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Une bataille judiciaire qui secoue le cinéma tunisien : « Exile » contre « Fouladh », une affaire de droits d’auteur ?

L’affaire ayant suscité l’intérêt des milieux culturels, artistiques et juridiques, compte tenu des véritables problématiques qu’elle soulève autour de l’éthique du travail cinématographique et des droits de propriété intellectuelle.

La Presse — «La justice tunisienne est appelée à statuer sur la suspension du film «Exile» (Ightirab) de Mehdi Hmili pour atteinte présumée aux droits intellectuels et artistiques», annonçait, le 7 août, le réalisateur Abdallah Chamekh, qui a déposé une plainte en référé pour demander la suspension, la distribution et la promotion dudit film présenté parallèlement au Festival international du film de Locarno. Il a dénoné ce qu’il qualifie de «violation flagrante des droits intellectuels et artistiques». L’affaire remet sur le devant de la scène la question des droits intellectuels.

Selon Chamekh, «Exile», qui est une fiction, s’inspire directement de son propre projet initial, le documentaire de long-métrage «Fouladh», qui avait obtenu en 2018 une subvention de soutien à la production du ministère des Affaires culturelles, ainsi qu’un appui financier de plusieurs institutions internationales, dont la Doha Film Institute, le Fonds arabe pour les arts et la culture (Afac) et la plateforme du Festival d’El Gouna, en plus d’autres contributions de bailleurs de fonds.

Les débats se sont depuis intensifiés, l’affaire ayant suscité l’intérêt des milieux culturels, artistiques et juridiques, compte tenu des véritables problématiques qu’elle soulève autour de l’éthique du travail cinématographique et des droits de propriété intellectuelle.

En réponse, la société de production Yol Film House a publié un communiqué rejetant ces accusations, les qualifiant de fausses allégations et de rumeurs malveillantes visant à la discréditer.

«Récemment, de fausses accusations et des rumeurs malveillantes ont été propagées contre la société Yol Film House, prétendant que nous n’aurions pas respecté les droits de propriété intellectuelle d’un projet de film documentaire, «Fouladh», que l’auteur de ces allégations devait coréaliser avec le réalisateur Mehdi Hmili. Il a également affirmé que notre société aurait transformé cette idée en un long-métrage de fiction intitulé «Exile». En réalité, Yol Film House est le détenteur exclusif de l’ensemble des droits intellectuels et artistiques relatifs aux deux films, «Fouladh» et «Exile», développés et écrits par le réalisateur et scénariste Mehdi Hmili. Nous disposons de toutes les preuves légales et contractuelles attestant pleinement cette vérité», peut-on lire dans ce communiqué.

Lors d’une conférence de presse organisée par Abdallah Chamekh, la semaine dernière à la salle Le Rio à Tunis, en présence de cinéastes, producteurs et scénaristes, ce dernier a tenté d’éclairer les présents via des témoignages et des documents sur le processus de transformation de son projet documentaire «Fouladh», «sans autorisation ni cadre légal», comme il le précise, en un long-métrage de fiction. Selon lui, cette transformation constitue une violation flagrante des lois régissant le secteur, une forme de fraude et de falsification qui l’aurait écartée de son propre projet. «Il est question aussi surtout de violations des droits moraux, entre autres, au niveau de la procédure pour le fonds bilatéral entre le Centre national du cinéma et de l’image (Cnci) en Tunisie et le Centre national du cinéma (CNC) en France, où mon nom en tant qu’auteur et réalisateur de «Fouladh» a été remplacé par celui du producteur Mehdi Hmili», nous affirme Chamekh.

L’avocat Ramzi Jebebli, membre de l’équipe de défense, a souligné la fragilité de la position des auteurs et des créateurs dans ce genre de procédures, car ils ne sont pas cités comme vis-à-vis dans toutes les procédures contrairement aux producteurs. «La cession des droits à mon avis ne devrait impliquer que le processus de production et non celui de la création qui, lui, implique différents intervenants. Les contrats en Tunisie sont malheureusement basés sur cette forme de cession de droits qui peut donner lieu à ce genre de violations. Juridiquement il y a un aspect très grave dans cette affaire que je pense être une première en Tunisie», a-t-il précisé.

En déplorant le manque d’expertise judiciaire dans le domaine des droits intellectuels, Jebebli a rappelé l’échec de l’expérience d’arbitrage au sein de l’Organisme tunisien des droits d’auteur et des droits voisins (Otdav), jugé trop aligné sur l’administration. Selon lui, la diffusion d’une véritable culture de la propriété intellectuelle nécessite la mise en place d’un véritable processus judiciaire. Il a tout de même évoqué des intentions de règlement à l’amiable. «Cette affaire doit être une occasion pour appeler à l’instauration d’une instance arbitrale au service de l’industrie créative».

De son côté, Abdallah Chamekh affirme vouloir aller jusqu’au bout sur le plan judiciaire, considérant qu’il s’agit désormais d’une affaire d’intérêt public. «Ce n’est pas seulement un différend entre partenaires, a-t-il déclaré, mais une atteinte à l’essence même du travail cinématographique, aux valeurs éthiques de la profession et à la confiance dans les principes de la création et de la coproduction».

Le réalisateur Moslah Kraïem, qui était membre de la commission qui avait accordé la subvention au projet «Fouladh» en tant que documentaire, a rappelé que ce soutien ne pouvait légalement être transféré à un film de fiction. Le producteur Khaled El Agherbi, présent également à cette conférence de presse, a estimé qu’il s’agissait d’un précédent grave nécessitant une responsabilité juridique et une révision des mécanismes de protection des créateurs. L’auteur Lassâad Ben Hassine, qui se dit témoin de la genèse du projet initial d’Abdallah Chamekh, a souligné l’impunité qui accompagne ce genre d’atteinte et le réalisateur Ridha Tlili considère que la démarche de documentation est sous-cotée sous nos cieux. Il a parlé de la centralisation européenne de notre mémoire appelant à l’émancipation des accords conclus avec d’autres pays de cette approche. Les professionnels présents à la conférence de presse ont unanimement appelé à une réforme des mécanismes de protection des droits d’auteur et à une révision de la législation sur la propriété intellectuelle et artistique. Ils ont aussi insisté sur l’importance de renforcer l’éthique professionnelle et sur le rôle des institutions publiques dans la défense des créateurs contre ce type de violations. Il est à noter que l’équipe de défense dans l’affaire «Fouladh» a indiqué, dans un communiqué, que l’examen en référé du dossier a été reporté par la justice au lundi 25 août 2025, à la demande de l’avocat de la partie adverse.

Par ailleurs, le Centre national du cinéma et de l’image (Cnci) a été intégré à la procédure, conformément aux dispositions légales, afin de préciser sa position dans ce litige en tant que partie prenante essentielle. «Toutefois, l’institution a brillé par son absence», indique le même communiqué.

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