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ECLAIRAGE – Giorgia Meloni entre solidarité occidentale, intérêts méditerranéens et réalités géopolitiques

Depuis son accession au pouvoir en octobre 2022, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, incarne un virage à droite de la politique italienne. Il est caractérisé par un atlantisme affirmé et un alignement stratégique sur les positions occidentales, notamment celles des États-Unis et d’Israël.

Sur la question palestinienne, Mme Meloni n’a pas dérogé à cette ligne : soutien explicite à Tel-Aviv; condamnation ferme du Hamas; et défense du « droit d’Israël à se défendre » comme principe non négociable.

Cette posture, bien que cohérente avec sa ligne idéologique et diplomatique, soulève néanmoins une série de tensions, tant sur le plan intérieur qu’international. En Italie, une partie de la société civile, du monde universitaire, de la gauche et des organisations catholiques expriment une solidarité historique envers le peuple palestinien, alimentée par les principes du droit international humanitaire. À l’extérieur, l’Italie est confrontée à un environnement méditerranéen où la cause palestinienne reste un facteur de sensibilité politique majeur.

La Méditerranée comme ligne de fracture

Le gouvernement Meloni est engagé dans une stratégie active de « Pacte pour l’Afrique », visant à renforcer l’influence de l’Italie dans le bassin méditerranéen et à endiguer les flux migratoires. Or, dans cette région marquée par un fort sentiment de solidarité envers la Palestine – en Tunisie, en Algérie, en Égypte ou au Liban – l’alignement inconditionnel sur Israël peut apparaître comme une faute stratégique.

Les relations avec des partenaires clés du Sud souffrent ainsi d’un double discours. D’un côté, Rome affiche son ambition de devenir un pont entre l’Europe et l’Afrique. De l’autre, elle néglige la perception régionale du conflit israélo-palestinien, notamment après les offensives israéliennes récurrentes à Gaza. Ce déséquilibre complique l’agenda méditerranéen de Meloni, en particulier dans les enceintes de coopération multilatérale comme l’Union pour la Méditerranée (UpM) ou le Dialogue 5+5.

 

Dans cette région marquée par un fort sentiment de solidarité envers la Palestine – en Tunisie, en Algérie, en Égypte ou au Liban – l’alignement inconditionnel sur Israël peut apparaître comme une faute stratégique.

 

Les contradictions d’une droite post-idéologique

Mme Meloni revendique l’héritage de la droite conservatrice. Et ce, tout en tentant de se démarquer du passé néofasciste du parti Fratelli d’Italia. Toutefois, sa position sur la question palestinienne révèle une continuité idéologique plus profonde. Celle d’un nationalisme identitaire pro-occidental, dans lequel la sécurité d’Israël est perçue comme une extension des intérêts européens.

Ce prisme conduit à une lecture sécuritaire du conflit, qui évacue les dimensions historiques, humanitaires et juridiques de la question palestinienne. Il en résulte une incapacité à proposer une diplomatie équilibrée, qui puisse conjuguer solidarité avec Israël et reconnaissance des droits légitimes des Palestiniens, notamment à un État viable et souverain.

Le dilemme stratégique de Rome

Face à l’enlisement du conflit et à la radicalisation des positions, Giorgia Meloni est confrontée à un dilemme stratégique : rester alignée sur la doctrine occidentale au risque de perdre toute capacité de médiation régionale; ou redéfinir une position plus nuancée, capable de parler à la fois à l’Europe, au Maghreb et au Moyen-Orient.

Or, dans un contexte global de fragmentation des alliances, où les puissances émergentes comme la Turquie, le Qatar ou les pays du BRICS investissent le champ diplomatique au Proche-Orient, l’Italie prend le risque d’un effacement progressif si elle ne réévalue pas sa grille de lecture. Le silence sur les exactions israéliennes, les frappes sur les civils, ou encore l’asphyxie de Gaza minent la crédibilité morale et politique de Rome dans les fora internationaux.

 

Dans un contexte global de fragmentation des alliances, où les puissances émergentes comme la Turquie, le Qatar ou les pays du BRICS investissent le champ diplomatique au Proche-Orient, l’Italie prend le risque d’un effacement progressif si elle ne réévalue pas sa grille de lecture.

