasme orientaliste, hérité de l’imaginaire colonial ? Pouvons-nous retracer l’origine historique de ces représentations persistantes ?

Oui, et mes travaux sur le terme « beurette » dans la pornographie montrent à quel point cette image reste active. Ce fantasme puise ses racines dans l’orientalisme décrit par Edward Said (Orientalism, 1978), qui se déploie, par exemple, dans les toiles de Delacroix représentant Femmes d’Alger dans leur appartement ou dans les récits de Flaubert dépeignant ses conquêtes « orientales » comme des possessions exotiques. Autant de scènes qui ont figé, dans l’imaginaire occidental, la femme arabe comme une figure à la fois soumise et sensuelle. L’industrie pornographique contemporaine recycle cette iconographie en l’associant à des mots-clés racialisés et en construisant des scénarios où l’« Arabe » incarne à la fois le mystère et la proie.

 

Il ne faut pas oublier que si ces images se propagent si facilement en Occident, c’est aussi parce qu’elles trouvent, d’une certaine manière, des échos dans notre propre héritage culturel. Les textes juridiques de l’Islam et la littérature arabe ont souvent décrit le corps féminin comme un objet de plaisir à discipliner au nom de la chasteté. La poésie classique a enfermé les femmes dans deux archétypes : l’esclave offerte ou l’épouse soumise. L’Occident n’a eu qu’à réorganiser ce matériau pour servir son propre fantasme de domination.

 

De plus, cet orientalisme sexuel ne s’applique pas uniquement aux femmes à la peau mate. Dans un article sur lequel je travaille actuellement, consacré aux femmes nord-africaines à la peau claire ou blondes, j’explore la manière dont leur corps est également captif d’un imaginaire sexuel et politique hérité du colonialisme. Ici, la charge symbolique se déplace : les traits « européanisés » deviennent, dans certains discours, la preuve implicite d’un métissage forcé issu des violences sexuelles coloniales. Des expressions insultantes comme « fille du viol » fonctionnent comme un double stigmate : d’une part, elles sexualisent le corps en le rattachant à une histoire fantasmée; d’autre part, elles en font un signe d’illégitimité culturelle ou d’exclusion.

Ce discours réactive la violence coloniale. Il transforme le corps en archive vivante de domination, en champ de bataille symbolique où se rejouent les hiérarchies d’autrefois. En 2025, l’orientalisme sexuel n’est pas un vestige : c’est un outil de contrôle toujours actif, du teint le plus foncé au plus clair.

Pourquoi certaines femmes, de retour dans leur pays d’origine après un long séjour à l’étranger, sont-elles accueillies avec méfiance lorsqu’elles rapportent des expériences de vie et des identités non conventionnelles ? Cette liberté acquise ailleurs semble perçue comme un « excès » à contenir. Quel mécanisme psychologique et social explique ce rejet ?

Le retour d’une femme ayant vécu à l’étranger ne se limite pas à un simple déplacement géographique; il s’accompagne d’un retour d’expériences, de libertés et parfois de nouvelles identités. Dans un cadre patriarcal, ce retour perturbe l’ordre symbolique établi. Pierre Bourdieu évoquait l’« habitus », cet ensemble de dispositions façonnées par un contexte social donné. Or, vivre ailleurs, c’est se forger un habitus différent, souvent plus libre sur le plan corporel, sexuel et identitaire. En revenant, la femme devient un corps porteur d’un récit dissonant, une étrangère intérieure qui incarne une vie échappant aux schémas traditionnels. Ce décalage agit comme une menace symbolique : si elle a pu vivre autrement, d’autres pourraient s’y autoriser. Le rejet qui en découle fonctionne comme un mécanisme de défense collective, relevant de ce que la psychologie sociale nomme la régulation normative, visant à contenir la diffusion d’une liberté perçue comme un excès et à maintenir la cohésion d’un système fondé sur le contrôle des conduites féminines.

En quoi le retour définitif au pays natal, après des années passées à l’étranger, constitue-t-il moins une réjouissance qu’un choc culturel inversé pour de nombreux expatriés ?

Le « choc culturel inversé » (reverse culture shock), conceptualisé par John et Jeanne Gullahorn dans les années 1960, décrit cette expérience paradoxale où le retour « chez soi » provoque un sentiment d’étrangeté. Ce qui devait être un ancrage rassurant se transforme en exil intérieur. Les lieux semblent familiers, mais l’appartenance, elle, vacille.

Ce décalage s’explique par le fait que le pays d’origine a changé, ou parfois est resté figé, tandis que l’individu s’est transformé au contact d’autres normes, d’autres manières d’être au monde. On revient avec de nouvelles références, de nouveaux réflexes, et c’est l’environnement qui devient étranger. Comme l’explique Pierre Bourdieu avec la notion d’habitus, nos dispositions intérieures se sont adaptées à un autre contexte ; les anciennes ne s’ajustent plus tout à fait.

Pour les femmes migrantes, ce processus est souvent plus douloureux. Ce n’est pas seulement un choc de valeurs, mais une réimposition d’un cadre patriarcal qu’elles avaient appris à contourner ou à déconstruire ailleurs. Dans les récits d’Amna et Rim que j’ai recueillis dans l’un de mes articles, le retour n’est pas une réintégration, mais une réassignation : on ne leur dit pas « bienvenue », on leur intime « redeviens ce que tu étais ».

 

Les libertés acquises à l’étranger – liberté de mouvement, de parole, de choix – apparaissent ici comme des excès à corriger.

 

Ce sentiment est renforcé par une fracture psychologique : l’expatriée ne peut effacer ce qu’elle a vu, vécu, appris. L’écart entre son moi transformé et le rôle qu’on lui demande de rejouer devient une tension permanente. Et c’est là que le « choc culturel inversé » devient, pour beaucoup, une forme de perte symbolique : perte de soi, perte d’espace, perte de reconnaissance.

Comment expliquer que certaines migrantes parviennent, tardivement, à se libérer des carcans traditionnels une fois éloignées de leur pays d’origine – alors qu’elles n’y étaient jamais parvenues auparavant ?

L’éloignement agit comme une rupture dans la chaîne de contrôle social qui encadre la vie des femmes. Dans les sociétés où la respectabilité féminine se joue dans chaque geste public, l’exil suspend le tribunal invisible mais permanent qui juge, commente et sanctionne. Cette suspension ouvre un espace inédit de réinvention, où l’on peut expérimenter d’autres manières de vivre sans que chaque écart soit immédiatement ramené à une question d’honneur familial ou de conformité morale.

Colette Guillaumin a montré que l’appropriation sociale du corps des femmes passe aussi par une surveillance constante, faite de regards, de commentaires et d’injonctions implicites. Or, lorsque cette surveillance disparaît, même partiellement, la marge de manœuvre s’élargit : ce qui était impensable devient possible, ne serait-ce qu’à titre d’essai. En France, certaines femmes maghrébines découvrent ainsi, souvent pour la première fois, la possibilité de vivre seules, de nouer des relations de leur choix, de s’habiller sans se justifier. Il ne s’agit pas d’une conversion subite à un féminisme importé, mais de la mise en acte d’un féminisme latent, longtemps contenu par le poids des normes, et qui trouve enfin les conditions matérielles et symboliques pour s’exprimer.

L’espace public tunisien offre-t-il un environnement sécurisant (safe space) pour les femmes arabes, et notamment tunisiennes ? Si ce n’est pas le cas, quelles mesures concrètes permettraient de le rendre plus inclusif ?

Aujourd’hui, l’espace public tunisien reste marqué par une tension entre les droits inscrits dans la loi et les pratiques sociales. Depuis le Code du Statut Personnel de 1956, les Tunisiennes disposent d’un cadre juridique relativement avancé dans le monde arabe, mais ce progrès formel ne se traduit pas toujours dans la réalité quotidienne : agressions verbales, harcèlement, surveillance informelle des corps féminins… Autant de micro-violences qui rappellent que l’égalité légale ne garantit pas l’égalité vécue. Comme on le sait, l’occupation de l’espace public est toujours traversée par des rapports de pouvoir : marcher dans la rue, pour une femme, relève souvent d’une négociation permanente entre visibilité et protection. Ici, l’absence de safe space n’est pas seulement une question d’insécurité physique; elle est aussi symbolique. Le corps féminin y est toléré, mais à condition de se conformer aux normes implicites de « respectabilité ». Normes qui, paradoxalement, se renforcent lorsque les femmes revendiquent davantage de liberté.

Pour créer un espace public véritablement inclusif, il faut agir simultanément sur les structures et sur les mentalités : appliquer strictement les lois contre le harcèlement en formant les forces de l’ordre à accueillir et accompagner les victimes sans déni ni culpabilisation; repenser l’aménagement urbain dans une perspective sensible au genre, avec un meilleur éclairage, des transports plus sûrs et des espaces conçus pour encourager la mixité; et enfin, intégrer l’éducation à l’égalité au cœur des programmes scolaires, non comme un module périphérique, mais comme un fil conducteur irriguant toutes les disciplines et pratiques pédagogiques.

En tant que femme engagée, comment évaluez-vous les progrès et les acquis des Tunisiennes depuis l’indépendance ? Quels défis majeurs restent à surmonter ?

Depuis l’indépendance, la Tunisie s’est imposée comme pionnière dans le monde arabe en matière de droits des femmes, notamment avec le Code du Statut Personnel de 1956, qui a aboli la polygamie, instauré le mariage civil et accordé un droit au divorce. Toutefois, ces réformes relèvent d’une modernisation étatique « par le haut », pensée comme vitrine politique, sans toujours entraîner une transformation profonde « par le bas » des rapports sociaux et des mentalités.

 

Autrement dit, la loi a souvent devancé la société et les résistances culturelles ont freiné l’appropriation réelle de ces droits.

 

L’accès massif des Tunisiennes à l’éducation et au marché du travail est indéniable, mais il ne s’accompagne pas d’une égalité pleine et entière : l’écart salarial persiste, particulièrement dans le secteur privé; la ségrégation professionnelle cantonne souvent les femmes à des secteurs précaires ou mal rémunérés; et la représentation politique, bien qu’en progrès, ne garantit pas automatiquement la défense des droits. Comme l’ont montré les mobilisations post-2011, certaines élues n’hésitent pas à remettre en cause des acquis historiques au nom de valeurs conservatrices, révélant ainsi que la présence féminine dans les institutions ne suffit pas si elle ne s’accompagne pas d’un agenda féministe clair.

La violence domestique et sexuelle reste endémique malgré l’adoption de la loi 58 de 2017, qui criminalise toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Là encore, l’écart est frappant entre le texte et son application, faute de moyens, de formation des magistrats et des policiers, et d’une évolution des représentations sociales qui continuent trop souvent à blâmer les victimes.

Le défi central aujourd’hui est double : faire passer l’égalité du texte à la pratique quotidienne, et l’étendre aux femmes marginalisées rurales, migrantes et travailleuses informelles  qui restent en périphérie des grandes réformes. Car une égalité qui ne profite qu’aux femmes des centres urbains et des classes moyennes demeure une égalité incomplète, voire illusoire.

Comment analysez-vous les progrès du mouvement féministe tunisien dans sa lutte contre le système patriarcal institutionnalisé sous Bourguiba et Ben Ali, tout en tenant compte des acquis et des limites du féminisme d’État ?

Le mouvement féministe tunisien s’est développé sous l’influence d’un féminisme d’État qui, sous Bourguiba puis Ben Ali, a servi à la fois de levier et de plafond. Ce féminisme d’État visait à projeter une image de modernité tout en contrôlant étroitement les revendications féminines. Il promouvait des réformes valorisant la place des femmes sans remettre en cause les structures patriarcales, transformant les droits accordés , surtout sous Ben Ali,  en instruments de légitimation politique plutôt qu’en leviers d’émancipation véritable.

 

Le Code du Statut Personnel incarne cette ambivalence : il garantit certains droits fondamentaux tout en encadrant strictement l’autonomie des femmes. Ce féminisme institutionnalisé a permis des avancées concrètes  accès à l’éducation, réformes dans les droits familiaux, visibilité accrue dans l’espace public  tout en limitant la portée subversive des revendications. Les féministes étaient tolérées tant qu’elles ne défiaient ni l’autorité centrale ni l’ordre patriarcal dominant.

 

Après 2011, la libération de la parole a ouvert un espace inédit où des collectifs autonomes ont émergé, dénonçant les violences sexuelles et revendiquant l’égalité dans l’héritage. Cependant, cette période a aussi vu monter des voix conservatrices cherchant à remettre en cause certains acquis, comme à travers les tentatives de rétablir la polygamie ou d’abolir le droit à l’avortement. Cet affrontement idéologique souligne l’ambivalence de l’héritage du féminisme d’État : certaines victoires sont perçues comme des concessions venues d’en haut plutôt que comme le fruit de mobilisations populaires. Ce qui affaiblit leur appropriation collective et les expose à des retours en arrière.

Aujourd’hui, il s’agit de se libérer de la tutelle symbolique de l’État pour construire un agenda féministe autonome et étendre ce combat au-delà des centres urbains, en intégrant pleinement les réalités des femmes rurales et marginalisées. Un féminisme qui ne remet que partiellement en cause l’ordre établi risque de le reproduire sous une forme plus subtile.

À quelles conditions une mentalité plus ouverte envers les femmes tunisiennes  et envers celles qui défient les normes sociales  pourrait-elle émerger dans la société ?

Une ouverture durable envers les femmes tunisiennes, y compris celles qui défient les normes sociales, suppose de déconstruire les peurs collectives qui associent encore l’autonomie féminine à une menace pour la cohésion sociale. Cela passe par la multiplication, dans l’espace public, de récits et de figures prouvant que l’émancipation ne rime pas avec le désordre.

 

Cette évolution exige aussi une réforme profonde de l’éducation et des médias, afin de rompre avec les représentations stéréotypées liant la « respectabilité » féminine à la discrétion, à la docilité ou au sacrifice, et de proposer à la place des modèles diversifiés et valorisants.

