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Récit de voyage en Tunisie d’un Marocain curieux

L’auteur, spécialiste marocain du tourisme, raconte dans le post Facebook que nous reproduisons ci-dessous, sa découverte d’une Tunisie accueillante, hospitalière et résiliente. Ainsi que la joie de vivre des Tunisiens, «un peuple travailleur qui connaît la valeur de l’effort et l’éducation qui doit impérativement aller avec.» En lisant son récit de voyage, nous nous sommes rappelés du célèbre adage «Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console». (Photos Rachid Boufous).

Rachid Boufous

Je suis parti en Tunisie il y a un mois à l’invitation d’amis tunisiens. C’était la première fois que je mettais les pieds au pays de Hannibal, Bourguiba et de la Harissa. J’ai eu envie de partager ce périple avec vous, car ce voyage ne m’a pas laissé indifférent. En voici les impressions et le ressenti…

En ce jour béni, je prends ma voiture vers 11h et me dirige vers l’aéroport Mohammed V de Casablanca d’où je dois prendre l’avion vers Tunis aux alentours de 14h. L’aérogare de Casablanca a sévèrement besoin d’être mis à niveau. Le hall est toujours aussi désert. Une odeur d’égouts te prend à la gorge dès l’entrée. Encore des regards d’assainissement mal siphonnés.

La zone internationale a été soignée par contre. Les toilettes aussi. Pour une fois on peut pisser sans que ça sente la rose pourrie… toutefois pour prendre l’avion nous sommes obligés de prendre un bus, les couloirs télescopiques sont réservés à des vols plus «prestigieux» pourquoi donc autant d’investissements pour rien…!

L’aéroport de Tunis est beau mais vieux

Le vol se passe bien. L’avion est complet. Il dure 2h30. Il peut durer moins mais les c… d’Algérie ont décidé de nous emmerder en nous interdisant le survol de leur espace aérien. Pas grave, nos pilotes rattrapent le retard dans le ciel même s’ils sont obligés de traverser une partie de l’Espagne, de la France et de l’Italie. Nous arrivons s à l’heure à Tunis.

Les files sont fluides, la policière me demande tout de même le nom de mon père. À quoi bon ? Le mien de pater il a 85 ans et je ne pense pas que la policière tunisienne lui plaise, vu que c’est un laideron, je connais ses goûts quand même…!

L’aéroport de Tunis est beau mais vieux. Le hall est plein à craquer des gens qui attendent leurs familles.

Je retrouve mon ami Hannibal qui m’attend à la sortie. Il me fait le tour de la côte tunisienne avant de m’emmener m’installer à Gammarth, la station chic de Tunisie. L’autoroute est très bien.

Tunis a besoin d’une bonne mise à niveau urbaine, mais elle reste propre.

Les Tunisiens savent ce qu’est le tourisme

Durant mon séjour j’ai visité plusieurs hôtels. Des 4 et 5 étoiles. 5 au total : 2 hôtels 5* et 3 hôtels 4*, et je peux dire sans exhaustive et juste ce que j’ai vu à Gammarth, à Hammamet, La Marsa et à Tunis, trois villes différentes, nous sommes très loin au Maroc d’atteindre le niveau de services offert en Tunisie en matière d’hôtellerie et de tourisme.

Malgré nos 17 millions de touristes, nous n’arrivons pas au niveau des Tunisiens, malgré leurs problèmes économiques et politiques. Ils n’auraient pas les problèmes conjoncturels actuels, je vous jure qu’ils nous dépasseraient allègrement.

Les Tunisiens savent ce qu’est le tourisme. Ils ont très bien compris ce qu’il faut faire pour accueillir le touriste, vip ou de masse.

D’abord la propreté des chambres, des espaces, des plages et des restaurants. Ensuite le service, impeccable et ne nécessitant pas des armées de gens qui ne savent pas faire grand-chose comme chez nous. Il faut venir en Tunisie pour comprendre, que nous faisons fausse route en matière de tourisme au Maroc.

Chez nous on accueille des millions de touristes, en Tunisie ils les reçoivent au vrai sens du terme. Ça fait mal de dire cela car j’avais l’idée fausse que l’on recevait très bien au Maroc. Un grande fausse idée.

Les Tunisiens ont réussi l’éducation et la citoyenneté

Les Tunisiens ont réussi là où nous avons échoué : l’éducation et la citoyenneté. Sans cela on a beau inventer des concepts hôteliers, ça ne marchera pas. Les gens continueront à venir certes au Maroc, mais ils ne reviendront pas. Les leurres touristiques que sont Marrakech, Agadir ou Tanger ne doivent pas nous éloigner de la réalité touristique de notre pays.

Un exemple : la plage. Les hôtels ont des accès directs à la plage avec le respect des mises à distance réglementaire, mais vous ne voyez pas toute la faune qui vient lécher les espaces hôteliers. Pas de nanas de niqab, ni de vendeurs de glaces frelatés, ni de photographes à chameaux, ni de gilets jaunes, ni de locataires de parasols et de transats. Tu n’as pas de pollution visuelle qui vient te gâcher la vue ou l’environnement.

Je passe une bonne partie de ma vie dans les hôtels au Maroc dans le cadre de mon travail. Je suis habitué à loger dans des hôtels 4 et 5 étoiles et même moins, partout au Maroc en bord de mer, comme dans les villes intérieures. Je voyage aussi pas mal à l’étranger notamment en Europe. J’observe et je vois, mais je préfère comparer que ce qui est comparable. Le Maroc et la Tunisie sont comparables en matière de tourisme. On a démarré au même moment le développement touristique au milieu des années 60. À un moment, la Tunisie a fait le choix du tourisme de masse quand le Maroc a fait le choix du tourisme vip. Mais Djerba est similaire à Agadir en termes de tourisme de masse avec des séjours à bas prix pour clientèle de classes moyennes européennes. Les services et accueils y sont pareils. Mais là où nous avons «merdé» au Maroc c’est l’accueil des touristes vip en hôtels 5 étoiles.

Les Tunisiens nous donnent une grande leçon d’humilité

Comparativement, ce que j’ai vu en Tunisie, les hôtels 4 étoiles dépassent de très loin nos meilleurs hôtels 5 étoiles et je n’exagère pas. Il faut les visiter pour voir la différence criante entre nos deux pays. Les chambres sont propres, la clim est mise dans toutes chambres, le personnel est d’une gentillesse renversante, le service est impeccable au petit-déjeuner, le service de plage aussi. Tout se passe sans prise de tête et on n’a pas besoin de crier pour passer commande et on n’attend pas éternellement sa commande non plus. Et pourtant les Tunisiens ne sont pas satisfaits de leur niveau d’accueil en ce moment. Ils me parlent de l’époque de Ben Ali et de l’ambiance de fête qu’il y avait à l’époque. J’ose à peine croire qu’ils ont été meilleurs que maintenant, mais je les crois. Et puis j’ai découvert la joie de vivre des Tunisiens et surtout leur gentillesse. Pas de prise de tête, pas de m’as-tu-vu, pas de chichis, pas de hogra, et surtout pas de «pétage au-dessus du cul».

Les Tunisiens riches ne le montrent pas. Ils n’ont pas besoin. Ils ont la richesse du cœur et ça leur suffit. C’est l’avantage d’un peuple travailleur qui connaît la valeur de l’effort et l’éducation qui doit impérativement aller avec.

Une grande leçon d’humilité que celle que nous donnent les Tunisiens. Ils sont malheureux comme pas possible de ce qui leur arrive depuis la révolution de 2011. Ils ont beaucoup perdu, en dynamisme, en pouvoir d’achat, mais aussi en assurance. Ils sont loin les Tunisiens fiers de leurs réussites et qui pouvaient toiser tout le monde arabe du haut de leur performances sociales ou en matière de liberté des femmes. Ils n’en reviennent pas quand je leur dis que je suis ébloui par leur pays que je trouve merveilleux et qu’ils ont une chance inouïe d’être ce qu’ils sont à travers leur éducation et leur sens de la famille et des relations sociales.

La preuve : ma venue en Tunisie coïncide ce lundi avec une cérémonie à laquelle tiennent les Tunisiens : l’annonce des résultats du baccalauréat. Toutes les familles dont les enfants ont réussi au bac font des fêtes chez elles et c’est un ballet incessant de gens qui viennent féliciter les lauréats et surtout boire un verre en famille, à la bonne franquette et sans chichis. Comme plusieurs enfants de la bourgeoisie tunisienne ont réussi cette année, je suis invité à plusieurs soirées dans la même soirée. Et je peux vous dire que les Tunisiens savent recevoir et surtout faire la fête. On me présente des banquiers, des médecins et des ingénieurs. Plusieurs hommes d’affaires et d’industriels aussi. De vraies fortunes, pas des pique-assiettes comme chez nous. Des gars qui sont à la tête de véritables empires en Tunisie et ailleurs dans le monde, mais dont la modestie les ferait passer chez nous à des «nobody». Finalement je crois que c’est chez nous que les fortunes sont très surévaluées…

Tunisie, grâce à son peuple très résilient, redémarre doucement

La Tunisie a connu de terribles années depuis le «printemps arabe» qui a démarré justement par l’immolation d’un vendeur ambulant, le fameux Bouazizi. Un pays jadis prospère sous les dictatures de Bourguiba et de BenAli et qui a depuis, sombré dans une disette économique sévère, qui dure encore. Mais la Tunisie grâce à son peuple justement, très résilient, redémarre doucement, même si beaucoup de cerveaux tunisiens brillants migrent de plus en plus, vers le pays qui leur parle le plus : le Maroc. C’est un drame pour la Tunisie qui n’arrive pas à retenir ses meilleurs talents, c’est une très grande opportunité pour le Maroc. Mais au-delà de tout ce qui se passe en Tunisie, le Maroc ne doit pas abandonner nos frères tunisiens. On se doit d’aider ce pays que l’on aime et qui nous aime depuis toujours. À commencer par la nomination d’un grand ambassadeur. Le dernier en date, Tarik n’a pas beaucoup brillé. Il faut dire qu’il n’avait aucune expérience diplomatique et qu’il s’était contenté d’exister au sein de l’USFP, pas vraiment le gabarit adéquat pour un pays aussi sensible que la Tunisie…

En ce moment précisément on ne doit pas abandonner la Tunisie, malgré toutes les déclarations de son président ou de sa proximité toxique avec l’Algérie…

Quant à mes amis tunisiens je les ai convaincus de venir investir dans l’hôtellerie au Maroc, on y a grandement besoin d’entrepreneurs, d’où qu’ils viennent, et surtout de notre chère Tunisie…

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Le 13-Août | Une révolution sociale au profit des Tunisiennes

Dans quelques jours, la Tunisie fêtera l’anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel, le 13 août 1956. Ce texte de loi voulu et promulgué par Habib Bourguiba, fondateur de la Tunisie moderne, a inauguré une révolution qui a transformé radicalement le statut de la femme dans notre pays. Peu de monde pariait alors sur sa réussite, la femme ayant été depuis des siècles réduite à l’infériorité, la soumission, la tutelle de l’homme. (Ph. Bourguiba soulevant le voile d’une femme venue l’applaudir au centre-ville de Tunis).

Raouf Chatty *

Écrasée sous le poids de l’analphabétisme et des traditions rétrogrades, vivant dans une situation de quasi-esclavage, écrasée par des traditions archaïques inspirées par une lecture erronée de l’islam, la Tunisienne, à l’instar des autres musulmanes à travers le monde, vivait cloîtrée dans une prison physique et psychique. 

Dans les villages reculés, les femmes ne sortaient jamais le jour. Elles étaient cloitrées dans les maisons. Leur mission consistait à s’occuper du mari, à faire des enfants et à veiller à leur éducation. Elles étaient corvéables à merci,  travaillaient douze heures par jour et allaient au bain maure la nuit. Dans la région du Sahel, foncièrement conservatrice, elles portaient des wazra, habit en laine pesant au moins quinze kilos qui les couvrait entièrement, à telle enseigne que personne ne pouvait les reconnaître ou les approcher. Elles vivaient tout simplement dans des prisons. Elles étaient des prisonnières et leurs époux, des geôliers. Il ne venait jamais à leur esprit de mettre en cause ce statut, encore moins de se révolter de peur de perdre le gîte et le couvert, d’être répudiées illico presto par leur mari et de se voir condamnée à davantage de misère matérielle, morale et psychique dans les foyers de leurs parents.

Bourguiba, un visionnaire lucide

C’est à l’aune de cette situation indigne et inhumaine héritée de la nuit des temps où la femme n’avait aucune existence propre, que la société doit mesurer aujourd’hui cette révolution extraordinaire engagée de manière visionnaire et lucide par le leader Habib Bourguiba au lendemain de l’indépendance et les mesures importantes qu’il a décidées au profit de la femme. 

En quelques décennies, le statut de la femme a beaucoup évolué en Tunisie. Celle-ci est aujourd’hui mieux éduquée, plus libre, relativement autonome financièrement et responsable socialement. 