 

Entre fidélité idéologique et aveuglement géopolitique

La position de Giorgia Meloni sur la question palestinienne illustre les limites d’un tropisme idéologique non adapté à la complexité du théâtre méditerranéen. En s’enfermant dans une solidarité exclusive avec Israël, l’Italie compromet son ambition de leadership régional et se prive d’un rôle constructif dans une paix durable au Proche-Orient. Pour redevenir un acteur crédible, Rome devra tôt ou tard réintroduire dans sa diplomatie les principes de justice, d’équilibre et de souveraineté, sans quoi la Méditerranée lui restera fermée.

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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ECLAIRAGE – Le retour de l’axe Carthage-Rome : vers une Méditerranée stratégique partagée

Au cœur d’une Méditerranée en recomposition, le rapprochement stratégique entre la Tunisie et l’Italie prend des allures de recentrage historique. Loin d’un simple partenariat bilatéral, cette relation se réinvente autour de défis partagés, d’ambitions énergétiques, de préoccupations migratoires et d’un nouvel équilibre géopolitique. Dans un contexte où les grands axes traditionnels sont fragilisés, l’axe Carthage-Rome réémerge comme l’un des plus crédibles, porteurs d’un projet commun de stabilité, de prospérité et d’intégration régionale.

Une relation historique, réactivée par les réalités contemporaines

L’Italie et la Tunisie ont toujours été liées par une proximité géographique évidente, mais aussi par une histoire dense faite d’échanges, de rivalités, de migrations et d’interdépendance. Si cette relation fut longtemps cantonnée à une diplomatie de voisinage, marquée par une coopération commerciale et culturelle classique, elle s’est, depuis peu, transformée en un véritable partenariat stratégique. Ce changement de nature est dicté par l’évolution des priorités nationales des deux pays : la Tunisie cherche de nouveaux appuis pour sortir de l’impasse socio-économique, tandis que l’Italie veut consolider sa position d’acteur clé au sud de l’Europe, à l’heure où les incertitudes géopolitiques secouent les équilibres méditerranéens.

Cette convergence s’est accélérée sous l’effet conjugué de la crise énergétique mondiale, de la reconfiguration des flux migratoires, de l’instabilité au Sahel et de la nécessité pour l’Europe de repenser ses partenariats au sud. L’Italie ne se contente plus de regarder vers l’Est et le Nord : elle revient vers le Sud avec une stratégie claire, où la Tunisie occupe une place centrale.

 

Ce changement de nature est dicté par l’évolution des priorités nationales des deux pays : la Tunisie cherche de nouveaux appuis pour sortir de l’impasse socio-économique, tandis que l’Italie veut consolider sa position d’acteur clé au sud de l’Europe, à l’heure où les incertitudes géopolitiques secouent les équilibres méditerranéens.

 

Un pacte énergétique au cœur du nouvel agenda

La transition énergétique est devenue un pilier du partenariat tuniso-italien. L’interconnexion électrique ELMED, projet emblématique soutenu activement par les deux gouvernements, vise à relier la Tunisie au réseau européen via la Sicile. Cette initiative, stratégique à plusieurs niveaux, permet à la Tunisie de s’ériger en futur corridor énergétique pour l’Europe, en valorisant son potentiel en énergies renouvelables. Pour l’Italie, il s’agit d’ancrer durablement sa position de plaque tournante énergétique en Méditerranée, particulièrement depuis que la guerre en Ukraine a mis en lumière la vulnérabilité des dépendances gazières vis-à-vis de la Russie.

Cette coopération énergétique dépasse le simple échange technique : elle illustre une vision partagée d’une Méditerranée intégrée, solidaire et résiliente face aux chocs extérieurs. Elle trace les contours d’un nouveau modèle de co-développement, dans lequel la Tunisie peut passer du statut de périphérie dépendante à celui de partenaire stratégique incontournable.

