L’Union Européenne a confirmé avoir dit à l’entité sioniste de cesser de tuer des personnes aux points de distribution d’aide à Gaza, lui rappelant que « toutes les options sont sur la table ». Pendant ce temps, l’Espagne a appelé à la suspension des accords de partenariat entre l’UE et Israël, et la France a exigé l’entrée de l’aide humanitaire.
Mardi, Kaja Kallas, responsable des affaires étrangères de l’Union européenne, a déclaré avoir informé son homologue israélien, Gidéon Sa’ar, que l’armée israélienne devait « cesser de tuer des civils » aux points de distribution d’aide dans la bande de Gaza. Kallas a écrit sur la plateforme X que « tuer des civils cherchant de l’aide à Gaza est indéfendable », notant qu’elle avait de nouveau parlé à son homologue israélien « pour confirmer notre entente concernant le flux d’aide ». Elle a ajouté qu’elle lui avait rappelé que « toutes les options sont sur la table » si Israël ne respectait pas ses engagements.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a également jugé sur la plateforme X que « les civils ne peuvent jamais être ciblés… les images de Gaza sont insupportables », et a exigé qu’Israël cesse immédiatement et remplisse ses obligations. Il y a deux semaines, l’Union européenne avait annoncé avoir conclu un accord avec Israël qui était censé permettre l’entrée de davantage de camions de nourriture à Gaza.
Quelque chose d’essentiel est en train de se briser dans le silence des sommets internationaux. Ce n’est pas seulement une crise de confiance. C’est peut-être la fin d’un pacte, vieux de trois quarts de siècle, entre les deux mondes. Le Nord et le Sud. L’ordre et la marge. L’universel proclamé et l’univers ignoré.
Yahya Ould Amar *
Les pays du Nord, avec leurs sanctions, tarifs douaniers, taxes carbone et normes strictes, cherchent-ils à s’isoler du Sud global ? Cette dynamique, qui s’intensifie à l’approche de 2030 (objectifs de l’Accord de Paris), soulève des enjeux décisifs pour l’économie mondiale, le commerce et la coopération internationale.
La question est de savoir si un divorce est déjà en cours, entre ceux qui croient incarner les règles… et ceux qui en subissent les conséquences.
Quelles sont les motivations des pays du Nord, les conséquences pour le Sud global et quelles sont les pistes pour un avenir équilibré ?
Une mondialisation à sens unique
La mondialisation s’est bâtie sur une promesse : l’ouverture des marchés, le progrès partagé, le développement par la coopération. Cette promesse, renouvelée à Bandung en 1955 puis recyclée à chaque sommet du G7 ou de l’Onu, portait en elle un espoir : celui d’un monde qui, malgré les asymétries, finirait par se stabiliser dans la réciprocité.
Or, ce monde vacille. Les faits sont là : explosion des sanctions économiques unilatérales, extraterritorialité du droit américain, retrait des aides publiques au développement, fermeture implicite des marchés par le biais de normes environnementales, sociales, numériques.
À cela s’ajoute le retour d’un protectionnisme vert déguisé, où la taxe carbone devient barrière douanière, où la norme ESG (Environnemental Social et Gouvernance) devient instrument de tri géopolitique, où les chaînes de valeur sont reconfigurées non pour l’efficacité… mais pour la sécurité.
Le Nord, longtemps chantre de l’universalisme moral, s’est lui-même piégé dans les contradictions de ses positions. En Ukraine, il invoque avec justesse le droit international, la souveraineté des États et la protection des civils. Mais ces principes deviennent soudain malléables, silencieux lorsqu’il s’agit de Gaza, du Yémen, de l’Iran, du Sahel ou d’autres théâtres oubliés. Le deux poids, deux mesures est devenu une constante : on arme certains au nom de la légitime défense, on condamne d’autres au nom de la paix. On célèbre la résistance ici, on la criminalise là. Cette dissonance creuse un fossé : celui d’un monde qui entend encore le discours du Nord, mais n’y croit plus. Car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la politique, c’est la crédibilité morale de tout un récit civilisationnel.
