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ZOOM – L’euro à 1,40 $ : quel impact pour le dinar tunisien ?

Une nouvelle ère monétaire se profile : selon les dernières prévisions de BCA Research, l’euro entre dans un cycle haussier qui pourrait porter la paire EUR/USD jusqu’à 1,40 dollar. Au-delà de son impact sur les marchés développés, cette évolution redessine aussi les équilibres pour les économies intermédiaires comme la Tunisie, qui jongle entre un euro renforcé et un dollar structurellement affaibli, dans un contexte de pressions inflationnistes et de vulnérabilités extérieures.

Les analystes estiment que le mouvement haussier de l’euro repose sur des fondements solides. Les déséquilibres extérieurs américains deviennent de plus en plus préoccupants, avec un déficit courant atteignant 4,6 % du PIB et une position d’investissement internationale nette de -91 %. À l’inverse, la zone euro bénéficie d’un excédent courant, d’une position extérieure nette positive et d’un environnement économique plus stable, marqué par la fin de l’austérité budgétaire, des prix énergétiques plus modérés et un regain d’intégration politique et budgétaire.

 

 

Ces facteurs structurants alimentent une dynamique de réévaluation de la monnaie unique, renforcée par le fait que l’euro reste toujours sous-évalué d’environ 12 % par rapport à sa parité de pouvoir d’achat. Le retour à des niveaux historiquement élevés, comme le 1,40 observé avant la crise des dettes souveraines, est désormais considéré comme plausible par les stratèges.

Un choc asymétrique pour la Tunisie

Pour la Tunisie, dont la politique de change repose sur une flexibilité dirigée et un panier de devises dominé par l’euro et le dollar, un tel réalignement entre les deux grandes monnaies mondiales pourrait créer des effets en chaîne difficiles à maîtriser. Si l’euro se renforce durablement, la Banque centrale de Tunisie devra arbitrer entre une dépréciation du dinar face au dollar, avec des répercussions inflationnistes, et une appréciation du dinar face à l’euro, qui risquerait de nuire à la compétitivité de ses exportations vers la zone euro.

La dépendance de la Tunisie aux importations libellées en dollar, notamment pour les produits énergétiques et céréaliers, accentue la vulnérabilité externe. Une dépréciation du dinar face au dollar, mécaniquement provoquée par un euro fort, ferait grimper les coûts d’importation, alimentant une inflation importée qui viendrait aggraver une dynamique de prix déjà tendue.

 

« Si l’euro se renforce durablement, la Banque centrale de Tunisie devra arbitrer entre une dépréciation du dinar face au dollar, avec des répercussions inflationnistes, et une appréciation du dinar face à l’euro, qui risquerait de nuire à la compétitivité de ses exportations vers la zone euro ».

 

Des effets contrastés sur la dette et la stabilité macroéconomique

L’appréciation de l’euro pourrait néanmoins offrir un répit partiel sur le front de la dette extérieure tunisienne, en allégeant légèrement le coût réel du service de la dette libellée en euro, si la parité dinar/euro reste maîtrisée. Toutefois, cette opportunité ne saurait occulter les risques d’un déséquilibre global, car une telle stabilisation supposerait d’accepter une dépréciation accrue du dinar face au dollar. Ce qui augmenterait la charge de la dette en devises américaines et alourdirait les dépenses publiques liées aux subventions à l’énergie.

Dans un tel contexte, la Banque centrale de Tunisie se trouve face à un dilemme stratégique. Stabiliser le dinar face à l’euro pourrait préserver une partie des équilibres extérieurs, mais au prix d’une dégradation de la compétitivité-prix. Laisser filer le dinar face aux deux monnaies reviendrait à alimenter une spirale inflationniste difficilement maîtrisable, avec un impact direct sur le pouvoir d’achat et sur la stabilité sociale.

Une stratégie monétaire à repenser

L’évolution attendue de l’EUR/USD pose donc la question plus large du positionnement stratégique de la BCT dans un monde monétaire en recomposition. Une révision du panier de devises de référence, mieux équilibré en faveur des partenaires commerciaux réels, pourrait renforcer la résilience face aux chocs exogènes. La diversification des règlements en devises non dollarisées, notamment en euro ou en yuan, deviendrait un objectif opérationnel de premier ordre, tout comme la réduction de la dépendance énergétique et alimentaire.

 

« Le dinar tunisien, pris entre deux référentiels monétaires, peut-il encore se permettre de suivre passivement les dynamiques mondiales, ou doit-il désormais devenir un levier stratégique au service de la compétitivité, de la stabilité des prix et de la souveraineté économique ? »

 

Le défi est également industriel. Un euro fort pourrait rendre les exportations européennes moins compétitives, offrant une fenêtre d’opportunité à des pays comme la Tunisie pour attirer les chaînes de valeur en quête de nouveaux relais de production. À condition toutefois que le pays améliore son environnement d’affaires, investisse dans la logistique et stabilise ses fondamentaux macroéconomiques.

Entre risque et opportunité : quel cap pour le dinar ?

L’euro à 1,40 pour un dollar ne serait pas qu’un ajustement technique sur le marché des devises. Il annoncerait une transformation profonde des rapports de force monétaires mondiaux. Pour la Tunisie, cet environnement ouvre autant de vulnérabilités que de leviers potentiels. Le dinar tunisien, pris entre deux référentiels monétaires, peut-il encore se permettre de suivre passivement les dynamiques mondiales, ou doit-il désormais devenir un levier stratégique au service de la compétitivité, de la stabilité des prix et de la souveraineté économique ?

Face à la recomposition monétaire mondiale, la Tunisie est-elle condamnée à subir les ajustements externes ou peut-elle se repositionner activement ?

Doit-elle continuer dans une logique de dépendance chronique ou saisir l’opportunité de construire une résilience intelligente ?

Et ce choix, n’est-il pas autant d’ordre monétaire que fondamentalement politique ?

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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