La coopération future entre la Tunisie et la Banque européenne d’investissement (BEI) pourrait être axée sur des projets d’efficacité énergétique, de lutte contre la déperdition de l’eau potable et d’amélioration de la mobilité ferroviaire, a déclaré le représentant de la BEI en Tunisie, Jean-Luc Revéreault.
Dans une interview à l’agence TAP, il a exprimé la disposition de la banque à financer de tels projets, selon les priorités du gouvernement tunisien.
Selon une enquête de la BEI, 60% des PME sondées affirment être confrontées à une concurrence accrue. Que propose la banque pour accompagner ces entreprises dans l’internationalisation ?
Cette enquête sur les défis des PME en Tunisie en 2025, réalisée dans le cadre du « Trade and Competitiveness Programme » (TCP), cofinancé par l’Union Européenne (UE), avait, en effet, pour objectif de comprendre et d’identifier les obstacles à l’internationalisation des PME tunisiennes.
Cette étude a montré que même si le financement demeure une préoccupation majeure pour la majorité des PME tunisiennes, il n’est pour autant, pas le premier obstacle face à leur internationalisation. Le premier obstacle c’est, en effet, le manque de compétitivité des entreprises tunisiennes face à la concurrence internationale, mais aussi régionale.
Le faible degré de préparation de ces entreprises à l’entrée en application de certaines barrières non tarifaires, telles que le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières constitue un défi majeur pour les PME tunisiennes.
Partenaire de longue date de la Tunisie, la BEI œuvrera, à la lumière des résultats de cette enquête, à mettre en place les instruments d’appui nécessaires pour favoriser l’internationalisation des PME tunisiennes et le verdissement de leurs processus de production et renforcer leur intégration dans les chaînes de valeur.
Le premier instrument mobilisé, à cette fin, c’est la ligne de crédit de 170 millions d’euros, destinée au financement du projet d’Appui à la relance économique des PME et des entreprises de taille intermédiaires tunisiennes. Cette ligne va être déployée dans les semaines à venir après l’achèvement du processus de sélection des intermédiaires financiers.
Un financement de l’Union européenne d’un montant de 8 millions d’euros est mobilisé pour accompagner le déploiement de cette ligne de crédit sous forme d’assistance technique, ciblant, à la fois, les partenaires bancaires et les entreprises bénéficiaires.
Parallèlement, la BEI a mis en place une ligne de garantie de 8 millions d’euros, également sur les fonds de l’Union européenne, auprès de deux banques tunisiennes à savoir la BH Bank et l’UBCI (4 millions d’euros chacune), dans un souci de partage des risques avec les banques locales pour les inciter à appuyer des projets à fort potentiel, mais perçus comme plus risqués. Il s’agit du premier instrument déployé dans le cadre du programme « Trade and Competitiveness Programme » (TCP). S’il parvient à produire l’impact escompté, la ligne de crédit pourrait être renouvelée, avec une enveloppe plus importante et en ciblant davantage de banques.
Le deuxième volet du programme TCP, est celui de l’accompagnement. Les entreprises bénéficiaires seront accompagnées par des consultants mobilisés par la BEI, pour mieux se préparer à l’exportation et à l’intégration dans les chaînes de valeur et ce, dans 3 secteurs porteurs à savoir l’agriculture, le textile et l’automobile. Nous espérons pouvoir accompagner plusieurs centaines d’entreprises.
Pensez-vous que le climat des affaires en Tunisie est aujourd’hui favorable à l’internationalisation des entreprises ?
Je pense que les structures chargées de l’investissement sont en train de fournir de l’assistance nécessaire à ces entreprises pour prospecter de nouveaux marchés, les banques locales essayent, également, d’apporter leur contribution dans la limite de leurs moyens, et nous (partenaires financiers du pays), sommes en train de mobiliser les financements, les garanties et l’assistance nécessaires à chaque fois que nous sommes sollicités.
On pourrait toujours mieux faire, mais je pense qu’indépendamment de la question de l’internationalisation, l’enjeu est plutôt celui de la libéralisation du secteur privé. On a toujours l’impression que le parcours d’un chef d’entreprise en Tunisie demeure extrêmement compliqué et soumis à une multitude de contraintes administratives, réglementaires, fiscales ou autres. La Tunisie gagnerait énormément à alléger et à simplifier ce parcours.
Il est, aussi, nécessaire de réduire les difficultés logistiques et le coût de l’énergie qui influencent énormément, la compétitivité de l’entreprise tunisienne. Le pays dispose de grandes marges d’amélioration, à travers le renforcement des infrastructures logistiques et l’investissement dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Quel est votre portefeuille de projets en cours en Tunisie ?