Régulièrement érigée en condition de partenariat, la démocratie est, pour les pays du Nord, un idéal sacralisé… mais souvent relativisé lorsqu’elle entre en conflit avec les intérêts géostratégiques. Ainsi, l’Occident continue de s’allier, d’armer, de financer ou de protéger des régimes autoritaires dès lors qu’ils garantissent la stabilité, l’accès à des ressources ou la limitation de l’influence d’un rival. On tolère l’oppression au nom de la «stabilité régionale», on ferme les yeux sur la répression pour préserver un accord militaire ou énergétique.
Ce double discours ne fait que renforcer l’idée, dans les opinions du Sud, que la démocratie n’est pas une valeur universelle défendue par principe, mais un instrument de tri utilisé selon les convenances du moment. Un monde qui prêche la démocratie mais soutient l’autoritarisme mine, à terme, sa propre légitimité.
L’extrême droite au Nord : un miroir que le Sud observe
Pendant que le Nord exige du Sud qu’il réforme ses institutions et respecte les droits de l’homme et ses minorités, l’extrême droite progresse spectaculairement dans les urnes occidentales. En Europe comme en Amérique du Nord, les discours de repli, de xénophobie, d’ethno-nationalisme ou de rejet de l’immigration s’installent au cœur des démocraties libérales. Les partis prônant la fermeture des frontières, la préférence identitaire ou la rupture avec les engagements internationaux gouvernent déjà, ou s’en approchent dangereusement.
Ce glissement n’échappe pas aux peuples du Sud : comment prendre au sérieux les injonctions démocratiques venues de nations qui peinent à protéger elles-mêmes l’universalité des droits ? La montée des extrêmes n’est pas qu’un phénomène local : elle entame le socle commun des valeurs partagées, et nourrit l’idée que l’ordre libéral occidental n’est peut-être plus qu’un vernis fragile sur une réalité profondément fracturée.
Une muraille économique : sanctions, tarifs, taxe carbone et normes strictes
Les pays du Nord ont multiplié les outils économiques pour encadrer leurs relations avec le reste du monde. A titre d’exemple, depuis 2018, les sanctions économiques ont explosé, touchant des pays comme la Russie, la Chine, l’Iran… Mais pas Israël, accusé de génocide par la Cour pénale internationale (CPI).
Selon le Global Sanctions Database, plus de 12 000 sanctions étaient actives en 2024, un record historique, visant à limiter les échanges commerciaux avec des nations jugées en décalage avec les priorités stratégiques du Nord.
À cela s’ajoutent les tarifs douaniers, souvent utilisés comme vecteurs de supériorité. Par exemple ceux imposés en 2025 par l’Administration Trump. En 2023, l’Union européenne a imposé des droits de douane de 25 % sur certaines importations chinoises, notamment dans le secteur des véhicules électriques.
Ces mesures, combinées à des taxes environnementales comme la taxe carbone européenne (Carbon Border Adjustment Mechanism – CBAM ou Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières), qui entrera pleinement en vigueur au premier janvier 2026, visent à protéger les industries locales et à promouvoir des standards environnementaux élevés. Le CBAM taxera fortement les importations de produits à forte empreinte carbone notamment celles provenant du Sud global dans les secteurs de l’acier (Maghreb, Afrique australe, Inde), du ciment (Afrique de l’Ouest, Asie du Sud), de l’engrais (Afrique du Nord, Russie, Golfe), de l’aluminium (Guinée, Mozambique) et de l’électricité et hydrogène (Moyen-Orient, Afrique du Nord).
Mais ces politiques ne sont pas sans coût. Selon une étude de l’OCDE, le CBAM pourrait augmenter les coûts d’exportation pour les pays émergents de 1,5 à 2 % de leur PIB d’ici 2030, affectant particulièrement les économies dépendantes des matières premières. Les normes techniques et sanitaires, de plus en plus rigoureuses, compliquent également l’accès des produits du Sud aux marchés du Nord. Ainsi, les exportateurs agricoles doivent se conformer à des normes européennes sur les pesticides, souvent inaccessibles faute de moyens technologiques ou financiers.
La peur stratégique du Nord : perdre la maîtrise du récit
Le Nord se referme essentiellement par peur. Peur de la démographie du Sud, environ 2,5 milliards de jeunes de moins de 25 ans. Peur du poids croissant de l’Inde, de la Chine, du Brésil. Peur de l’effondrement de la hiérarchie construite depuis ces deux derniers siècles (révolution industrielle). Peur de perdre le contrôle de l’Onu et des différentes institutions internationales, conçues autrefois comme des instruments au service de la domination. Peur, enfin, que les valeurs qu’il dit incarner — droits de l’homme, démocratie, État de droit — soient utilisées contre lui, à l’aune de ses propres contradictions.