La migration comme catalyseur de coopération sécuritaire

La question migratoire, souvent source de tensions, devient dans ce cadre un terrain de dialogue stratégique. L’Italie, en première ligne des flux migratoires méditerranéens, a choisi une voie réaliste : soutenir la stabilité de la Tunisie pour contenir les départs, mais aussi pour construire une approche concertée de la mobilité humaine. Ce choix s’est manifesté par un appui constant, y compris dans les périodes où d’autres partenaires occidentaux adoptaient une posture d’attentisme critique.

Loin d’une politique uniquement sécuritaire, l’Italie promeut une logique de responsabilité partagée : appui au développement local, lutte contre les réseaux de traite, régularisation ciblée et soutien budgétaire. Ce positionnement est à contre-courant des discours stigmatisants souvent entendus ailleurs en Europe. Il redonne à la Tunisie un rôle actif dans la co-construction d’un pacte migratoire plus équilibré, plus humain et plus ancré dans la réalité des territoires.

 

L’Italie, en première ligne des flux migratoires méditerranéens, a choisi une voie réaliste : soutenir la stabilité de la Tunisie pour contenir les départs, mais aussi pour construire une approche concertée de la mobilité humaine.

 

Une diplomatie économique qui redéfinit les priorités

L’Italie ne se contente pas d’une présence symbolique. Elle investit dans les infrastructures tunisiennes, soutient les petites et moyennes entreprises, accompagne la modernisation du tissu productif et encourage les partenariats technologiques. Ce retour actif s’illustre par des visites régulières de haut niveau, des programmes conjoints dans l’agriculture, l’éducation professionnelle, le numérique, et une volonté claire de construire des chaînes de valeur régionales. Il ne s’agit plus d’assistance ponctuelle, mais d’une diplomatie économique assumée, où la Tunisie devient un partenaire de production, un relai logistique et un marché d’avenir.

Cette orientation, bien que déséquilibrée en termes de poids économique, s’inscrit dans une volonté de structuration d’un espace économique commun. Elle redéfinit les termes de la coopération Nord-Sud, en sortant des logiques d’aide classique pour entrer dans celles du co-investissement stratégique.

Un levier d’autonomie géopolitique pour la Tunisie

Dans un monde marqué par la fragmentation des alliances et la résurgence des logiques de blocs, le partenariat avec l’Italie offre à la Tunisie une opportunité rare : celle de préserver sa souveraineté tout en s’inscrivant dans une dynamique régionale porteuse. Loin des conditionnalités rigides imposées par d’autres partenaires, Rome adopte une approche pragmatique et respectueuse, fondée sur la proximité, l’écoute et l’intérêt mutuel. Cette posture donne à la Tunisie une marge de manœuvre pour diversifier ses partenariats, retrouver une voix diplomatique crédible, et affirmer son rôle dans les équilibres méditerranéens.

Mais cette opportunité implique aussi une exigence : celle de construire un État stratège, capable de négocier, de prioriser ses intérêts, et de mobiliser ses ressources internes pour faire de ce partenariat un levier de développement endogène. Sans cette capacité à structurer une vision nationale claire, même les partenariats les plus prometteurs risquent de rester lettre morte.

 

Loin des conditionnalités rigides imposées par d’autres partenaires, Rome adopte une approche pragmatique et respectueuse, fondée sur la proximité, l’écoute et l’intérêt mutuel. Cette posture donne à la Tunisie une marge de manœuvre pour diversifier ses partenariats, retrouver une voix diplomatique crédible, et affirmer son rôle dans les équilibres méditerranéens.

 

In fine, une Méditerranée à reconstruire, un axe à réinventer

Le recentrage de l’axe Carthage-Rome n’est ni nostalgique ni improvisé. Il repose sur une convergence d’intérêts stratégiques, une volonté politique partagée et un regard commun vers une Méditerranée stabilisée, inclusive et intégrée. Ce partenariat est encore en construction, mais il ouvre la voie à une diplomatie méditerranéenne renouvelée, qui refuse la logique des blocs et privilégie celle des ponts.