 

Mais cette ouverture ne sera réelle que si elle s’appuie sur des alliances à la fois intergénérationnelles et intersectionnelles, capables d’articuler les luttes féministes avec les enjeux de classe, de sexualité et de ruralité. Il faut éviter que les avancées ne bénéficient qu’à une élite urbaine déjà dotée de capital social et culturel.

Car la liberté est contagieuse – encore faut-il que sa propagation ne se heurte pas au mur invisible des traditions coercitives et des structures d’exclusion qui entravent sa diffusion dans l’ensemble du corps social.

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Gouvernement-UGTT : Croisons les doigts

La crise – certains parlent même de bras de fer – entre le gouvernement et l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) n’est pas à négliger. La sagesse implique que cela ne ressemble qu’à un nuage qui se dissipera dans quelque temps. Et gare à ceux qui ont intérêt à attiser les braises ! 

 

What wil be the outcome ? L’expression anglaise, qui signifie « sur quoi cela va déboucher ? » est à aujourd’hui bien appropriée concernant ce qui semble être une crise entre le pouvoir et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Certains parlent de bras de fer entre les deux parties. Tant elle semble d’une certaine gravité, et ce à quelques encablures d’une rentrée politique qui pourrait secouer le train-train d’un été bien calme.

Pour l’heure, nombre d’observateurs et d’acteurs politiques observent les faits et gestes, mais aussi les déclarations, des uns et des autres, en espérant que cette crise se calmera comme un orage d’été. Et que donc les épisodes futurs – et plus ou moins attendus – ne porteront aucun tort. Il s’agit évidemment du rassemblement ouvrier prévu pour le 21 août 2025, devant le siège de la principale centrale syndicale du pays, à la rue Mohamed Ali, mais aussi de la grève générale annoncée.

Deux événements qui sont consécutifs à une manifestation, survenue le 7 août 2025, devant le siège de l’UGTT. Au cours de laquelle des slogans hostiles ont été proférés contre cette dernière. Et surtout, sans doute, ce que ce rassemblement a provoqué de réactions de part et d’autre. Suivies d’une réunion de la plus haute instance de la centrale syndicale, la Commission administrative, le 11 août 2025, au cours de laquelle son secrétaire général, Noureddine Taboubi, a imputé la responsabilité de l’attaque au pouvoir.

 

Il s’agit du rassemblement ouvrier prévu pour le 21 août 2025, devant le siège de la principale centrale syndicale du pays, à la rue Mohamed Ali, mais aussi de la grève générale annoncée.

 

Les leçons d’hier

Dans l’analyse de cette crise, beaucoup voient les choses à travers trois prismes : l’état des relations entre l’UGTT et le gouvernement, d’abord, bien froides ces derniers temps. Cela fait quelques temps que le président Kaïs Saïed n’a pas rencontré notamment Noureddine Taboubi, le secrétaire général de la centrale ouvrière. Depuis le 1er avril 2022, date à laquelle le chef de l’Etat, à ce qu’on se souvienne, a rencontré une délégation du bureau exécutif de l’UGTT.

Toujours est-il qu’il arrive que les leçons d’hier nous disent que les tensions entre les deux camps peuvent s’avérer douloureuses.

Deuxième prisme, la contestation qui a cours au sein de la principale centrale syndicale du pays. On sait que depuis novembre 2024, cinq membres du bureau exécutif ont fait scission. En relation, à ce qu’on sait, de la prolongation du mandat de l’équipe dirigeante de l’UGTT. Cette dernière ayant fait adopter la levée de la limitation à deux mandats du Bureau exécutif. Un épisode qui ne serait plus vraiment à retenir, dit-on, aujourd’hui, avec les développements récents de crise entre l’UGTT et le pouvoir.

 

Depuis novembre 2024, cinq membres du bureau exécutif ont fait scission. En relation, à ce qu’on sait, de la prolongation du mandat de l’équipe dirigeante de l’UGTT. Cette dernière ayant fait adopter la levée de la limitation à deux mandats du Bureau exécutif.

 

Des suppositions

Troisième prime ? Les derniers développements concernant la grève du transport (bus et métro) dans le Grand Tunis (les gouvernorats de Tunis, La Manouba, Ben Arous et L’Ariana) qui a paralysé une partie des activités dans cette région. Et même au-delà. L’UGTT a-t-elle trouvé là un exemple de sa vigueur dans la négociation avec la sphère gouvernementale dans la défense de ses revendications ? Un capital précieux ?

Nous restons là, cependant, dans des suppositions. Ces prismes sauront-ils être pris en compte dans ce qui suivra maintenant et demain ? On sait aussi qu’ils ne sont pas les seuls à être pris en compte. L’espoir le plus ardent est que d’autres parties ne mettent pas leur nez dans une affaire qui, du reste, ne les concerne pas. Et à ne pas négliger, à ce niveau, le rôle que peuvent jouer des acteurs des réseaux sociaux. Ces derniers peuvent attiser les débats. On sait que ceux qui se cachent derrière leur message ne sont que rarement là pour la concorde. Loin s’en faut !

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Tunisie : Repenser la diplomatie face aux incertitudes

Dans un contexte régional marqué par une effervescence constante et des menaces croissantes, la diplomatie tunisienne semble aujourd’hui traverser une période de flottement inquiétante. Face à une mer internationale de plus en plus houleuse, Elyes Kasri, l’ancien ambassadeur et analyste politique interpelle avec acuité sur la nécessité impérieuse pour la Tunisie de revoir en profondeur son positionnement et son rôle à l’échelle mondiale. Car, dans un monde où la faiblesse et la marginalisation n’ont pas d’avenir, le pays doit retrouver une boussole claire et la détermination indispensable pour avancer et défendre ses intérêts supérieurs.

Voici le post complet d’Elyes Kasri :
« Le statut et l’intensité des relations internationales d’un pays donné se mesurent à l’aune de la portée et du niveau des contacts et délibérations avec les puissances étrangères qui comptent et des résultats engrangés pour la paix et la sécurité internationales et, de préférence, les intérêts nationaux.
Alors que notre voisinage immédiat vit sur 360 degrés un état d’effervescence aux conséquences aussi incertaines que menaçantes, il est légitime de se poser des questions sur le positionnement de la Tunisie et sa perception des menaces et des opportunités dans un environnement fluide, opaque et non dénué de menaces.
Certains, à tort ou à raison, ne peuvent se défaire de l’impression de flottement et même pire, peut être avec un brin d’excès, d’une épave en perdition dans une mer de plus en plus houleuse.
Quel qu’en soient les arguments et prétextes, nul, de bonne foi, ne peut nier que la diplomatie tunisienne a connu de meilleurs jours.
Certains pessimistes vont jusqu’à penser qu’elle est devenue méconnaissable et inaudible.
Les intérêts supérieurs et les impératifs de survie et de prospérité de la Tunisie nécessitent une révision en profondeur du positionnement et du rôle international du pays car si celui qui n’avance pas recule, en relations internationales et à travers l’histoire de l’humanité, il n’y pas de place pour les faibles ni les marginaux.
Si la nature a horreur du vide, les relations internationales n’ont pas de place ni d’avenir pour ceux qui n’ont pas de boussole ni la détermination et l’énergie requises pour tenir le cap ».

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Neila Charchour: La femme tunisienne gardienne de la République

En ce 13 août 2025 jour de la fête nationale de la femme tunisienne, on ne peut que se souvenir des deux acquis majeurs  que Bourguiba nous a offert, conscient qu’il était du rôle primordial que pouvaient jouer les femmes dans une nouvelle République.

Ainsi, il décréta l’éducation obligatoire pour toutes et promulgua le Code du Statut Personnel. Deux acquis majeurs qui ont favorisé notre émancipation en nous garantissant un certain nombre de droits assez uniques dans le monde arabo-musulman. Aujourd’hui, soixante neuf ans plus tard, il est utile de faire le point sur l’impact de ses acquis sur la société tunisienne. Sans avoir de statistiques officielles et à titre strictement personnel, je distingue quatre différentes catégories de femmes :

– La première catégorie est celle que j’appellerai les filles et les petites filles de Bourguiba qui ont fait des études leur principal  atout. Médecins, biologistes, architectes, commandants de bord, juges, avocates, journalistes, ingénieurs, enseignantes, femmes entrepreneur, citoyennes et même politiciennes etc..

Elles travaillent, produisent, payent leurs impôts exactement au même titre que les hommes même si au moment de l’héritage, elles n’héritent que la moitié de la part des hommes alors que c’est contraire à la définition d’une République où tous les citoyens, hommes et femmes, sont sensés être égaux devant la loi.

Ces femmes sont les mères éducatrices qui par leur éducation sont sensées moderniser les mentalités. Elles sont les piliers d’une société moderne que les générations montantes se doivent de prendre en exemple et en considération.

Néanmoins les hommes tunisiens dans  leur ensemble, n’ont pas tous bien intégré, compris et admis l’intérêt de cette évolution qui  lèse leur autorité traditionnelle millénaire. La meilleure preuve en est que cette indépendance financière et intellectuelle des femmes tunisiennes est à l’origine d’un nombre grandissant de divorce. Comme si le divorce pouvait restaurer l’autorité masculine. En réalité il ne fait que confirmer leur échec à évoluer créant ainsi chez les femmes la nécessité  d’une lutte continue pour faire accepter leur nouveau statut.

Je ne saurai évaluer le temps qu’il faudra pour que ces Messieurs apprennent à apprécier l’intérêt de cette émancipation féminine en espérant que nous ne nous trouverons pas carrément dans l’obligation de nous battre pour défendre ces acquis qui dérangent tant.

A mes yeux, ce sont ces femmes là, diplômées et travailleuses, qui sont les gardiennes de la Républiques tunisienne, telle que nous en rêvons depuis l’indépendance.

Et même si je ne suis pas en accord avec ses méthodes ni sa vision d’une démocratie qui puisse exclure une partie de la société, Madame Abir Moussi est une preuve vivante de la nécessité de cette lutte. Il faut lui reconnaitre son appartenance, voire son leadership sur cette catégorie de femmes, citoyennes courageuses, libres et indépendantes qui ont totalement intégrées la mission que Bourguiba leur a implicitement confiée.

Toutes aussi exemplaires, j’identifie une seconde catégorie formée de celles qui, pour différentes raisons n’ont pas pu terminer leurs études ou n’ont pas pu carrément en faire mais qui participent quand même à la croissance  économique du pays.

On y trouve toutes les ouvrières des différents secteurs, industriel et agricole, ainsi que les artisanes dans toutes sortes de domaines. Toutes ces petites mains, beaucoup moins avantagées que les femmes de la première catégorie, forment néanmoins par leur nombre la colonne vertébrale de l’économie officielle tunisienne, surtout si l’on en exclu les trafiquants de toutes sortes qui opèrent clandestinement dans le marché parallèle au mépris d’un système officiel qui semble soit totalement impuissant soit carrément impliqué.

ENDA inter-arabe, créée par Madame Essma Ben Hamida, encore une autre femme d’exception, qui a été la pionnière du secteur de la micro-finance en Tunisie, témoigne, dans un petit livre intitulé « La débrouille au féminin », de la plus belle des manières sur le parcours de ces femmes courageuses et ambitieuses, qui ont travaillé très dur si ce n’est pour elles- mêmes, c’était au moins pour leurs familles. Elle nous raconte, entre autre, comment les artisanes kairouanaises  qui fabriquaient chez elles les tapis de Kairouan ont été à l’origine du développement du secteur touristique en Tunisie. Elles avaient confié leurs économies à leurs pères,  leurs frères, leur époux ou leurs fils pour investir dans les tous premiers hôtels privés. Ainsi les Milad, les Fourati, les Khechine, les Allani etc .. sont les pionniers kairouanais du tourisme tunisien.

Par ailleurs, lorsque je faisais ma campagne électorale dans le gouvernorat de Monastir, j’avais été effarée par le nombre de femmes qui travaillaient dans les usines alors que les hommes remplissaient les cafés à longueur de journée refusant les petits métiers  à petits salaires. Ces mêmes hommes n’ont aucun problème à tendre la main à leur sœur ou leur mère ou encore leur épouse pour quémander un peu d’argent de poche. Le chômage en Tunisie est aussi dû à cette catégorie d’hommes qui préfèrent le trafic à certains travaux qu’ils considèrent  indignes de leur statut social alors que les femmes le font sans rechigner en toute légalité.

Quant à la troisième catégorie, elle est essentiellement formée de celles qui pour différentes raisons, malgré leur diplômes, n’ont pas su où n’ont pas pu se faire une situation.  Elles se sont généralement réfugiées dans le mariage.

Etant financièrement dépendantes, elles vivent  un mode de vie plutôt conservateur qui ne leur offre pas beaucoup d’opportunités pour leur épanouissement personnel. Elles se rabattent sur l’engagement social. C’est comme cela que nous trouvons une majorité de femmes dans tout ce qui a trait aux œuvres sociales. Couffins de Ramadan, fournitures scolaires et toutes sortes de travaux associatifs  sont assurés par les femmes dans toutes les régions de la République. Si les hommes  participent par le don d’argent, ils sont rarement sur le terrain et dans le contact direct avec les populations défavorisées.

Ces femmes aussi sont à remercier pour leurs efforts. Grâce à elle une solide trame sociale s’est tissée et sera surement un jour un excellent  filtre contre toutes les intrusions possibles.

Enfin avec l’avènement d’internet,  ses réseaux sociaux  et l’intelligence artificielle qui s’étend à une très grande vitesse, une quatrième catégorie de femmes est entrain  d’apparaitre. Celles que j’appellerai comme l’air du temps, « les femmes pressées ». Elles veulent en même temps et rapidement la célébrité, la fortune et le pouvoir.

S’il est vrai qu’Internet permet une  ouverture exceptionnellement enrichissante sur le monde entier et qu’il présente plein d’avantages, il faut admettre qu’il présente aussi beaucoup d’inconvénients  lorsqu’il est mal utilisé.

A ce jour en Tunisie on voit bien plus les inconvénients dus à la rapidité et à la facilité de l’usage de cet outil. On constate une perte palpable du respect et du savoir vivre ensemble grâce à une liberté d’expression mal comprise et mal exploitée.