Cette peur engendre un réflexe défensif : remplacer l’universel par l’identitaire, l’interdépendance par la méfiance, et l’aide par le tri. On sélectionne les partenaires. On sanctionne les désobéissants. On normativise les flux commerciaux. Le Sud global n’est plus vu comme un acteur, mais comme un problème à gérer, une instabilité à contenir, une énergie à canaliser.
Pourquoi les pays du Nord adoptent-ils des mesures de repli ?
D’un côté, ces mesures reflètent une volonté de protéger leurs économies face à la montée en puissance du Sud global, notamment la Chine et l’Inde, qui représentent respectivement 18 % et 7 % du PIB mondial en 2024 (selon le FMI). Pour le Nord, l’ascension économique et politique du Sud – illustrée par la montée du PIB combiné des Brics (36 % du PIB mondial en 2024, contre 31 % pour le G7) – représente une menace existentielle à sa domination historique. Les industries du Nord, confrontées à une concurrence accrue, cherchent à préserver leurs parts de marché. Par exemple, l’industrie solaire européenne, qui ne représente plus que 3 % de la production mondiale face à la domination chinoise (80 %), bénéficie de subventions massives et de barrières douanières.
D’un autre côté, ces mesures traduisent une ambition stratégique plus large : imposer un modèle économique et environnemental global. En imposant des normes strictes, le Nord cherche à forcer le Sud à adopter ses standards, sous peine d’exclusion économique. Cette approche, bien que justifiée par des impératifs climatiques, crée un déséquilibre. Les pays du Sud, souvent en phase d’industrialisation, n’ont ni les ressources ni les infrastructures pour se conformer rapidement.
Enfin de telles mesures risqueraient d’asphyxier économiquement les pays du Sud en affaiblissant la compétitivité de leurs produits.
Un Sud plus lucide, mais pas moins coopératif
Le Sud, pourtant, ne réclame ni charité ni rupture. Il demande une parole respectée, une place équitable, une dignité retrouvée. Il ne rejette pas la mondialisation, mais souhaite en réécrire les termes. Il ne récuse pas les valeurs démocratiques, mais refuse qu’elles soient imposées à géométrie variable. Il ne cherche pas à humilier le Nord, mais à ne plus s’humilier lui-même en acceptant des partenariats fondés sur le soupçon.
De Johannesburg à Djakarta, de Brasilia à Tunis, un mot revient : co-souveraineté. Pas pour se replier. Mais pour bâtir des échanges qui ne soient plus des rapports de force. Le Sud veut une Onu réformée, un Bretton Woods repensé, plus représentatif qui tienne compte des réalités du XXIe siècle. Il veut que la coopération cesse d’être conditionnelle et devienne contractuelle. Que l’aide cesse d’être outil d’influence et redevienne levier de justice.
Le coût du divorce Nord-Sud ne se mesure pas seulement en milliards de dollars de commerce perdu. Il se chiffre aussi en instabilité géopolitique, en rancœurs durables et en opportunités gâchées pour l’ensemble de l’humanité. Un monde où le Sud se referme par défiance et le Nord par crainte est un monde qui se prive de la moitié de ses talents, de ses ressources, de son dynamisme démographique. Selon la Banque mondiale, plus de 60 % de la croissance mondiale d’ici 2050 viendra du Sud global. Rompre les ponts, c’est refuser d’investir dans cette croissance, de participer à son encadrement, d’en tirer les fruits. C’est aussi risquer l’émergence de systèmes concurrents de normes, de monnaies, de récits, qui tourneraient le dos à la coopération multilatérale. Ce coût stratégique serait bien plus élevé que tous les bénéfices supposés du repli.