Dans un monde où les repères traditionnels s’effritent, l’axe tuniso-italien peut devenir une boussole pour repenser les relations Nord-Sud. Il revient désormais aux deux capitales de nourrir cette dynamique, d’y injecter de la confiance, de la vision et de la constance. Car de ce partenariat pourrait bien dépendre l’avenir de la Méditerranée centrale.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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ECLAIRAGE – L’alliance Maroc-France face au prisme africain

Dans un contexte de recomposition accélérée des alliances internationales sur le continent africain, l’alliance entre le Maroc et la France suscite des perceptions contrastées au sein des pays africains. Ce tandem, historiquement enraciné dans une relation postcoloniale à multiples facettes, est aujourd’hui réinterprété à l’aune de nouvelles dynamiques régionales, d’une montée des souverainismes africains et d’un recul relatif de l’influence française au sud du Sahara.

 

Le partenariat entre Rabat et Paris repose sur des bases anciennes : une forte coopération économique, des intérêts sécuritaires communs au Sahel, et une proximité culturelle renforcée par la francophonie. Pourtant, les dernières années ont été marquées par une relative tension, avant une tentative de relance diplomatique. Ce « recalibrage » des relations a été perçu, dans plusieurs chancelleries africaines, comme une tentative française de se repositionner indirectement sur le continent à travers une puissance régionale stable et influente : le Maroc.

Ce choix suscite la méfiance dans certains cercles panafricanistes, notamment en Afrique de l’Ouest et centrale, où la France est souvent accusée d’ingérence et de néocolonialisme. L’idée d’un retour de l’influence française par procuration via le Maroc est interprétée, par certains acteurs, comme une stratégie d’enracinement par alliances intermédiaire.

Le Maroc, une puissance africaine… ?

La montée en puissance diplomatique et économique du Maroc en Afrique – notamment en Afrique subsaharienne – est indéniable. Depuis son retour au sein de l’Union africaine en 2017, Rabat mène une diplomatie proactive fondée sur des partenariats Sud-Sud, des investissements bancaires, agricoles et énergétiques, et une image d’État stable et réformiste. Dans ce cadre, son rapprochement avec la France est vu, par certains pays africains, comme une stratégie d’influence réciproque : Rabat tire profit de son rôle d’interface crédible avec l’Occident, tandis que Paris cherche à redéployer son agenda africain sous une forme plus indirecte.

Mais cette perception n’est pas partagée unanimement. Des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Gabon perçoivent positivement ce type de coopération triangulaire, y voyant une opportunité de bénéficier de relais d’investissements et de savoir-faire conjoints. À l’inverse, dans des États en rupture avec Paris – Mali, Burkina Faso, Niger – cette alliance est considérée comme suspecte, voire instrumentale à une reconquête d’influence sur les anciennes zones d’influence française.

Entre rivalités maghrébines et fractures continentales

Il faut aussi replacer cette alliance dans le contexte des rivalités régionales. L’Algérie, engagée dans une stratégie d’émancipation géopolitique et économique du giron occidental, voit d’un œil critique cette convergence franco-marocaine, perçue comme un affront à sa posture de non-alignement. Cette rivalité se projette sur l’ensemble du continent, notamment en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, où Alger tente aussi d’imposer ses réseaux diplomatiques et énergétiques.

Par ailleurs, l’émergence des puissances non-occidentales – Russie, Chine, Turquie, Iran – redessine les équilibres africains et pousse certains pays à adopter des postures de rejet vis-à-vis des anciennes puissances coloniales, y compris celles soupçonnées de leur servir de relais.

Entre méfiance, pragmatisme et recompositions silencieuses

L’alliance Maroc-France, dans sa dimension africaine, n’est ni unanimement saluée ni systématiquement rejetée. Elle est observée avec une lucidité stratégique croissante dans les capitales africaines. Pour certains, elle constitue un levier pragmatique de coopération Nord-Sud à travers un acteur africain légitime. Pour d’autres, elle s’apparente à une forme raffinée de néo-impérialisme.

Pour autant, cette perception dépend moins des intentions affichées que des bénéfices concrets perçus localement, et du degré de souveraineté réelle dont disposent les États africains pour orienter leur propre voie. Dans une Afrique en pleine affirmation géopolitique, l’heure est moins à l’alignement qu’à la diversification stratégique – un message que Rabat et Paris devront entendre s’ils veulent inscrire leur alliance dans une dynamique durablement acceptée sur le continent.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

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ECLAIRAGE – Partenariat stratégique Algérie-Italie : un cauchemar géoénergétique pour la France?