Une flopée d’influenceuses dans différents domaines a émergé dont une partie agit très négativement sur les réseaux.  En soi, chacune d’entre elle n’est qu’un epsilon, le danger réside par contre dans le nombre ahurissant de « followers » qui s’intéressent à leurs bêtises. Signe d’une disparition des traditions et d’une dégradation généralisés des mœurs sociales qu’il faudra dénoncer et combattre à tout prix pour éviter encore plus de dérives. Ce phénomène est lui-même lié à l’attitude négative des hommes face à cet excès de libertés mal assumées.

Il serait bien plus rentable et bien plus constructif de se pencher sur l’Internet qui permet  d’accéder à toutes sortes d’informations, de rencontrer toutes sortes de personnes inaccessibles dans la  vie réelle, qui facilite la communication, le commerce, les connexions, les études, les formations en ligne et une multitude d’autres options à exploiter dans tous les domaines. Une source infinie d’occupations et d’emplois à partir de chez soi qui pourrait améliorer la vie de tant de femmes.

Et même si pour le moment beaucoup d’entre elles sont plus attirées par la facilité que par des résultats concrets et durables,  je ne doute pas qu’un éveil s’opérera tôt ou tard.

Un éveil que nous devons promouvoir et encourager à travers cet outil miraculeux. Mesdames votre mission envers la République ne fait que commencer, n’hésitez pas à vous impliquer.

 

Neila Charchour

Tunis le 13 Août 2025

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Taxes douanières américaines : New Delhi se rebiffe à son tour

En infligeant une surtaxe supplémentaire sur les produits en provenance de l’Inde, Donald Trump risque de se mettre à dos un pays allié de première importance. Ironie de l’histoire, il réserve entre temps un traitement bien plus indulgent à Pékin. Analyse. 

Après le Brésil de Lula, le premier pays à avoir dit non au diktat des Yankees, c’est l’Inde qui riposte à son tour. En effet, le président américain, Donald Trump, a récemment signé un décret ajoutant 25 % de droits de douane sur les produits indiens, soit 50 % en tout. Ce qui représente l’un des taux les plus élevés de tous les partenaires commerciaux des États-Unis. Et ce, « en réponse à l’achat continu de pétrole russe » par l’Inde.

Les Indiens « ne se soucient pas du nombre de personnes qui sont tuées en Ukraine par la machine de guerre russe », a-t-il affirmé dans un message sur sa plateforme Truth Social. Avant d’ajouter : « A cause de cela, je vais significativement augmenter les droits de douane payés par l’Inde aux États-Unis ».

Riposte indienne

Sur le champ, New Delhi annule le déplacement à Washington du ministre de la Défense, Rajnath Singh, prévu dans les prochaines semaines. Une visite qui porte sur le projet d’achat de six avions de surveillance maritime P-8I Poséidon de Boeing, de véhicules blindés Stryker et de missiles antichars Javelin, développés par Raytheon et Lockheed Martin.

L’Inde possède d’ores et déjà une flotte de 12 avions de patrouille maritime P-8I Poséidon, qu’elle exploite depuis 2013. L’armée de terre indienne devait devenir le premier pays producteur sous licence des véhicules blindés Stryker et devait en acquérir plusieurs centaines d’exemplaires.

Quant aux missiles Javelin, des discussions étaient également en cours pour coproduire cet armement en partenariat avec l’industrie de défense indienne.

Pour sa part, le ministère indien des Affaires étrangères a considéré « injustifiées » les réactions des États-Unis concernant ses achats de pétrole russe. Dee même qu’il promis de réagir pour préserver les intérêts de son pays.

« Cibler l’Inde est injustifié et déraisonnable », a déclaré le porte-parole du ministère indien du département des Affaires étrangères, Randhir Jaiswal. Tout en ajoutant que « comme toutes les économies de premier plan, l’Inde va prendre les mesures nécessaires pour préserver ses intérêts nationaux et sa sécurité économique ».

Pour rappel, l’Inde est le principal client du pétrole russe après la Chine, qui représentait en 2024 près de 36 % des importations indiennes en la matière.

Cela étant, New Delhi espère néanmoins parvenir à un accord commercial avec Washington et est prête pour cela à réduire ses importations de pétrole russe si elle peut obtenir des prix similaires dans d’autres pays, y compris aux États-Unis.

Le pétrole russe en jeu

New Delhi est d’autant plus disposée à s’engager dans cette voie que les remises dont elle bénéficiait sur le prix du baril de brut russe depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022 arrivent à leur terme, et que l’écart de prix avec le pétrole d’autres pays est désormais très faible.

Faut-il rappeler à cet égard que Donald Trump avait prévenu qu’il voulait imposer des sanctions dites « secondaires », c’est-à-dire infligées aux pays qui achètent notamment du pétrole russe, dans le but de tarir cette source de revenus essentielle pour Moscou. Le président américain avait ainsi déjà critiqué l’Inde pour ses achats d’hydrocarbures et d’armement russes. Dans son dernier message, il a même accusé l’Inde « non seulement d’acheter de grandes quantités de pétrole russe » mais aussi « d’en revendre une grande partie sur les marchés internationaux pour faire de gros profits».

Point de non retour ?

Donald Trump vient-il de franchir un point de rupture dans ses relations avec l’Inde, s’interrogent les observateurs ?

En effet, lors de la visite du Premier ministre indien, Narendra Modi, à la Maison Blanche le 13 février 2025, il était prévu de porter le commerce bilatéral à 500 milliards de dollars d’ici 2030 et de signer entre les deux pays une nouvelle « Major Defence Partnership » sur dix ans, faisant de l’Inde un allié « majeur » des Etats-Unis. Or, le géant indien se retrouve désormais ciblé comme une vulgaire petite nation sans importance géopolitique par des mesures punitives.

Pourtant, aux yeux de Washington, le Premier ministre indien reste l’allié de fait le plus fiable contre une Chine expansionniste et l’Inde demeure le seul pays du Sud global capable d’ancrer une stratégie de « containment » crédible en Indo‑Pacifique. Pour l’Inde, cette alliance avec les Etats-Unis est vitale pour s’émanciper de son rival géostratégique et historique qu’est la Chine.

Pour preuve, Narendra Modi fut l’un des premiers dirigeants du monde à féliciter son « ami » Donald quelques heures après « sa victoire historique ». En avril dernier, le vice-président JD Vance et son épouse – d’origine indienne – furent accueillis chaleureusement à New Dehli.

Paradoxalement, à l’heure où Trump inflige de lourdes taxes douanières à un pays allié, l’Inde, Washington réserve un traitement bien plus indulgent à Pékin, qui demeure l’un des principaux importateurs de pétrole russe et iranien. La Chine bénéficie ainsi d’exemptions ou de moratoires, tandis que l’Inde subit une escalade de sanctions !

Erreur politique fatale. Car Donald Trump – qui n’arrive pas à distinguer les intérêts stratégiques des caprices tactiques – risque d’ancrer davantage l’Inde dans le bloc des BRICS. Il se tire ainsi une balle dans le pied alors qu’il cherche par tous les moyens à faire éclater ce bloc qui représente plus du tiers du PIB mondial… ou du moins l’affaiblir.

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Un sommet en Alaska, pour quoi faire ?

Russes et Américains se sont mis d’accord pour la tenue d’un sommet sur la guerre d’Ukraine le 15 août prochain aux Etats-Unis, plus précisément en Alaska. Le sommet et l’endroit choisis pour le tenir en ont étonné plus d’un.

Le sommet ne va pas avoir lieu au cœur du territoire américain, mais sur une portion lointaine qui faisait partie de la Russie jusqu’en 1867, année où le tsar Alexandre II vendit ce bout de territoire, plusieurs milliers de kilomètres loin de Moscou, pour la modique somme de 7,200 millions de dollars. Donc, en se déplaçant pour le sommet, Poutine ne sera qu’à 85 kilomètres loin de son pays, soit la largeur du détroit de Béring qui sépare le territoire russe des Etats-Unis.

La tenue d’un tel sommet a-t-elle un sens ? C’est la question que se posent la plupart des observateurs. Tout d’abord, il faut préciser qu’un sommet qui mérite son nom est un processus qui prend des semaines, voire des mois de préparation entre les deux délégations concernées, composées des ministres des Affaires étrangères et des experts de chaque partie. Ceux-ci discutent en profondeur les aspects politiques et techniques, arrondissent les angles des différends avant de rédiger une version finale de l’accord. C’est seulement à ce stade que les deux chefs d’Etat se réunissent en sommet non pas pour discuter, mais pour apposer leurs signatures.

Or, le sommet de l’Alaska est l’un des plus bizarres de l’Histoire proche ou lointaine. Il a été décidé juste quelques jours après que Trump eut donné à Poutine « un ultimatum de 50 jours pour arrêter la guerre », avant qu’il ne change aussitôt d’avis, affirmant « 50 jours, c’est beaucoup, je lui donne 10 ou 12 jours » !

Quelques jours après, oubliant son « ultimatum raccourci », Trump envoie son représentant Witkoff à Moscou pour rencontrer Poutine. Après cette rencontre, le monde apprend que Trump et Poutine se rencontreront bientôt. Après deux jours d’incertitude sur le lieu de la rencontre, on apprend que le sommet aura lieu le vendredi 15 août en Alaska.

On imagine l’état de choc des élites gouvernantes européennes lorsqu’elles ont appris la nouvelle. Un choc d’autant plus dur que Trump a accepté la condition de Poutine d’exclure de la rencontre le président ukrainien Zelensky.

La plus forte déception est ressentie en Grande-Bretagne, ennemie historique de la Russie. Une déception et une mise en garde exprimées dans un éditorial du quotidien londonien le Daily Telegraph du 9 août en ces termes : « M. Trump ne doit pas prendre le risque de tomber dans le piège des compromis pour une paix décidée à la hâte. Poutine pourrait penser que la guerre d’usure joue en sa faveur. La ligne qui ne doit pas être franchie est que les Etats-Unis acceptent de conclure un accord qui serait favorable pour Poutine et intolérable pour Zelensky. Le prix de cette guerre est terrible, mais une paix injuste serait pire que sa continuation ».

On ne peut pas être plus clair. La Grande-Bretagne, depuis la désastreuse intervention en avril 2022 de son Premier ministre d’alors, Boris Johnson, pour faire échouer l’accord d’Istanbul jusqu’à aujourd’hui, reste la principale force hostile à toute tentative visant à mettre fin au conflit; malgré les terrifiantes pertes humaines subies par l’Ukraine.

L’entourage de Trump n’est pas moins hostile que les Britanniques à tout arrêt de la guerre tant que la Russie est avantagée sur le terrain. On peut légitimement se demander si le président américain a les mains libres pour conclure un accord avec Poutine qui serait inacceptable non seulement pour les Ukrainiens et les Européens, mais aussi pour les néoconservateurs influents dans son entourage, dans le parti républicain et au sein du Congrès. Ceci d’une part.

D’autre part, il est hautement improbable que Poutine fasse la moindre concession ou accepte un cessez-le feu qui ne répondrait pas aux conditions de la Russie qui a la haute main sur le terrain. D’où la question qui se pose avec insistance : un sommet en Alaska, pour quoi faire ?

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ECLAIRAGE – Néomercantilisme – Quand les blocs mercantilistes annoncent les guerres mondiales (3/3)

À chaque époque de l’Histoire, lorsque le monde se fracture en blocs économiques concurrents, le mercantilisme s’institutionnalise, la rivalité s’intensifie et la guerre devient inévitable. De l’Antiquité à nos jours, la montée des logiques protectionnistes et de l’affrontement géoéconomique débouche sur des conflits planétaires. Sommes-nous aujourd’hui à l’orée d’un nouveau cycle ?

Carthage contre Rome : la matrice antique du conflit géoéconomique

Loin d’être une simple rivalité militaire, la lutte entre Carthage et Rome trouve ses racines dans une confrontation économique systémique. Carthage, puissance maritime commerçante, bâtit sa prospérité sur le contrôle des échanges méditerranéens. Rome, au contraire, développe une logique d’expansion territoriale, agricole et militaire. À mesure que leurs sphères d’influence s’entrechoquent, les tensions deviennent irréversibles. Les Guerres Puniques ne furent pas seulement des affrontements d’empires, mais la première grande guerre mondiale autour du commerce et de la domination économique régionale.

Ce modèle se répète dans l’Histoire, chaque fois que deux systèmes économiques structurés autour de réseaux fermés et d’intérêts exclusifs se heurtent.

L’Europe moderne et les empires : le mercantilisme comme ferment de la guerre

Du XVIe au XIXe siècle, les puissances européennes s’engagent dans une course effrénée aux colonies, aux routes maritimes et aux métaux précieux. L’Espagne, le Portugal, la France colbertiste et l’Angleterre impériale adoptent des politiques mercantilistes assumées : enrichissement par l’excédent commercial; monopole sur les matières premières; subordination des périphéries coloniales.

Chaque expansion commerciale entraîne son lot de confrontations. La Guerre de Sept Ans (1756-1763) , les conflits napoléoniens, ou encore la guerre d’indépendance américaine sont autant de symptômes d’un monde compartimenté par des logiques de domination économique. La fermeture des blocs, l’érection de barrières tarifaires et la militarisation du commerce transforment la concurrence en affrontement militaire.

 

Du XVIe au XIXe siècle, les puissances européennes s’engagent dans une course effrénée aux colonies, aux routes maritimes et aux métaux précieux. L’Espagne, le Portugal, la France colbertiste et l’Angleterre impériale adoptent des politiques mercantilistes assumées : enrichissement par l’excédent commercial, monopole sur les matières premières, subordination des périphéries coloniales.

 

Les deux guerres mondiales : l’apogée des blocs géoéconomiques rivaux

Le XXe siècle illustre, dans sa brutalité, les conséquences extrêmes du cloisonnement économique mondial. À la veille de la Première Guerre mondiale, le monde est structuré en empires impérialistes, chacun tentant de maximiser ses intérêts commerciaux au détriment des autres. L’absence de régulation multilatérale et la montée des nationalismes économiques accélèrent l’engrenage vers la guerre.

