ECLAIRAGE – Giorgia Meloni entre solidarité occidentale, intérêts méditerranéens et réalités géopolitiques
Depuis son accession au pouvoir en octobre 2022, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, incarne un virage à droite de la politique italienne. Il est caractérisé par un atlantisme affirmé et un alignement stratégique sur les positions occidentales, notamment celles des États-Unis et d’Israël.
Sur la question palestinienne, Mme Meloni n’a pas dérogé à cette ligne : soutien explicite à Tel-Aviv; condamnation ferme du Hamas; et défense du « droit d’Israël à se défendre » comme principe non négociable.
Cette posture, bien que cohérente avec sa ligne idéologique et diplomatique, soulève néanmoins une série de tensions, tant sur le plan intérieur qu’international. En Italie, une partie de la société civile, du monde universitaire, de la gauche et des organisations catholiques expriment une solidarité historique envers le peuple palestinien, alimentée par les principes du droit international humanitaire. À l’extérieur, l’Italie est confrontée à un environnement méditerranéen où la cause palestinienne reste un facteur de sensibilité politique majeur.
La Méditerranée comme ligne de fracture
Le gouvernement Meloni est engagé dans une stratégie active de « Pacte pour l’Afrique », visant à renforcer l’influence de l’Italie dans le bassin méditerranéen et à endiguer les flux migratoires. Or, dans cette région marquée par un fort sentiment de solidarité envers la Palestine – en Tunisie, en Algérie, en Égypte ou au Liban – l’alignement inconditionnel sur Israël peut apparaître comme une faute stratégique.
Les relations avec des partenaires clés du Sud souffrent ainsi d’un double discours. D’un côté, Rome affiche son ambition de devenir un pont entre l’Europe et l’Afrique. De l’autre, elle néglige la perception régionale du conflit israélo-palestinien, notamment après les offensives israéliennes récurrentes à Gaza. Ce déséquilibre complique l’agenda méditerranéen de Meloni, en particulier dans les enceintes de coopération multilatérale comme l’Union pour la Méditerranée (UpM) ou le Dialogue 5+5.
Dans cette région marquée par un fort sentiment de solidarité envers la Palestine – en Tunisie, en Algérie, en Égypte ou au Liban – l’alignement inconditionnel sur Israël peut apparaître comme une faute stratégique.
Les contradictions d’une droite post-idéologique
Mme Meloni revendique l’héritage de la droite conservatrice. Et ce, tout en tentant de se démarquer du passé néofasciste du parti Fratelli d’Italia. Toutefois, sa position sur la question palestinienne révèle une continuité idéologique plus profonde. Celle d’un nationalisme identitaire pro-occidental, dans lequel la sécurité d’Israël est perçue comme une extension des intérêts européens.
Ce prisme conduit à une lecture sécuritaire du conflit, qui évacue les dimensions historiques, humanitaires et juridiques de la question palestinienne. Il en résulte une incapacité à proposer une diplomatie équilibrée, qui puisse conjuguer solidarité avec Israël et reconnaissance des droits légitimes des Palestiniens, notamment à un État viable et souverain.
Le dilemme stratégique de Rome
Face à l’enlisement du conflit et à la radicalisation des positions, Giorgia Meloni est confrontée à un dilemme stratégique : rester alignée sur la doctrine occidentale au risque de perdre toute capacité de médiation régionale; ou redéfinir une position plus nuancée, capable de parler à la fois à l’Europe, au Maghreb et au Moyen-Orient.
Or, dans un contexte global de fragmentation des alliances, où les puissances émergentes comme la Turquie, le Qatar ou les pays du BRICS investissent le champ diplomatique au Proche-Orient, l’Italie prend le risque d’un effacement progressif si elle ne réévalue pas sa grille de lecture. Le silence sur les exactions israéliennes, les frappes sur les civils, ou encore l’asphyxie de Gaza minent la crédibilité morale et politique de Rome dans les fora internationaux.
Dans un contexte global de fragmentation des alliances, où les puissances émergentes comme la Turquie, le Qatar ou les pays du BRICS investissent le champ diplomatique au Proche-Orient, l’Italie prend le risque d’un effacement progressif si elle ne réévalue pas sa grille de lecture.
Entre fidélité idéologique et aveuglement géopolitique
La position de Giorgia Meloni sur la question palestinienne illustre les limites d’un tropisme idéologique non adapté à la complexité du théâtre méditerranéen. En s’enfermant dans une solidarité exclusive avec Israël, l’Italie compromet son ambition de leadership régional et se prive d’un rôle constructif dans une paix durable au Proche-Orient. Pour redevenir un acteur crédible, Rome devra tôt ou tard réintroduire dans sa diplomatie les principes de justice, d’équilibre et de souveraineté, sans quoi la Méditerranée lui restera fermée.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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