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Polluée par le phosphate, Gabès se meurt et appelle à l’aide

Dans le reportage que nous reproduisons ci-dessous, l’agence AFP revient sur le drame de Gabès, ville du sud-est de la Tunisie, la plus polluée par les industries chimiques dans le pays, et dont la population appellent les autorités à leur secours, sans que leur voix ne soient pour le moment entendue.    

La chambre de Cherifa Attia sent le caoutchouc brûlé. L’odeur provient d’une énorme usine de traitement des phosphates, installée à Gabès en Tunisie, qui déverse ses déchets à l’air libre et dans la mer.

Les riverains dénoncent depuis des années les émanations toxiques du Groupe chimique tunisien (GCT), plus grand complexe du pays, qui produit des engrais à base de phosphate.

Les autorités avaient annoncé la fermeture du site en 2017 mais le gouvernement a récemment promis de multiplier par cinq la production de phosphates, pour la faire passer de 3 à 14 millions de tonnes par an d’ici 2030.

«C’est en train de nous tuer, nous respirons cela nuit et jour», explique à l’AFP Cherifa, 74 ans, en humant l’air acre qui enveloppe Gabès et ses 400 000 habitants.

Après des années de troubles sociaux et de sous-investissements, le président Kaïs Saïed veut relancer le secteur des phosphates, principale richesse naturelle de Tunisie, qui a dégringolé du 5e rang mondial en 2010 au 10e actuellement.

«Cette usine est mauvaise pour l’air, la mer, toute forme de vie. Nous espérions une application de la décision de 2017 mais le gouvernement a visiblement abandonné cette idée», déplore Khayreddine Debaya, coordinateur de Stop Pollution, une ONG locale.

Cherifa dit avoir survécu à deux cancers du sein et de l’utérus alors que sa sœur Naftia, 76 ans, souffre de problèmes cardiaques et de peau.

Diverses études lient la transformation des phosphates à des pathologies semblables à celles des deux sœurs.

Des niveaux très élevés de polluants chimiques

Outre la relance de la production, le gouvernement a récemment décidé de retirer les phosphogypses – principal résidu de la production de fertilisants – de la liste des déchets dangereux.

La production d’engrais émet des gaz hautement toxiques comme le dioxyde de soufre et l’ammoniac, tandis que le phosphogypse contamine les sols et les nappes phréatiques avec des substances cancérigènes comme le plomb et l’arsenic.

L’Institut national de la santé aux Etats-Unis a établi une corrélation entre l’exposition à ces déchets et des affections comme l’«insuffisance hépatique, des maladies auto-immunes, des troubles pulmonaires».

Selon une étude du laboratoire universitaire français Géosciences Environnement Toulouse, datant de décembre dernier, l’usine de Gabès émet «des niveaux très élevés» de polluants.

Le document déplore des «conséquences dévastatrices» comme des «malformations cardiaques», soulignant que «cette pollution industrielle (..) est associée à divers problèmes de santé très répandus à Gabès, comme des cancers (poumon, nez, sein, foie, rein, estomac, sang)».

En l’absence de données officielles, il est difficile de quantifier l’ampleur du phénomène. Une cancérologue locale interrogée par l’AFP a refusé de commenter les cas spécifiques à Gabès. Pour beaucoup de riverains, la prudence de certains médecins s’explique par la peur d’une réaction des autorités.

Le complexe chimique donne du travail à environ 4 000 personnes à Gabès, où une personne sur quatre est sans emploi.

«Si les autorités refusent de la démanteler, il faudrait au moins arrêter de déverser des déchets dans l’air et en mer», estime Mouna Bouali, une autre riveraine de 45 ans, suggérant que les autorités utilisent l’argent du phosphate pour «assainir l’environnement».

L’argent pour l’Etat, la maladie pour la population

Sollicitées à plusieurs reprises par l’AFP, les autorités n’ont pas souhaité répondre.

«Nous sommes tous moribonds à Gabès», dénonce Mme Bouali, assise près de sa mère Dhabia, aveugle et atteinte d’une maladie auto-immune.

«Qu’ils prennent tout Gabès, nous ne voulons plus de cette ville» dont «l’Etat tire de l’argent et nous uniquement des maladies», lance Dhahbia, 67 ans, qui envisage de vendre sa maison mais se demande «qui voudrait acheter un logement ici».

Ces dernières semaines, des centaines de riverains ont été crier leur colère devant les bureaux du gouverneur local, brandissant des pancartes: «je veux vivre».

Les familles interrogées par l’AFP ont voté pour le président Saïed, réélu en octobre dernier, auquel elles font confiance. C’est pourtant sous son impulsion que la Tunisie mise sur le phosphate, ce «pilier de l’économie nationale», selon M. Saïed, pour stimuler la croissance grâce à des exportations destinées particulièrement aux marchés européens.

Cherifa et Naftia se souviennent encore de l’inauguration du complexe GCT par le premier président tunisien Habib Bourguiba en 1972, dans un contexte d’essor industriel. «Nous sommes descendues dans la rue pour chanter et applaudir», souligne Naftia, sans savoir que «nous célébrions notre propre perte».

Source : AFP.

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