Le schéma est encore plus explicite dans les années 1930. Face à la crise de 1929, les puissances ferment leurs économies, instaurent des zones d’influence fermées, mettent en place des politiques autarciques. L’Axe Rome-Berlin-Tokyo défie ouvertement l’ordre libéral anglo-saxon. La logique des blocs se durcit, les rivalités s’exacerbent, et l’économie mondiale s’effondre sous le poids des tensions. La Seconde Guerre mondiale n’est pas née du hasard, mais bien d’un déséquilibre systémique provoqué par un mercantilisme nationaliste et prédateur.

Lire aussi : Néoprotectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ?

Le monde contemporain : un nouveau cycle de fragmentation

Depuis deux décennies, les signes avant-coureurs d’une nouvelle structuration en blocs sont de plus en plus visibles. Le retrait des États-Unis de plusieurs accords multilatéraux, la guerre commerciale sino-américaine, la militarisation du commerce technologique et la multiplication des sanctions ont ouvert une ère de découplage. Les BRICS s’élargissent et proposent une alternative à l’ordre occidental en s’appuyant sur la souveraineté monétaire, la dédollarisation et les alliances régionales. En face, l’Occident resserre ses rangs autour de l’OTAN, du G7 et de l’Union européenne, dans une logique de sécurisation des intérêts énergétiques, industriels et géopolitiques.

Lire également : « Les BRICS sont morts » s’ils s’attaquent au dollar, selon Trump

Le commerce n’est plus un vecteur de paix mais un instrument de pression. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est marginalisée, les chaînes de valeur se régionalisent et la coopération internationale se délite. Chaque bloc cherche à imposer son modèle, à verrouiller ses marchés, à exclure ses rivaux. Le piège de Thucydide devient économique : la montée en puissance de nouvelles économies crée une tension insoutenable avec les hégémonies en place.

Et la Tunisie dans tout cela ? Entre vulnérabilité et opportunité

Dans ce contexte de recomposition globale, la Tunisie se retrouve dans une position d’équilibriste. Trop dépendante de ses partenaires traditionnels pour rompre brutalement avec l’ordre établi; mais suffisamment exposée aux nouvelles routes économiques pour espérer en tirer profit, elle doit impérativement repenser sa stratégie.

Refuser de choisir un camp ne signifie pas rester passif. Il s’agit plutôt de construire une posture active de non-alignement stratégique, fondée sur la diversification des partenariats, le renforcement de la coopération régionale et la montée en gamme de son économie. L’Afrique, les BRICS, la Méditerranée du Sud offrent des relais de croissance que la Tunisie doit saisir sans renier ses ancrages euro-méditerranéens. Mais pour cela, encore faut-il retrouver une cohérence de politique économique, une stabilité institutionnelle et une vision stratégique.

 

Dans ce contexte de recomposition globale, la Tunisie se retrouve dans une position d’équilibriste. Trop dépendante de ses partenaires traditionnels pour rompre brutalement avec l’ordre établi, mais suffisamment exposée aux nouvelles routes économiques pour espérer en tirer profit, elle doit impérativement repenser sa stratégie.

 

L’Histoire bégaie, mais l’intelligence peut rompre le cycle

Si l’Histoire nous enseigne que les blocs mercantilistes conduisent inévitablement à la guerre, elle nous rappelle aussi que l’intelligence politique et la coopération peuvent en atténuer les effets. L’après-1945 avait vu naître un ordre multilatéral fondé sur des règles, des institutions et une certaine idée de l’interdépendance pacifique. Ce cadre est aujourd’hui affaibli, mais il peut être réinventé.

L’enjeu pour les puissances émergentes et les pays vulnérables comme la Tunisie n’est pas seulement de survivre à cette polarisation; mais de contribuer à la reconstruction d’un ordre plus équitable, ouvert et résilient. Faute de quoi, la logique des blocs, une fois encore, finira par embraser le monde.

 

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Articles en relation:

ECLAIRAGE – Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ? (1/3)

ECLAIRAGE – Géopolitique – La Tunisie à l’épreuve du néomercantilisme mondial (2/3)

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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Championnat national de football – Bis repetita ?

Un penalty jugé « imaginaire » et l’absence de la VAR, lors de la Supercoupe de Tunisie, ont fait couler beaucoup d’encre à quelques jours du démarrage du Championnat national de football. De quoi susciter des craintes quant à la plus importante compétition de football, celle de la Ligue 1. Beaucoup émettent, cela dit, des espoirs avec le projet de loi sur les structures sportives et avec le projet de réforme relatif à l’aménagement de l’horaire scolaire qui pourraient renverser la vapeur en consolidant les finances des associations sportives, pour le premier projet, et en donnant la place qu’il mérite au sport scolaire, pour le second.

« Mil Marsa bedina Nekadhfou », littéralement « Nous avons déjà commencé à ramer à partir de La Marsa ». Le proverbe est largement connu en Tunisie, il signifie que « le ton est déjà donné ». Il pourrait, sans doute, être appliqué à ce qui s’est déroulé, sous nos yeux, dimanche 3 août 2025, lorsque l’arbitre de la Supercoupe, Houssem Boularès, a accordé un penalty « imaginaire » à l’Espérance Sportive de Tunis (EST) face au Stade Tunisien (ST). Un penalty qui a fait du moins polémique. Avec deux faits indéniables : le ST a qualifié, dans un communiqué, la prestation du corps arbitral, lors de la finale de la Supercoupe face à l’EST, de « catastrophique », et la Fédération Tunisienne de Football et Houssem Boularès (notre photo) a été convoqué devant la Commission de suivi de la FTF qui n’a pas manqué de le sanctionner.

Une séquence de notre football national qui survient à moins d’une semaine du démarrage effectif du Championnat de football 2025-2026. Et qui fait craindre que nos stades revivent les désagréments, pour ne pas dire plus, que l’on a observés ces dernières années avec des fautes d’arbitrage flagrantes. Des fautes contre lesquelles on pensait pouvoir lutter avec l’instauration de la technique de la VAR (Assistance Vidéo à l’Arbitrage), introduite assez tard l’année précédente, et qui n’a pas réussi à convaincre tout le monde : le dernier mot reste, toujours, à l’homme en noir.

En cas de pression des clubs ?

Une VAR qui n’a pas été utilisée au cours de la rencontre de la Supercoupe et pourrait n’être de mise que tardivement au cours du Championnat qui démarre aujourd’hui, 9 août 2025, avec au programme quatre rencontres. Car l’appel d’offres lancé pour choisir un opérateur de VAR n’a pas encore abouti : la réception des offres a été fixée au 15 août 2025. Que feront les dirigeants de la FTF entre temps en cas de pression des clubs ? Ou dans le cas de multiplication d’erreurs d’arbitrage ? On sait qu’il arrive que les appels d’offres puissent trainer en longueur.

Des fautes d’arbitrage et une absence de VAR qui peuvent encore nourrir les mécontentements. On se demande, à ce propos, si le Championnat aura le même visage que l’année précédente ? S’il sera, donc, âprement disputé ? On se souvient que nous sommes restés pratiquement dans la dernière journée pour connaître le nom du vainqueur ? Auquel cas, il pourrait tracer une trajectoire bien salutaire. Même si évidemment il y aura toujours des grands et des petits. Le fait cependant que trois clubs devraient quitter au bout du compte la Ligue 1 devrait aider à ce que le Championnat ait un visage plus radieux !

Apporter des réponses à la situation

Quoi qu’il en soit, cela ne sera pas là, assurent certains connaisseurs de notre football, le seul problème auquel feront face nos dirigeants. Outre l’état des infrastructures, il y a lieu de citer la précarité financière de certains clubs qui devrait tôt ou tard apparaître à la surface. Tout récemment, des clubs considérés parmi les grands étaient confrontés à des risques de rater leur participation aux prestigieuses compétitions de la Confédération Africaine de Football (CAF) pour n’avoir pas réglé des dettes et éviter des sanctions.

La loi fondamentale des structures sportives qui a fait l’objet, le 15 juin 2025, d’un Conseil ministériel, saura-t-elle, le jour où elle sera promulguée, apporter des réponses à la situation, notamment financière, de nos associations sportives ? On sait que le projet ambitionne d’« assurer la gouvernance de la gestion sportive afin de bien gérer les ressources humaines et financières des structures sportives » et de « financer et soutenir les structures sportives par de nouveaux modes de financement ».

Un véritable vivier du sport

Un nouveau mode de gouvernance qui permettrait aux associations sportives d’évoluer au rythme du monde. Car, et malgré les réussites observées, ici et là, par notre sport national, on sent que l’on est loin du compte. Notamment que nous sommes dépassés par des pays qui nous ont, comme on dit, laissés derrière eux. Le sport tunisien aura, à ce niveau, un test grandeur nature avec la participation du onze national à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football qui se tiendra au Maroc entre le 21 décembre 2025 et le 18 janvier 2026. Nous savons que dès le départ, les Tunisiens seront opposés aux mastodontes nigérians. Les échecs du passé dans cette compétition sont déjà dans nos têtes.

Un nouveau mode de gouvernance qui ne peut être apprécié que dans une approche globale. Il s’agit de s’interroger, entre autres, sur la place qu’occupe le sport dans la société. A commencer par l’école où il a perdu de son importance avec un manque d’infrastructures et une quasi-négligence de son intégration dans le temps scolaire.

Des espoirs sont-ils permis avec ce qu’on dit des réformes en route pour aménager l’horaire scolaire ? Le problème, sans doute, ici comme ailleurs, c’est que beaucoup connaissent aussi bien le diagnostic que ce qu’il y a lieu de faire, mais ne bougent pas assez. Qui ne se souvient pas du reste de l’âge d’or du sport scolaire et universitaire lorsque le Palais de la Foire, situé à l’Avenue Mohamed V, ou encore le Palais des sports d’El Menzah accueillaient ces finales interscolaires ou universitaires qui ressemblaient à des finales des compétitions sportives nationales ? Dommage ! Le sport scolaire et universitaire était considéré comme un véritable vivier du sport.

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Appel aux derniers gardiens du temple économique…

Dans son article intitulé « Quand le bavardage prétend à la rigueur intellectuelle », publié en réaction à mon texte « Néo-protectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ? », l’auteur s’autorise un exercice qui se veut critique, mais qui verse rapidement dans la caricature, l’attaque personnelle et le jugement de valeur. Le débat d’idées mérite mieux.

À ceux qui aspirent à élever la discussion économique, je propose ici une mise au point en trois temps : sur la rigueur conceptuelle, sur l’éthique du débat, et sur les contours thématiques choisis délibérément dans mon article initial.

 

Un distinguo conceptuel fondamental : néo-protectionnisme et néomercantilisme

L’un des reproches formulés est que la distinction que je fais entre néo-protectionnisme et néomercantilisme relèverait d’un artifice académique, ou d’un « dualisme simpliste ». Cette critique néglige profondément les apports de l’économie politique internationale contemporaine, ainsi que ceux de la géoéconomie stratégique.

Le néomercantilisme, dans sa définition actualisée, renvoie à une stratégie étatique de long terme, visant la puissance par l’outil économique. Il repose sur une articulation entre politique industrielle, commerciale, monétaire et technologique. Il vise à façonner l’ordre économique mondial de manière structurelle et hégémonique.

Le néo-protectionnisme, à l’inverse, traduit des mesures souvent fragmentées, prises sous la pression de contextes politiques internes, sans coordination d’ensemble ni ambition géoéconomique. Il s’agit d’un repli ponctuel, d’une gestion de crise ou d’une réponse populiste, qui se distingue par sa volatilité et sa faible cohérence stratégique.

La différence n’est pas théorique : elle est observée empiriquement. Elle permet de comprendre, par exemple, pourquoi la Chine développe une expansion géoéconomique concertée, alors que certaines puissances occidentales adoptent des mesures protectionnistes improvisées, souvent contradictoires. Elle éclaire également les effets différenciés sur les pays en développement, pris entre des flux erratiques et des stratégies de domination commerciale.

Contester cette distinction revient à effacer les lignes de force qui structurent aujourd’hui l’économie mondiale. C’est confondre les symptômes avec les causes, les rhétoriques politiques avec les stratégies étatiques.

 

Une critique ne dispense jamais de l’éthique du débat

Au-delà des divergences sur le fond, je me dois de réagir à la tonalité du texte qui m’est adressé. L’usage récurrent d’un registre injurieux, moqueur ou condescendant n’est pas simplement un choix de style : c’est un affaiblissement volontaire du débat intellectuel.

Me prêter des intentions creuses, qualifier mon travail de « dissertation de licence égarée » ou de « bavardage pseudo-savant », ironiser sur ma fonction ou sur mon identité intellectuelle n’apporte aucune valeur argumentative. Cela révèle surtout un refus d’engager un échange d’idées respectueux.

Il n’existe aucun droit – ni moral ni intellectuel – à disqualifier personnellement un contradicteur. La critique se fonde sur l’analyse, la confrontation d’arguments, la précision conceptuelle. Elle ne se fonde ni sur la dérision, ni sur la suspicion, ni sur les attaques ad hominem.

En sus, Karl Marx à Elinor Ostrom, en passant par Friedrich Engels, Thorstein Veblen, Pierre Bourdieu, Amartya Sen, Silvio Gesell, John Kenneth Galbraith, Ivan Illich ou encore Muhammad Yunus, nombreux sont ceux qui, sans être des économistes de souche, ont profondément transformé la pensée économique en venant d’horizons philosophiques, sociologiques, politiques ou même pratiques.

J’aurais accueilli une objection rigoureuse avec intérêt. J’aurais volontiers poursuivi un dialogue critique. Ce que je lis ici, en revanche, relève davantage d’un règlement de comptes déguisé que d’une contribution sérieuse à la réflexion stratégique.

 

Du choix des cadres d’analyse : pourquoi la Tunisie ne figurait pas dans l’article initial

L’auteur s’étonne, voire s’offusque, de l’absence de toute mention de la Tunisie ou du Maghreb dans mon article. Faut-il le rappeler : écrire en tant qu’auteur tunisien ne signifie pas que chaque texte doive être réduit à un prisme exclusivement national ou régional.