Maîtresse de sa vie, elle participe au même pied d’égalité que l’homme à l’essor de la société. Et c’est grâce à la présence effective de la femme dans la société et à son combat appuyé par l’État et la société civile que la Tunisie a réussi à triompher du fanatisme, incarné un moment par l’islam politique, qui a cherché par tous les moyens à la soumettre. En vain…

Des acquis qui commencent à dater

En ce 13-Août, un vif hommage doit être rendu à la femme dans notre pays. Son statut légal et sa place dans la société n’a pas égal dans le monde arabe et islamique. Et ce n’est pas une raison pour l’enfermer dans ces acquis qui commencent à dater. Aussi doit-elle être encouragée à aller de l’avant pour renforcer ses droits et, partant, les assises d’un État laïque et civil, un État respectueux des droits humains et des libertés fondamentales. 

C’est la seule façon de mettre la religion à l’abri des divisions et dissensions politiques et de permettre à la société de vivre et de travailler dans un État régie par le droit et dédié au développement global, durable et équilibré. Sans une femme libre, la société sera condamnée à l’obscurantisme, à la déliquescence et à la disparition. 

* Ancien ambassadeur. 

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Les architectes en Tunisie, une famille… trop soudée

Il fut un temps où l’on parlait de confraternité. D’un lien noble, fondé sur le respect, la compétence, la solidarité entre pairs. Aujourd’hui, le mot a changé de sens. Ce n’est plus un serment d’éthique : c’est une promesse de silence.

Ilyes Bellagha *

Dans notre milieu, la profession se transforme peu à peu en une grande famille recomposée, avec ses mariages arrangés, ses pactes de sang et ses secrets bien gardés. On ne défend plus un métier, on protège les siens. Le cousin, le gendre, le camarade de promo. Ceux du réseau. Ceux du «groupe». Ceux qui font semblant d’être en désaccord, mais se retrouvent à chaque commission.

Ce n’est plus une institution, c’est un mariage permanent. Une tribu urbaine où l’Ordre agit comme une belle-famille : autoritaire, opaque, conservatrice. On distribue les projets comme des dots, on fait passer les concours comme des alliances, et on couvre les fautes comme on étouffe un scandale dans un souper.

Et gare à celui qui ose parler. Une règle tacite règne, une loi du silence qu’on n’ose même plus questionner : ne pas laver le linge sale en public.

Des logiques claniques

    Briser cette règle, c’est commettre une profanation. C’est trahir une sorte de serment d’adhésion non écrit, hérité des logiques claniques: «Tais-toi, même si tu sais». Celui qui la transgresse reçoit, symboliquement, le baiser de la mort : mise à l’écart, harcèlement, boycott. Il devient persona non grata dans les cercles.

    Certains diront : «Mais il y a des conflits ! Les architectes se déchirent !»

    Oui. Mais comme dans toute famille toxique, ce sont des disputes de pouvoir, pas des débats de fond. Ce sont des conflits de sang, pas d’idées.

    On se bat pour un strapontin, qu’on imagine trône. Il faut donc qu’il rapporte quelque chose — autrement, pourquoi tant de rage pour l’atteindre? Sûrement qu’il y a du prestige, mais aussi du pouvoir, des passe-droits, des marchés à orienter, et parfois, appelons les choses : des rétrocommissions à blanchir.

    Chacun cherche à se rapprocher du «principe», du centre, de ce feu tiède où se brassent les appels d’offres, les signatures et les petits arrangements. Et pour cela, beaucoup acceptent de devenir de simples lurons : amuseurs dociles, instruments décoratifs d’un pouvoir clanique.

    Mais ce n’est pas tout. Il faut appeler les choses par leur nom : Le corporatisme est pour une société ce que la lèpre est pour la peau. Il ronge lentement les corps vivants de la démocratie. Il isole, il anesthésie, il déforme. Il protège les plus forts et invisibilise les plus justes.

    Sur les plateaux d’une balance symbolique, il y a les corporations, souvent de confession fasciste, repliées, violentes, intouchables. Et de l’autre côté, les citoyens : désarmés, moqués, assignés à se taire.

    Et ce n’est pas qu’un problème moral, c’est aussi un ratage économique.

    Quand un architecte s’accroche au gain facile, à l’appel d’offres biaisé, au projet politique, il doit ensuite le blanchir. Il exfiltre l’argent hors des circuits productifs : achat d’un terrain au nom de la belle-famille, rénovation d’un bien sous couvert, consommation de luxe.

    Cet argent ne crée aucune plus-value. Il ne retourne jamais à la communauté. Il est capté, figé, stérilisé.

    Le poison lent du corporatisme

    Le corporatisme, contrairement à ce qu’on croit, bloque la circulation des richesses. Il n’est pas moteur de développement : il en est le poison lent.

    Et la culture dans tout cela ?

    Elle devient une caution décorative, un outil de valorisation pour les puissants, un prétexte pour des projets sans âme. L’État s’imagine qu’elle pourra servir à décorer le néant, stabiliser un peu de paix sociale, attirer l’œil de quelque mécène étranger. Mais la vérité, c’est que cette politique culturelle est un échec intégral.

    «La crise consiste précisément dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître. Dans cet interrègne surgissent les phénomènes morbides les plus variés», disait Antonio Gramsci.

    Nous y sommes. L’ancien monde refuse de mourir. Le nouveau est encore sans voix. Et entre les deux, surgissent les formes morbides : les clans professionnels, les postures creuses, les médiocres qui s’accrochent aux titres sans jamais porter le moindre projet vivant.

    Alors il faut choisir. Soit on se tait et on mange avec eux, soit on parle et on construit contre eux.

    Moi, j’ai choisi. Je suis architecte, oui — mais je suis d’abord citoyen. Et ce n’est pas dans une réunion de famille que je veux exercer ma parole.

    * Architecte.

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    Toxique Italie

    Toxique Italie | Univers News

    Tawfik BOURGOU

    • Au vu de la destruction qu’a occasionné le funeste accord, la Tunisie a presque tout perdu à cause de son huis clos toxique avec l’Italie
    • La Tunisie a perdu son partenariat privilégié avec l’UE qui ne cherche plus à tirer la Tunisie vers le haut, mais essentiellement à lui permettre de vivoter
    • L’unique intérêt économique italien pour la Tunisie est la continuité de la fourniture du gaz algérien via la Tunisie
    • L’Italie n’est ni un partenaire naturel, et encore moins, elle n’est pas fiable pour la Tunisie

    Tunis, UNIVERSNEWS (Tribune) – La visite de la cheffe du gouvernement italien n’augure rien de bon, car elle n’a jamais rien apporté de bon à la Tunisie. Une visite courte entre deux portes. La Tunisie est un peu le pays qu’on visite vers la fin de l’année politique, juste avant les vacances, car rien de vital pour celui qui vient ne s’y joue désormais, sauf à délivrer un avertissement après le fiasco de la visite de Boulos. 

    Contrairement aux anciennes relations avec les autres pays européens plus importants, les relations avec l’Italie sont des relations toxiques pour la Tunisie, car fondées sur la logique du diktat. La Tunisie a été renvoyée par l’Italie du gouvernement néo-fasciste au statut de dépotoir des immigrations de l’ensemble du bassin méditerranéen, avec le consentement de ses propres citoyens qui n’avaient entrepris de comprendre le danger mortel malgré les multiples avertissements dont le nôtre dans ce journal. 

    Il est certain que les différents gouvernements et le peuple tunisien dans son ensemble, sont les premiers responsables du statut peu enviable que la Tunisie a désormais sur l’échiquier diplomatique. Pas celui qui concerne les guerres majeures, mais celui qui concerne directement leur patrie. Après les islamistes et la vassalisation par les turco-qataris, l’Italie devient le maitre du jeu en Tunisie, c’est dire la dégringolade d’un pays qui a eu jadis des amitiés et des interlocuteurs auprès des grands du monde. Les choix faits par le peuple, se payent au comptant et en instantané.  

    Dans un précédent article nous avions évalué le gain tiré par la Tunisie pour se transformer en dépotoir de l’Afrique subsaharienne pour le compte de l’Italie en contrepartie de l’équivalent d’une pizza par tête et sans garniture. Deux ans après la signature de l’accord avec l’Italie, nous ne pouvons que réviser notre évaluation. Au vu de la destruction qu’a occasionné ce funeste accord, la Tunisie a presque tout perdu à cause de son huis clos toxique avec l’Italie. Elle n’a rien gagné et nous allons nous employer à expliquer simplement cela.

    Sans précaution langagière ni diplomatique, on dira que l’Italie n’a d’intérêt pour la Tunisie que dans le cadre de l’immigration submersive subsaharienne. L’inconscience des Tunisiens, le fait de s’être enrôlés dans les mafias de l’immigration, d’avoir vécu du viol de leur propres frontières, la faiblesse de l’Etat de n’avoir pas été capable de prévenir l’effondrement de tout le système frontalier, l’accord signé avec l’Italie, doublé par l’extension du domaine de sauvetage maritime, tous ces facteurs sont en train de tuer la Tunisie à petit feu.  Tout un chacun peut le constater chaque jour.

    Il est de notre devoir de le dire et de nous opposer au projet italien de faire de la Tunisie une sorte d’Alcatraz en face de la Sicile.  

    La Tunisie devait et devrait tenir ses frontières pour elle-même, devait et devrait empêcher ses enfants d’enfreindre les lois des autres pays limitrophes pour ne pas être objet d’odieux chantages qui mettraient en cause sa souveraineté et sa pérennité.  Ce que fit Madame Meloni, nous rappelle le même dikat contre la Tunisie qu’avait tenté d’imposer en son temps sa référence politique Mussolini. 

    Qu’a gagné la Tunisie de cette relation toxique avec l’Italie ? 

    Sans revenir sur les conteneurs toxiques posés par la Mafia italienne en Tunisie, dans des conditions qui restent à éclaircir quand on connait l’interpénétration entre le crime et la grande politique en Italie, on dira que deux ans après la signature de ce funeste accord, la Tunisie est perdante sur tous les aspects. 

    D’abord l’image de la Tunisie a été durablement détruite, d’un pays qui fût jusqu’en 2011, régi par un Etat structuré, responsable de son espace de souveraineté, engagé uniquement dans la recherche de son intérêt national, le pays est aujourd’hui considéré au mieux comme un pays failli, au pire comme le vassal du condominium algéro-italien. 

    Diplomatiquement, la Tunisie a perdu son partenariat privilégié avec l’Europe. L’Union Européenne, actuellement sous la férule de l’Italie, a changé l’orientation de sa coopération avec la Tunisie. Celle-ci a baissé d’un cran et ne cherche plus à tirer la Tunisie vers le haut, mais essentiellement à lui permettre de vivoter, à rester sur la ligne de flottaison.

    Ce déclassement économique et diplomatique a poussé la Tunisie à chercher de nouveaux partenariats, mais pas du bon côté de l’histoire et des intérêts stratégique du voisin européen le plus proche. L’Iran, la Chine et la Russie sont des repoussoirs. Même l’Algérie, proxy de Moscou l’a compris et a accueilli en grande pompe l’envoyé de Trump et a entrepris d’acheter la quiétude de son régime à coup de millions de dollars.

    En acceptant de devenir le dépotoir de l’Afrique pour le compte de l’Italie et de l’Union Européenne, la Tunisie a démoli son attractivité pour les investissements étrangers, accéléré le départ de ses meilleurs cadres et accéléré ainsi chaque année un peu plus son déclassement. Ce déclassement économique s’est doublé d’un déclassement sécuritaire renforçant l’impression et les indicateurs de déclassement. Un cercle vicieux que le pays peine à casser. 

    Le partenaire italien qui a accaparé la relation des Européens avec la Tunisie a isolé la Tunisie en repoussant les autres partenaires traditionnels, sans avoir les capacités économiques pour l’aider. L’aide italienne est anecdotique, marginale et est forcément limitée. Elle le restera.  Diplomatiquement ce huis clos est peu productif pour la Tunisie. Le poids de l’Italie dans le monde n’est boosté que par la proximité de Madame Meloni avec Trump, cela durera aussi le temps de l’intérêt américain pour l’Union Européenne comme source de captation de capitaux pour les Etats-Unis soit par les droits de douane, soit par l’achat en masse de GNL ou par l’achat d’armements américains pour la guerre contre la Russie. 

    Or, l’unique intérêt économique italien pour la Tunisie est la continuité de la fourniture du gaz algérien via la Tunisie. Cependant, ce gazoduc est appelé à disparaitre pour trois raisons. 

    D’abord, les Italiens et les Algériens ont entrepris la construction d’un autre gazoduc vers la Sardaigne qui évite la Tunisie. Le « khawa khawa » n’est pas soluble dans le gaz naturel. Mais au fond les Tunisiens devraient s’en réjouir. 

    La seconde raison sera la masse de GNL américain achetée par l’Union Européenne et qui va amener les pays membres à limiter les approvisionnements depuis l’Afrique du Nord, Libye et Algérie bien sûr. L’Espagne ayant entrepris déjà à se passer du gaz algérien. 

