Pourquoi privilégier le ‘Consommer Tunisien’ est-il devenu un enjeu vital ?
Du temps où les spots appelant à consommer tunisien étaient régulièrement diffusés sur la télévision publique, aujourd’hui la question est : est-il possible de sauver les industriels nationaux tous secteurs confondus ?
Des industriels subissant des pressions fiscales énormes et faisant face à une armada de lois invitant l’exécutif à intervenir au moindre dépassement, oubli ou erreur ? Ils sont loin les temps où le slogan “إلي في عينك حلا موش كان من برا جاء” (Tout ce qui te plaît ne vient pas forcément de l’étranger), la Tunisie est de plus en plus dépendante des autres sur les plans aussi bien énergétique qu’alimentaire.
A un moment de l’histoire marqué par un contexte mondial instable sur le plan géopolitique, où les crises sanitaires sévissent et où le ralentissement des chaînes d’approvisionnement mondiales n’est plus une exception, la sécurité alimentaire est devenue un symbole de la souveraineté nationale pour nombre de pays dont la Tunisie d’où l’initiative de l’Institut arabe des Chefs d’Entreprises (IACE) qui vient de publier un rapport mettant l’accent sur la dépendance ascendante, entre 2018 et 2023, de la Tunisie aux importations de produits agricoles et alimentaires. Ceci alors que de nombreuses voix s’élèvent ces derniers temps en pleine saison d’une récolte céréalière qu’on espère abondante pour dire que la Tunisie va pouvoir réaliser son autosuffisance ! (Sic).
Dans le rapport de l’IACE appelant à promouvoir la “production nationale et démolir le concept du consommateur universel, l’Institut met l’accent sur la progression alarmante des importations de produits agricoles passées de 2,77 milliards en 2018 à 3,83 milliards de dinars en 2023, pesant sur le déficit commercial et élevant la pression sur les réserves en devises.
Une dépendance qui fragilise la Tunisie face aux chocs externes (hausse des prix internationaux, conflits, blocages logistiques), et réduit la capacité du pays à garantir à sa population un accès stable à une alimentation de qualité.
L’IACE appelle à la promotion de la production et de la consommation locale pour répondre aux enjeux de sécurité alimentaire : “moins de dépendance aux importations : favoriser les produits agricoles et agroalimentaires locaux permet de limiter l’érosion des devises étrangères et d’atténuer les déséquilibres extérieurs”.
“Chaque dinar dépensé dans un produit local génère entre 2 et 3 dinars supplémentaires dans l’économie nationale”
Chaque dinar dépensé dans un produit local, expliquent les analystes de l’Institut, génère entre 2 et 3 dinars supplémentaires dans l’économie nationale (emplois, revenus, investissements), à condition que les entrants (semences, engrais, emballage) soient eux-mêmes d’origine nationale.
Soutien à l’agriculture et aux circuits courts
Le rapport propose d’encourager les filières agricoles locales, en lien direct avec les consommateurs (marchés de producteurs, coopératives, paniers de saison, etc.) pour assurer une alimentation plus fraîche, plus saine et mieux traçable. Il appelle également à initier un changement culturel profond des habitudes de consommation en encourageant un patriotisme économique éclairé, valorisant les produits nationaux et rejetant la notion de “consommateur universel” produit par par la mondialisation et la standardisation des goûts.
Subventions ciblées et normes d’origine plus strictes et plus transparentes
L’IACE recommande un étiquetage clair des produits nationaux et conseille des campagnes de sensibilisation sur les bénéfices du “Made in Tunisia“. Pour ce, des alliances entre producteurs, distributeurs et pouvoirs publics pour structurer des filières locales viables, résilientes et compétitives est impératif dans l’intérêt du pays et loin de la chasse aux sorcières et les attaques très fréquemment gratuite à l’encontre des industriels agroalimentaires nationaux. De grands investissements seront importants pour booster la production locale, œuvrer à la valorisation des terres arables et encourager l’irrigation, la recherche agronomique et l’agriculture durable.
L’intégration verticale des filières alimentaires locales est importante car elle permet de renforcer la sécurité alimentaire, de créer des circuits courts, de réduire les coûts et de garantir une meilleure traçabilité des produits, estime le rapport de l’IACE. Cette approche favorise le développement économique des territoires et préserve les savoir-faire locaux.
Mener des campagnes de sensibilisation sur la consommation responsable, le gaspillage alimentaire et l’impact des achats sur l’économie nationale et créer des labels valorisant les produits agricoles tunisiens est autant important pour réaliser un enjeu stratégique vital et garantir l’accès à une alimentation suffisante, saine et stable pour l’ensemble de la population. C’est un changement de paradigme combinant des leviers économiques, éducatifs et politiques qui doit être initié dès que possible.
Amel Belhadj Ali
Chiffres clés
- 2,77 milliards de dinars — Montant des importations de produits agricoles en Tunisie en 2018.
- 3,83 milliards de dinars — Montant alarmant des importations de produits agricoles en Tunisie en 2023.
- 2 à 3 dinars — Revenu généré dans l’économie nationale pour chaque dinar dépensé dans un produit local.
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