L’objet de mon article était clair : analyser les logiques macroéconomiques des puissances dominantes, leurs choix stratégiques face à la mondialisation, et les répercussions globales de ces transformations. Il s’agissait d’une contribution à la lecture systémique du désordre commercial mondial, non d’un commentaire sur la situation maghrébine.

Cela n’exclut nullement que la Tunisie ou la région soient pertinentes à analyser. Bien au contraire. Elles le seront, mais dans un cadre propre, avec les outils méthodologiques appropriés, tenant compte des contraintes spécifiques, des dépendances structurelles, et des marges de manœuvre réelles. J’annonçais déjà, en conclusion, qu’un article futur serait consacré à ce sujet. Il le sera.

 

Penser avec rigueur dans un monde brouillé

Le monde économique d’aujourd’hui est traversé par des tensions nouvelles, des recompositions silencieuses, des contradictions apparentes. Il exige, de la part des analystes, non pas des certitudes bruyantes ou des postures péremptoires, mais de la nuance, de la méthode, de la patience intellectuelle.

Loin d’être une construction artificielle, la distinction que je propose entre néo-protectionnisme et néomercantilisme constitue un cadre d’analyse utile pour décrypter les trajectoires géopolitiques actuelles.

Et loin d’être un bavardage, l’exercice d’écriture stratégique repose sur l’ambition de mettre de l’ordre dans un monde brouillé. Le désaccord est bienvenu, la contradiction est nécessaire, la polémique peut être féconde. Encore faut-il qu’elle soit menée avec respect, lucidité, et surtout d’une bonne dose d’humilité intellectuelle.

 

À bon entendeur, une fois encore.

 

 

Note : Droit de réponse – Pour une critique sérieuse, rigoureuse et respectueuse.

 

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Mahjoub Lotfi Belhedi

Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA // Data analyst & aiguilleur d’IA

 

L’article Appel aux derniers gardiens du temple économique… est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

ZOOM – Néoprotectionnisme – le miroir brisé de la mondialisation

Le protectionnisme d’aujourd’hui ne se contente pas de fermer les frontières : il redessine la carte du pouvoir mondial. Le texte soumis à notre réflexion, « Néoprotectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ? » prétend trancher un débat d’école : vivons-nous un retour du néomercantilisme ou l’essor d’un néoprotectionnisme décomplexé ? L’auteur penche résolument pour la seconde hypothèse, insistant sur le caractère défensif, populiste et conjoncturel des politiques commerciales actuelles. Mais à force d’opposer deux concepts comme s’ils étaient mutuellement exclusifs, il escamote la réalité : dans l’économie mondiale d’aujourd’hui, le néoprotectionnisme est souvent le masque de manœuvres géoéconomiques qui, elles, relèvent bel et bien d’un néomercantilisme assumé.

 Un faux dilemme conceptuel

La distinction théorique avancée– un néomercantilisme structuré, stratégique, coordonné, face à un néoprotectionnisme désordonné et électoraliste- repose sur une séparation nette qui, sur le terrain, s’efface. Les grandes puissances n’agissent pas uniquement dans l’urgence. Même lorsque leurs décisions semblent improvisées, elles s’inscrivent souvent dans des trajectoires de puissance plus longues.

La guerre commerciale de Trump avec la Chine n’a certes pas réduit le déficit américain, mais elle a solidifié une tendance stratégique bipartisane : contenir la montée en puissance industrielle chinoise. Et cela, qu’on le veuille ou non, a toutes les caractéristiques d’un néomercantilisme revu à l’ère populiste.

 

La guerre commerciale de Trump avec la Chine n’a certes pas réduit le déficit américain, mais elle a solidifié une tendance stratégique bipartisane : contenir la montée en puissance industrielle chinoise.

 

La crise de la COVID-19 : prétexte ou révélateur ?

Le texte présente la pandémie comme un simple accélérateur de réflexes souverainistes, sans y voir un instrument de recomposition économique. Or, relocaliser les chaînes d’approvisionnement stratégiques dans les secteurs médicaux, technologiques ou énergétiques ne se réduit pas à un geste défensif. C’est aussi un investissement dans une autonomie productive qui, à terme, sert de levier d’influence commerciale et politique.

L’Europe, avec ses programmes de semi-conducteurs ou de batteries, ne fait pas que se protéger : elle se positionne pour peser demain sur les normes et les marchés mondiaux. C’est là que l’analyse de l’article s’avère courte : il sous-estime la dimension de planification stratégique derrière ces mesures.

 

Or, relocaliser les chaînes d’approvisionnement stratégiques dans les secteurs médicaux, technologiques ou énergétiques ne se réduit pas à un geste défensif. C’est aussi un investissement dans une autonomie productive qui, à terme, sert de levier d’influence commerciale et politique.

 

Populisme économique : l’arbre qui cache la forêt

L’auteur insiste sur le rôle du populisme comme moteur principal du néoprotectionnisme. Certes, les slogans comme America First ou Make in India sont calibrés pour flatter l’électorat. Mais derrière la rhétorique, les appareils d’État, les groupes industriels et les lobbies dessinent des architectures économiques qui dépassent le cycle électoral. La défense d’industries clés, même sous un vernis populiste, s’inscrit dans une logique de rapport de force durable. Qualifier cela uniquement de « réactif » revient à prendre au pied de la lettre un discours politique conçu justement pour dissimuler ses véritables objectifs.

 

Et la Tunisie dans tout ça ?

L’article effleure la question des pays vulnérables mais sans en mesurer l’ampleur stratégique. Pour la Tunisie, la distinction entre néoprotectionnisme et néomercantilisme n’est pas un débat académique : c’est un problème de survie économique. Quand la Chine verrouille ses circuits de production pour consolider son pouvoir d’exportation, c’est du néomercantilisme pur. Quand les États-Unis imposent des barrières imprévisibles sur l’acier, c’est du néoprotectionnisme, certes, mais aux effets tout aussi destructeurs. Dans les deux cas, Tunis se retrouve face à un monde où les règles changent au gré des rapports de force, sans filet de sécurité multilatéral. Cela impose une stratégie nationale qui ne soit pas seulement défensive mais proactive : diversification des partenaires, montée en gamme des exportations, intégration sélective dans les chaînes de valeur et surtout capacité à produire localement dans les secteurs critiques.

 

L’article effleure la question des pays vulnérables mais sans en mesurer l’ampleur stratégique. Pour la Tunisie, la distinction entre néoprotectionnisme et néomercantilisme n’est pas un débat académique : c’est un problème de survie économique. Quand la Chine verrouille ses circuits de production pour consolider son pouvoir d’exportation, c’est du néomercantilisme pur. Quand les États-Unis imposent des barrières imprévisibles sur l’acier, c’est du néoprotectionnisme, certes, mais aux effets tout aussi destructeurs.

 

In fine, entre idéologie et rapport de force

En voulant trop nettement séparer néoprotectionnisme et néomercantilisme, l’auteur oublie que dans la réalité, les puissances pratiquent un cocktail des deux. Le protectionnisme défensif est souvent la porte d’entrée d’un mercantilisme offensif. La mondialisation actuelle ne connaît plus les murs clairs et les frontières nettes : elle avance par zones grises, où les discours populistes servent à légitimer des stratégies de puissance.

Pour les économies fragiles, l’enjeu n’est pas de savoir si les grandes puissances sont « réactives » ou « stratégiques », mais de comprendre qu’elles sont toujours opportunistes. Et face à cela, continuer de penser que la Tunisie peut naviguer à vue relève moins de la naïveté… que de l’aveuglement.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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ZOOM – Quand le bavardage prétend à la rigueur intellectuelle !

Pour son dernier article Néoprotectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ?, publié à la UNE de l’Economiste maghrébin du 6 août 2025, Mahjoub Lotfi Belhedi signe un texte à mi-chemin entre une dissertation de licence égarée et un pensum pseudo-savant, bardé de concepts recyclés, vaguement définis et maladroitement opposés, le tout saupoudré d’un jargon pompeux à prétention stratégique. À lire cet article, on hésite entre l’agacement face à l’enflure verbeuse et la compassion devant tant d’énergie dépensée à enfoncer des portes ouvertes.

Néoprotectionnisme vs néomercantilisme : une querelle d’école creuse

Le cœur de l’article repose sur une distinction que l’auteur tente désespérément de rendre lumineuse : d’un côté, le méchant néoprotectionnisme “populiste”, “impulsionnel”, “défensif”, bref un phénomène d’humeur. De l’autre, le noble néomercantilisme “stratégique”, “coordonné” et “structuré”, incarné par l’éternel modèle chinois – l’alpha et l’oméga de toute pensée géoéconomique paresseuse.

Mais à force de vouloir trop distinguer, Belhedi finit par s’empêtrer dans un dualisme simpliste qui passe à côté de l’essentiel : la réalité contemporaine des politiques économiques n’obéit ni à une logique purement électoraliste ni à un dessein machiavélique de domination commerciale. Les États bricolent, tâtonnent, improvisent. Et ce n’est pas en ressassant des typologies binaires qu’on éclaire le chaos ambiant.

 

A force de vouloir trop distinguer, Belhedi finit par s’empêtrer dans un dualisme simpliste qui passe à côté de l’essentiel : la réalité contemporaine des politiques économiques n’obéit ni à une logique purement électoraliste ni à un dessein machiavélique de domination commerciale.

 

Le cas Trump : l’éternelle obsession pavlovienne

Comme dans tout article écrit depuis 2016 par un intellectuel de salon en mal de pertinence, Trump est convoqué comme figure repoussoir. “Populisme !” crie l’auteur, tel un moine exorciste, oubliant que les mesures de Trump – aussi chaotiques soient-elles – ont ouvert un débat réel sur les effets destructeurs du libre-échange sauvage.

Belhedi nous sert ici une critique standardisée et moraliste, sans jamais interroger les raisons profondes de ce “protectionnisme de crise” : désindustrialisation massive, précarisation du salariat, dumping social chinois, etc. Ce n’est pas de l’analyse, c’est de la liturgie libérale mal déguisée.

COVID-19 : l’effet d’aubaine rhétorique

L’auteur mobilise la pandémie de la Covid-19 comme argument en faveur de son néoprotectionnisme “réactif”. Mais au lieu de proposer une grille de lecture innovante sur la reconfiguration des chaînes de valeur ou la souveraineté productive, il rabâche ce que tout le monde sait depuis 2020 : les États ont paniqué, relocalisé à la va-vite, bricolé des plans de relance plus ou moins efficaces.

Il y avait pourtant matière à explorer des dynamiques profondes – le retour de l’État planificateur, la résurgence de l’économie mixte, le brouillage des frontières entre public et privé. Mais non. L’auteur préfère le confort des clichés convenus.

 

L’auteur mobilise la pandémie de la Covid-19 comme argument en faveur de son néoprotectionnisme “réactif”. Mais au lieu de proposer une grille de lecture innovante sur la reconfiguration des chaînes de valeur ou la souveraineté productive, il rabâche ce que tout le monde sait depuis 2020

 

L’Union européenne : l’éternelle caricature technocratique

Quand Belhedi évoque l’UE, on atteint des sommets de naïveté. Il nous dresse la liste des dispositifs réglementaires comme un élève appliqué récitant son manuel de droit européen : DMA, DSA, GAIA-X, CBAM… À croire qu’il confond politique industrielle et catalogue de bonnes intentions. Aucun mot sur les contradictions internes de l’UE, sur la schizophrénie entre libre-échange dogmatique et velléités de “souverainetés stratégiques”. On reste à la surface.

Et la Tunisie dans tout ça ? Absente, comme toujours

Il est quand même fascinant de voir à quel point l’auteur – tunisien, rappelons-le – réussit à écrire un article entier sur les conséquences géopolitiques du néoprotectionnisme… sans jamais ancrer sa réflexion dans les réalités maghrébines, tunisiennes ou africaines. Tout se passe comme si l’histoire se jouait ailleurs, entre Trump, Bruxelles et Pékin, pendant que la Tunisie subit – silencieusement, passivement – les secousses du monde.

C’est peut-être ça, le plus grave : une pensée qui mime l’analyse stratégique mais refuse d’assumer les implications locales. Où est la réflexion sur le positionnement géoéconomique de la Tunisie ? Sur ses marges de manœuvre ? Sur ses choix industriels ? Silence radio.

 

Il est quand même fascinant de voir à quel point l’auteur – tunisien, rappelons-le – réussit à écrire un article entier sur les conséquences géopolitiques du néoprotectionnisme… sans jamais ancrer sa réflexion dans les réalités maghrébines, tunisiennes ou africaines. Tout se passe comme si l’histoire se jouait ailleurs, entre Trump, Bruxelles et Pékin, pendant que la Tunisie subit – silencieusement, passivement – les secousses du monde.

 

In fine, sous la rhétorique, le vide

À vouloir opposer le “néoprotectionnisme” à un “néomercantilisme” idéalisé, Belhedi se contente en réalité de rejouer un débat académique stérile, sans valeur ajoutée analytique. Son article empile les concepts comme des briques mal jointées, sans édifice intellectuel cohérent. Il prétend penser la géoéconomie, mais ne dépasse jamais le commentaire de surface.

Le lecteur averti n’y trouvera qu’une énième variation sur les grandes peurs de l’époque : repli, populisme, fin du multilatéralisme… Des mots jetés comme des incantations, dans un théâtre d’ombres conceptuelles.

Et dire qu’il signe “Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA”. Dommage qu’aucune intelligence – ni artificielle, ni humaine – n’ait été mobilisée pour optimiser le fond !

À bon entendeur, en effet.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article ZOOM – Quand le bavardage prétend à la rigueur intellectuelle ! est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

Néoprotectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ?

