L’Union européenne capitule face à Donald Trump
Donald Trump n’a jamais tenu en grande estime l’Union européenne (UE) et a toujours voulu prendre le dessus dans sa relation avec elle. L’accord acté entre les États-Unis et l’UE le week-end dernier en Écosse symbolise la capitulation des 27 face à l’Oncle Sam cependant les signes de faiblesse sont là depuis des mois. Certains États ont souhaité une attitude plus ferme et plus virile vis-à-vis de l’administration américaine mais d’autres qui privilégient la servilité à l’égard Washington ont poussé vers la capitulation. C’est plutôt la désunion européenne ! À chaque fois que les Européens avancent en rang dispersé, ils perdent la partie.
Imed Bahri
Le Financial Times qui a consacré une enquête au sujet estime que l’UE a entamé son chemin vers la capitulation le 10 avril 2025 en réagissant mollement à la guerre commerciale «vicieuse» que lui a lancée par le président américain.
Les droits de douane massifs imposés par Trump à la plupart des pays du monde au début du mois d’avril, à l’occasion de ce qu’il avait baptisé «Jour de la Liberté», ont semé la pagaille sur les marchés financiers et les investisseurs ont fui les actifs américains par crainte d’une récession. Face à l’intensification des ventes de ces actifs, Trump a fait marche arrière et, le 9 avril, a réduit les droits de douane à 10%, les qualifiant de mesure temporaire.
Cependant, Bruxelles a également reculé. Le 10 avril, elle a suspendu ses droits de douane de rétorsion et accepté l’offre américaine de négociations avec un droit de douane de 10% sur la plupart de ses échanges ainsi que des droits de douane plus élevés sur l’acier, l’aluminium et les véhicules alors considérés comme une menace.
Divergences entre les États membres
Plutôt que de se joindre au Canada et à la Chine pour prendre des mesures de rétorsion immédiates, l’UE, entravée par les divergences entre ses États membres, a choisi de rechercher un compromis dans l’espoir d’obtenir un meilleur accord.
En vertu de l’accord-cadre conclu dimanche par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et Trump au complexe de golf de Turnberry, l’UE a été contrainte d’accepter un tarif de base américain de 15% qui couvre principalement les voitures mais pas l’acier qui serait soumis à des quotas.
Toutefois, selon le journal britannique, le soulagement des décideurs politiques d’avoir évité une guerre commerciale transatlantique immédiate a été tempéré par quelques regrets. L’UE, premier bloc commercial mondial et prétendument une puissance économique majeure, aurait-elle pu obtenir de meilleures conditions si elle n’avait pas initialement modéré ses actions?
Le FT cite un diplomate: «C’est la brute de la cour d’école (Trump, Ndlr). Nous n’avons pas uni nos forces contre lui. Ceux qui ne coopèrent pas sont pendus seuls».
George Yerkelis, ancien fonctionnaire de la Commission ayant participé aux négociations du Brexit, a déclaré que la dernière menace de l’UE d’imposer des droits de douane en représailles sur 93 milliards d’euros (108,33 milliards de dollars) de marchandises américaines est arrivée trop tard.
Yerkelis, qui travaille aujourd’hui au Centre de politique européenne, a ajouté: «Avec le recul, l’UE aurait mieux fait de réagir avec force face aux États-Unis en avril, en ripostant aux hausses de droits de douane chinoises qui ont laissé les marchés et Trump sous le choc».
Selon le journal, Trump considère l’UE comme un parasite, se nourrissant du lucratif marché américain tout en bloquant le sien par des réglementations et des normes. Le président américain a déclaré que l’UE avait été «créée pour affaiblir les États-Unis» et était «plus grossière que la Chine».
Une réponse tardive et hésitante
La réponse de l’UE au retour au pouvoir de Trump en janvier a été hésitante, gaspillant des mois de planification par une équipe dédiée de hauts responsables du commerce, dirigée par Sabine Weyand, experte du Brexit, et Thomas Burt, conseiller commercial de von der Leyen.
Cette équipe a élaboré un plan en trois points.
Le premier : une offre visant à réduire le déficit commercial de près de 200 milliards d’euros (233 milliards de dollars) en achetant davantage de gaz naturel liquéfié, d’armes et de produits agricoles.