Pour le Sud, le coût est tout aussi redoutable : exclusion des chaînes de valeur, renchérissement des exportations, désindustrialisation prématurée. L’Afrique pourrait perdre jusqu’à 16 milliards de dollars par an d’accès préférentiel aux marchés occidentaux si les barrières environnementales ne sont pas rééquilibrées. À cela s’ajoute une perte d’espoir. Car un monde où les règles du jeu sont écrites sans ceux qui les vivent est un monde où la radicalisation, l’exode des talents, ou les conflits trouvent un terreau fertile. L’illusion d’un découplage serein est donc une chimère. Le divorce Nord-Sud serait un appauvrissement mutuel, un gaspillage tragique d’intelligence collective, un échec de civilisation. À l’heure où les défis sont mondiaux, la séparation est non seulement coûteuse — elle est absurde.
Le divorce Nord-Sud aurait un coût géopolitique incalculable : celui de la paix mondiale. Car l’exclusion nourrit la frustration, et la frustration engendre l’instabilité. En marginalisant le Sud, le Nord affaiblit les équilibres déjà précaires d’un monde traversé par les tensions identitaires, les fractures économiques et les chocs climatiques. Sans perspective d’équité, des pans entiers de la jeunesse du Sud — plus de deux milliards et demi de jeunes de moins de 25 ans — risquent de sombrer dans les bras de l’extrémisme, de l’exode ou de l’hostilité stratégique. En s’éloignant des mécanismes de dialogue et d’intégration, le système international s’expose à une multiplication de foyers de conflit — ouverts, hybrides ou silencieux — des Balkans à la bande sahélienne, du Pacifique à la mer Rouge.
La paix, dans un monde interdépendant, n’est jamais durable si elle est asymétrique. Rompre avec le Sud, c’est miner les fondations de la sécurité collective. C’est transformer la carte du monde en un archipel de méfiances. Et c’est surtout hypothéquer l’avenir d’un ordre mondial coopératif, fondé sur la reconnaissance mutuelle plutôt que sur la confrontation permanente.
Le divorce n’est pas inéluctable. Mais la thérapie de couple devra être honnête. Le Nord doit comprendre que la reconnaissance de la pluralité n’est pas un renoncement. Qu’un monde multipolaire n’est pas un monde anarchique. Qu’ouvrir la gouvernance des institutions internationales, ce n’est pas s’effacer, mais s’assurer de durer.
Quant au Sud, il devra prouver qu’il ne remplace pas un paternalisme par une victimisation. Qu’il construise, propose, réforme. Qu’il est capable d’unir ses voix non pas contre l’Occident, mais pour un monde mieux équilibré. Il devra enfin convaincre que la coopération reste un choix stratégique, non un réflexe du passé.
L’urgence aujourd’hui est d’éviter une fracture systémique entre le Nord et le Sud. Pour cela, des mesures concrètes et équilibrées doivent être mises en œuvre afin de transformer la relation historique de dépendance en un partenariat de codéveloppement.
Première urgence : réduire les barrières non tarifaires qui étranglent les PME du Sud, en particulier dans les secteurs agricoles et manufacturiers. L’assouplissement ciblé des normes techniques, couplé à des dispositifs de certification financés par les pays du Nord, permettrait d’ouvrir l’accès aux marchés tout en élevant les standards locaux.
En parallèle, le développement des infrastructures vertes dans le Sud constitue un impératif à la fois climatique et économique. Mobiliser au moins 100 milliards de dollars par an — via des fonds multilatéraux pilotés par la Banque mondiale — permettrait d’accélérer la mise en œuvre de projets d’énergie renouvelable en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine. Ce rééquilibrage géo-énergétique renforcerait l’autonomie du Sud, créerait des millions d’emplois et réduirait significativement les émissions globales. Parallèlement, il conviendrait de réformer le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) pour qu’il ne pénalise pas les économies vulnérables. L’introduction d’exemptions transitoires (2026–2030), accompagnées d’un appui technique à la transition bas-carbone, permettrait d’éviter que cet outil environnemental ne devienne un levier de désindustrialisation forcée.
En somme, repenser la coopération passe par la consolidation des marchés régionaux du Sud et la mise en place d’un dialogue multilatéral structurant. En soutenant des initiatives comme la Zlecaf ou l’Asean par des transferts technologiques, le Nord contribuerait à la résilience du commerce mondial tout en limitant les effets de dépendance asymétrique. Mais au-delà de l’économique, un dialogue politique permanent sous l’égide de l’Onu, intégrant gouvernance, fiscalité équitable, normes et transition écologique, est nécessaire pour rétablir la confiance. Dans un monde incertain, c’est par le dialogue, la justice économique et la codécision que l’on évitera la fragmentation, en construisant non un monde cloisonné, mais un avenir réellement commun.