Alors que de nombreux analystes qualifient la période actuelle de retour du néomercantilisme, cet article défend la thèse selon laquelle l’économie mondiale contemporaine est plutôt marquée par un néoprotectionnisme à outrance. À travers l’exemple emblématique des politiques commerciales de l’administration Trump, mais aussi à la lumière de la crise de COVID-19 et de la montée du populisme économique, nous montrons que ces dynamiques relèvent davantage d’une logique défensive, populiste et conjoncturelle, que d’une stratégie économique étatisée à visée hégémonique.

Néoprotectionnisme versus néomercantilisme : clarifier les concepts

Le néomercantilisme désigne une stratégie étatique de long terme, visant à maximiser les excédents commerciaux, soutenir les champions nationaux, et renforcer la puissance géoéconomique. Il suppose une coordination entre politique industrielle, commerciale et monétaire, comme en témoigne le modèle chinois post-2000.

Le néoprotectionnisme, en revanche, est davantage réactif. Il traduit un repli défensif contre la mondialisation, via des barrières tarifaires, des restrictions à l’importation, ou des relocalisations, souvent motivées par des pressions politiques internes plutôt qu’une volonté de domination commerciale. Il est le reflet d’un populisme économique soucieux de protéger des secteurs ou des emplois jugés sacrifiés par le libre-échange.

 

Lire aussi : Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ? (1/3)

 

Le cas Trump : un néoprotectionnisme populiste, non mercantiliste

L’élection de Donald Trump en 2016 symbolise un tournant majeur vers un néoprotectionnisme décomplexé. Sous la bannière « America First », l’administration Trump adopte des mesures tarifaires massives, souvent sans vision industrielle structurée.

Dès 2018, la guerre commerciale avec la Chine s’est traduite par des droits de douane exorbitants sans impact significatif sur le déficit commercial américain.

Par ailleurs, la taxation excessive de l’acier et de l’aluminium a touché même des alliés traditionnels comme le Canada ou l’Union européenne.

 

Ces politiques visaient avant tout à protéger certains électorats industriels, notamment dans la « Rust Belt », plutôt qu’à restructurer l’économie pour conquérir les marchés mondiaux. En cela, elles traduisent un protectionnisme défensif et électoraliste, bien éloigné d’un néomercantilisme étatique cohérent.

 

L’administration américaine a aussi remis en cause certains accords multilatéraux, tel que l’ALENA – remplacé par l’USMCA -, avec des clauses plus protectionnistes.

Ces politiques visaient avant tout à protéger certains électorats industriels, notamment dans la « Rust Belt », plutôt qu’à restructurer l’économie pour conquérir les marchés mondiaux. En cela, elles traduisent un protectionnisme défensif et électoraliste, bien éloigné d’un néomercantilisme étatique cohérent.

 

COVID-19 : accélérateur du repli économique

La pandémie de COVID-19 a révélé la vulnérabilité des chaînes de valeur mondialisées, provoquant un sursaut souverainiste. Les pénuries sanitaires, notamment de masques et de médicaments, ont incité à relocaliser les industries stratégiques.

De surcroît, des projets industriels régionaux, dans les batteries ou les semi-conducteurs, ont été lancés en Europe et en Asie, souvent motivés par la sécurité économique plus que par la compétitivité exportatrice.

Ces mesures, prises dans un contexte d’incertitude, relèvent d’un néoprotectionnisme « factuel » et « impulsionnel », détaché de tout socle doctrinal néomercantiliste.

 

Lire également :  Géopolitique – La Tunisie à l’épreuve du néomercantilisme mondial (2/3)

Populisme économique : logique politique avant stratégie commerciale

La montée du populisme économique dans les démocraties libérales favorise des politiques commerciales réactives et identitaires, fondées sur le rejet des élites mondialisées. Des initiatives comme « Make in India », les appels à la souveraineté économique en Europe, ou encore les politiques anti-importations en Amérique latine s’inscrivent dans cette logique.

Ces politiques visent à protéger les économies nationales à court terme, sans plan stratégique cohérent pour renforcer les capacités exportatrices ou la puissance économique globale. L’État devient arbitre, non stratège.

 

La montée du populisme économique dans les démocraties libérales favorise des politiques commerciales réactives et identitaires, fondées sur le rejet des élites mondialisées. Des initiatives comme « Make in India », les appels à la souveraineté économique en Europe, ou encore les politiques anti-importations en Amérique latine s’inscrivent dans cette logique.

 

L’Union européenne : un protectionnisme normatif ?

Face à la concurrence déloyale, notamment chinoise, l’Union européenne adopte elle aussi des instruments défensifs, entre autres :

* DMA (Digital Markets Act) : impose des règles aux “gatekeepers” pour limiter les abus de position dominante.

* DSA (Digital Services Act): responsabilise les plateformes sur les contenus diffusés.

* Promotion de solutions européennes (cloud souverain, moteurs de recherche alternatifs).

* Investissements dans les technologies stratégiques via des programmes européens (ex. : GAIA-X).

* Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières a été instauré.

* Le filtrage des investissements étrangers est renforcé.

* Des subventions industrielles ciblées sont accordées dans les technologies vertes.

Ces mesures s’inscrivent dans un cadre de rééquilibrage et de sécurisation technico-économique, là encore la logique reste réactive, pas néomercantiliste.

 

Impacts géopolitiques des distinctions entre néoprotectionnisme et néomercantilisme sur les pays vulnérables

La distinction entre néoprotectionnisme et néomercantilisme a des conséquences majeures sur la géopolitique mondiale, en particulier pour les pays vulnérables à ces tendances.

Les pays émergents et en développement, souvent dépendants des exportations et des investissements étrangers, se retrouvent pris entre des puissances, comme la Chine, qui cherchent à étendre leur influence par des stratégies économiques cohérentes, et des économies majeures adoptant un néoprotectionnisme défensif, marqué par l’instabilité et l’arbitraire.

Dans ce contexte, les États vulnérables subissent des pressions accrues : l’accès à certains marchés clés se réduit brutalement en raison des barrières tarifaires ou non tarifaires. Tandis que les flux d’investissements étrangers directs deviennent plus imprévisibles.

Ce phénomène complique la planification économique et accroît les risques d’instabilité politique. Ces pays doivent alors naviguer entre la nécessité d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales et le besoin de renforcer leur autonomie stratégique, souvent sans disposer des moyens étatiques ou financiers nécessaires.

 

L’économie mondiale connaît un retour du protectionnisme, sous une forme nouvelle : populiste, défensive, fragmentée et souvent improvisée. Contrairement au néomercantilisme, stratégique et structuré, ce néoprotectionnisme reflète une désillusion face à la mondialisation, un rejet du multilatéralisme et un repli sur les intérêts nationaux immédiats.

 

Par ailleurs, l’instabilité générée par le néoprotectionnisme, caractérisé par des mesures ponctuelles, parfois contradictoires accroît les tensions géopolitiques, notamment dans les régions fragiles, où la compétition pour l’accès aux ressources et aux marchés se double d’enjeux sécuritaires.

Ainsi, la montée du néoprotectionnisme impose aux pays vulnérables un exercice d’équilibre délicat, entre adaptation aux nouvelles règles du jeu économique mondial et développement d’une stratégie propre, qui devra sans doute conjuguer souveraineté économique et intégration sélective.

In fine, l’économie mondiale connaît un retour du protectionnisme, sous une forme nouvelle : populiste, défensive, fragmentée et souvent improvisée. Contrairement au néomercantilisme, stratégique et structuré, ce néoprotectionnisme reflète une désillusion face à la mondialisation, un rejet du multilatéralisme et un repli sur les intérêts nationaux immédiats. La politique douanière de Trump illustre un protectionnisme de crise, motivé par la peur, l’idéologie et des enjeux politiques internes, avec des conséquences géopolitiques importantes, notamment pour les pays vulnérables dépendants du commerce international, confrontés à une économie mondiale plus instable et conflictuelle.

A bon entendeur !

 

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Mahjoub Lotfi Belhedi

Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA // Data Scientist & Aiguilleur d’IA

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Présidentielle 2028 : et si Trump appliquait la bonne vieille recette de Poutine ?

Vu que la Constitution américaine l’empêche de briguer un troisième mandat, Donald Trump pourrait être tenté de contourner le texte fondateur par une entourloupette … à la russe.

Et si Donald Trump cherchait à s’inspirer du scénario russe pour rester quatre années supplémentaires au pouvoir, bien que la Constitution américaine soit claire sur ce sujet : personne ne peut exercer plus de deux mandats à la tête du pays (qu’ils soient consécutifs ou non), en vertu du 22ème amendement, adopté par le Congrès le 21 mars 1947 et entré en vigueur le 27 février 1951.

Ainsi, suivant l’exemple de Poutine, Donald Trump renoncerait à ses fonctions dans un premier temps, alors son vice-président, JD Vance, reprendrait automatiquement son poste, comme le stipule la Constitution. Mais si le nouveau président choisissait l’ancien comme vice-président, il pourrait ensuite démissionner, laissant alors la voie libre à Donald Trump qui reprendrait donc son poste à la Maison Blanche.

Scénario hollywoodien né de l’imagination d’un auteur déjanté ? Pas si sûr, à moins d’avoir la mémoire courte.

 

Suivant l’exemple de Poutine, Donald Trump renoncerait à ses fonctions dans un premier temps, alors son vice-président, JD Vance, reprendrait automatiquement son poste, comme le stipule la Constitution.

 

Changement de fauteuil

Rembobinage. Moscou, 2008. Vladimir Poutine, président incontesté depuis huit ans, s’apprête à quitter le pouvoir. La Constitution l’empêche d’effectuer un troisième mandat consécutif. Mais pour l’ancien officier du KGB, la lettre de la loi n’a jamais signifié renoncement au pouvoir.

La solution est simple. Dmitri Medvedev, un juriste discret et fidèle allié, est désigné comme candidat à la présidence. Élu avec 70 % des voix, il entre au Kremlin en mai 2008. Dans la foulée, Vladimir Poutine est nommé Premier ministre.

En 2011, la mascarade prend fin. Lors d’un congrès du parti Russie Unie, Medvedev annonce publiquement qu’il renonce à briguer un second mandat. Il propose que Vladimir Poutine se présente à l’élection de 2012.

Poutine est réélu triomphalement. Medvedev redevient Premier ministre. Les rôles sont inversés, mais la hiérarchie reste intacte. Pour beaucoup, ce retour n’a jamais fait de doute. En toile de fond, la Constitution a été modifiée : les mandats présidentiels passent de quatre à six ans. La voie est libre pour que Poutine gouverne… jusqu’en 2024, voire 2036. Bref, une présidence à vie.

 

Pour beaucoup, ce retour n’a jamais fait de doute. En toile de fond, la Constitution a été modifiée : les mandats présidentiels passent de quatre à six ans. La voie est libre pour que Poutine gouverne… jusqu’en 2024, voire 2036. Bref, une présidence à vie.

 

JD Vance adoubé par Trump

Mais, revenons à nos moutons. Rattrapé pour son âge avancé -si troisième mandat il y avait, il débuterait à 82 ans, soit l’âge actuel de son prédécesseur, Joe Biden -, l’actuel locataire de la Maison Blanche vient d’évoquer l’avenir du mouvement MAGA (Make America Great Again), en marge d’un déplacement à Los Angeles pour présenter un groupe de travail spécial du gouvernement pour les Jeux olympiques de 2028. Et ce, en désignant son vice-président, J.D. Vance, comme favori du camp républicain pour l’élection présidentielle américaine de 2028.

Interrogé mardi 5 août par Fox News sur le potentiel statut de dauphin de JD Vance dans la galaxie Maga, Donald Trump a répondu sans détour : « C’est fort probable. Il est vice-président, et je pense que Marco Rubio pourrait aussi s’associer avec J.D. d’une manière ou d’une autre ».

« Il est trop tôt pour en parler, mais il fait sans aucun doute du très bon travail et il serait probablement favori à ce stade », a poursuivi le président américain, qui s’était, jusqu’alors, refusé de soutenir et nommer un successeur dans son mouvement pour l’élection de 2028.

Ainsi, la voie semble dégagée pour le colistier de Trump en 2024, qui s’impose ainsi comme l’héritier naturel du courant MAGA, avec un soutien solide au sein du parti républicain.

Ancien sénateur de l’Ohio puis colistier de Donald Trump en 2024, le vice-président Vance a émergé comme une figure majeure de la nouvelle administration Trump et des républicains. Apôtre d’une droite très conservatrice et chrétienne, il a lui-même indiqué qu’il pourrait se porter candidat à la présidentielle de 2028, mais seulement après consultation avec Donald Trump.

Revirement spectaculaire

Pourtant, pour la petite histoire, et avant de devenir l’un des plus grands fidèles du milliardaire, J.D. Vance était un farouche opposant à Trump lors de la campagne présidentielle de 2016. Dans des interviews et sur les réseaux sociaux, il décrivait Trump comme « nuisible pour la démocratie » et exprimait ouvertement son inquiétude quant à la direction populiste prise par le Parti républicain. À l’époque, Vance se présentait comme une voix modérée, lucide, issue d’un milieu ouvrier, voyait Trump comme un opportuniste exploitant les colères populaires sans offrir de vraies solutions.

 

« Hitler de l’Amérique », « idiot », « nocif », voici comment cet avocat de formation dépeignait l’occupant de la Maison Blanche durant son premier mandat (2017-2020). Il s’est ensuite rapproché du leader MAGA afin d’être élu sénateur de l’Ohio en 2022.

 

« Hitler de l’Amérique », « idiot », « nocif », voici comment cet avocat de formation dépeignait l’occupant de la Maison Blanche durant son premier mandat (2017-2020). Il s’est ensuite rapproché du leader MAGA afin d’être élu sénateur de l’Ohio en 2022.

Reconnaissant l’influence profonde et durable de Trump sur l’électorat républicain, Vance a peu à peu adopté ses positions. Depuis, il est devenu un fidèle allié, défendant Trump lors des affaires judiciaires et adoptant ses discours anti-élite et isolationnistes.

Cela étant, cette évolution témoigne de la transformation du Parti républicain lui-même. Vance illustre en effet le profil du nouveau conservateur trumpiste : cultivé, médiatique, issu des classes populaires, mais désormais aligné sur un agenda populiste et nationaliste. Ainsi, l’ancien critique est devenu un allié stratégique allant jusqu’à devenir la Voix de son maître.