Le second: une offre de réductions tarifaires mutuelles sur les marchandises de chaque partie.
Le troisième: si les deux parties échouent, elles prépareront des mesures de rétorsion et compteront sur la réaction du marché à une éventuelle guerre commerciale ou à une hausse de l’inflation aux États-Unis pour forcer Trump à reculer.
Trump a agi plus vite que prévu et, en mars, il avait imposé des droits de douane de 25% sur l’acier, l’aluminium et les voitures.
Lors d’une réunion à Luxembourg ce mois-là, plusieurs ministres du Commerce étaient au bord de la guerre commerciale contre les États-Unis. L’Allemagne, la France et quelques autres pays ont poussé la Commission à la consultation sur l’utilisation du nouveau «bazooka commercial», un outil anti-coercition conçu après le premier mandat de Trump pour contrer l’utilisation de la politique commerciale pour faire pression sur les gouvernements sur d’autres sujets. Cet outil permettrait à Bruxelles d’exclure les entreprises américaines des appels d’offres publics, de supprimer les protections de propriété intellectuelle et de restreindre les importations et les exportations.
Des diplomates ont déclaré, avant le dernier accord, qu’il était difficile de savoir si une majorité des États membres accepterait la menace d’utiliser cet outil anti-coercition.
Sabine Weyand a appelé les ambassadeurs de l’UE, qui se réunissaient au moins une fois par semaine pour discuter de la question, à faire preuve de patience stratégique.
Lorsque la Grande-Bretagne a conclu un accord commercial avec Washington en mai, acceptant le tarif douanier de base de 10% de Trump, ces pays ont encouragé les États membres de l’UE en quête de compromis, notamment l’Allemagne, à accepter une condition similaire.
Trump ne veut pas un accord gagnant-gagnant
Pendant des mois, la Première ministre italienne Giorgia Meloni et le chancelier allemand Friedrich Merz ont maintenu fermement l’offre initiale de l’UE d’éliminer tous les droits de douane industriels si les États-Unis faisaient de même, même si Washington a depuis longtemps exprimé clairement sa volonté de concessions unilatérales.
L’UE a envoyé son commissaire au commerce et à la sécurité économique, Maroš Šefkovich, à Washington à sept reprises pour proposer des pistes d’accord, souligner l’importance des relations transatlantiques et promouvoir le programme allemand d’indemnisation des accidents automobiles. Au total, Šefkovich a eu plus de 100 heures de discussions frustrantes avec ses homologues américains, selon le FT.
Trump a catégoriquement rejeté un accord réciproque permanent de 10% sur les droits de douane auquel sont parvenus plus tôt ce mois-ci les Européens et le représentant américain au Commerce Jamieson Greer ainsi que le secrétaire au Commerce Howard Lutnick et il a menacé au contraire de relever les droits de douane sur l’UE de 20% à 30% à compter d’août. Trump ne veut pas un accord gagnant-gagnant pour les deux parties mais seulement pour son pays.
Pendant des mois de négociations, Sefcovic a exhorté les ministres européens à la prudence. Le ministre irlandais du Commerce, Simon Harris, a été un interlocuteur fréquent, souhaitant préserver les industries pharmaceutique et bovine de son pays d’une éventuelle contre-attaque américaine, sensibilisant le monde entier, et notamment les Américains, à cette préoccupation par de fréquentes publications sur les réseaux sociaux.
Les chefs d’entreprise ont vivement appelé à la retenue, préférant accepter des marges bénéficiaires réduites plutôt que de risquer des droits de douane punitifs qui auraient un impact négatif sur leurs ventes.
L’UE a réduit une deuxième série de droits de douane imposés en représailles aux États-Unis à 72 milliards d’euros (83,86 milliards de dollars) avant d’accepter finalement, le 24 juillet, de les utiliser en cas d’échec des négociations, portant le total à 93 milliards d’euros (108,33 milliards de dollars).
Des mois d’incertitude quant à l’orientation des négociations ont révélé des divisions au sein même de la Commission. Malgré les tentatives du gouvernement français de protéger les entreprises françaises contre les représailles, celui-ci a appelé à plusieurs reprises la Commission à une approche plus ferme face aux droits de douane imposés par Trump. Finalement, l’UE a capitulé et les États-Unis ont remporté la partie.
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