Festival de Carthage 2025 : une édition sans directeur sous le feu des critiques
La Levée de Rideau de la 59ème édition du Festival International de Carthage (FIC) est prévue pour, ce samedi soir, dans une édition, exceptionnellement sans directeur, marquée par une grande polémique autour de la programmation et l’organisation qui ont fait couler beaucoup d’encre dans les médias.
Aussitôt annoncée, la programmation a suscité des réactions mitigées auprès des internautes, aussi bien que les artistes et les médias, globalement critiques sur des choix artistiques qualifiés de non conformes aux orientations stratégiques de cet important rendez-vous artistique national annuel ouvert sur le monde et les cultures.
Une édition sans directeur
Des affiches retirées, un spectacle annulé, des spectacles affichant sold out avec une billetterie au marché noir, un phénomène qui risque de toucher à la réputation du festival qui a depuis sa création en 1964, constitué une plateforme pluridisciplinaire pour la promotion de la culture et des créations des artistes confirmés et émergents issus des quatre coins du monde.
Le FIC se tient chaque année à l’Amphithéâtre romain de Carthage au coeur du site archéologique de Carthage, classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979.
Sur les Thermes d’Antonin, le Festival international de Carthage avait fait ses débuts il y a six décennies, de 1964 à 1967, avant de délocaliser à l’amphithéâtre romain de Carthage, situé sur la même zone du site archéologique de Carthage, dans la banlieue nord de Tunis.
La programmation de cette édition semble ne pas répondre aux attentes du public fidèle de ce rendez-vous artistique d’envergure ni aux orientations du festival et la stratégie nationale qui s’inscrit dans une logique de faire du festival international de Carthage une vitrine pour les toutes les expressions artistiques nationales et internationales tout en favorisant la production des artistes tunisiens.
Cette orientation a été maintes fois au centre du discours du Président de la République, Kaïs Saïed, qui a récemment réaffirmé le rôle du festival international de Carthage qui est parmi les festivals tunisiens “reconnus à l’échelle mondiale comme espaces de créativité et de défense des causes de la liberté et de la libération”.
Lors d’un entretien avec la ministre des Affaires culturelles, Amina Srarfi, le 9 juillet courant au palais de Carthage, le chef de l’Etat a insisté sur “la culture en tant que secteur de souveraineté. Il a encore rappelé la grande contribution de nombreux festivals culturels internationaux en Tunisie dans la promotion des arts et de la créativité, la diffusion d’une pensée libre et l’élévation du goût.
Le festival vacille et les choix des programmateurs sont loin de faire l’unanimité surtout que certains artistes à l’affiche ne répondent pas aux objectifs nationaux.
Le ministère des Affaires Culturelles a décidé d’organiser le festival sans président et en désignant un comité d’organisation. Certains observateurs pointent du doigt ce choix,- qui constitue une première dans l’histoire du festival géré par «un comité» dont les membres demeurent inconnus-, ce qui a soulevé de nombreuses questions sur les raisons de cette tendance.
Organisé sous l’égide du ministère des Affaires Culturelles, ce prestigieux rendez-vous artistique annuel fête cette année son 61ème anniversaire avec une sélection de 20 spectacles interprétés par des artistes et groupes artistiques représentant la Tunisie, l’Egypte, le Liban, les Emirats arabes Unis, la Palestine, la France et la Jamaïque.
Notons que le festival a connu une interruption de deux ans en raison des restrictions en lien avec la crise sanitaire mondiale de 2020 et 2021.
Financé par l’Etablissement National pour la Promotion des Festivals et des Manifestations Culturelles et Artistiques, ce rendez-vous artistique annuel propose habituellement une programmation axée sur la musique et ouverte sur le théâtre, le cinéma, le ballet et les arts de la scène.
Aussitôt le programme dévoilé et les affiches publiées sur les réseaux sociaux du festival, deux affiches ont été retirées et un spectacle déprogrammé le lendemain. Les organisateurs ont dû retirer l’affiche du spectacle du Palestinien Marwan Abdelhamid alias Saint Levant.
Le lendemain, une autre affiche a été également retirée, celle du spectacle de la chanteuse française Hélène Ségara déprogrammée pour ses prises de positions « hostiles à la cause palestinienne ». Dans une déclaration à l’AFP, l’artiste française a affirmé qu’elle n’a jamais prévue de se produire à Carthage cette année.
Les arguments présentés par l’Etablissement des festivals, comme d’autres, sont loin de masquer l’incertitude au sein de l’équipe ayant supervisée la programmation.
La Palestine au cœur de la programmation
La musique domine la programmation des vingt spectacles au line-up du Festival de Carthage qui se déroulera du 19 juillet au 21 août 2025. Les spectacles du Monde arabe ont la part du lion dont huit tunisiens et neuf autres arabes.
Cette année, l’Afrique est le grand absent à Carthage dont la scène a souvent été ouverte aux artistes du Continent qui offre une grande richesse dans les genres artistiques. Idem pour les spectacles internationaux qui se limitent à trois soirées.
En parallèle, le festival a opté pour une partie de la programmation qui s’inscrit dans la position de la Tunisie et son soutien permanent à la cause et au peuple palestiniens, dans deux spectacles palestiniens : Mohamed Assaf qui sera de retour à Carthage après un premier spectacle en 2015, et Saint Levant.
La Palestine est également présente dans les spectacles tunisiens : « Du fond de la jarre » du maestro Mohamed Garfi à l’ouverture qui prévoit une séquence sur l’histoire du soutien de la Tunisie à la cause palestinienne et ce depuis l’indépendance en 1956 jusqu’à nos jours, ou encore « Imagine » de Karim Thlibi qui invitera Nai Barghouti et « Tapis rouge 2 » de Riadh Fehri qui mettra à l’honneur les enfants de Rammallah.
Ce rendez-vous artistique annuel est très attendu par les festivaliers ce qui a favorisé l’émergence d’un marché parallèle de la billetterie. Un phénomène qui a causé le mécontentement du public et des voix se sont élevées au Parlement afin de responsabiliser les parties profitant d’une pratique touchant plusieurs autres festivals, selon certains observateurs.
Le public et les professionnels du secteur artistique aspirent à ce une refonte organisationnelle du FIC afin de rétablir la confiance en ce prestigieux festival international ayant fait la réputation de beaucoup d’artistes, et ce conformément à la politique nationale visant à placer la culture et les arts au cœur d’un projet souverain.
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