Gouvernance : Vers l’ancrage dans l’administration d’une culture du résultat
Le ministère des finances a été fortement secoué, ces derniers temps. Et pour cause. Il a eu beaucoup de difficultés à faire passer au parlement, le projet de loi portant clôture du budget de l’Etat pour l’exercice 2021. Ce projet dont l’examen par le parlement a été reporté à maintes reprises, se proposait d’évaluer l’exécution du budget, de vérifier si les objectifs budgétaires fixés ont été atteints ou non et si les prévisions du budget correspondent ou non aux dépenses programmées et exécutées.
En principe, au plan procédural tout projet de clôture de budget fait l’objet de deux examens, le premier par les institutions de contrôle de l’Etat (Cour des comptes) tandis que le second, il est effectué par le parlement.
D’après les données officielles, les recettes effectives du budget de l’État en 2021 ont atteint 37 983,3 millions de dinars. Quant aux dépenses réalisées, elles se sont élevées à 42 547,7 millions de dinars, enregistrant ainsi un déficit de 4 564,4 millions de dinars.
L’enjeu pour le contrôle de l’Etat et pour le parlement était donc de montrer les tenants et aboutissants de ce déficit. Le rapport de la Cour des comptes a relevé deux importantes contreperformances:
- Un déficit structurel persistant dans les établissements publics,
- Un écart important entre prévisions budgétaires et résultats réels, nécessitant une révision des hypothèses financières.
Au rayon des recommandations, la Cour des Comptes a suggéré une étude d’impact rigoureuse pour évaluer chaque projet de de loi de clôture du budget.
Des irrégularités à la pelle
Discutant le projet de loi, les députés ont relevé moult irrégularités pour la plupart procédurales.
Ils ont évoqué le dépassement des délais légaux afférents au renvoi du projet devant le parlement et la violation des dispositions des articles 68 et 72 de la loi organique du budget.
Les députés ont, en outre, relevé l’absence des états financiers approuvés par la Cour des comptes et la non-application des règles de la comptabilité publique et de la comptabilité analytique.
Face à ces irrégularités, les députés ont mis l’accent sur la nécessité de se conformer au cadre législatif régissant les finances publiques, soulignant que l’examen des projets de clôture du budget de l’Etat est une occasion pour appréhender non seulement des questions d’ordre formel mais aussi des problèmes de fond liés à la transparence et à la gouvernance.
L’argumentaire du ministère des finances, pas toujours convaincant
Dans le cadre de la continuité de l’Etat, l’actuelle ministre des finances, Mechket Slama Khaldi qui n’était pas membre du gouvernement à l’époque a eu à défendre le projet de loi et à justifier les contreperformances précitées.
Concernant la question du retard, elle a évoqué les bouleversements politiques et économiques survenus en 2021, notamment l’avènement de la pandémie du corona virus Covid-19 et ses conséquences désastreuses. Elle a fait, également, une mention spéciale pour les difficultés rencontrées en matière de digitalisation en Tunisie, déplorant un retard par rapport à certains pays moins avancés.
Au rayon des enseignements à tirer, elle a assuré que son département s’efforce d’accélérer les délais de clôture des budgets grâce à la modernisation des normes comptables et à un travail collaboratif entre les différentes parties prenantes.
A ce sujet, elle a appelé à une meilleure coordination et interconnexion entre les ministères ce qui permettrait, d’après elle, de limiter les dysfonctionnements.
Globalement, elle a indiqué que des efforts sont actuellement déployés pour corriger les anomalies et améliorer les services publics.
Fin de l’impunité des gestionnaires du budget
Abstraction faite des points de vue des uns et des autres, nous pensons que la polémique qu’a suscitée, au parlement, l’examen du projet de loi portant clôture du budget 2021 a té éminemment positive. Elle a eu pour grande mérite d’avoir attiré l’attention sur deux failles majeures : le peu d’intérêt accordé par l’administration profonde à l’évaluation des budgets et l’impunité dont jouissaient les responsables en charge. Dorénavant, ces responsables doivent rendre des comptes.
C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous interdire de considérer cette polémique comme le début d’une grande révolution, celle de l’ancrage dans l’administration profonde d’une culture du résultat. Cette même culture qui fait référence à une approche organisationnelle où l’accent est mis sur l’atteinte d’objectifs quantifiables et la performance, souvent avec une forte orientation vers les chiffres et les indicateurs de succès.
Abou SARRA
EN BREF
- Le projet de loi portant clôture du budget 2021 a suscité un vif débat au Parlement tunisien.
- Un déficit de 4 564,4 MD a été enregistré, avec de nombreuses irrégularités dénoncées.
- La Cour des comptes pointe un déficit structurel des établissements publics et des écarts de prévision.
- La ministre Mechket Slama Khaldi invoque les crises de 2021 et le retard numérique comme freins.
- Cette crise révèle le manque de culture de résultat et d’évaluation au sein de l’administration.
- Désormais, les gestionnaires publics sont appelés à rendre des comptes.
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