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Marx 1.0 vs Marx 4.0 ?

Imaginez « Karl Marx » débarquant à notre époque, curieux de comprendre les luttes sociales d’aujourd’hui. Face à l’omniprésence des algorithmes, de l’IA générative et du capitalisme de plateforme, il chercherait en vain la classe ouvrière dans les usines. Et tomberait nez à nez avec… Marx 4.0 – une version de lui-même – qu’il ne reconnaîtrait pas.

La rupture est nette, presque violente. Marx, l’original (1.0), pensait le monde en termes de matière, de forces productives, de travail aliéné. Pour lui, la valeur se créait à la sueur du front. La révolution viendrait des masses laborieuses, organisées, conscientes de leur exploitation.

Marx augmenté (4.0), lui, vit dans un autre monde : celui des data lakes, des revenus d’attention, des travailleurs invisibles du clic. Il ne parle plus de lutte des classes, mais de captation algorithmique, d’extraction comportementale. Il ne cherche pas le prolétaire dans la rue, mais dans les conditions d’utilisation d’une app mobile.

Le premier croyait au progrès industriel, le second le soupçonne de nous surveiller. L’un voulait renverser l’usine, l’autre désinstaller TikTok.

Cette fracture épistémologique est telle qu’ils ne pourraient même plus débattre : l’un parlerait de dialectique, l’autre de disruption. L’un cite « Hegel », l’autre se focalise sur l’agrégateur de contenu géant « Reddit ».

Cette rupture épistémologique est si abyssale qu’un dialogue entre les deux serait impossible. Marx 1.0 parlerait de dialectique, Marx 4.0 lui répondrait en emojis. Le premier croit à la conscience de classe, le second exploite les mécanismes inconscients du comportement de masse.

Et s’ils venaient à se croiser ? Marx 1.0 accuserait son successeur de trahison théorique, de collaboration avec l’ennemi numérique, et de porter une lunette AR sponsorisée par Amazon. Marx 4.0, lui, l’accuserait de ne rien comprendre à l’économie de l’attention, et lui proposerait un NFT de « Das Kapital » pour se calmer.

Face aux IA qui réécrivent l’histoire pendant qu’on dort, Marx 1.0 finirait peut-être par murmurer, fatigué, en regardant les serveurs tourner :

« Influenceurs de tous les pays, unissez-vous ! »

 

A suivre…

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Mahjoub Lotfi Belhedi

Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA // Data scientist & Aiguilleur d’IA

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« Nous sommes au bord de la défaite », dixit un ancien patron du Mossad !

Près de 600 anciens responsables de l’appareil sécuritaire en Israël, ainsi que d’anciens hauts gradés militaires ont appelé le président américain Donald Trump à « faire pression » sur le Premier ministre israélien pour mettre fin à la guerre à Gaza. Sous d’autres cieux, cette initiative inédite aurait été qualifiée d’ingérence dans les affaires internes d’un pays souverain.

Qui aurait imaginé un tel scénario : la crème de la crème d’anciens responsables de l’appareil sécuritaire en Israël, parmi lesquels plusieurs ex-patrons du Mossad et du Shin Bet ainsi que des hauts gradés de l’armée israélienne lancent un appel pressant au président d’une puissance étrangère, en l’occurrence les Etats-Unis, pour l’inciter à mettre fin à la folie meurtrière de leur propre Premier ministre, le sanguinaire  Benyamin Netanyahou ?

Stratégie de survie

En effet, il semble évident que le Premier ministre israélien fait traîner la guerre à Gaza, officiellement pour éradiquer le Hamas, mais en réalité pour sa propre survie politique.

Pris en étau dans une coalition avec des partis ultra-orthodoxes et d’extrême droite, aux agendas idéologiques radicaux, certains de ses encombrants alliés menacent de faire tomber le gouvernement s’il acceptait un cessez-le-feu sans destruction totale du Hamas ; sévèrement critiqué par les familles d’otages qui dénoncent une gestion cynique et inefficace de ce dossier ultra sensible en Israël ; traînant plusieurs affaires de corruption pour lesquelles il est toujours jugé, Netanyahou n’a d’autre choix que maintenir l’état de guerre comme stratégie de survie. Entre temps, il aurait tout intérêt à faire durer l’ambiguïté dans la guerre de Gaza : ni paix ni solution politique claire. Ainsi, il espère éviter temporairement une enquête parlementaire ou des élections anticipées, deux scénarios potentiellement désastreux pour lui.

Trump le Messie

Et c’est pour avoir compris que seul le Grand frère américain est en mesure d’arrêter ce cercle infernal de violences meurtrières à Gaza qui aura gravement nui à l’image de l’Etat hébreu (selon le rapport publié le 25 juin 2025 par World Population Review– Israël figure avec la Chine, les États-Unis, la Russie et la Corée du Nord dans le Top 10 des pays les plus détestés au monde- que 550 anciens signataires dont trois anciens patrons du Mossad, le service de renseignement extérieur, cinq ex-dirigeants du Shin Bet, le service de sécurité intérieure et trois ex-chefs d’état-major de l’armée israélienne- chacune de ces personnes aura siégé aux réunions du cabinet, opéré dans les cercles les plus confidentiels et participé à tous les processus de prise de décision les plus sensibles et les plus délicats- ont adressé une lettre rendue publique dans la nuit du dimanche 3 au lundi 4 août pour appeler le président américain Donald Trump à faire pression sur le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou « pour mettre fin à la guerre à Gaza ».

« Cette guerre a cessé d’être une guerre juste et conduit l’État d’Israël à perdre son identité », alertent les signataires. « Au nom de CIS, le plus grand groupe israélien d’anciens généraux de l’armée, Mossad, Shin Bet, police et corps diplomatiques équivalents, nous vous exhortons à mettre fin à la guerre à Gaza. Vous l’avez fait au Liban. Il est temps de le faire à Gaza également », plaident-ils auprès du président Trump.

Pour rappel, le groupe CIS, qui compte aujourd’hui plus de 600 membres, fait régulièrement pression sur le gouvernement pour qu’il change de stratégie et se concentre davantage sur le retour des otages israéliens et sur un plan d’après-guerre pour Gaza.

« Tsahal a depuis longtemps atteint les deux objectifs qui pouvaient être réalisés par la force : démanteler les formations militaires et le gouvernement du Hamas », estiment les signataires de la lettre. « Le troisième, et le plus important, ne peut être atteint que par un accord : ramener tous les otages chez eux », soulignent-ils.

Cela implique, selon les signataires, de « mettre fin à la guerre, ramener les otages, arrêter les souffrances et former une coalition régionale-internationale qui aide l’Autorité palestinienne (une fois réformée) à offrir aux Gazaouis et à tous les Palestiniens une alternative au Hamas et à son idéologie perverse ».

« Cette guerre a commencé comme une guerre juste, une guerre défensive. Mais une fois tous ses objectifs militaires atteints et une brillante victoire militaire contre tous nos ennemis, elle a cessé d’être une guerre juste. Elle conduit l’État d’Israël à la perte de sa sécurité et de son identité », déplore Ami Ayalon, ancien directeur du Shin Bet, le service de sécurité intérieure. Et de conclure : Israël est au bord de la défaite, prédit l’ancien directeur du Mossad, Tamir Pardo.

Mensonge d’Etat

« Nous nous cachons derrière un mensonge que nous avons engendré. Ce mensonge a été vendu au public israélien, et le monde a compris depuis longtemps qu’il ne reflète pas la réalité. Nous avons un gouvernement que les zélotes messianiques ont entraîné dans une certaine direction irrationnelle », renchérit de son côté Yoram Cohen, ex-patron de Shin Bet.

Il y a fort à parier que par un tour de manivelle dont l’Histoire a le secret, l’Etat hébreu est gangrené… de l’intérieur.

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ECLAIRAGE – Géopolitique – La Tunisie à l’épreuve du néomercantilisme mondial (2/3)

Alors que les grandes puissances redessinent les lignes de fracture de l’économie mondiale à coups de barrières tarifaires, de restrictions technologiques et de relocalisations industrielles, un vieux spectre resurgit : celui du mercantilisme. Sous son nouveau visage – le néomercantilisme – il ne s’agit plus de coopérer, mais de dominer. La mondialisation s’effrite, les blocs se reforment et les plus faibles risquent d’en payer le prix fort. Pour la Tunisie, le défi est clair : ne pas sombrer dans le mimétisme stratégique, mais inventer une souveraineté économique adaptée à ses réalités et à ses atouts.

Le retour brutal des États-puissance

Depuis la pandémie de Covid-19 et la montée des tensions géopolitiques, l’économie mondiale n’est plus guidée par le libre-échange ou les règles communes. Elle est désormais le terrain d’un affrontement feutré mais implacable entre grandes puissances. Les États-Unis imposent des droits de douane massifs, l’Europe subventionne ses industries « vertes », la Chine verrouille ses exportations stratégiques. Tous avancent un même objectif : sécuriser leurs intérêts nationaux dans un monde devenu instable. Cette montée en puissance des États s’accompagne d’un durcissement des accès aux marchés, aux technologies et aux ressources, au détriment des pays qui n’ont pas les moyens de riposter.

Un monde fermé aux économies vulnérables

La nouvelle architecture économique mondiale se structure en blocs. Ceux qui dictent les règles d’accès aux circuits financiers, aux innovations technologiques ou aux ressources naturelles ne sont plus dans une logique de partage, mais de contrôle. Pour les économies émergentes et en développement, cette fermeture est synonyme de marginalisation. La Tunisie, comme d’autres pays du Sud, risque de se retrouver enfermée dans une périphérie stratégique, exposée à des conditionnalités plus sévères et à une dépendance accrue vis-à-vis de flux exogènes.

Le piège de l’imitation

Dans ce contexte, la tentation est grande de calquer les choix des grandes puissances : protectionnisme, relocalisation, préférence nationale. Mais cette voie serait dangereuse pour un pays comme la Tunisie. Elle ne dispose ni d’un marché intérieur suffisant, ni de marges budgétaires, ni d’un appareil productif assez robuste pour soutenir une économie fermée. Adopter ces recettes sans les moyens d’en assumer les conséquences reviendrait à créer des niches étroites, inefficaces, coupées de l’innovation et de la compétitivité internationale.

Une souveraineté économique ouverte et maîtrisée

La Tunisie ne peut se permettre un repli. Elle doit au contraire bâtir une souveraineté économique lucide et intelligente. Cela implique de repenser son intégration mondiale, non pas en la refusant, mais en en maîtrisant les termes. La souveraineté ne consiste pas à s’isoler, mais à choisir ses dépendances, à diversifier ses partenariats, à anticiper les mutations et à renforcer ses capacités à négocier. L’avenir tunisien se joue dans sa capacité à s’insérer dans des alliances régionales solides – notamment avec l’Afrique et la Méditerranée – et à identifier les créneaux technologiques et industriels porteurs, en lien avec ses ressources et ses compétences.

La crise du multilatéralisme, une opportunité à saisir

Ce basculement vers le néomercantilisme s’inscrit dans un contexte plus large : celui d’un affaiblissement du multilatéralisme. Les institutions internationales perdent de leur influence, les règles communes vacillent, les rapports de force prennent le dessus. Ce vide normatif crée une instabilité globale, mais aussi un espace pour inventer autre chose. La Tunisie ne doit pas se contenter d’être spectatrice de cette recomposition, ni se soumettre à des modèles extérieurs. Elle peut, si elle le décide, devenir un acteur stratégique de cette transition mondiale, en misant sur l’innovation, la formation, la diplomatie économique et la projection régionale.

Inventer une voie tunisienne dans un monde fragmenté

Le néomercantilisme n’est pas une fatalité, mais un symptôme du désordre global. La Tunisie doit éviter deux écueils : celui de l’isolement et celui de la soumission. Elle a la possibilité de définir une voie originale, fondée sur la résilience, l’intelligence collective et le choix stratégique de ses interdépendances. Dans ce nouveau monde, la souveraineté ne se proclame pas à grand renfort de discours, elle se construit dans le détail des décisions, des alliances et des investissements.

In fine, penser l’après-mondialisation, pour la Tunisie, ce n’est pas tourner le dos à la mondialisation, mais refuser d’en subir les dérives. C’est affirmer une capacité à exister autrement, à faire entendre sa voix, à participer pleinement à la reconfiguration du monde – non pas comme un simple rouage, mais comme un acteur à part entière.

 

A suivre…

 

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Article en relation:

ECLAIRAGE – Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ? (1/2)

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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La chronique de Recherches internationales : Au Japon, l’Orient extrême

Cette époque sombre, qui a vu le Japon rejoindre les puissances de l’Axe et se conclure par l’horreur des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, a toujours ses nostalgiques. Preuve en est du scrutin du 20 juillet dernier, qui a renouvelé la moitié des sièges de la Chambre des conseillers, la Chambre haute de la Diète japonaise.

Imaginez votre stupeur quand, flânant dans les rues d’une grande ville allemande, vous découvririez une église où l’on vient prier pour les soldats nazis morts au combat. Cette folie révisionniste existe bel et bien en plein centre de Tokyo, à deux pas du Kokyo, le palais de la famille impériale.

Au sanctuaire shinto de Yasukuni, entre de grandes allées, des cerisiers et d’anciennes maisons de thé, les Japonais honorent les deux millions de « divinités » tombées lors des invasions coloniales de l’empire (1868-1945) et pendant la « Grande guerre d’Asie de l’Est » – la Seconde Guerre mondiale.

Sanseito : la sensation du scrutin du 20 juillet 2025

Au détour d’un sentier, un monument est même dressé à la gloire de la Kempeitai, surnommée la « Gestapo japonaise », qui tortura, massacra, viola et réduit au travail forcé des Coréens, Chinois, Taïwanais et d’autres peuples de la région.