    La troisième raison est plus à moyen terme, celle de l’arrivée du gaz azéri via la Turquie et la Grèce vers l’Italie. Cela va signifier la fin de l’approvisionnement en gaz depuis l’Algérie et la Libye. Or, pour des raisons stratégiques, l’Union Européenne a plus intérêt à renforcer ce flanc que d’être dépendante de l’Algérie ou de la Libye. 

    Pour le présent comme pour l’avenir le huis clos avec l’Italie a été, est et sera destructeur pour la Tunisie. Nous l’avons dit il y a deux ans, nous le soulignons encore une fois de plus. L’Italie n’est ni un partenaire naturel, et encore moins, elle n’est pas fiable pour la Tunisie. Cela ne durera qu’un temps. Mais cela sera davantage destructeur.

    T.B.

    Politologue

    Décoloniser la santé | Le soin humanitaire comme camouflage

    Dans la foulée d’un premier article de l’auteur publié par Kapitalis («Ce que le corps guérit, l’industrie ne veut pas l’entendre»), ce second article inaugure une série intitulée «Décoloniser la santé : chroniques d’un médecin en territoire dépendant». Dr Ben Azzouz y explore, à partir de son expérience de terrain de médecin tunisien en Afrique du Sud, la manière dont certaines interventions dites humanitaires participent à des logiques de pouvoir, de normalisation et de dépendance médicale structurelle. Il s’inscrit dans une réflexion plus large sur la souveraineté thérapeutique des pays africains, et sur la nécessité de redonner au soin sa dimension politique, éthique et poétique. Et explique comment certaines ONG et fondations masquent les logiques de contrôle postcolonial.

    Dr Hichem Ben Azouz *

    On dit «ONG», on dit «fondation», on dit «aide internationale». Mais derrière ces mots, il y a des drapeaux. Derrière les drapeaux, il y a des marchés. Et derrière les marchés, il y a des chaînes.

    Depuis des années, le soin s’exerce dans les marges. Dans des hôpitaux et cliniques sans ressources, ces townships d’Afrique australe où le Sida n’est plus seulement une maladie, mais une monnaie, un quota, une statistique qu’on marchande. Là où les antirétroviraux tombent du ciel, mais où les compresses manquent. Là où l’on peut obtenir un test de charge virale à plusieurs dizaines de dollars, mais souvent pas d’eau propre.

    Et toujours, dans l’ombre, une ONG. Pepfar, USAid, Fondation Bill et Melinda Gates, Clinton Health Access Initiative… des noms ronflants, des logos bien polis. Le soin, paraît-il. Mais à condition de bien suivre la ligne.

    Soigner, mais sous contrôle

    Les ONG internationales en santé n’agissent pas dans le vide. Elles n’ont rien d’innocent. Elles sont les prolongements souples d’une gouvernance globale, du «Soft Power». Une diplomatie du médicament, une médecine sans souveraineté.
    Elles arrivent avec leurs fonds, leurs guidelines, leurs projets de recherche et leurs tableaux Excel. Elles choisissent qui soigner, avec quels produits, selon quels critères. Ce n’est pas une médecine gratuite. C’est une médecine conditionnée.

    Et pendant ce temps, les chercheurs et académiciens des universités du Nord, Harvard, Johns Hopkins, Oxford, reçoivent les données du terrain sur leurs ordinateurs. Ils analysent, publient dans The Lancet ou le British Medical Journal, et tracent des cartes du monde qu’ils n’ont jamais foulé. Ils projettent des lignes, font parler les chiffres, modélisent le soin… à distance. Le réel, pour eux, est une variable. Le terrain, un tableau statistique. Ils ne voient ni les visages, ni la poussière, ni la fatigue. Mais ils dictent pourtant la marche à suivre.

    On parle de santé publique. Mais c’est une santé sous tutelle. Un protocole rédigé à Atlanta, appliqué à Soweto. Une molécule imposée à Kinshasa, parce qu’elle coûte moins cher dans les appels d’offres. Les ONG ne viennent pas réparer. Elles viennent gérer.

    Humanitaire ou néocolonial ?

    La ligne est fine. Mais elle est là.

    Ce qu’on appelle «soin humanitaire» est souvent un camouflage moderne du pouvoir. Un pouvoir qui ne tue plus avec des armes, mais avec des dépendances.
    Un pouvoir qui n’exige pas l’obéissance par la force, mais par le financement.
    «L’aide internationale est la continuation du contrôle colonial par d’autres moyens», dirait Frantz Fanon s’il était encore parmi nous.

    Pepfar finance, mais Pepfar décide. USAid distribue, mais USAid contrôle les résultats.

    Les patients deviennent des unités dans des rapports. Les médecins deviennent des agents d’exécution clinique. Et la pensée médicale locale est désactivée.

    Quand les médicaments décident de la politique

    Dans certains pays d’Afrique australe, les programmes VIH/Sida sont plus puissants que les ministères de la santé. Les directeurs de programmes attendent les financements étrangers comme autrefois on attendait les missions évangéliques. Le politique est paralysé. Le clinique est scripté. Et l’Afrique devient un plateau de surveillance sanitaire.

    Un centre reçoit des kits VIH chaque trimestre. Mais si l’on ose prescrire autre chose, un traitement innovant, une approche intégrée, une molécule non subventionnée, c’est refusé, coupé, stigmatisé. Le soin est devenu normatif. Pas pour le patient. Pour l’algorithme. Le dossier médical devient un contrat. Et le médecin, un sous-traitant du nouvel ordre thérapeutique.

    Reprendre le souffle, refuser la camisole

    Il est temps de dire non. De dénoncer cette aliénation douce et violente. Cette camisole pharmaceutique habillée en humanitaire. Il ne s’agit pas de refuser la solidarité. Il s’agit de refuser la soumission.

    Oui à une aide qui soutient. Non à une aide qui dicte. Oui à une médecine fraternelle. Non à une médecine managériale. Oui à l’échange des savoirs. Non à l’imposition des normes.

    Ce texte n’est pas une attaque. C’est un appel. Pour que les médecins, les soignants, les penseurs africains reprennent la parole. Pour que l’on cesse de croire que prendre soin est une entreprise logistique de domination. Pour que l’on redonne au soin sa dignité politique, sa charge poétique, sa vérité humaine.

    Ils veulent le silence, mais on revient avec le cri.

    * Médecin tunisien opérant à Johannesburg, Afrique du Sud.

    L’article Décoloniser la santé | Le soin humanitaire comme camouflage est apparu en premier sur Kapitalis.

    La reconnaissance de l’État de Palestine | Un pas vers la solution à deux États

    Le système international connaît des transformations rapides dans son approche du conflit israélo‑palestinien, notamment après des déclarations successives appelant à la reconnaissance de l’État de Palestine – la plus récente étant celle de la France annonçant son intention de franchir ce pas historique.

    Colonel Mohsen Ben Aissa *

    Cette orientation répond à l’impasse des négociations, à l’expansion croissante des colonies israéliennes et à la détérioration des conditions humanitaires dans les territoires occupés. Elle remet de nouveau en avant la solution à deux États comme seule voie réaliste pour parvenir à la paix.

    Cette évolution ne constitue pas un simple geste diplomatique : elle reflète une reconfiguration des rapports de force, avec la montée en puissance du rôle européen au Moyen‑Orient, le recul relatif de l’hégémonie américaine traditionnelle et l’intérêt d’une Europe soucieuse de stabilité en Méditerranée.

    I. Cadre juridique et politique

    La reconnaissance de l’État de Palestine par la communauté internationale s’appuie sur les critères établis par la Convention de Montevideo (1933) :

    • Une population permanente, incarnée par la présence historique du peuple palestinien, y compris les réfugiés protégés par la résolution 194 ;
    • Un territoire défini, englobant la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem‑Est selon les frontières de 1967, reconnues par la résolution 242 ;
    • Un gouvernement effectif, à travers l’Autorité palestinienne qui exerce un pouvoir administratif, judiciaire et institutionnel en dépit des défis liés à l’occupation et à la division interne ;
    • La capacité à entretenir des relations internationales, attestée par la participation de la Palestine à plus de 100 organisations internationales (dont l’Unesco) et son statut d’«État observateur non-membre» auprès de l’Onu depuis 2012. Le débat israélien sur cette capacité représente, selon l’analyse, de la «mauvaise foi», dans la mesure où la Palestine est déjà partie à de nombreuses instances et cultive des relations bilatérales avec des États du monde entier.

    La légitimité juridique de la reconnaissance est renforcée par plusieurs résolutions onusiennes successives confirmant les droits des Palestiniens :

    • La résolution 181 (1947), qui est le premier acte de reconnaissance internationale du droit des Palestiniens à disposer d’un État sur environ 44 % de la Palestine historique ;
    • La résolution 242 (1967), imposant à Israël de se retirer des territoires occupés ;
    • L’avis consultatif de la Cour internationale de justice (2004), condamnant le mur de séparation israélien sur le territoire palestinien, le qualifiant de violation du droit international.

    A cette date, plus de 147 États à travers le monde reconnaissent officiellement l’État de Palestine, notamment dans les régions d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Parmi les pays européens les plus récemment concernés : l’Espagne, l’Irlande et la Norvège (mai 2024), et bientôt la France (prévue en septembre 2025). Ces initiatives sont porteuses d’espoir pour encourager une position européenne unifiée.

    À l’opposé, bien que l’ensemble des États arabes et musulmans reconnaisse la Palestine, certains alliés traditionnels d’Israël comme les États-Unis, le Royaume‑Uni, l’Allemagne ou l’Australie restent hésitants ou opposés à une reconnaissance formelle, malgré leur soutien verbal apparent à la solution à deux États. Il existe une opportunité de tracer un horizon nouveau vers une paix fondée sur le droit international plutôt que sur la force.

    II. Dimensions politiques et diplomatiques

    La reconnaissance constitue indéniablement un outil d’équilibrage dans un contexte de supériorité israélienne diplomatique et territoriale. Elle modifie la donne et remet en cause l’hégémonie américaine en tentant de réveiller un pôle diplomatique européen parallèle :

    • Elle confère à la Palestine une posture de droit international crédible, contrecarrant l’argument de «l’ennemi non représenté», utilisé pour entraver les négociations, malgré le fait que l’OLP est le représentant palestinien légitime depuis 1974 ;
    • Ce n’est pas un acte unilatéral contre-productif, mais une base légale pour des négociations équitables, égalisant les deux parties, surtout après la reconnaissance historique faite par l’OLP d’Israël en 1993.

    La reconnaissance devient ainsi une nécessité pour corriger l’échec des négociations traditionnelles qui souffrent d’un déséquilibre flagrant des forces. Les négociations de Madrid (1991) n’ont offert aucune garantie sérieuse aux Palestiniens ; Oslo (1993) a introduit une reconnaissance réciproque, mais sans garantir la création d’un État palestinien; Annapolis (2007) a échoué par manque de mécanismes contraignants et de pression internationale. En trente ans, aucune avancée concrète n’a permis l’établissement d’un État, et la colonisation a progressé – le nombre de colons est passé de 100 000 à 700 000 depuis 1993.

    Assujettir la reconnaissance à des négociations préalables revient à entraver les droits palestiniens sous une façade diplomatique. Reconnaître l’existence de la Palestine est une condition préalable à toute négociation équitable. Demander d’abord de négocier est comme exiger qu’un prisonnier négocie la légitimité de sa propre liberté avec son geôlier. Ceci va à l’encontre du droit international : la reconnaissance des États ne nécessite pas l’accord des États voisins (comme en témoigne le cas du Kosovo en 2008, malgré l’opposition de la Serbie).

    Je ne souscris pas à un pessimisme affirmant que la reconnaissance restera lettre morte : au contraire, je la vois comme un levier de pression international capable de contraindre l’isolement grandissant d’Israël et sa crainte de poursuites judiciaires, pour l’amener à des négociations sérieuses. Il est urgent de décrédibiliser les justifications de la colonisation et de contenir la politique expansionniste israélienne. Le monde a besoin d’une diplomatie nouvelle, fondée sur des valeurs éthiques et promotrice d’une culture de la négociation positive, intra- et interculturelle, reposant sur des principes humains universels, indispensables pour réguler les relations humaines et instaurer un dialogue interreligieux véritable, vecteur de paix justice.

    III. Implications géopolitiques et stratégiques

    La conséquence la plus importante du repositionnement géopolitique est la transformation de la reconnaissance de l’État de Palestine non comme simple geste symbolique, mais comme un levier politique et moral :

    • Elle consolide la légitimité de la direction palestinienne, transformant l’Autorité de statut d’autonomie en État de fait disposant d’outils juridiques pour traduire Israël devant les tribunaux internationaux ;
    • Elle réoriente les dynamiques populaires vers des voies politiques légitimes et légales, contribuant à protéger la société palestinienne contre la dérive vers la radicalisation ou la violence désespérée.