Nous sommes très présents dans le secteur de la mobilité et des transports. Quasiment tous les travaux routiers en cours dans le pays sont financés ou cofinancés par la BEI (Projet de la mise en 2X2 voies de la RR27 entre Nabeul et Korba, élargissement de la Route Nationale 13 (GP13) entre Sfax et Kasserine, et la BEI finance, également, le transport urbain avec le RFR et le renouvellement de la flotte de la ligne ferroviaire tunisienne TGM.
Nos projets couvrent, encore, le secteur de l’énergie, dans l’objectif d’appuyer la transition énergétique de la Tunisie (renforcement des réseaux, liaison électrique entre la Tunisie et l’Italie qui a bénéficié d’une subvention de plus de 300 millions d’euros de la part de la Commission européenne, développement des énergies renouvelables). Nous avons, également, mobilisé les fonds nécessaires pour élaborer l’étude relative au projet de station de transfert d’énergie par pompage à Tabarka. Lequel vise à améliorer le stockage d’énergie en Tunisie, en particulier pour faciliter l’intégration des énergies renouvelables.
La BEI finance de nombreux projets dans le secteur de l’eau et de l’assainissement à travers le projet d’appui au secteur de l’eau potable conclu avec la SONEDE et le programme d’investissement dans les zones côtières et de renforcement des capacités de l’ONAS.
Elle travaille, aussi, en étroite collaboration avec la Délégation de l’Union européenne sur l’amélioration des infrastructures sociales à travers des programmes très ambitieux de construction d’établissements scolaires dans tous les gouvernorats tunisiens ainsi que de rénovation de quartiers populaires.
Nous aimerions faire davantage dans le secteur de traitement des déchets solides et de la valorisation des déchets. A ce propos, un projet pilote a été lancé avec les municipalités de Sidi Bousaid, la Marsa et Carthage pour le traitement et la valorisation des déchets ménagers et j’espère que cette expérience pourra aboutir à une coopération plus large avec l’ANGED.
Qu’en est-il de votre stratégie de coopération future avec la Tunisie?
Notre stratégie de coopération future dépendra largement des priorités de la Tunisie qui seront fixées dans le cadre de son plan de développement 2026-2030. Mais il y a certainement des projets qui nous tiennent à cœur et sur lesquels nous avons déjà entamé des négociations avec les structures tunisiennes concernées.
Il s’agit en premier lieu d’un projet d’efficacité énergétique. En effet, les économies d’énergie associées à des investissements plus conséquents en énergies renouvelables pourraient aider le pays à atteindre son autonomie énergétique et à attirer des investissements énergivores tels que les data centers qui connaissent aujourd’hui un grand essor.
Je pense qu’on a souvent tendance à sous-estimer les économies qu’on pourrait faire au profit d’investissements plus visibles (production d’énergie renouvelable, dessalement) bien que les études ont montré qu’économiser les ressources dont on dispose est tout aussi important que d’investir dans de nouvelles ressources.
Nous sommes en discussion avec les autorités sur ce projet d’efficacité énergétique et j’espère que ces négociations pourront aboutir à un partenariat.
Sur un autre plan, nous discutons avec la SONEDE d’un grand projet visant à limiter la déperdition de l’eau potable. Ce projet passera, entre autre, par le renouvellement des réseaux de distribution, l’installation de compteurs intelligents…c’est un projet qui nécessite des investissements colossaux mais on peut prioriser en commençant par les grandes villes ou par les villes qui disposent de stations de dessalement de l’eau de mer car le dessalement d’eau coûte très cher et si l’eau dessalée est perdue dans les réseaux de distribution, ce sera une double perte.
Les études pour ce projet sont faites et le retour sur investissement est certain et nous espérons qu’il sera retenu dans le cadre des priorités futures du gouvernement tunisien.
La BEI négocie également un projet de mobilité ferroviaire avec la SNCFT pour financer la réhabilitation d’un certain nombre de lignes inexploitées et l’amélioration des lignes existantes.
Nous sommes aussi disposés à travailler avec le ministère de la Santé sur un projet de réhabilitation des infrastructures publiques de santé…
Mais tous ces projets, aussi prioritaires et nécessaires qu’ils soient, ne pourront aboutir que si nous sommes sollicités par le gouvernement tunisien pour les financer.
L’article Eau, énergie, transport : les grands axes de la future coopération entre la BEI et la Tunisie est apparu en premier sur WMC.