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ZOOM – Juin 2025 : sous tension apparente, la Tunisie temporise

Derrière la stabilité monétaire affichée, les vulnérabilités structurelles de l’économie tunisienne persistent. La Banque centrale donne un peu d’air, mais le pays reste suspendu à un fil monétaire, budgétaire et politique.

Un répit monétaire sous surveillance

Alors que le premier semestre 2025 s’achève, les signaux envoyés par la Banque centrale de Tunisie laissent entrevoir une tentative d’assouplissement prudent. Le taux directeur, ramené à 7,5 % après un pic à 8 % l’année précédente, est resté stable ces dernières semaines. Le message est clair : donner un peu d’oxygène à l’économie réelle, sans relâcher totalement la vigilance monétaire.

La Banque centrale continue d’injecter massivement des liquidités dans le système bancaire. Le volume global du refinancement s’établit à plus de 14,4 milliards de dinars, signalant un besoin structurel en liquidité qui ne faiblit pas. Le recours aux facilités de prêt à 24h, en forte hausse, tout comme l’activation d’opérations de refinancement à moyen terme, montre une volonté de lisser les tensions de court terme sans trop déséquilibrer l’ensemble.

Mais cette relative détente monétaire reste contrainte. Le taux du marché monétaire, lui aussi à 7,5 %, montre que les marges sont minces. Toute fluctuation, en interne ou à l’international, pourrait rapidement faire remonter la pression.

Une économie de cash, entre informalité et défiance

Autre signal fort : la masse fiduciaire explose. Les billets et monnaies en circulation dépassent désormais les 24,8 milliards de dinars, en hausse de près de 3 milliards en un an. Une progression qui en dit long sur l’évolution de l’économie tunisienne : le cash s’impose, les circuits bancaires s’érodent et la défiance s’installe.

Ce phénomène, classique en période de troubles économiques ou d’instabilité politique, traduit le glissement vers une économie plus informelle, moins contrôlable, moins fiscalisée. C’est aussi le symptôme d’une économie sous pression, qui réagit en se déconnectant progressivement des institutions.

 

Encadré 1. La perfusion monétaire expliquée

Dans un contexte de stress de liquidité, la BCT soutient le secteur bancaire à travers des mécanismes de refinancement régulier : appels d’offres hebdomadaires, facilités de prêt à 24h, et opérations de refinancement à plus long terme. Fin juin 2025, ce soutien atteint 14,46 milliards de dinars, signalant une dépendance structurelle des banques au financement central. Cette situation, si elle permet d’éviter un gel du crédit, ne peut remplacer une normalisation durable du circuit financier.

Le dinar fléchit, les réserves s’effritent

C’est peut-être l’indicateur le plus préoccupant du moment : les réserves de change de la Banque centrale s’amenuisent. Avec 22,86 milliards de dinars à fin juin, l’équivalent de 99 jours d’importation, elles reculent de manière significative par rapport à l’année précédente.

Ce repli s’explique par une double peine. D’un côté, le service de la dette extérieure reste très lourd – plus de 7,6 milliards de dinars déjà remboursés cette année. De l’autre, les flux nets de devises, bien que soutenus par les transferts des Tunisiens de l’étranger et le tourisme, ne suffisent pas à compenser les sorties.

Le dinar reflète cette tension. Il a perdu plus de 7 % de sa valeur face au dollar en un an. Et face à l’euro, il se maintient difficilement. Cette pression sur la monnaie nationale pourrait devenir un accélérateur d’inflation importée, à rebours des efforts déployés pour stabiliser les prix.

Le financement du Trésor, entre contorsions et dépendance

En coulisse, l’État réorganise discrètement son financement. Le Trésor a réduit drastiquement son recours aux bons à court terme, tout en augmentant massivement les émissions à moyen et long terme. Une manière de gagner du temps, d’alléger les échéances immédiates, mais qui repousse la charge de la dette.

Ce basculement traduit une dépendance accrue au marché domestique. Faute d’accords extérieurs – le programme FMI restant suspendu –, la Tunisie recycle son épargne locale, souvent au détriment du financement du secteur productif.

 

Encadré 2. « Pressions financières en Tunisie – Juin 2025 »
Données clés :

  • Solde courant des banques : 274,5 MDT (–28,3 %)

  • Volume de refinancement de la BCT : 14,46 Mds TND

  • Réserves en devises : 22,86 Mds TND (99 jours d’importation)

  • Recettes touristiques : +8,5 % (3,03 Mds TND)

  • Transferts des Tunisiens : +8,4 % (3,76 Mds TND)

  • Service de la dette extérieure : 7,65 Mds TND

(*) sources : https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/index.jsp

 

L’été sera chaud, mais l’automne sera décisif

Les recettes touristiques et les transferts des travailleurs tunisiens à l’étranger tiennent encore bon. À eux deux, ces postes ont rapporté plus de 6,7 milliards de dinars depuis le début de l’année. Ces flux saisonniers peuvent-ils réellement constituer un socle solide pour stabiliser une économie minée par des déséquilibres structurels persistants ?

Le second semestre s’annonce déterminant. Sans réformes sérieuses ni appui extérieur, la trajectoire actuelle reste intenable. La stabilité monétaire affichée n’est-elle qu’une illusion, alors que les marges de manœuvre se réduisent inexorablement semaine après semaine ?

La Tunisie peut-elle encore se permettre de temporiser, alors qu’en l’absence d’un choc de confiance et d’une impulsion politique forte, l’économie semble condamnée à une stagnation durable et à des déséquilibres persistants ?

La Banque centrale peut-elle, à elle seule, maintenir l’équilibre sans être en mesure de porter une véritable relance ?

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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