    L’impact de la reconnaissance va au‑delà du juridique et du politique : il engage la stabilité sécuritaire régionale et internationale. En effet, l’impasse politique persistante sans perspective réelle favorise :

    • Un sentiment collectif de frustration, particulièrement chez les jeunes générations, qui perçoivent l’absence de justice comme un abandon international ;
    • L’exploitationde ce désespoir par les groupes extrémistes, locaux ou transnationaux, en les instrumentalisant pour recruter, radicaliser et légitimer la violence ;
    • L’aggravationdes menaces sécuritaires, non seulement dans les territoires palestiniens, mais aussi dans des pays voisins (Jordanie, Liban, Égypte) et même en Europe, où la cause palestinienne peut alimenter des tensions sociales et des formes de violence importée.

    De ce point de vue, la reconnaissance de l’État de Palestine n’est pas seulement un impératif légal et moral, mais une mesure préventive et proactive pour préserver la sécurité collective : elle chasse les prétextes des extrémistes en ravivant l’espoir d’une solution politique pacifique.

    Conclusion et perspectives

    Le changement de posture des pays européens traduit une prise de conscience croissante : la “neutralité passive” n’est plus acceptable et la reconnaissance de l’État de Palestine est non un obstacle à la paix, mais un prérequis à sa réalisation. Si cette dynamique perdure, accompagnée d’actions concrètes pour appuyer la construction de l’État palestinien et tenir Israël responsable de ses pratiques, nous pourrions observer un tournant historique dans le conflit.

    Un tel tournant ouvrirait la voie à une solution juste, intégrale, fondée sur le droit international et les résolutions de l’Onu, offrant aux peuples de la région l’opportunité tant attendue de vivre dans la sécurité et la paix.

    * Officier de la Garde nationale à la retraite.

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    Si Trump facturait l’accès aux réseaux sociaux, combien cela couterait-il aux Tunisiens ? 

    Les réseaux sociaux et outils numériques américains structurent aujourd’hui profondément la société tunisienne. Ils offrent des opportunités immenses, mais imposent aussi une dépendance silencieuse. Le vrai défi est désormais d’équilibrer cette influence, pour que la Tunisie passe de consommateur passif… à acteur souverain de son avenir numérique. Mais si Trump décidait de facturer aux Tunisiens – et pas qu’eux – l’accès aux réseaux sociaux, combien cela couterait ? 

    Moktar Lamari *

    Cela coûtera à la Tunisie 2 à 3 milliards de $ US annuellement. Pour les détenteurs des comptes Facebook et extensions Meta (Messenger, WhatsApp, etc.). Pas loin de 36 dinars par mois, pas loin de 400 dinars par an et par accès. Détail et contexte…

    Nous sommes début août, et depuis 2 jours, les marchandises tunisiennes arrivant aux ports américains sont imposées à 25% de taxe, comme l’a décidé Trump.
    On comprend que la Tunisie a accepté le deal. Mais ce n’est pas fini. Trump demanderait plus à la Tunisie, et pays comparables ayant refusé de pactiser avec Israël et les Accords d’Abraham, ou ayant des contentieux avec les États-Unis.

    Dans le sillage des tractations de l’imposition de nouveaux tarifs douaniers, le Président Trump peut veut rendre payant la connexion à tous les réseaux sociaux et plateformes numériques à la Tunisie, et pas seulement.

    Pour l’instant c’est quasiment gratuit, pour cultiver l’addiction et saturer l’espace face aux compétiteurs. Mais, pas certain que ça dure…cette gratuité stratégique et à double tranchant.

    Facturation de la connexion aux réseaux sociaux

    On explore ici un scénario hypothétique rendant l’accès aux réseaux sociaux américains payant pour la Tunisie, actuellement gratuit. Ce n’est qu’une Simple hypothèse fictive, mais plausible. Sortez vos calculettes…

    Chaque jour, des millions de Tunisiens ouvrent leur application Facebook, scrollent sur Instagram, envoient des messages sur WhatsApp, utilisent Zoom, teams, visionnent des vidéos sur de multiples plateformes, interrogent ChatGPT…
    Et derrière cette routine numérique se cache un véritable moteur économique, dominé par des plateformes quasiment toutes américaines et gratuites pour l’essentiel des usages.

    En 2025, on estime que plus de 7,25 millions de Tunisiens ont un compte individuel actif sur les réseaux sociaux ( sans compter les institutions et les entreprises privées).

    C’est plus de 60 % de la population totale, et près de 82 % des adultes. Mais ces chiffres ne sont que la partie visible de l’iceberg. Ce qui se joue derrière les écrans, c’est une économie digitale qui brasse deux à trois milliards de dollars chaque année en Tunisie.

    Le poids écrasant de Facebook et consorts

    Facebook reste incontestablement la plateforme la plus utilisée en Tunisie, avec près de 9 millions d’utilisateurs actifs, au total (compte individuel et institutionnel). À elle seule, elle concentre la majorité des investissements publicitaires numériques via ses formats sponsorisés, ses publicités en story, ses groupes commerciaux ou ses pages professionnelles.

    Quasiment tous les ministères, entreprises publiques, banques et institutions diverses communiquent par Facebook, ayant des difficultés à entretenir et mettre à jour leurs sites web.

    C’est un autre drame du pays, ces solutions de facilité, tous communiquent par Facebook, et échangent des documents stratégiques par des comptes e-mails et serveurs nuagiques hébergés aux États-Unis, ou chez les géants de la Tech américaine. L’Europe n’y pas dans cette course infernale au numérique.

    Instagram, également propriété de Meta, attire quant à lui environ 3,4 millions de Tunisiens, principalement les jeunes urbains et les amateurs de contenu visuel.
    TikTok, en plein essor, dépasse désormais les 5 millions d’utilisateurs adultes, séduisant une génération ultra-connectée par ses vidéos courtes et virales.

    YouTube n’est pas en reste, utilisé par environ 7 millions d’internautes, autant pour l’information, la musique, que le divertissement.
    LinkedIn, plus discret, atteint les 2,45 millions de membres, consolidant son rôle de réseau professionnel en Tunisie, particulièrement chez les diplômés et jeunes actifs.

    Une économie numérique en croissance rapide

    L’impact de ces plateformes ne se mesure pas seulement en clics ou en likes. Il se chiffre aussi en dollars et en euros. En 2024, les dépenses publicitaires numériques en Tunisie ont atteint environ 200 millions de dollars. C’est un record, porté en grande partie par les campagnes diffusées sur Facebook, Google, YouTube et TikTok.

    Le premier poste de dépense est la publicité sur les moteurs de recherche, essentiellement via Google Ads, qui attire à lui seul plus de 66 millions de dollars US. Un outil incontournable pour les commerçants, entreprises ou hôtels cherchant à attirer une clientèle ciblée.

    La publicité vidéo arrive juste derrière, avec près de 31 millions d’euros investis sur des plateformes comme YouTube ou TikTok. Ces formats visuels, qu’il s’agisse de vidéos longues ou de contenus très courts, ont désormais la préférence des annonceurs. Leur efficacité, notamment sur mobile, est jugée bien supérieure aux formats classiques.

    L’affichage publicitaire — les bannières sur les sites ou dans les applications — reste lui aussi significatif, représentant près de 29 % des dépenses numériques. Ces formats, très utilisés sur Facebook ou Instagram, permettent aux marques d’ancrer leur présence dans la navigation quotidienne des internautes.

    Enfin, les petites annonces numériques — du type «classés», comme celles vues dans les groupes Facebook de vente locale ou sur des plateformes spécialisées — génèrent à elles seules environ 5,7 millions d’euros. Un chiffre modeste, mais en progression constante.

    La montée de la publicité programmatique

    Un autre changement majeur s’opère discrètement : la transition vers la publicité programmatique, c’est-à-dire l’achat automatisé d’espaces publicitaires en temps réel. En 2023, ce marché représentait déjà 94 millions de dollars en Tunisie. Il pourrait atteindre 144 millions d’ici 2028, selon les dernières prévisions.

    Ce système permet aux marques de cibler très précisément leurs audiences, en fonction de leur âge, de leur localisation, de leurs centres d’intérêt, ou de leur historique de navigation.

    En parallèle de cette transformation sociale et économique, un autre pan du numérique s’est développé : celui de la visioconférence et de la collaboration professionnelle à distance.

    Depuis la pandémie, Zoom s’est imposé comme le leader dans les universités, les ONG, les conférences et les webinaires. Il est aujourd’hui encore massivement utilisé dans les formations en ligne et les événements virtuels.

    Microsoft Teams s’est, lui, implanté dans les grandes entreprises, les banques, les écoles privées et certaines administrations. Il est plébiscité pour sa capacité à centraliser les échanges, les documents et les réunions.

    Google Meet, plus léger et souvent gratuit, reste la solution préférée des startups et des structures plus modestes, notamment celles déjà intégrées à l’écosystème Google (Gmail, Google Drive, Agenda…).

    Quant à Slack, il reste marginal en Tunisie, sauf dans les entreprises technologiques tournées vers l’international ou les projets freelance collaboratifs.
    Ces outils ont permis l’essor du télétravail, du freelancing, et d’une nouvelle culture professionnelle, hybride, mobile, et bien souvent connectée à des marchés extérieurs.

    Une dépendance stratégique aux géants américains

    Si la digitalisation tunisienne est impressionnante par sa rapidité et sa profondeur, elle soulève aussi des questions géopolitiques et économiques. Car toutes ces plateformes — Facebook, Instagram, YouTube, TikTok, Zoom, Teams — sont américaines ou chinoises.

    Les données des utilisateurs, les règles de modération, les algorithmes qui déterminent ce que nous voyons ou non… tout cela échappe au contrôle des utilisateurs.

    La quasi-totalité des revenus publicitaires générés en ligne transitent par des entreprises étrangères. Et les contenus mis en avant sont souvent dictés par des logiques globales, peu adaptées aux réalités locales.

    Face à cela, peu d’alternatives locales ont émergé. Les initiatives tunisiennes dans le numérique — réseaux sociaux, moteurs de recherche, outils collaboratifs — restent embryonnaires. La souveraineté numérique du pays demeure, pour l’heure, un défi plus qu’un projet.

    La souveraineté numérique ne se décrète pas

    L’enjeu pour la Tunisie n’est pas de se déconnecter, ni de rejeter ces outils, mais plutôt d’organiser une cohabitation intelligente : accompagner les usages, réguler les abus, protéger les données, former les professionnels, encourager l’innovation locale.

    Car le numérique n’est pas qu’un outil de consommation. C’est un espace économique, culturel, politique. Un espace où se joue une part de l’avenir du pays.
    En 2025, les réseaux sociaux et outils numériques américains structurent profondément la société tunisienne. Ils offrent des opportunités immenses, mais imposent aussi une dépendance silencieuse. Le vrai défi est désormais d’équilibrer cette influence, pour que la Tunisie passe de consommateur passif… à acteur souverain de son avenir numérique.

    Derrière les chiffres, une dépendance stratégique

    Tous ces investissements se font presque exclusivement via des plateformes étrangères, principalement américaines. Facebook, Instagram, Google, YouTube, TikTok, LinkedIn : tous ces géants captent non seulement l’attention des internautes, mais aussi les budgets publicitaires des entreprises tunisiennes.

    Cette dépendance soulève des questions. Qui contrôle les données des utilisateurs ? Qui fixe les règles de modération ou les algorithmes de diffusion ? Et surtout, quelle part de cette manne économique revient réellement à l’économie tunisienne ?
    Les réseaux sociaux américains offrent aux Tunisiens des opportunités réelles : de visibilité, d’emploi, de commerce, de formation.

    Mais ils concentrent aussi le pouvoir entre les mains d’acteurs globaux, difficilement régulés à l’échelle nationale. Le défi, pour les prochaines années, sera donc d’accompagner cette croissance numérique tout en veillant à ce qu’elle serve aussi les intérêts locaux : en encourageant l’émergence de créateurs tunisiens, en soutenant les startups locales, ou en encadrant mieux l’usage des données personnelles.

    Les réseaux sociaux ne sont plus une distraction. Ils sont une industrie. Et en Tunisie, cette industrie est de plus en plus américaine, de plus en plus lucrative et de plus en plus incontournable.

    Et à cause de cela, Trump peut faire mal, très mal, s’il décide de monnayer l’accès aux réseaux sociaux en Tunisie, ou ailleurs dans des pays comparables.

    Imaginez la Tunisie sans Facebook!

    * Economiste universitaire.

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    Industrie des conserves de tomates en Tunisie | Une catastrophe pas seulement écologique

    L’industrie des conserves de tomates en Tunisie pose de grands défis pour les ressources en eau, l’énergie électrique et l’environnement. Elle appauvrit les sols de cultures dans leur partie la plus riche en nutriments pour la plante, causant des préjudices pour l’agriculture et les agriculteurs qui sont généralement sous-payés. Cette situation concerne tout le secteur de la transformation des légumes et des fruits, où des groupes importants poursuivent leurs activités en toute impunité, estime l’auteur dans son article ci-dessous. Ces derniers bénéficient de la complaisance voire du soutien actif des autorités publiques. Difficile, dans ce cas, de ne pas supposer (à défaut de pouvoir le prouver matériellement) des cas de corruption.  