Le rapprochement stratégique entre l’Algérie et l’Italie, notamment dans les domaines énergétique, militaire et logistique, s’affirme comme l’un des axes structurants d’un nouvel ordre méditerranéen en formation. Ce partenariat, s’il est perçu à Rome comme une opportunité historique de leadership régional, devient un véritable cauchemar stratégique pour la France, dont l’influence en Afrique du Nord et au Sahel ne cesse de s’éroder. L’axe Alger-Rome remet en question les équilibres établis, exacerbe les rivalités euro-méditerranéennes et redessine la carte des alliances autour des ressources et des corridors énergétiques.

Le pivot de ce partenariat est sans nul doute la question énergétique. Depuis la guerre en Ukraine et la rupture progressive avec le gaz russe, l’Italie a activement cherché à diversifier ses sources d’approvisionnement. L’Algérie, deuxième fournisseur de gaz de l’Europe, est rapidement devenue un partenaire incontournable. Grâce à un renforcement du rôle de la Sonatrach, des investissements croisés, et des projets d’infrastructure comme l’expansion du gazoduc Transmed, l’Italie a sécurisé une part stratégique de ses importations.

Ce rapprochement énergétique marginalise de facto la France, qui n’a ni les volumes d’importation comparables ni une relation aussi stratégique avec Alger. Pire encore pour Paris : la diplomatie italienne, plus agile et moins empreinte de lourdeurs postcoloniales, a réussi là où son homologue française a échoué, en consolidant un lien de confiance avec les élites algériennes, dans un climat où la mémoire coloniale reste un facteur de tension latent.

Un axe logistique en formation : de la Méditerranée à l’Afrique

Au-delà du gaz, l’Italie mise sur l’Algérie comme un hub logistique vers le Sahel et l’Afrique subsaharienne. Le projet de route transsaharienne reliant Alger à Lagos, le développement de corridors ferroviaires et portuaires (comme celui du port de DjenDjen), ainsi que la multiplication des accords dans les secteurs du transport maritime et aérien, traduisent une ambition claire : positionner l’Italie comme le principal canal d’accès à l’Afrique depuis le nord de la Méditerranée.

Ce projet entre en collision directe avec les intérêts français, traditionnellement structurés autour du Maghreb francophone comme zone d’influence. L’Italie, avec l’appui algérien, défie ainsi un monopole historique que Paris pensait consolidé, en créant une nouvelle géographie économique au sud de l’Europe.

Dimension militaire et sécurité régionale

Le partenariat ne s’arrête pas à l’économie. Des coopérations discrètes mais actives en matière militaire et sécuritaire se mettent en place. Rome voit en Alger un rempart crédible contre l’instabilité sahélienne, la prolifération des groupes armés et les flux migratoires. L’Algérie, quant à elle, y voit un levier d’émancipation vis-à-vis de ses relations complexes avec la France et une possibilité de diversifier ses alliances militaires, notamment face à la montée en puissance de la Turquie dans la région.

Pour Paris, ce recentrage sécuritaire hors de son giron traditionnel fragilise encore davantage sa position déjà chancelante au Sahel, après les revers militaires au Mali et au Burkina Faso. L’émergence d’un axe Rome-Alger comme pôle de stabilité alternatif pourrait à terme priver la France de son rôle de puissance régulatrice en Afrique.

Une diplomatie italienne pragmatique contre un modèle français en crise

Ce partenariat illustre l’efficacité d’une diplomatie italienne pragmatique, moins idéologisée et moins engoncée dans les logiques paternalistes. L’Italie parle le langage des intérêts, de l’énergie, des infrastructures et de la sécurité, là où la France semble encore prisonnière d’un logiciel dépassé, mêlant injonctions morales et nostalgie postcoloniale. Dans cette dynamique, Alger trouve à Rome un partenaire à la fois respectueux, cohérent et porteur d’une vision stratégique alignée sur ses propres objectifs régionaux.