Enfin, malgré les dissonances, les fractures et les ressentiments accumulés, l’Histoire n’est pas écrite au passé. Le divorce Nord-Sud, s’il menace, n’est pas une fatalité. Il est une alerte. Un moment charnière où les nations doivent choisir entre la crispation ou la co-construction, entre l’égoïsme stratégique et l’intelligence partagée. Ce qui se joue aujourd’hui dépasse les équilibres commerciaux ou les querelles normatives : il s’agit de redéfinir, ensemble, les fondations morales, politiques et économiques d’un monde habitable pour tous.
Car il n’y aura pas de prospérité durable dans un monde à deux vitesses. Pas de stabilité si l’on continue à nier l’égalité des dignités. Pas de transition écologique réussie si elle s’accompagne d’une exclusion systémique. L’humanité est face à un mur, mais elle en détient les briques. À condition de reconstruire non pas un nouveau rideau de fer, mais une architecture de confiance. De parler enfin d’égal à égal. D’échanger savoirs, capitaux, innovations et modèles, dans le respect des histoires, des cultures et des aspirations.
Le XXIe siècle peut encore être celui d’un sursaut collectif. Si le Nord accepte de ne plus imposer, et si le Sud choisit de ne plus subir. Si les deux s’engagent à bâtir un monde multipolaire non pas comme champ de rivalités, mais comme creuset de solidarités. C’est à cette condition que l’humanité pourra relever ses défis communs : climat, santé, paix, technologies. Et faire émerger non pas deux mondes qui s’ignorent, mais un destin partagé, fondé non sur la domination… mais sur la reconnaissance. L’avenir reste une promesse, à condition d’oser le rêver ensemble.
La Fondation Mohamed Ali Hammi (FMAH) a organisé, au cours de ce mois de juillet 2025, à Tunis, un débat axé entre autres sur le positionnement géopolitique de la Tunisie à la lumière de la nouvelle configuration du monde.
Ont participé à cette rencontre une trentaine de chercheurs pluridisciplinaires et acteurs sociaux : syndicalistes, universitaires, diplomates, journalistes, sociologues, économistes, cinéastes, professeurs de philosophie, chroniqueurs de TV…
En prévision de l’université d’été
Introduisant le débat, Habib Guiza, président de la FMAH et secrétaire général de la Confédération Générale Tunisienne du Travail (CGTT), a situé la rencontre dans son contexte.
Cette rencontre se tient en prévision de l’université d’été de la FMAH prévue pour début septembre 2025.
Il a ajouté que ce rendez-vous de réflexion annuel sera articulé autour du thème : « Penser autrement le développement dans un contexte régional et international instable et en pleines mutations ».
Répondre à la fragmentation du monde
Objectif : proposer un nouvel outil de changement émanant de la société civile tunisienne. Cette initiative se propose d’esquisser les grandes lignes de la place que devrait occuper la Tunisie dans le nouveau contexte géopolitique caractérisé par une fragmentation multiforme du monde.
« La Tunisie a intérêt à diversifier ses partenaires sans état d’âme : c’est une question de survie. »
Cette même fragmentation, à la fois politique, socio-économique et culturelle, sera articulée autour de divers scénarios :
Exacerbation ou non de la guerre israélo-palestinienne
Coopération ou conflit sino-américain
Relance ou déclin de l’Union européenne
Rattrapage accéléré du Sud global (BRICS)…
L’intégration intermaghrébine serait une piste à explorer.
Pour une normalisation intermaghrébine
En réponse à ces éventualités, Ahmed Ounaies, ancien ministre des Affaires étrangères, a mis en garde contre la gravité des guerres illégitimes qui font rage en Ukraine et à Gaza, en Palestine, et leur corollaire : la violation de la légalité internationale.
Pour le cas de la place de la Tunisie dans le nouveau contexte géopolitique, l’ancien ministre des Affaires étrangères a plaidé pour une plus grande intégration de notre pays dans la région maghrébine. Mieux, il s’est prononcé pour une normalisation intermaghrébine et pour une unification de la Libye.