    Vito Calvaruso *

    Une surconsommation d’eau illégale et démesurée

    Pendant que la Tunisie subit un stress hydrique critique entre juillet et août, l’industrie de conserves de tomates puise sans retenue dans les nappes phréatiques. La majorité des puits utilisés sont non autorisés, même, selon des sources internes au ministère de l’Agriculture. Pourtant, aucune fermeture n’est ordonnée, contrairement aux sanctions immédiates imposées aux agriculteurs.

    Les industriels manipulent leurs déclarations de consommation d’eau : ils apportent des chiffres très inférieurs à la réalité, camouflant ainsi leurs forages clandestins. Cette pratique échappe à toute facturation dans un moment ou la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede) aurait l’utilité de financement pour assurer la maintenance des réseaux nationaux vieillissants.

    Les industriels mettent en avant leurs efforts dans le recyclage des eaux de lavage comme preuve de leur engagement dans la préservation des ressources en eau. Pourtant cette pratique, loin d’être vertueuse, par la qualité de l’eau non conforme à la réglementation, constitue une grave entorse aux normes sanitaires et menace directement la qualité des produits finis (les cas ne sont pas si rares que ça).

    Rapporté au kg de tomates et sur la période, l’industriel consomme autant sinon plus d’eau que l’agriculteur.

    Le volume d’eau puisé dans la nappe pour le seul lavage de la tomate chaque année peut s’estimer à >5 – >7 millions de m3 dont 50 à 60% peuvent être économisés..

    Eau recyclée de premier lavage de la tomate.

    Des rejets toxiques qui empoisonnent l’environnement

    Les eaux usées de lavage de la tomate, chargées de terre argileuse, résidus chimiques et matières organiques, sont problématiques à traiter et déversées sans traitement suffisant dans les oueds, les zones côtières et sur les sols cultivables.

    Pourtant, la réglementation impose un traitement avant rejet selon une norme précise. Dans les faits, aucun industriel ne respecte les normes. Même les unités équipées de procédés de traitement avancés rejettent des eaux dangereusement polluées, détruisant les écosystèmes fragiles comme la lagune de Korba, déjà gravement affectée.

    Les raisons sont multiples : déclarations inexactes sur la consommation d’eau, diagnostic incorrect conduisant à des moyens de traitement sous dimensionnés et non adaptés aux types d’eau usée.

    L’ensemble des industriels sont contrevenant, chaque année, aux infractions suivantes :

    • Puits non autorisés ;
    • Eaux recyclées non conforme (risque sanitaire sur le produit fini) ;
    • Rejets dans le milieu naturel non conforme.
    Rejets industriels dans un cours d’eau.

    D’autres infractions peuvent être occasionnelles comme travaux en dehors de toutes autorisations.

    Les contrevenants se voient verbalisé d’une pénalité, généralement de 10 000 dinars pour le rejet non conforme. Les autres infractions sont laissées pour compte, La pénalité est dérisoire et non contraignante. Ainsi, cette charge pour un industriel important, elle représentera moins de 1 mm du coût de production par kg de concentré. A son opposé, pour un industriel bien moins important la charge sera de 4 mm.

    La pénalité est systémique s’appliquant chaque année sans que les industriels ne la payent attendant la convocation par les tribunaux, fréquemment au terme de 10 années. A ce moment ils demandent une transaction à l’Agence nationale de protection de l’environnement (ANPE), une entente est conclue avec l’abandon d’une partie des pénalités et des poursuites judiciaires. Le compteur est remis à zéro et un nouveau cycle identique recommence.

    Des responsabilités clairement identifiées… mais ignorées

    Les industriels :

    • Fraude organisée (puits illégaux, sous-déclaration des volumes).
    • Infractions répétées (rejets non conformes, qualité d’eau de recyclage non conforme présentant des risques graves).
    • Stratégie judiciaire (transaction avec l’ANPE, fin des poursuites, pénalités réduites).

    Les autorités :

    • L’ANPE se contente de contrôles superficiels, peu fréquents (1 par saison), parfois ne conduisant à aucune verbalisation malgré que les constats identiques récurrents (des questions se posent).
    • Le ministère de l’Industrie bloque toute action coercitive, plaçant l’économie en unique politique.
    • Les autres ministères (Environnement, Agriculture) sont réduits au silence, malgré leurs prérogatives légales.

    Des questionnements sont légitimes.

    Evolution du cours d’eau après le rejet (fin de campagne).

    La Steg, victime collatérale d’un gaspillage généralisé

    La surconsommation d’eau entraîne une demande électrique anormalement élevée pour les pompages et le fonctionnement des unités de traitement. Selon des estimations primaires, 2 à 4% de la consommation nationale d’électricité seraient ainsi gaspillés chaque été, une pression insoutenable pour un réseau de la Société tunisienne d’électricité et de gaz (Steg) déjà fragilisé.

    Un scandale qui dépasse l’écologie

    Cette situation n’est pas seulement une catastrophe environnementale : c’est le symptôme d’un système corrompu, où quelques industriels influents bénéficient d’une impunité organisée. Les autorités, au lieu d’agir, préfèrent détourner le regard ou rejeter la faute sur le changement climatique.

    D’autres industriels des secteurs de production de fruits en conserve et de la pomme de terre (frites surgelées, chips) transformés bénéficient de la même impunité.

    Une infraction commune à tous ces industriels, le non classement pourtant obligatoire.

    Les actions coercitives existent selon la loi :

    • Fermeture immédiate des puits illégaux et compteurs obligatoires.
    • Sanctions proportionnelles aux dégradations et destructions du milieu naturel, également atteinte au cadre de vie, aux activités touristiques.
    • Contrôles inopinés plus fréquents avec suspension d’activité en cas d’infraction répétés ou graves (l’inactivé d’une usine sera comblée par les autres, aucune baisse de production nationale).

    Sans une volonté politique réelle, cette industrie continuera à piller les ressources et empoisonner le milieu naturel, avec la bénédiction de l’État.

    * Expert international en traitement des effluents industriels, spécialisé dans la filière de transformation de la tomate, auteurs d’études sur les impacts environnementaux de cette activité. 

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    Congrès de New York sur les deux États |  Avancée historique pour la Palestine

    La reconnaissance, lors du récent congrès de New York (28-30 juillet 2025), du principe des deux États comme issue politique viable au conflit israélo-palestinien marque un tournant diplomatique majeur. Longtemps entravée par l’intransigeance du gouvernement Netanyahu, cette avancée s’inscrit dans un contexte régional et international en pleine mutation, où la résistance palestinienne, l’éveil de l’opinion publique occidentale et les pressions juridiques internationales ont convergé pour impulser une nouvelle dynamique.

    Abdelhamid Larguèche *

    Résilience de la résistance palestinienne : la détermination du peuple palestinien, notamment à Gaza, a été décisive. Face à une offensive israélienne de plus en plus dénoncée par les organisations internationales comme relevant d’une «politique de génocide» – caractérisée par des bombardements intensifs, un blocus humanitaire et des déplacements forcés –, la résistance n’a pas fléchi.

    Plus de 60 000 morts parmi les Palestiniens à Gaza, en majorité des civils, et une crise humanitaire sans précédent ont bouleversé la conscience mondiale, rendant le statu quo intenable. En mai 2024, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a requis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, ainsi que contre plusieurs dirigeants du Hamas. Bien que ces mandats n’aient pas encore été exécutés, ils constituent un signal fort : l’impunité d’Israël n’est plus acquise. La CPI a également engagé une enquête sur les transferts forcés de population et les blocus alimentaires, renforçant la légitimité des revendications palestiniennes.

    Le tournant de l’opinion publique occidentale : l’évolution de l’opinion publique en Europe et aux États-Unis a constitué un second levier crucial. Les mobilisations massives à Londres, Berlin, Paris et New York, appuyées par les prises de parole d’intellectuels et d’artistes, ont contraint plusieurs gouvernements à revoir leur position.

    L’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont officiellement reconnu l’État de Palestine. Aux États-Unis, la fracture au sein du Parti Démocrate – incarnée par des figures telles que Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez – avait poussé l’administration Biden à infléchir sa ligne, même si l’arrivée de Trump à la Maison blanche a changé la donne. De son côté, l’Union européenne a menacé d’imposer des sanctions ciblées contre les colons extrémistes et a suspendu certains accords militaires avec Israël.

    Rôle des «puissances» arabes et relance diplomatique : l’Arabie Saoudite, l’Égypte et le Qatar ont joué un rôle déterminant dans la relance du processus des deux États. Le plan de paix saoudien, subordonnant toute normalisation avec Israël à la création d’un État palestinien, a été soutenu par la Ligue arabe et par l’Onu.

    La résolution 2728 du Conseil de sécurité, adoptée en mars 2024, exigeant un cessez-le-feu immédiat à Gaza, a illustré l’isolement croissant d’Israël sur la scène internationale. Fait notable : les États-Unis se sont abstenus d’opposer leur veto, pour la première fois contre une résolution défavorable à Israël.

    Emergence d’un nouvel ordre juridique international: les actions de la CPI ont introduit une nouvelle donne juridique incontournable :

    • Appel à des sanctions ciblées contre les auteurs présumés de crimes de guerre ;
    • Recommandation d’un gel des ventes d’armes à Israël, déjà partiellement appliqué par plusieurs pays européens ;
    • Demande d’un embargo international, sur le modèle de celui imposé à l’Afrique du Sud sous l’apartheid.

    Les prochaines étapes pour concrétiser cette percée: pour que le congrès de New York, coprésidé par l »Arabie saoudite et la France, ne reste pas un simple geste symbolique, des mesures concrètes s’imposent :

    • une reconnaissance massive de l’État de Palestine par l’Assemblée générale de l’Onu (au-delà des 140 États actuels) ;
    • des sanctions économiques contre les colonies israéliennes ;
    • la suspension des accords militaires avec Israël tant que les violations du droit international se poursuivent ;
    • l’application effective des mandats de la CPI, assortie d’un mécanisme renforcé d’extradition.

    Lueur d’espoir après des décennies d’occupation : le chemin vers une paix juste reste semé d’embûches, mais le congrès de New York a démontré une vérité essentielle : le droit international, lorsqu’il est soutenu par une mobilisation populaire mondiale, peut faire plier même les pouvoirs les plus arrogants.

    Un fait historique a d’ailleurs marqué ce sommet : le ministre britannique des Affaires étrangères a présenté des excuses officielles, reconnaissant que la Déclaration Balfour de 1917, censée garantir en même temps les droits nationaux du peuple palestinien, n’avait jamais été pleinement appliquée par la puissance mandataire.

    «La justice est comme le soleil : tôt ou tard, elle finit par percer les nuages», disait Mahmoud Darwich

    * Historien.

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    Hassen Chalghoumi | Imposture médiatique au service de manipulations politiques

    Hassen Chalghoumi est un véritable «miracle républicain» français, qu’on croirait droit sorti des manuels scolaires coloniaux pour enseigner le français dans les écoles en Afrique du Nord, la célèbre série des «Bonjour Ali, bonjour Fatima». Un miracle caricatural, pour incarner le rôle de missié Islam de France des médias, la voix autorisée pour tout ce qui touche de près ou de loin à cette religion, surtout quand il s’agit de pourfendre les manifestations de soutien aux Palestiniens.

    Sadok Chikhaoui *

    Surnommé «l’imam des Lumières», sans doute parce qu’il brille surtout par son absence de pensée, et l’exposition excessive aux sunlights, il s’exprime, s’embrouille, éructe dans un français à faire pâlir tous les comiques, pour rassurer l’opinion et incarner l’islam inoffensif, qui est le sien, compatible avec le récit pro-israélien dominant des médias mainstream. Il incarne à merveille l’image rêvée du «bon musulman» ou plutôt du «bon Arabe», dans son acception la plus coloniale : docile, obséquieux, ânonnant un discours appris, incapable d’articuler une pensée théologique ou politique un tant soit peu construite.

    Son apparition sur France Culture, le 15 janvier 2021, dans une émission consacrée à Averroès, aux côtés du philosophe Mohamed Ali Hamadi, universitaire reconnu, fut un sommet d’absurde : Chalghoumi semblait ignorer jusqu’à l’existence d’Averroès, qu’il confondait avec un autre. On aurait cru voir Cyril Hanouna disserter sur Spinoza ou un joueur de pipeau commenter un requiem de Mozart.

    Une posture creuse, dictée par le besoin de plaire

    Bien sûr, chacun a le droit de s’exprimer, y compris sur des sujets complexes. Un joueur de pipeau peut ressentir un requiem de Mozart, un apprenti cuisinier peut trouver fade un plat de grand chef. Mais ce droit à l’opinion n’exonère pas d’un minimum de compétence, de sincérité, et d’effort de compréhension.

    Mais le problème surgit quand l’opinion n’est qu’une posture creuse, dictée par l’intérêt, le besoin de plaire, ou l’instrumentalisation politique sciemment assumée. On ne reproche pas à Chalghoumi d’avoir un avis, mais d’être sans rigueur, sans fond, sans légitimité intellectuelle ou théologique, imposé par un coup de force des médias politiquement orientés, comme une figure représentative de la communauté musulmane en France.