In fine, vers une recomposition de l’espace méditerranéen?

Ce que redoute Paris, ce n’est pas seulement la perte d’influence à Alger, mais bien un basculement plus large. Le partenariat stratégique entre l’Algérie et l’Italie ne constitue pas un simple tête-à-tête bilatéral : il s’inscrit dans une reconfiguration plus vaste, où les rapports Nord-Sud évoluent, où les BRICS, la Turquie, la Chine et désormais l’Italie bousculent les hégémonies anciennes. Pour la France, le cauchemar n’est pas seulement italien ou algérien. Il est structurel. Et il l’invite à repenser radicalement sa posture géopolitique en Méditerranée et en Afrique.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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LA CONTROVERSE – La Science économique en état de mort cérébrale ? Une critique radicale à l’heure du capitalisme algorithmique

La controverse suscitée par les prises de position de Mahjoub Lotfi Belhedi, notamment dans son dernier article intitulé « Brouillard : 404 – Science économique Not Found », dépasse la simple querelle académique. Elle vient poser avec une acuité rare une question qui dérange : la science économique, telle qu’elle est encore majoritairement enseignée et pratiquée, a-t-elle épuisé sa capacité à rendre compte du réel ? Ou pire encore : est-elle devenue un obstacle à la compréhension des transformations profondes du capitalisme contemporain ?

 

Une critique à contre-courant : quand la rupture remplace la réforme

Contrairement à la majorité des critiques adressées à l’économie dominante, Belhedi ne se situe pas dans une perspective réformiste. Il ne plaide ni pour une mise à jour des outils théoriques ni pour un élargissement des modèles d’analyse. Son propos est plus radical : il s’agit d’un diagnostic de décès disciplinaire. Selon lui, nous ne vivons pas une simple transition paradigmatique, mais bien un effondrement épistémologique, où les fondements mêmes de la pensée économique – la notion de travail, de valeur, de rareté ou de marché – ont perdu toute pertinence explicative.

L’enjeu n’est plus de corriger les angles morts d’une science en crise, mais de constater l’obsolescence de son architecture intellectuelle. Là où certains perçoivent des signes de résilience ou d’adaptation (économie comportementale, numérique, computationnelle), Belhedi voit des greffes sur un arbre déjà mort, des tentatives de sauvetage d’un langage devenu inaudible face à un monde reconfiguré par les algorithmes, les données et la logique des plateformes.

 

« Selon lui, nous ne vivons pas une simple transition paradigmatique, mais bien un effondrement épistémologique, où les fondements mêmes de la pensée économique – la notion de travail, de valeur, de rareté ou de marché – ont perdu toute pertinence explicative. »

 

La faillite de la valeur-travail : symptôme d’un basculement ontologique

Le point nodal de la critique réside dans la mise en faillite de la théorie de la valeur-travail. À l’heure du capitalisme algorithmique, la valeur n’est plus produite par le travail humain intentionnel, mais par la captation massive et automatique de comportements, d’affections et d’interactions, souvent inconscients. Les données générées par les utilisateurs d’un réseau social, les clics sur une plateforme, les modèles comportementaux prévus par une IA deviennent la nouvelle matière première du capital. Et ce capital, désormais auto-reproductif, se détache des catégories traditionnelles du travail, de la production et même du marché.

La controverseEn ce sens, l’auteur affirme que Marx n’a pas simplement été pris de court par TikTok ; il n’avait tout simplement pas eu à penser un modèle économique où le travail vivant est marginalisé au profit de la valeur dérivée de l’attention et de la modulation prédictive des comportements. La critique de Belhedi ne nie donc pas l’importance historique des grands penseurs économiques, mais elle déclare leur inapplicabilité actuelle.

 

« Le point nodal de la critique réside dans la mise en faillite de la théorie de la valeur-travail. À l’heure du capitalisme algorithmique, la valeur n’est plus produite par le travail humain intentionnel, mais par la captation massive et automatique de comportements, d’affections et d’interactions, souvent inconscients. »

 

Une économie qui refuse de mourir : résistance symbolique et conservatisme méthodologique

Face à cette situation, le réflexe dominant est, selon Belhedi, celui du sauvetage interne. Une partie de la communauté économique s’efforce de maintenir la légitimité de la discipline en multipliant les ajustements marginaux, les extensions de modèles classiques ou les hybridations superficielles avec d’autres sciences sociales. Mais cette stratégie, qui vise à préserver le monopole d’interprétation de la science économique, empêche l’émergence d’alternatives véritablement transformatrices.