« L’Europe reste un partenaire stratégique… mais pour combien de temps ? »
Pour faire inscrire dans la durée cette normalisation, il a proposé la création, au niveau maghrébin, de structures complémentaires spécialisées dans les technologies de pointe et les questions de développement urgentes (eau, énergies renouvelables, nucléaire, éducation…).
L’inextricable question palestinienne
Pour le cas de la Palestine, il a proposé un plan de paix qui serait piloté par la Ligue des États arabes et l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) et validé par l’ONU.
À ce sujet, le chroniqueur de télévision Belbaba Salem lui a rappelé que, depuis le passé, les Arabes étaient pour ce plan de paix, seulement c’est Israël qui a constamment privilégié la tension et les guerres (une dizaine de guerres depuis la création de l’État sioniste) et refusé toute initiative de paix. La meilleure preuve est perceptible à travers l’assassinat par un extrémiste sioniste d’Yitzhak Rabin, Premier ministre d’Israël, un des principaux acteurs des accords d’Oslo et du processus de paix israélo-palestinien. Comprendre : Israël est génétiquement opposé à la paix.
Quelle place pour l’Europe ?
Au sujet des futures relations avec l’Union européenne menacée de déclin, les avis étaient divergents.
Pour certains, dont Hedi Zaiem, économiste universitaire, l’Union européenne demeurera le partenaire stratégique idéal. Ils motivent leur option par plusieurs facteurs : importance de la communauté tunisienne établie en Europe, importance des relations commerciales (80 % des échanges extérieurs de la Tunisie sont assurés avec l’UE), proximité géographique, liens historiques, humains et culturels…
Peut-on encore avoir confiance en l’Union européenne ?
Pour d’autres, les relations actuelles de la Tunisie avec l’UE sont marquées par une crise de confiance. Les Tunisiens n’ont plus confiance en l’Union européenne. Et pour cause : l’Union européenne a apporté un appui inconditionnel aux génocidaires sionistes à Gaza. Cet appui a beaucoup décrédibilisé les Européens auprès des Tunisiens.
« La fragmentation du monde impose de repenser la place de la Tunisie. »
C’est pourquoi tout nouveau partenariat doit passer d’abord par une convergence de valeurs dont le respect du droit humain et du droit international.
Vers une stratégie d’autonomie
En ce qui nous concerne, nous estimons que l’idéal pour la Tunisie serait de compter sur elle-même et de dégager à cette fin une feuille de route sur le long terme, particulièrement en matière de valorisation des ressources naturelles du pays (phosphate, tourisme, agriculture, énergies vertes…).
Quant aux futurs partenaires, la Tunisie a intérêt à les diversifier sans état d’âme. C’est un problème de survie et de souveraineté nationale.
Indicateurs clés
80 % des échanges extérieurs de la Tunisie sont assurés avec l’Union européenne.
Une dizaine de guerres menées par Israël depuis sa création.
La communauté tunisienne en Europe reste un levier stratégique.
La normalisation maghrébine proposée inclut des structures sur l’eau, l’énergie et l’éducation.
L’économie de l’Ukraine est décimée, ses riches terres agricoles vendues aux multinationales occidentales et ses terres rares confiées aux bons soins de Donald Trump dans le cadre du remboursement de la dette d’une guerre qui n’est pas encore finie et qui aurait pu (et dû) être évitée. Un énorme gâchis dont les médias occidentaux ne parlent pas, ou peu.
Habib Glenza
Le conflit entre Moscou et Kiev fait payer un lourd tribut à l’économie ukrainienne, notamment à l’agriculture, l’un des secteurs vitaux le plus important du pays. Avant l’invasion russe, en février 2022, l’agriculture représentait plus de 10 % du PIB de l’Ukraine et fournissait 17% de l’emploi national. Les terres agricoles situées le long de la ligne de front ont été soit abandonnées, soit utilisées pour construire des fortifications, tandis que la conscription a réduit le nombre de travailleurs disponibles pour les champs.
D’après la Banque mondiale, les pertes ukrainiennes de l’Ukraine sont de l’ordre de 100 milliards de dollars, y compris celles relatives aux infrastructures essentielles.
L’agriculture très sévèrement touchée
A noter que la Russie et l’Ukraine représentent à eux seuls 54 % des échanges mondiaux de blé, d’orge et d’avoine, ce qui affecte particulièrement les pays en développement qui dépendent de Moscou et de Kiev pour maintenir leur consommation locale.