    Que l’animatrice Adèle Van Reeth l’ait invité dans une émission sur Averroès soulève une question : ignorait-elle qui est Averroès, malgré son agrégation de philosophie ? Ou ignorait-elle à ce point le niveau de son invité ? Dans les deux cas, c’est inquiétant pour France Culture, pour la République, pour la vérité.

    Et pourtant, Chalghoumi est partout : cérémonies officielles, débats sur la laïcité, «vivre ensemble» et autres vitrines républicaines. Autoproclamé imam de Drancy, sans formation théologique reconnue, ni en France ni ailleurs, il s’exprime sur des textes qu’il est censé incarner… et qu’il ne connaît pas.

    Peu importe. Il joue à merveille le rôle de «musulman de service» qu’on lui a assigné et qu’il assume avec zèle. Ce rôle, il le joue bien, reconnaissons-lui ça cette compétence.

    Le plus grave n’est pas qu’il ridiculise les musulmans. C’est qu’il efface toute la richesse intellectuelle et spirituelle de l’islam. Il recouvre d’un écran de fumée des décennies de travail exigeant mené par des penseurs musulmans ou non qui cherchent à penser l’islam dans sa profondeur et sa complexité son historicité et son adaptation à son temps.

    Où sont les Mohammed Arkoun, Abdelwahab Meddeb, Rachid Benzine, Souleymane Bachir Diagne, Fouzia Charfi, Mohamed Bajrafil, Faouzi Bédoui, Reza Shah-Kazemi, Tareq Oubrou ? Invisibles. On ne leur demande pas d’être justes, on leur demande d’être utiles. Chalghoumi, lui, est utile à l’ordre établi.

    Un soutien inconditionnel à Israël

    Dernier épisode en date : lors d’un récent voyage en Israël, Chalghoumi a tenté d’embrasser la main d’un ministre israélien, qui l’a aussitôt retirée. Geste de soumission ou de confusion ? L’image condense tout ce que ce personnage incarne : une servilité théâtrale, embarrassante même pour ceux qu’elle prétend flatter.

    En le promouvant, ce n’est pas seulement l’islam qu’on caricature. C’est l’intelligence qu’on insulte, la République qu’on trahit préférant la médiocrité rassurante à la pensée exigeante.

    Né en 1972 en Tunisie, arrivé sans-papiers à la fin des années 1990, il affirme avoir été formé à Damas et à Lahore, sans que son parcours soit vérifiable. Il s’installe à Drancy, puis se rapproche de cercles politiques et communautaires. Rapidement surnommé «l’imam du Crif» **, il fréquente régulièrement ses dîners, affiche un soutien inconditionnel à Israël, condamne les mobilisations propalestiniennes, devenant ainsi un invité idéal pour les médias en quête d’un islam compatible.

    Protégé, mis en scène, présenté comme courageux grâce à son escorte sécuritaire, Chalghoumi incarne une figure construite pour marginaliser les voix critiques, éteindre la diversité intellectuelle de l’islam, et étouffer tout discours musulman libre et autonome.

    Ce n’est pas seulement une imposture individuelle. C’est le symptôme d’un système qui préfère la caricature au savoir, l’allégeance à la pensée. Ce n’est pas un malaise religieux, c’est un projet politique, qui ne cherche pas à promouvoir un islam républicain par l’intelligence, mais à neutraliser l’exigence de justice, surtout lorsqu’il rappelle que la Palestine n’est pas un détail.

    *Enseignant.

    ** Conseil représentatif des institutions juives de France, une sorte de lobby sioniste pro-israélien en France.

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    Tunisie-Etats-Unis | L’incontournable deal, d’ici 48 heures

    Vous l’aurez compris, on parle ici des tarifs douaniers (et pas de Gaza), parce qu’il reste moins de 48 heures pour se bouger, et négocier avec l’administration Trump, en ces temps difficiles, et où les fonctionnaires tunisiens sont en vacances, ou en service minimum.

    Moktar Lamari *

    Trump a fixé à la Tunisie, entre autres, la date butoir la fin de ce mois de juillet, pour trouver un deal négocié à l’amiable, sur le terrain des droits de douane à imposer aux produits tunisiens aux États-Unis. Le 1er août c’est vendredi, après c’est comme un peu trop tard.

    Ne rien faire, c’est faire payer les exportateurs tunisiens 25% de taxes additionnelles, et pas 10% comme ceux du Maroc, ou 15% pour les industriels européens installés en Tunisie.

    Ne rien faire, c’est cultiver une animosité inutile, contre-productive, avec son lot d’imprévisibilité et incertitudes liées.

    Chaque dollar compte

    Le gouvernement tunisien doit tenir compte des intérêts des acteurs économiques et entreprises tunisiennes qui veulent percer et se tailler une place de choix dans le gigantesque marché américain. Ceux-ci ont besoin de négociation faisant baisser ces tarifs de quelques points de pourcentages.

    Un deal aussi imparfait soit-il c’est mieux que de s’exposer aux chantages imprévisibles de son excellence le président Trump. Il lui reste trois longues années à la Maison Blanche et il est rancunier et tenace.

    Le gouvernement tunisien ne doit négliger aucune entreprise dans ce bras-de-fer. Et chaque dollar compte, en valeur absolue, et en valeur marginale.

    Beaucoup d’analystes tunisiens et journalistes ont préféré le silence ou le wait and see. Leur raisonnement est limité, défaitiste comme si la partie est perdue d’avance.

    Le temps c’est de l’argent

    En jeu, 1,2 milliard de dollars d’exportations tunisiennes aux Etats-Unis annuellement. Et la somme est en hausse rapide, pour des produits précieux et qui font partie des spécificités tunisiennes. C’est presque 4 milliards de dinars (3% du PIB), et c’est beaucoup. Ce n’est pas rien, si on veut simplifier.

    Trump ne s’arrêtera pas là, et la Tunisie, l’Algérie et la Libye sont dans sa cible. Et il l’a réitéré cette semaine, rappelant l’échéance du 1 août, voire la carte ci-jointe.
    Ne rien faire, c’est faire en sorte que les produits phare, exportés par la Tunisie, passeront forcément par d’autres intermédiaires en Italie, en Espagne, en Grèce ou au Maroc. Le différentiel d’impôt, favorisera ces intermédiaires et pénalisera forcément les agriculteurs et les industriels tunisiens.

    Économie d’échelle

    Du point de vue de la rationalité économique, une souris ne peut pas négocier avec un éléphant. Trop marginale pour compter, elle se fera écraser, dans l’indifférence des branle-bas de combat. 

    Mais, ici on ignore le raisonnement à la marge, et on fait fi de l’impact de la paille qui a brisé le dos du gros dromadaire.

    Les exportions tunisiennes ne font pas plus que 0,3% du total des importations américaines. Les exportations américaines en Tunisie ne font guère plus (0,2%). Même pas 1%, mais c’est important dans la logique des marchés.

    Comment éviter le pire, alors que même les plus puissants courbent l’échine. Réalisme versus populisme des plus faibles contre les autres… Les Européens ont fait profil bas et ont fait geste d’abdication en rase campagne avant-hier soir, à Washington, en présence de toutes les caméras du monde.

    Négocier avec l’administration Trump, c’est forcément bien apprécier par ce colosse en furie. Mais négocier, c’est penser aux entreprises tunisiennes, ces producteurs et promoteurs, qui veulent conquérir les marchés de l’Amérique du Nord, sans passer par les rentiers européens et leurs petites mains, dociles et versatiles.

    Les dégâts par transitivité

    Les principaux investisseurs et marchés d’exportations de la Tunisie, sont européens : Français, Italiens, Allemands. Ces pays peuvent ne plus être intéressants de sous-traiter leurs productions (d’intrants et sous-produits) en Tunisie.

    Ils peuvent préférer le Maroc, un pays imposé par seulement 10% de taxes additionnelles. Le Maroc renforcera davantage ses avantages comparatifs, et ses industriels et exportateurs chercheront à damer le pion, pour les écarter encore plus, à leurs compétiteurs tunisiens.

    La diplomatie de la Tunisie doit innover et il reste moins de 48 heures pour débloquer l’impasse et ouvrir des perspectives, espérant trouver un compromis avec l’administration Trump.

    Le 1er août, les nouveaux compteurs de la tarification seront réinitialisés, au détriment de la Tunisie, ou plutôt les exportateurs tunisiens. SOS danger…

    * Economiste.  

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    Tunisie | La crise culturelle, un miroir brisé

    La Tunisie traverse une crise politique, sociale et économique profonde, que nul n’ignore. Les chiffres parlent, les visages l’expriment, les rues le crient. Mais au cœur de cette tourmente, un autre pan de notre être collectif s’effondre plus discrètement : la culture. Un effondrement plus silencieux, mais peut-être plus grave. Car si les crises politiques se traitent par des réformes, les fractures économiques par des mesures de redressement, une crise culturelle, elle, altère la conscience même d’un peuple.

    Ilyes Bellagha *

    Dans une société où l’architecture, la littérature, la musique et les arts étaient autrefois le souffle discret d’une résistance, la culture semble désormais reléguée à l’ornement, au folklore, à la distraction, au futile.

    L’architecture est un prisme. Elle révèle le lien d’un peuple à son histoire, à son imaginaire collectif, à son avenir. En Tunisie, ce prisme est brisé. L’espace bâti, naguère porteur de sens, d’identité et de beauté, est aujourd’hui livré à l’anarchie, au cynisme spéculatif, à la perte de repères. L’urbanisme n’est plus un projet, mais une fatalité. Le patrimoine, un fardeau. La beauté, une option.

    Une crise imbriquée

    Comment ne pas voir dans cette dégradation de nos villes, de nos paysages et de nos gestes architecturaux, le symptôme d’une crise culturelle profonde ? Car bâtir, c’est déjà penser. Et ce que nous bâtissons aujourd’hui dit tout de notre vide intérieur.

    Il serait naïf de croire que cette crise culturelle est isolée. Elle est le fruit — mais aussi la matrice — des autres crises. Une société privée de rêves, de récits, de repères symboliques, est une société vulnérable. La culture n’est pas un luxe. Elle est ce qui donne sens à l’économie, dignité à la politique, humanité au social.

    La disparition des lieux de débat, le rétrécissement des espaces de création, la marginalisation des penseurs et artistes, la désertification intellectuelle des institutions : tout cela crée un vide dans lequel prospèrent l’ignorance, la résignation et parfois la violence.

    Des responsabilités à assumer

    Il est temps que les acteurs culturels — architectes en tête — assument leur part de responsabilité dans ce naufrage. Trop souvent, nous avons fui en avant. Trop souvent, nous avons préféré le confort des colloques aux actes courageux, les discours aux engagements concrets.

    Cette responsabilité est double.

    La première est directe : nombreux sont ceux qui ont accepté de servir un système qui les humilie. Ils se sont mis à la table du pouvoir, même lorsqu’on ne leur offrait que du pain noir. Ils ont renoncé à leur rôle de conscience pour devenir des techniciens dociles, des décorateurs du déclin, des gestionnaires du renoncement.

    La seconde est indirecte, mais tout aussi destructrice : elle consiste à se draper dans une posture de victime permanente. À chaque nouveau bâton dans les roues, on lève les bras au ciel, on proteste, on simule le refus, mais sans jamais aller au bout de la rupture. On joue à préserver sa dignité… tout en piétinant celle des citoyens. Ce théâtre de la plainte empêche toute refondation.

    Et entre les deux, il faut nommer ce qui étouffe : la responsabilité du politique, bien sûr — mais aussi l’ego ignorant des décideurs, incapables d’envisager la culture comme un enjeu stratégique.

    L’un des héritages les plus pernicieux de Ben Ali dans le champ des arts aura été de nous laisser une élite administrative aussi inculte que le plus simple des citoyens, qui n’aurait pas compris cette phrase de Victor Hugo : «L’architecture, c’est le grand livre de l’humanité.»

    Alors oui, face à cela, il devient vital de réhabiliter le militantisme culturel, et de l’incarner pleinement. Les architectes, en particulier, ne peuvent plus détourner le regard pendant que leur pays est vandalisé — par l’argent, par l’indifférence, par l’ignorance.

    Que faire ? Continuer à expatrier nos jeunes architectes brillants pendant que l’on importe des modèles urbains préfabriqués, des produits chinois, un béton sans âme ? Sommes-nous devenus incapables de bâtir nous-mêmes notre propre avenir ?

    Refaire société par la culture

    Le chantier est immense. Mais il est vital. La Tunisie de demain ne se bâtira pas seulement avec des plans économiques ou des réformes institutionnelles. Elle devra retrouver ce souffle, cette dignité culturelle qui faisait d’elle, jadis, un phare. Redonner à l’architecture sa poésie. À la parole sa puissance. À la mémoire sa profondeur.

    Et cela commence par un acte simple, mais difficile : se tenir debout. Ne plus déléguer à d’autres ce que nous seuls pouvons porter.

    * Architecte.

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    Le smack qui met l’Egypte en émoi  

    L’Egypte est en émoi. L’artiste libanais Ragheb Alama y est désormais interdit de se produire en concert; il a même été convoqué par le syndicat égyptien des professions musicales pour une enquête disciplinaire. La cause : le fugace baiser échangé avec une admiratrice montée sur scène lors de son dernier gala dans ce pays qu’on avait connu moins bondieusard. Vidéo.