Cette époque sombre, qui a vu le Japon rejoindre les puissances de l’Axe et se conclure par l’horreur des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, a toujours ses nostalgiques. Preuve en est du scrutin du 20 juillet dernier, qui a renouvelé la moitié des sièges de la Chambre des conseillers, la Chambre haute de la Diète japonaise.

La conclusion principale de cette élection est la perte de majorité du Parti libéral-démocrate (PLD, droite). Cette dernière était prévisible, tant ses dirigeants, empêtrés dans des scandales de fraude financière et électorale, ont entraîné le peuple dans un ultralibéralisme intenable. Mais ce nouveau revers est éclipsé par la percée des mouvements d’extrême droite, jusqu’ici anecdotiques ou tentant de prendre les rênes du PLD.

Le Sanseito, parti populiste et xénophobe, n’avait jusqu’ici qu’un conseiller – Sohei Kamiya, son leader. Il en a fait élire 14 de plus, recueillant 7,4 millions de voix sur l’archipel, soit 12,55 %.

 

La conclusion principale de cette élection est la perte de majorité du Parti libéral-démocrate (PLD, droite). Cette dernière était prévisible, tant ses dirigeants, empêtrés dans des scandales de fraude financière et électorale, ont entraîné le peuple dans un ultralibéralisme intenable. Mais ce nouveau revers est éclipsé par la percée des mouvements d’extrême droite, jusqu’ici anecdotiques ou tentant de prendre les rênes du PLD.

 

Lire aussi: Japon – Elections: le PLD et Komeito perdent le Sénat

Sanae Takaichi… aux portes de la primature

Créé en 2020 pendant la crise du Covid-19, le mouvement est très présent sur les réseaux sociaux, où ses dirigeants déversent des discours antisémites, antivax, homophobes et favorables à la réécriture de la Constitution pacifique du Japon. Il a surtout réussi à capter la faction nationaliste des électeurs du PLD. Ces derniers sont issus des classes aisées, et les plus zélés d’entre eux suivaient jusqu’à présent la très droitière Sanae Takaichi. Elle a failli devenir Premier ministre en septembre 2024, lors des élections internes au parti convoquées après la démission de Fumio Kishida (2021-2024), devancée de seulement quelques voix par Shigeru Ishiba, l’actuel dirigeant.

Également révisionniste, elle se rend régulièrement au sanctuaire de Yasukuni, les mains chargées d’offrandes.

Mme Takaichi est enfin affiliée au Nippon Kaigi, une organisation ultranationaliste qui a pour symbole l’ancien drapeau du Japon impérial, sur lequel le soleil levant irradie ses rayons rouges.

Mais le Sanseito a réussi à mobiliser l’électorat populaire. À 47 ans, Sohei Kamiya a mené une campagne à la Donald Trump (dont il loue le « style politique audacieux« ) centrée sur l’immigration et « Les Japonais d’abord« , en détournant les préoccupations principales de la classe travailleuse : la sécurité sociale, la hausse des prix du riz et la baisse alarmante de la natalité.

Hikikomori, un terreau fertile à l’antiféminisme et à la xénophobie

Comme leurs voisins Sud-coréens, les Japonais sont déprimés par l’inflation et une culture du travail très prenante, qui les fait rechigner à se marier et à fonder une famille. En 2024, seules 700 000 naissances environ ont été enregistrées dans l’archipel, le plus bas chiffre depuis l’établissement du recensement, à la fin du XIXe siècle.

Le capitalisme à outrance et les inégalités creusées dans son sillage mènent certains hommes japonais à l’isolement – symbolisé par l’inquiétant phénomène des hikikomori, ces hommes plus ou moins jeunes qui ne sortent plus de leur chambre quitte à y mourir – et constitue un terreau fertile à l’antiféminisme et à la xénophobie.

 

En 2024, seules 700 000 naissances environ ont été enregistrées dans l’archipel, le plus bas chiffre depuis l’établissement du recensement, à la fin du XIXe siècle.

 

Sohei Kamiya, le “Donald Trump“ japonais  

C’est aussi à ces masculinistes que s’est adressé le Sanseito, à l’instar d’autres dirigeants de droite nationaliste tels que l’Américain Donald Trump, l’Argentin Javier Milei ou le Sud-coréen Yoon Suk-yeol, déchu après avoir déclaré la loi martiale en décembre 2024.

Sohei Kamiya a par exemple qualifié l’égalité des genres « d’erreur qui pousse les femmes à travailler et les empêche d’avoir des enfants« .

 

Lire également : Face au féminisme, faut-il s’inquiéter de la montée du masculinisme?

 

Résolument anti syndicaliste et favorable à des baisses d’impôt pour les entreprises et à « des coupes » dans l’administration et les services publics, il est enfin partisan d’une remilitarisation de l’archipel. Le sujet est brûlant depuis quelques années : l’article 9 de la Constitution interdit certes au Japon de disposer d’une armée autre que défensive. Mais le texte hérité de 1945 est sans cesse détricoté par les gouvernements du PLD depuis Shinzo Abe (2006-2007 et 2012-2020) : les jietai (Forces japonaises d’autodéfense) sont désormais déployées à l’étranger, et le pays a récemment mis à l’eau son premier porte-avions depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit du « Kaga », du nom d’un ancien porte-avions qui avait servi lors de la seconde guerre sino-japonaise et de la bataille de Pearl Harbor.

Cette remilitarisation est largement encouragée par l’allié états-unien, qui fournit des armes à Tokyo, Séoul, Manille ou encore Taipei pour encercler la Chine dans le Pacifique. La « stratégie des chaînes d’îles« , comme formulée par Washington, fait du Japon un maillon essentiel de l’impérialisme américain en Asie. Quelque 50 000 GI stationnent en permanence sur l’archipel, notamment sur les bases militaires d’Okinawa, au sud. Ce qui irrite les habitants, confrontés de longue date à des agressions de jeunes Japonaises par les soldats. Et le gouvernement japonais ambitionne d’établir un commandement unifié des jieitai, dirigé par un général états-unien.

La « paix éternelle » résistera-t-elle à la « paix par la force » ?

Pour réarmer leur pays en dépit de la « paix éternelle » inscrite dans la Constitution, les dirigeants ont commandé ces dix dernières années la bagatelle de 147 avions bombardiers F-35 au Pentagone, ainsi que plusieurs centaines de missiles Tomahawk. En 2023, le Premier ministre Fumio Kishida, lui aussi issu des rangs du PLD, a fait voter par la Diète une loi de programmation militaire qui doterait le Japon du troisième budget de Défense au monde.

Récemment, les menaces de droits de douane de l’administration Trump ont de nouveau fait ployer le genou à Shigeru Ishiba. Parmi les gages du Premier ministre au président américain, outre les 15 % de taxes sur les produits japonais, des investissements de 550 milliards de dollars dans l’industrie américaine, notamment de l’armement, alors que « le ministère de la Défense achète déjà environ 1 000 milliards de yens (5,8 milliards d’euros, ndlr) d’armes aux Etats-Unis« , déplore le journal communiste Akahata. Pour ne rien arranger, M. Ishiba est partisan d’une « OTAN asiatique » qui assiérait encore plus confortablement Washington en Asie-Pacifique, au risque de faire enrager Pékin et de mettre le feu à la poudrière régionale.

 

Parmi les gages du Premier ministre au président américain, outre les 15 % de taxes sur les produits japonais, des investissements de 550 milliards de dollars dans l’industrie américaine, notamment de l’armement, alors que « le ministère de la Défense achète déjà environ 1 000 milliards de yens (5,8 milliards d’euros, ndlr) d’armes aux Etats-Unis« .

 

Le Premier ministre évoque même le « parapluie nucléaire américain« , impensable pour le seul pays atomisé de l’Histoire, à quelques jours des commémorations des 80 ans de Hiroshima et Nagasaki.

Cette escalade mortifère provoque l’ire des hibakusha, les survivants de la bombe nucléaire et leurs descendants. Ils voient déjà leur gouvernement boycotter le dernier comité préparatoire à la conférence d’examen du Traité de non-prolifération nucléaire cette année. Ils redoutent désormais de voir bientôt abrogé l’article 9. Ce que désirent ardemment le Sanseito et les factions nationalistes du PLD.

Un temps avancée, la démission de Shigeru Ishiba après le scrutin du 20 juillet est finalement abandonnée. Mais pour gouverner, le Premier ministre devra nouer de nouvelles alliances avec les partis d’opposition. Il s’agit de savoir s’il privilégiera les besoins de son peuple, comme le veulent les progressistes pacifistes, ou s’il préfèrera séduire les nationalistes bellicistes.

Malheureusement, de premiers éléments de réponse existent. Durant la campagne, les libéraux se sont alignés sur l’agenda xénophobe de l’extrême droite et de la « paix par la force » états-unienne. Au risque de revoir un jour les rayons de l’empire japonais brûler l’Asie de l’Est.

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Axel Nodinot

Journaliste, spécialiste de l’Asie-Pacifique

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* Cette chronique est réalisée en partenariat rédactionnel avec la revue Recherches internationales à laquelle collaborent de nombreux universitaires ou chercheurs et qui a pour champ d’analyse les grandes questions qui bouleversent le monde aujourd’hui, les enjeux de la mondialisation, les luttes de solidarité qui se nouent et apparaissent de plus en plus indissociables de ce qui se passe dans chaque pays.

Site : http://www.recherches-internationales.fr/

https://shs.cairn.info/revue-recherches-internationales?lang=fr

Mail : recherinter@paul-langevin.fr  6, av. Mathurin Moreau; 75167 Paris Cedex 19

 

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Les intertitres sont de la rédaction

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« Presque minuit » à l’horloge de l’apocalypse !

Depuis le 20 janvier 2025, date de son entrée à la Maison Blanche pour un second mandat, Donald Trump n’arrête pas de surprendre le monde et, en premier lieu, ceux qui ont voté pour lui.

Sa base électorale se rappelle avec consternation ses discours de campagne pour sa réélection dans lesquels il s’en prenait à ses prédécesseurs qui, vociférait-il, ont « engagé le pays dans des guerres sans fin ». Elle se rappelle aussi ses promesses de « mettre fin à toutes les guerres », à commencer par celle d’Ukraine qui sera arrêtée « en 24 heures ».

Aujourd’hui, sept mois et demi après, Donald Trump démontre que non seulement il n’est guère différent de ses prédécesseurs qu’il haranguait pendant sa campagne, mais qu’il est le président qui a rapproché le plus le monde de la Troisième Guerre mondiale, c’est-à-dire de la destruction de la planète et très probablement de la vie sur Terre.

Plusieurs commentateurs et observateurs des derniers développements dangereux des guerres d’Ukraine et du Moyen-Orient alertent l’opinion mondiale qu’il est « presque minuit » à l’horloge de l’apocalypse, c’est-à-dire que nous sommes au bord de la guerre nucléaire.

La brusque aggravation de la tension a commencé par des « tweets », le moyen préféré de Donald Trump de gouverner son pays et de communiquer avec le monde. Dans un premier tweet, il donne à Poutine « 50 jours pour arrêter la guerre en Ukraine… ». Peu de temps après, un autre tweet : « 50 jours c’est beaucoup, je donne à Poutine entre 10 et 12 jours pour arrêter la guerre », suivi des menaces habituelles de sanctions.

A ce second tweet, l’ancien président russe, Dmitry Medvedev, a répondu par le biais des réseaux sociaux : « Trump joue avec la Russie au jeu des ultimatums. 50 jours ou 10 jours… Il doit avoir en tête deux choses : 1- Nous ne sommes pas Israël, ni même l’Iran ; 2- Chaque nouvel ultimatum est une menace et un nouveau pas vers la guerre, non pas entre la Russie et l’Ukraine, mais avec son propre pays ».

Et c’est cette banale réponse de Medvedev qui a été considérée par Trump comme « une réelle menace » vis-à-vis de laquelle il a cru devoir réagir par l’envoi de deux sous-marins nucléaires à proximité de la Russie ! Pas seulement cela, mais Trump a aussi envoyé des missiles nucléaires en Grande-Bretagne pour y être stockés plus près de la Russie…

Comment expliquer le virage de 180° entre Trump – le candidat homme-de-paix – et Trump – le président va-t-en-guerre ? C’est que cet homme notoirement incompétent en politique et dont les modestes fonctions cognitives ne lui permettent pas de saisir toute la complexité des forces stratégiques en mouvement sur la planète, s’est trouvé sous l’influence de deux puissants courants bellicistes : celui des faucons anti russes, anti chinois et anti-iraniens qui pullulent dans son entourage et au Congrès, et celui des élites gouvernantes d’Europe pathologiquement anti russes.

Celles-ci ont tout fait pour éloigner de Trump toute idée de paix en Ukraine, y compris de lui promettre ce qu’elles ne peuvent pas se permettre. En effet, il y a quelques jours, Ursula von der Leyen a fait le voyage en Ecosse pour rencontrer Trump dans son domaine de golf. Elle a non seulement accepté toutes hausses de tarifs imposées aux exportations européennes aux Etats-Unis, mais elle a apposé sa signature sur l’engagement de l’Europe à acheter pour 750 milliards de dollars de produits énergétiques américains en trois ans et d’investir au cours de la même période 600 milliards de dollars dans l’économie américaine…

Mme von der Leyen sait pertinemment que l’état des finances européennes et le niveau élevé d’endettement des pays de l’UE ne permettent pas de débourser de telles sommes en faveur de l’économie américaine. Mais elle y consent quand même au nom du demi-milliard d’Européens dans le désir pathétique de maintenir le président américain dans les rangs des bellicistes anti russes.

Le plus étrange, c’est le calme avec lequel les populations européennes acceptent de tels développements si contraires à leur développement, à leur bien-être et à leur sécurité.

Autres temps, autres mœurs : dans les années 1980 du siècle dernier, des millions de Britanniques ont défilé dans les rues de Londres, Manchester et Liverpool pour protester contre la décision de Ronald Reagan d’entreposer en Grande-Bretagne des Pershing et de missiles Cruise. Aujourd’hui, étonnamment, le dépôt de missiles nucléaires américains en Grande-Bretagne à « presque minuit » à l’horloge de l’apocalypse passe inaperçu…

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