Il faut, affirme-t-il, oser la rupture. Car tant que l’économie classique conservera son autorité symbolique – dans les institutions, les politiques publiques, les médias, les universités – elle empêchera l’avènement d’un nouveau langage pour penser le monde. Ce n’est donc pas un débat académique clos, mais une lutte de pouvoir intellectuelle, où se joue la possibilité d’une refondation.

 

« Il faut, affirme-t-il, oser la rupture. Car tant que l’économie classique conservera son autorité symbolique – dans les institutions, les politiques publiques, les médias, les universités – elle empêchera l’avènement d’un nouveau langage pour penser le monde. »

 

L’économie des métadonnées : vers une nouvelle épistémè transdisciplinaire

La proposition de Belhedi ne se limite pas à la destruction critique : elle contient aussi un embryon de projet fondateur. Celui d’une économie des métadonnées, à la fois transdisciplinaire et critique, capable de penser les nouvelles logiques de création de valeur et de domination. Cette science en gestation croiserait les outils des sciences computationnelles, de l’algorithmique, de la théorie critique, de la philosophie politique et de l’éthique des systèmes. Elle s’intéresserait non plus seulement aux flux monétaires ou à la production matérielle, mais aux architectures de données, aux infrastructures numériques, à la dynamique des plateformes, aux régimes d’attention.

Loin d’être une utopie technocratique, cette perspective s’ancre dans une réalité déjà en cours : celle où le capital n’a plus besoin de produire pour accumuler, mais se contente de calculer, modéliser, anticiper. L’enjeu est alors d’élaborer une science qui ne soit pas seulement réactive, mais capable d’anticiper les formes de domination à venir.

 

« Une économie des métadonnées qui s’intéresserait non plus seulement aux flux monétaires ou à la production matérielle, mais aux architectures de données, aux infrastructures numériques, à la dynamique des plateformes, aux régimes d’attention. »

Une critique qui bouscule, mais qui reste à construire

Il serait tentant de rejeter cette critique comme trop radicale, trop spéculative ou trop théorique. Pourtant, elle pose une question essentielle : que vaut une science qui n’est plus capable de penser son objet ? Et plus encore : à partir de quand une discipline doit-elle accepter sa fin pour laisser émerger autre chose ?

Il reste certes à Belhedi la tâche de rendre son programme opérationnel. Car si la dénonciation de l’obsolescence des anciens cadres est convaincante, l’alternative reste encore en chantier. La transdisciplinarité, aussi prometteuse soit-elle, devra faire ses preuves : en termes de méthodologie, de modélisation, mais aussi d’application concrète.

 

« L’image finale proposée par Belhedi est forte : « une science qui refuse de mourir empêche une autre de naître ». Ce jugement sans appel peut heurter. Mais il a le mérite de rappeler une vérité souvent refoulée : les sciences ne sont pas éternelles. Elles naissent, prospèrent, se réforment parfois… et meurent aussi.« 

 

In fine, penser contre la maison, pour reconstruire ailleurs

L’image finale proposée par Belhedi est forte : « une science qui refuse de mourir empêche une autre de naître ». Ce jugement sans appel peut heurter. Mais il a le mérite de rappeler une vérité souvent refoulée : les sciences ne sont pas éternelles. Elles naissent, prospèrent, se réforment parfois… et meurent aussi.

Face aux mutations profondes du capitalisme numérique, à l’irruption des plateformes, à l’automatisation de la cognition et à la financiarisation de l’attention, peut-être faut-il accepter que la maison économique actuelle est devenue inhabitable. Et qu’il est temps, non de la rénover, mais de bâtir ailleurs. Une nouvelle demeure théorique, à la hauteur de notre époque.

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* Dr. Tahar EL ALMI,

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