    Mohamed Sadok Lejri *

    Bien entendu, après ce petit baiser, ce «simple smack» comme on disait au collège, les endeuillés du slip, les aigries mal baisées et les conservateurs de tout poil sont montés au créneau pour crier au scandale et exiger des autorités égyptiennes une sanction à la mesure de la gravité du «crime» qui vient d’être commis.

    Cela dénote une chose toute simple : la crainte des conservateurs égyptiens de voir leurs compatriotes s’affranchir de la tutelle de la religion et se frayer un chemin vers une plus grande liberté sexuelle.

    Les conservateurs égyptiens, et arabes d’une façon générale, redoutent comme la peste la sécularisation de la société et l’émancipation des corps et des plaisirs.

    En convoquant l’artiste libanais à son siège, en l’accablant à travers un communiqué qui dénonce un «comportement indécent contraire aux traditions et aux valeurs de la société égyptienne», en menaçant le propriétaire de la salle de spectacle de sanction, le syndicat égyptien des professions musicales n’a fait que légitimer et nourrir encore plus les diktats obscurantistes qui gangrène l’Egypte depuis plusieurs décennies.

    «Ce concert est un affront clair et délibéré aux coutumes et traditions locales», a déclaré le président du syndicat en question. Cet état d’esprit poltron est indigne d’hommes qui se prétendent artistes car ils permettent aux bigots, aux bondieusards, aux islamo-obscurantistes, aux branleurs qui diabolisent un simple baiser et la moindre allusion au sexe car inaccessible pour eux, de conserver le monopole du contrôle de l’espace public au nom du respect des traditions, de l’islam, de la morale et des bonnes mœurs.

    En effet, même les plus conservateurs savent pertinemment qu’il ne s’agit que d’un simple bécot, ils savent que ce baiser n’a rien de pornographique ou de contraire à la décence.

    En réalité, ils craignent qu’un baiser donné en public reste impuni et soit la porte ouverte à la libéralisation des mœurs. C’est pourquoi ils ne comptent pas laisser passer ce baiser sous silence, aussi anodin soit-il.

    Une conception totalitaire de la morale

    En fait, cette confrontation dénote une chose toute simple : l’affrontement de deux visions antagonistes par rapport à la sexualité des Egyptiens et des Arabes. Il y a, d’abord, la crainte des conservateurs de voir leurs compatriotes s’affranchir de la tutelle de la morale religieuse et se frayer un chemin vers une plus grande liberté sexuelle.

    En effet, comme tous les conservateurs arabo-musulmans, les conservateurs égyptiens redoutent comme la peste la sécularisation de la société et l’émancipation des corps et des plaisirs. Bondieusards et conservateurs de tout poil veulent conserver le monopole du contrôle de l’espace public au nom du respect de la religion, des traditions, des us et coutumes, de la morale et des bonnes mœurs.

    Pour les conservateurs, le recours à l’appareil de l’Etat et à toutes les machines afférentes à l’appareil répressif de l’Etat (les syndicats des artistes font de cet appareil en Egypte) pour imposer dans l’espace public, aux médias, aux institutions artistiques et culturelles, une conception totalitaire de la morale, une conception moyenâgeuse et inquisitoriale des traditions et des bonnes mœurs. Et cela ne saurait faire l’objet d’une quelconque négociation.

    Dans le camp d’en face, il y a les progressistes qui sont minoritaires et qui, sur le plan des mœurs, essayent de faire évoluer les choses sans trop se mouiller. Intimidés par les arguments d’autorité des conservateurs, ils ne font qu’obéir aux diktats de ces derniers depuis des décennies. La poltronnerie de beaucoup d’entre eux a permis aux bondieusards de conserver, durant tout ce temps, le monopole du contrôle de l’espace public au nom du respect de la morale et des bonnes mœurs.

    La lâche démission des progressistes

    Il faut que les progressistes comprennent que la provocation des conservateurs et le choc des consciences participent à la transformation de la société. Mais, hélas, nos progressistes, à quelques exceptions près, aussi bien en Egypte que dans les autres pays dits arabo-musulmans, se sont le plus souvent montrés lâches et timorés devant les tollés suscités par les affaires liées aux mœurs.

    Pour que les mœurs évoluent sous nos cieux, les progressistes doivent faire face à certains tabous et arrêter de noyer le poisson lorsqu’on leur intime de se prononcer sur ce genre de sujets.

    En effet, la remise en cause de la doxa et d’un certain conformisme est un passage obligé si l’on veut sortir du vieux dispositif qui sanctifie la morale religieuse et les bonnes mœurs et qui, de surcroît, s’appuie sur la répression sexuelle. Seul un électrochoc désinhibiteur affaiblira les tabous religieux et sexuels. Non seulement il faut résister aux assauts des conservateurs, à l’intimidation sociale et aux menaces proférées par les extrémistes, mais en plus il faut revendiquer sans la moindre équivoque la liberté sexuelle quand cela s’impose et le droit de se bécoter lors d’un concert, au cinéma, à la télé… Bref, en public !

    C’est le seul moyen d’en finir avec la répression moralo-religieuse et les inhibitions qui lui sont liées d’une manière consubstantielle et qui sont à l’origine de tant de frustrations et de névroses en terre d’Islam…

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    Tunisie-Arabie Saoudite | Alliance cerveaux-capitaux pour développer l’IA arabe

    Comment le Public Investment Fund (PIF) saoudien, qui investit massivement dans l’Intelligence artificielle (IA), peut-il transformer la Tunisie en Silicon Valley du Maghreb et créer une souveraineté numérique panarabe.

    Naâmen Bouhamed *

    La Tunisie forme 8 000 ingénieurs IA par an (dont 38% de femmes, record mondial), publie plus de recherches IA que tous les pays du Golfe réunis (Nature Index), et voit ses startups lever 120 millions de dollars US (M$) depuis 2020.

    Pourtant, 83% de ses cerveaux fuient vers l’Europe ou l’Amérique.

    Solution clé : le PIF saoudien a 40 milliards de dollars pour l’IA. La Tunisie a les cerveaux. Leur mariage stratégique peut faire émerger un écosystème arabe disruptif.

    Les atouts complémentaires (schéma proposé par IA DeepSeek) :

    Projets concrets pour une alliance gagnant-gagnant :

    1. Fonds « Brain & Brawn » (1 Md$)

    Objectif : fixer les talents en Tunisie via → Salaires hybrides : 70% payés par employeur local + 30% par le PIF (contre engagement 5 ans) → Équity-for-Skills : cession d’actions des startups tunisiennes au PIF en échange de financement.

    Impact : réduction de 60% de la fuite des cerveaux (modèle BCG).

    2. Réseau de Centres d’excellence thématiques (schéma proposé par IA DeepSeek) :

    3- Plateforme Halal Valley

    Siège : Tunis (ingénierie) + Riyad (commercialisation).

    Fonctions : → Labellisation Halal Tech pour l’IA éthique → Marketplace de services IA pour le monde musulman (1,8 Md de consommateurs) → Accélérateur commun startups tuniso-saoudiennes.

    Simulation d’une feuille de route financière (schéma proposé par IA DeepSeek) :

    Modèle économique : 15% des revenus reversés au PIF pendant 10 ans

    Les Gains Géostratégiques

    Pour la Tunisie → Transformation de la fuite des cerveaux en exportation de services IA (objectif : 2Mds$/an) → Ancrage comme hub africain de la deep tech.

    Pour l’Arabie saoudite → Accès à des compétences premium à coût compétitif (économie : 400M$/an vs recrutement occidental) → Diversification économique hors pétrole via la propriété intellectuelle tunisienne.

    Pour le Monde arabe → Souveraineté numérique (Modèles LLM en arabe, normes éthiques islamiques) → Émergence d’un 3e pôle IA mondial (devant l’Europe, derrière les Etats-Unis et la Chine).

    Les pièges à éviter

    Protection des intérêts tunisiens → Limiter la prise de participation du PIF à 35% dans les startups → Garantir le transfert technologique via des comités scientifiques mixtes

    Agilité vs mégaprojets : «Pas de Neom à la tunisienne : privilégier 100 pépites agiles plutôt qu’un éléphant blanc» (Olfa Nasraoui, experte en IA éthique, Professor of Computer Science & Engineering, University of Louisville, USA).

    Témoignage prophétique : «Avec 1% des fonds IA du PIF, la Tunisie pourrait former 50 000 experts et générer 15 licornes. C’est le meilleur ROI géopolitique du siècle » (Karim Beguir, Ceo d’InstaDeep (racheté par BioNTech pour 682M$).

    Conclusion

    L’alliance Tunisie-PIF n’est pas une option, mais une nécessité stratégique. La Tunisie y gagne en infrastructures et ancrage de ses talents. Le PIF y acquiert une agilité technologique et légitimité panarabe. Et le monde arabe y construit son indépendance numérique.

    Cette complémentarité cerveaux/capitaux pourrait écrire l’une des plus belles réussites technologiques du 21e siècle : l’émergence d’un Silicon Valley arabe, irrigué par les cerveaux tunisiens et les pétrodollars saoudiens.

    * International business consultant. Ceo Alwen International -France (article écrit en collaboration avec DeepSeek IA).

    Précédent article de l’auteur sur le même sujet :

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    Etat de Palestine l Le saut hésitant de Macron

    En voulant reconnaître l’État de Palestine «sans brusquer», Macron a choisi le chemin de la lenteur excessive. Mais l’Histoire – celle que Churchill et De Gaulle avaient lue – nous rappelle que, pour franchir certains fossés, il faut un seul élan, ferme et irréversible. Tout le reste n’est que temps offert à ceux qui espèrent que le saut n’aura jamais de résultat.

    Khémaïs Gharbi *

    Winston Churchill aimait rappeler qu’«un fossé se franchit mieux d’un seul saut». Ce n’était pas seulement une image de guerre, mais une leçon de stratégie : lorsqu’un pas est décisif, mieux vaut l’accomplir d’un élan ferme que d’y revenir par hésitations successives.

    Le président français Emmanuel Macron semble aujourd’hui payer le prix d’avoir ignoré ce conseil du «vieux lion». Depuis des mois, il annonçait vouloir reconnaître l’État de Palestine – mais sans oser le faire franchement et clairement. Avant-hier, jeudi 25 juillet 2025, il a franchi une étape en annonçant officiellement cette reconnaissance dans une lettre adressée au président Mahmoud Abbas. Mais, en fixant la date de la proclamation solennelle à septembre prochain, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, il a ouvert un nouveau cycle de palabres, de tergiversations et de résistances.

    Cette démarche, pourtant honorable dans son affirmation, risque de se transformer en un piège politique. Car en multipliant les préannonces, Macron n’offre pas seulement du temps à la diplomatie : il en offre surtout à ses adversaires – de l’intérieur comme de l’extérieur – pour dresser de nouveaux obstacles, tisser de nouvelles pressions, nourrir de nouvelles polémiques.

    L’Histoire fourmille d’exemples qui rappellent que certains gestes doivent être accomplis avec la netteté d’un couperet. En 1967, au lendemain de la guerre des Six Jours, le général de Gaulle avait choisi un mot – «agression» – et une décision – l’embargo sur les armes à destination d’Israël – qu’il annonça d’un bloc, sans flottement. Le geste fut controversé, mais sa clarté fit autorité.

    À l’inverse, à tergiverser, on épuise l’élan, on fragilise le geste, et l’on transforme ce qui aurait pu être un moment de clarté en un long champ de tir pour les critiques.

    En voulant reconnaître l’État de Palestine «sans brusquer», Macron a choisi le chemin de la lenteur excessive. Mais l’Histoire – celle que Churchill et De Gaulle avaient lue – nous rappelle que, pour franchir certains fossés, il faut un seul élan, ferme et irréversible. Tout le reste n’est que temps offert à ceux qui espèrent que le saut n’aura jamais de résultat. Et ils sont nombreux dans cet Occident qui se fait désormais complice du génocide perpétré par Israël dans les territoires palestiniens occupés.

    Les 149 Etats qui ont déjà reconnu l’Etat de Palestine l’ont fait ce saut, et d’un seul élan, mus par la nécessité de l’Histoire et guidés par les principes du droit et de la justice.

    * Ecrivain et traducteur.

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    La diplomatie tunisienne face aux mutations géostratégiques

    La conférence annuelle des chefs de missions diplomatiques et consulaires tunisiens à l’étranger se tiendra très prochainement au siège de l’Académie diplomatique internationale à Tunis (Photo). Organisée pour la première fois en 1992, le but de cette conférence annuelle est de donner à nos chefs de poste diplomatiques et consulaires l’occasion de se rencontrer pour échanger entre eux, avec les hauts fonctionnaires du ministère et avec de hauts responsables de l’Etat et des entreprises publiques concernés par les relations extérieures, quant aux moyens permettant de mettre l’appareil diplomatique au service des intérêts de la Tunisie, de son développement et de sa présence internationale, compte tenu des enjeux et contraintes, dans un monde plus instable que jamais et extrêmement compétitif. 

