Fête de la République – Des beys pas comme les autres?
Trois beys ont laissé de bons souvenirs chez les Tunisiens. Ils n’ont pas pu, malgré tout, assurer une belle image d’une dynastie qui n’était pas gagnée, pour l’essentiel, durant toute la période coloniale (1881-1956) par un sentiment nationaliste. Rien d’étonnant que Bourguiba ait en tête d’abolir la monarchie.
A sa mère qui lui reprochait de ne pas avoir rétribué comme l’avait fait un riche homme du nom de « Toumi » des employées femmes qui avaient préparé un repas à l’occasion de la circoncision des enfants de ses frères et de sa sœur, le Bey Hammouda Bacha lui répondit : « Toumi peut dépenser son argent comme il l’entend, s’agissant de son propre argent. Quant à moi, je ne fais que dépenser l’argent du Royaume et du peuple ».
Le récit est d’Ahmed Ibn Abi Dhiab, illustre chroniqueur de l’histoire de la Tunisie, notamment durant le règne de la dynastie Husseinite (XVIIIème et XIXème siècles). Un récit que tout le monde peut consulter dans « Ithaf Ahl al-zaman bi Akhbar muluk Tunis wa ‘Ahd el-Aman » traduit en « Présent des hommes de notre temps. Chroniques des rois de Tunis et du Pacte fondamental ».
Un témoignage qui en dit sans doute long sur le fait que tous les beys de la dynastie husseinite (1705-1957) n’ont pas tous été de mauvais monarques. Les Tunisiens savent du reste cela et retiennent quelques rares noms. Evidemment Hammouda Bacha (1782-1814). Ce cinquième bey, qui a connu le règne le plus long (32 ans) est aussi connu pour avoir mobilisé des savants de la Mosquée de la Zitouna afin de répondre à une missive du théologien Mohamed Ben Abdelwaheb. Dans laquelle ont été mises en exergue les vertus d’un islam ouvert, modéré et tolérant.
Le récit de cette lettre qui avait circulé dans les mosquées du temps du bey Hammouda Bacha est narré avec force détail dans le volumineux livre d’Ahmed Ibn Dhiaf.
Un deuxième bey souvent cité pour ses faits d’armes : Ahmed bey (1837-1855). On parle d’Ahmed bey (notre photo) pour au moins trois réalisations : le drapeau tunisien tel que nous le connaissons aujourd’hui, officialisé en 1837; l’abolition de l’esclavage en 1846; et la création de l’Ecole militaire du Bardo, en 1837.
« Un deuxième bey souvent cité pour ses faits d’armes : Ahmed bey (1837-1855). On parle de lui pour au moins trois réalisations : le drapeau tunisien tel que nous le connaissons aujourd’hui, officialisé en 1837; l’abolition de l’esclavage, en 1846; et la création de l’Ecole militaire du Bardo, en 1837 ».
« Le bey du peuple »
Enfin, celui qui est resté jusqu’à nos jours dans la mémoire des Tunisiens, le martyr Moncef Bey (1942-1943). Celui que l’on appelle « le bey du peuple » a été un déporté à Pau, en France, où il meurt pour avoir été un monarque nationaliste qui a refusé la colonisation. Cette phrase :« J’ai juré de défendre mon peuple jusqu’à mon dernier souffle. Je ne partirai que si mon peuple me le demande », lui a valu d’être détesté par la colonisation française. Et contrairement à tous les beys, il est inhumé au cimetière du Jellaz. Des funérailles nationales lui ont été organisées sous la direction d’une grande figure de la lutte pour l’indépendance, Farhat Hached, le père de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).
Et, comme les choses ne sont pas toujours simples, un des beys parmi les plus honnis, parce que la colonisation française est arrivée sous son règne, Sadok bey (1859-1882), a promulgué, en 1861, certes sous la menace des parties étrangères, la première véritable Constitution du monde musulman qui sépare les pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif, limite les pouvoirs du bey et crée de nouvelles cours de justice. Comme, il fonde, en 1875, le Collège Sadiki qui a formé l’élite nationaliste du pays et nombre de cadres qui dirigeront la République dont nous commémorons, aujourd’hui, le 68ème anniversaire.
Un « bâton drainé par un oued »
Le comportement de nombreux beys qui ont fait bon ménage avec la colonisation du pays est incontestablement à l’origine de l’abolition de la monarchie, le 25 juillet 1957. Bourguiba et nombre de ses compagnons de la lutte pour l’indépendance ont toujours peu apprécié – pour ne pas dire plus – ces monarques dont beaucoup n’étaient pas gagnés donc à la cause nationale. Bourguiba avait qualifié Hussein Bin Ali, le fondateur de la dynastie husseinite, de « bâton drainé par un oued ». Sans doute pour signifier qu’il est bien étranger à la Tunisie.
Dans un article publié par notre confrère Leaders.com, en date du 25 juillet 2019, l’historien Adel Ben Youssef a rappelé que Bourguiba avait en tête d’abolir la monarchie. En donnant deux preuves. D’abord, en affirmant, dans un discours en date du 8 avril 1957, que « Moncef bey lui avait dit qu’il fallait proclamer la République ». Ensuite, en attaquant nommément, le 18 juillet 1957, la famille husseinite indiquant que cette dernière « bravait la loi et ne pensait qu’accumuler les richesses ». Un discours qui « comportait des menaces ». De ce fait, le fruit était bien mûr et la proclamation de la République et l’abolition de la monarchie, le 25 juillet 1957, étaient dans bien des têtes (notre photo).
Bourguiba a attaqué nommément, le 18 juillet 1957, la famille husseinite indiquant que cette dernière « bravait la loi et ne pensait qu’accumuler les richesses ». Un discours qui « comportait des menaces ».
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