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‘‘Les Os noirs’’ | Agnès Jésupret exhume la mémoire d’une Tunisie colonisée

Dans ‘‘Les Os noirs’’, son premier roman, Agnès Jésupret explore une mémoire où l’intime rejoint l’histoire coloniale, où les silences de famille s’entrelacent aux blessures d’un pays partagé entre colons français, migrants italiens et propriétaires dépossédés.

Djamal Guettala

À 95 ans, Clara Ignorante se souvient. Dans un fauteuil d’une maison de retraite, elle raconte à une narratrice venue l’écouter une histoire de terre, de transmission, de mort. Ses grands-parents siciliens avaient fui la misère pour s’installer en Tunisie. Son père, Pierre Ignorante, acquiert une belle villa à Grombalia, jadis construite par un homme malade et sa femme désespérée. L’achat est légal, mais brutal. L’ancienne propriétaire supplie, veut rendre l’argent. Il refuse. Elle finit par maudire l’acquéreur et chacun des membres de sa famille : «Je vous maudis».

La suite ressemble à une lente descente dans la malédiction : la chienne Lola meurt, puis les moutons, puis Pierrot, le petit frère. Enfin, le père est retrouvé empoisonné dans sa cellule. Aucun de ces morts, insiste Clara, n’est dû au hasard.

Une voix vieille d’un siècle

Mais ‘‘Les Os noirs’’ n’est pas un simple récit de superstition. Il interroge ce que signifie hériter d’une maison qu’on a prise à d’autres, sur une terre étrangère, dans un contexte colonial. Que reste-t-il de cette prospérité acquise sur le dos d’autrui? Que transmet-on à ses enfants, au-delà des murs?

La force du roman réside dans cette parole libérée, recueillie avec délicatesse. Jésupret, qui se définit comme «biographe anonyme pour des gens qui le sont tout autant», capte les frémissements d’une voix vieille d’un siècle. Une voix tremblante, marquée par le remords et la hantise, mais déterminée à transmettre, à comprendre, à nommer l’injustice.

Dans une langue précise, dépouillée de tout effet, l’autrice restitue l’épaisseur d’un passé encore vivant, qui continue de hanter les corps et les esprits.

‘‘Les Os noirs’’, roman d’Agnès Jésupret, éditions Liana Levi, Paris 22 août 2024.

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