Cultures détruites, machines endommagées, bétail décimé… L’agriculture ukrainienne est très sévèrement touchée. Un rapport de la Banque mondiale et de l’Ecole d’économie de Kiev chiffre les dommages et les pertes à 80,1 milliards de dollars. Sans parler de la reconstruction du secteur sur le long terme.
Une large partie de ce montant – 69,8 milliards de dollars – est dû aux chutes de revenus causées par les pertes de production, à la baisse des prix des matières agricoles et à la hausse des coûts. Ces pertes ont doublé depuis l’évaluation précédente en 2023. Ajoutez à cela des dizaines de milliers d’hectares de cultures qui se situent désormais sur les territoires sous occupation russe. Sans compter les dommages causés aux cheptels qui provoquent déjà une baisse de la production de viande et de lait.
Alors que la campagne céréalière se termine en Ukraine, le pays tente tant bien que mal de pallier les problèmes dont pâtit son secteur agricole. Or, la situation est de plus en plus préoccupante. Tout cela engendre des baisses de revenus pour les agriculteurs. C’est ce qui ressort du rapport conjoint publié au début de l’année 2025.
La facture s’alourdit encore avec les destructions au sol. Le coût des biens détruits est estimé à 10,3 milliards de dollars. La catégorie la plus importante est celle des machines agricoles. Tracteurs, moissonneuses-batteuses, semoirs détruits, endommagés ou volés. Tout comme les infrastructures de stockage de grains ou les équipements de fermes d’élevage ou de fermes laitières situées dans les zones bombardées qui ont subi le même sort. Les régions agricoles les plus touchées sont Zaporijia dans le sud-est, Kherson dans le sud ou encore Lougansk dans l’est du pays.
Il faut ajouter à cela les dégâts dans la pêche et l’aquaculture. Ici, la facture a triplé depuis l’an dernier à cause notamment de l’explosion du barrage de Kakhovka en juin 2023. La destruction de ce grand barrage construit sur le fleuve Dniepr a été un désastre écologique, selon un rapport de l’ONG ukrainienne Truth Hounds. L’immense réservoir d’eau vidé en quelques jours constituait une importante source d’approvisionnement en eau pour les industries et pour l’agriculture. En plus de la perte pour le secteur de la pêche, ce sont aussi les champs qui ont été privés d’irrigation.
Une dépendance de plus en plus grande de l’extérieur
Le tableau des pertes dans le seul secteur agricole est catastrophique et les besoins pour le reconstruire sont immenses. Selon la Banque mondiale et l’École d’économie de Kiev, 56,1 milliards de dollars seront nécessaires sur les dix prochaines années pour rebâtir l’agriculture ukrainienne. Ce montant comprend le remplacement des biens détruits et le soutien pour redresser la production sur le long terme.
L’acquisition de terres agricoles ukrainiennes par des investisseurs étrangers est un véritable problème, car l’Ukraine perd ainsi des ressources qui devraient profiter en premier lieu à sa propre population.
Face à la catastrophe imminente sur le front, l’Ukraine se trouve dans une situation sans issue, non seulement sur le plan militaire mais aussi économique. Le pays a perdu une partie considérable de sa puissance économique au cours des dernières années et dépend aujourd’hui presque exclusivement de l’aide financière de l’étranger.
Ce financement repose en grande partie sur des crédits du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale (BM) ainsi que sur les subventions des pays occidentaux, qui lient toutefois leurs fonds à certaines conditions et exercent ainsi une influence déterminante sur la politique ukrainienne. Parmi ces conditions figure notamment la vente de terres agricoles ukrainiennes à des investisseurs étrangers. Cela s’inscrit dans le cadre de la privatisation du secteur agricole ukrainien, accélérée par les dirigeants de Kiev depuis l’«Euromaïdan» * de 2014.
La vente de ces ressources étant auparavant interdite par la loi, l’Ukraine a mis en place en 2020 une réforme agraire très controversée, qui était d’ailleurs une condition préalable à l’augmentation des paiements de l’Occident. Cette réforme a levé le moratoire existant sur l’achat de terres et a ainsi légalisé la privatisation des terres agricoles pour les particuliers ukrainiens. Grâce à leurs liens avec les oligarques ukrainiens et d’autres représentants de l’élite locale, les investisseurs étrangers ont ainsi eu indirectement la possibilité d’acquérir d’immenses terres agricoles.