    Raouf Chatty *

    Dans ce cadre et compte tenu de ces contraintes du temps, les intervenants à la conférence gagneraient à faire l’économie des généralités rébarbatives et des analyses fleuves de la situation politique et géostratégique internationale. Il serait mieux indiqué de focaliser leurs échanges sur certains thèmes majeurs devant constituer le cœur de leur travail quotidien et de leur feuille de route. 

    Le premier thème est celui de la diplomatie économique et de la contribution des représentations diplomatiques à la réalisation des objectifs du pays dans ce domaine. 

    Région par région, ou pays par pays, en fonction de leur poids économique, le rapporteur désigné pourrait faire le bilan des réalisations effectives ou celles en cours et l’état des difficultés objectives entravant la réalisation des objectifs assignés. 

    Le deuxième thème concerne la communauté tunisienne à l’étranger, sa composition (environ 2 millions de personnes dont un grand nombre de compétences), les obstacles auxquels elle fait face et ses aspirations. Il s’agit d’identifier des procédés innovants pour l’impliquer plus fortement dans le développement du pays. 

    La promotion des intérêts de la nation et de sa souveraineté

    Le troisième axe concerne les constantes de la diplomatie tunisienne face aux enjeux politiques, sécuritaires et économiques changeants dans un monde en ébullition.

    Le quatrième pourrait être consacré à la rationalisation des méthodes de travail et la gestion efficiente des personnels diplomatiques et consulaires et autres représentants à l’étranger. 

    A cet égard, il est important de souligner que le Président de la République a toujours insisté sur les principes qui devront guider notre diplomatie, en particulier la promotion des intérêts de la nation, la défense des causes justes, la sauvegarde de la souveraineté nationale et la non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  

    Le chef de l’Etat a toujours insisté sur l’urgence pour la diplomatie tunisienne de se rénover, de faire preuve d’imagination et de créativité compte tenu des nouveaux défis géostratégiques et des grandes mutations actuelles dans le monde, générées par la révolution numérique et les technologies émergentes.  

    Le renseignement économique et technologique

    A cet égard, les participants devraient être animés d’un esprit pionnier et innovant, tout en étant attachés au rôle et à la mission du diplomate qui ont beaucoup changé aujourd’hui. 

    Plus que par le passé, le travail du diplomate porte sur le renseignement économique et technologique, la coopération scientifique, la recherche des opportunités et la quête des marchés. Il porte aussi sur les questions sociales et culturelles et l’accompagnement des expatriés dans le pays d’accréditation…

    L’opinion publique doit aussi être éclairée sur le rôle joué par notre diplomatie dans la promotion de la Tunisie et de sa présence sur la scène internationale, ainsi que sur les difficultés qu’elle rencontre dans l’accomplissement de ses missions. Ainsi, on se ferait une idée précise de son utilité et de son apport et lui en rendrait justice.

    * Ancien ambassadeur.  

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    Kaïs Saïed dans une scène rare, presque historique

    Cela s’est passé mardi 22 juillet 2025 au Palais de Carthage, en quelques minutes, mais ces minutes-là, il faudra bien les inscrire quelque part. Dans un livre d’histoire, peut-être. Ou dans la mémoire de ceux qui savent encore distinguer le courage de la complaisance.

    Khémaïs Gharbi *

    Le président tunisien, Kaïs Saïed, recevant l’émissaire de Donald Trump pour le monde arabe Massad Boulos, n’a pas attendu les discours officiels ni les formules diplomatiques rodées. À peine l’entrevue entamée, debout face à son interlocuteur, il sort une série de photos. Des clichés en couleur. Mais la couleur ici, c’est celle du sang, de la poussière, de la détresse des Palestiniens.

    Il ne montre pas des paysages. Il tend les images d’un peuple supplicié : des enfants affamés, une fillette réduite à manger du sable, des visages creusés par la faim et la peur. «Je crois que ces photos, vous les connaissez bien», dit-il. Puis, commentant chaque image, il dénonce un «crime contre l’humanité entière», et réclame qu’on y mette fin — que «l’humanité tout entière se réveille».

    Une gifle assénée au nom des enfants de Gaza

    Face à lui, l’envoyé américain subit un réquisitoire visuel, implacable. Sans cris, sans fioritures, mais avec la force nue des images et des mots justes. Ce n’est pas un simple geste. C’est une audace rare dans le monde feutré de la diplomatie. Une gifle silencieuse, assénée au nom des enfants de Gaza.

    Car il ne s’agit pas seulement de clichés. Il s’agit d’une vérité que beaucoup taisent, que d’autres enveloppent dans les euphémismes : celle d’un génocide mené en temps réel, avec le soutien sans faille du principal allié militaire et diplomatique d’Israël — les États-Unis d’Amérique.

    Cette scène, inédite dans le monde arabe contemporain, résonne comme un écho des grandes heures du courage politique. On pense à la déclaration de Patrice Lumumba face au roi Baudouin en 1960 : «Entre l’esclavage et la liberté, il n’y a pas de compromis.» On entend aussi le souffle de Martin Luther King, lançant son rêve à la face de l’Amérique ségrégationniste.

    Echo des grandes heures du courage politique

    Aujourd’hui, c’est un président arabe qui, sans armée conquérante ni appuis massifs, a dit non. Par les images. Par la dignité. Par la vérité nue.

    Il a montré qu’on peut être grand, même lorsqu’on est seul. Qu’on peut être fort, même sans violence. Et qu’à défaut de frapper avec des armes, on peut frapper avec sa conscience — et l’exposer au regard du monde entier.

    Car dans ce siècle saturé d’images, une seule photo peut devenir une arme. Non pas une arme de destruction, mais une arme de révélation. Une arme qui dérange. Qui accuse. Qui réveille.

    Et à ceux qui, dans l’ombre ou à la tribune, bravent la peur, les menaces, l’isolement, pour défendre la dignité humaine et nommer les injustices par leur nom — à ceux-là, va notre reconnaissance profonde.

    Car ce sont eux qui, par leur courage, empêchent le monde de sombrer tout à fait dans la nuit.

    * Ecrivain et traducteur.

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    Tunisie l L’instinct de survie au-dessus de tout scrupule

    Dans un monde en pleine effervescence et un voisinage croulant sous de lourds nuages de colère et d’instabilité, il importe à la Tunisie de se ressaisir et de tout faire pour pouvoir surmonter la tornade qui se profile à l’horizon.

    Elyes Kasri *

    L’appareil de production public et privé en Tunisie souffre d’une régression continue depuis 2011 et le marché de l’emploi, le pouvoir d’achat, les infrastructures et les services publics se dégradent de jour en jour.

    Depuis ce qui a été pompeusement et fallacieusement qualifié de «révolution de la liberté et de la dignité» ou pire encore de «révolution du jasmin», la seule croissance enregistrée dans notre pays a été dans les innombrables slogans de plus en plus creux et la litanie des promesses intenables et des faux espoirs avec leur lot toxique de désillusions, de rancœurs et de colères jusqu’à présent sous la braise au risque, que Dieu ne le veuille, que les circonstances ou des officines extérieures ne se mettent à souffler dessus.

    Une poussière d’individus

    Un pays qui se dépeuple (au vu du dernier recensement démographique et de la tentation migratoire alimentée par le sentiment partagé d’un ailleurs plus auspicieux) et qui croit de moins en moins à la chose publique et à un sort collectif et national (les dernières consultations et échéances électorales en sont un indice frappant) semble tenté de retomber dans l’état de poussière d’individus mus par l’instinct de survie, souvent à tout prix et au-dessus de tout scrupule.

    * Ancien ambassadeur.

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    Kaïs Saïed et la Palestine | Un discours de courage et de lucidité

    Recevant avant-hier à Carthage l’envoyé spécial du Président Trump pour le monde arabe, qui était accompagné de l’ambassadeur américain en Tunisie et de trois autres responsables de son pays, le Président Kaïs Saïed a été, comme à son habitude, très clair sur la situation dramatique qui prévaut à Gaza où les autorités israéliennes continuent de braver le droit international, fortes de l’appui inconditionnel des États-Unis et des pays occidentaux.

    Raouf Chatty *

    Le bilan des bombardements israéliens, depuis le déclenchement des hostilités le 7 octobre 2023, est particulièrement lourd : des dizaines de milliers de mort et des centaines de milliers blessés, sans compter les énormes dégâts matériels et les impacts durables de cette guerre sur les Palestiniens en général et les habitants de Gaza en particulier. 

    Sur ce point, la position du Président Saïed est largement en avance sur celles de la quasi-totalité des dirigeants arabes, ceux qui sont directement impliqués dans le conflit et ceux qui en sont indirectement touchés. Piégés dans une position très inconfortable, ces derniers continuent de souffler le chaud et le froid, selon le contexte général dans la région et en fonction des intérêts stratégiques de leurs pays, ne craignant pas d’exposer ainsi leur impuissance au monde entier.

    Les États-Unis face à leurs responsabilités

    Montrant à l’envoyé spécial du Président américain des photos d’enfants gazaouis crevant de faim, Kaïs Saïed a visiblement cherché à choquer son hôte et à mettre les États-Unis face à leurs responsabilités de superpuissance prônant les droits humains et à la contradiction de leurs politiques des deux poids deux mesures.

    Le Président a également mis l’accent lors de cette rencontre sur la question de la souveraineté des États, soulignant à son interlocuteur que le rejet des ingérences extérieures et le respect de la volonté des peuples sont des fondements des relations internationales. 

    Si de tels propos, transmis par les médias, avec la voix du Président, confortent la position d’un large public tunisien révolté par les souffrances sans fin infligées au peuple palestinien, pour d’autres, ces propos ont une portée purement symbolique et ne feront que remuer le couteau dans la plaie. Ils n’aideront pas, en tout cas, à alléger ces souffrances. Les masses populaires y verront un acte de courage et de bravoure à mettre à l’actif du Président tunisien, au moment où plusieurs chefs d’Etat arabe n’osent même pas placer un mot devant le Président américain. Ne l’a-t-on pas vu, récemment, regarder de haut des présidents africains en visite officielle à son invitation à la Maison blanche ?

    Qu’attendent exactement les Américains de Saïed ?  

    Après son entretien avec le Président de la République, l’envoyé spécial du président américain s’est contenté d’une déclaration laconique et à portée générale sur son blog, sans évoquer les sujets réellement discutés au Palais de Carthage : Palestine, Gaza, droit humanitaire international, droit des peuples à l’autodétermination et, probablement aussi, la situation en Libye et son impact sur la région.

    Dans ce cadre, plusieurs questions se posent… 

    1- Les États-Unis connaissant très bien les positions du Président Saïed sur la question palestinienne, Gaza et sur bien d’autres sujets, comme la nouvelle politique étrangère de la Tunisie, revue et corrigée par l’actuel locataire du Palais de Carthage, quel était le but réel de cette visite, la première dans notre pays d’un haut responsable américain depuis le retour du Président Trump au pouvoir, à un moment où la Tunisie continue de se débattre dans des difficultés politiques, économiques  et sociales majeures, aggravées par la situation très instable dans toute la région Mena? En d’autres termes, qu’attendent exactement les Américains de Saïed ? Qu’il normalise les relations de la Tunisie avec Israël et rejoigne ainsi la caravane arabe des Accords d’Abraham ? Ou qu’il accepte d’accueillir en Tunisie les Palestiniens de Gaza, comme l’avait fait Habib Bourguiba de ces mêmes Palestiniens lorsqu’ils ont été chassés du Liban, en 1982 ?

    Une position pour le principe et pour l’Histoire

    2- Le Président Saïed, connaissant le rôle capital des États-Unis dans le monde, et pas seulement dans la région du Moyen-Orient, ainsi que les positions tranchées du Président Trump sur de nombreuses questions et notamment son soutien total et inconditionnel à Israël, pourquoi a-t-il choisi d’être aussi direct et tranchant avec le responsable américain alors que pratiquement tous les dirigeants arabes que ce dernier s’apprête à rencontrer chercheront par tous les moyens sinon à l’amadouer du moins à ne pas lui déplaire?

    En tout état de cause, et quelle aient pu être les motivations du Président Saïed et l’impact espéré de ses propos sur la suite des événements à Gaza et dans la région Mena, l’histoire retiendra sa position responsable et courageuse, qui tranche clairement avec celle de la plupart des autres dirigeants arabes, qui sont décevantes, opportunistes et largement en deçà des attentes de leurs peuples. 

    Cette position est venue conforter les voix libres dans le monde, même parmi les plus inconditionnels d’Israël, qui se lèvent pour réclamer avec force la fin de la guerre et la reconnaissance du droit inaliénable des Palestiniens à un État indépendant et souverain sur la base des résolutions des Nations Unies. 

    Ce processus est historique et irréversible. Sans sa mise en œuvre volontaire et lucide, les Palestiniens, les Israéliens et tous les peuples de la région seront condamnés à davantage d’instabilité, de guerres, de souffrances et de désolation. 

    * Ancien ambassadeur. 

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