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La responsabilité de l’architecte face au paysage urbain dégradé en Tunisie

Alors que nos villes se diluent dans une monotonie inquiétante, que nos quartiers s’étalent sans âme, et que l’espace public se meurt sous les coups conjugués de la spéculation et de la médiocrité, une question s’impose : qui porte la responsabilité de ce paysage urbain laid et en déshérence ? (Ph. Avenue Hedi Nouira à Ennasr, Ariana).

Ilyes Bellagha *

Depuis trop longtemps, une réponse paresseuse s’imposait dans les cercles professionnels et ui renvoyait la responsabilité de ce gâchis à l’administration publique. L’urbanisme serait entravé par des règlements obsolètes, une bureaucratie aveugle et une corruption rampante. À cela s’ajoute un autre coupable commode : le citoyen, présenté comme ignorant, peu sensible à l’architecture, indifférent à la qualité du cadre de vie.

Mais cette défausse systématique masque une autre vérité, plus inconfortable, plus intime : la démission silencieuse d’une partie du corps des architectes.

C’est dans ce contexte que nous lançons une campagne médiatique nationale, destinée à réveiller les consciences, à exposer les non-dits, et à inviter l’ensemble des acteurs à un sursaut. Il ne s’agit pas de dénoncer pour dénoncer, mais d’appeler à une prise de position lucide, responsable et courageuse.

Une profession en retrait face à ses obligations

L’architecte est censé être le garant de la qualité de l’environnement bâti. Pourtant, dans la pratique, trop nombreux sont ceux qui se contentent d’exécuter, de valider, de s’adapter, parfois même de se compromettre. Le paysage urbain actuel — fait de volumes incohérents, de matériaux bas de gamme, d’espaces publics délaissés — ne peut pas être uniquement le fruit de décisions administratives ou de choix imposés. Il est aussi le produit d’une chaîne de renoncements professionnels.

L’architecture, par sa nature, n’est jamais neutre. Elle façonne la société autant qu’elle en émane. Lorsqu’elle devient purement décorative ou réduite à un acte commercial, elle cesse d’être un outil de transformation sociale. Cette dérive n’est pas une fatalité : c’est une posture.

Une culture du bâti à reconstruire collectivement

Il est trop facile de dire que «le citoyen ne comprend pas». La réalité, c’est qu’on ne lui parle plus. L’architecture est absente des débats publics, exclue des écoles, ignorée par les médias généralistes. Qui porte cette responsabilité sinon nous-mêmes, architectes ? Si notre langage s’est refermé sur lui-même, si nos gestes se sont vidés de sens, alors la distance avec le public n’est pas une fatalité, mais le résultat de notre silence.

C’est pourquoi cette campagne s’adresse également aux citoyens, aux journalistes, aux enseignants, aux urbanistes, aux élus. Nous voulons reconstruire un dialogue, recréer un imaginaire collectif autour de la ville, réaffirmer que l’architecture est une affaire publique, pas une simple affaire d’experts.

Un rempart contre la spéculation foncière

Dans un contexte où le sol devient une marchandise, où chaque mètre carré est exploité sans vision, l’architecture reste l’un des rares contre-pouvoirs possibles. L’architecte, lorsqu’il assume son rôle, peut ralentir, repenser, proposer d’autres usages, défendre la beauté et la justice spatiale.

Mais cela suppose un engagement, une éthique, un courage. Il ne s’agit pas d’idéalisme, mais de lucidité. Notre métier est politique au sens noble : il engage la cité, il engage notre temps. Le réduire à un service technique, c’est trahir son essence.

Un appel à la responsabilité partagée

Nous, architectes citoyens, lançons donc un appel public : aux architectes d’abord, pour qu’ils reprennent la parole, qu’ils assument leurs échecs mais aussi leur potentiel ; à l’administration, pour qu’elle cesse de considérer le projet architectural comme une variable d’ajustement ; aux citoyens, pour qu’ils exigent de meilleurs cadres de vie ; aux médias, pour qu’ils relaient ces enjeux.

Il n’y aura pas de ville durable sans architecture responsable.

Il n’y aura pas de société harmonieuse sans un urbanisme porteur de sens.

Il n’y aura pas de futur commun si nous laissons nos paysages à l’abandon.

* Architecte.

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