Fin 2023, la privatisation a été à nouveau libéralisée suite à une deuxième étape de la réforme agraire : depuis le 1er janvier 2024, les entreprises dont les propriétaires sont des citoyens ukrainiens peuvent également acheter des terres. En outre, le plafond d’acquisition de terres agricoles par personne ou entreprise a été relevé de 100 hectares à 10 000 hectares.
Les critiques mettent toutefois en garde contre le fait que cette libéralisation du commerce des terres ne correspond en aucun cas aux intérêts de la population ukrainienne et que la situation se détériore ainsi considérablement dans l’ensemble du secteur agricole du pays. La principale raison invoquée est l’«accaparement des terres» – une appropriation illégale des terres agricoles par de grands capitaux internationaux, tels que des multinationales, des fonds d’investissement et d’autres structures financières étrangères (généralement occidentales). A cet égard, on constate une nette augmentation de l’accaparement des terres en Ukraine au cours des dernières années.
Selon le rapport de l’institut états-unien Oakland publié en 2023 et intitulé «Guerre et Vol : la prise de contrôle des terres agricoles de l’Ukraine», qui met notamment en lumière les intérêts financiers et autres forces motrices de la privatisation, les oligarques ukrainiens et les grandes entreprises internationales auraient déjà contrôlé à cette date plus de 9 millions d’hectares, soit plus de 28 % des terres agricoles ukrainiennes. Ce sont principalement les intérêts européens et nord-américains qui sont en jeu.
Le directeur politique de l’Oakland Institute et co-auteur du rapport, Frédéric Mousseau, résume ainsi l’évolution dramatique du secteur agricole ukrainien : «C’est une situation perdant-perdant pour les Ukrainiens. Alors qu’ils meurent pour défendre leur terre, les institutions financières soutiennent insidieusement la consolidation des terres agricoles par les oligarques et les intérêts financiers occidentaux. Alors que le pays est confronté aux horreurs de la guerre, le gouvernement et les institutions occidentales doivent écouter les revendications de la société civile ukrainienne, des universitaires et des agriculteurs, et suspendre la réforme agraire ainsi que la vente actuelle de terres agricoles». Car il s’agit, selon Mousseau, de créer un modèle agricole «qui ne soit plus dominé par l’oligarchie et la corruption», mais qui permette que «la terre et les ressources soient contrôlées par tous les Ukrainiens et leur profitent».
Un président marionnette qui brade son pays aux étrangers
D’autres critiques de ce «bradage» soulignent en outre que les agriculteurs individuels ainsi que les petites et moyennes entreprises agricoles d’Ukraine sont ruinés par la réforme agraire. Ces producteurs représentent jusqu’à 60 % des produits agricoles, alors que les grandes entreprises ne représentent qu’un quart de la production. Mais cela pourrait changer si les acteurs étrangers devaient prendre en charge encore plus de surfaces cultivables. Une telle évolution signifierait la fin des producteurs de taille moyenne, qui sont déjà confrontés depuis des années à des difficultés logistiques et à la faiblesse des prix des céréales, et qui enregistrent des pertes financières.
Volodymyr Zelenski, un président marionnette, a vendu son âme et bradé son pays aux Occidentaux. Un pays fantôme qui, au rythme où avance le processus de son démembrement, risque de disparaitre bientôt. C’est la faute à Poutine, dirait quelque analyste occidental, mais est-il le seul fautif ?
* Ou Eurorévolution, nom donné aux manifestations proeuropéennes en Ukraine, ayant débuté le 21 novembre 2013 à la suite de la décision du gouvernement ukrainien de l’époque ne pas signer l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne au profit d’un accord avec la Russie.
La Tunisie et l’Union européenne (UE) viennent de célébrer le 30e anniversaire de leur Accord d’association, signé le 17 juillet 1995 et considéré comme une pierre angulaire du partenariat euro-méditerranéen. Cet anniversaire aurait dû donner lieu, côté tunisien, à une évaluation objective des retombées dudit accord d’association sur l’économie du pays, en crise depuis le milieu des années 2000, et qui a de plus en plus mal à se relancer malgré l’importance des financements extérieurs, européens et autres, dont le principal impact jusque-là est d’avoir aggravé son endettement extérieur et sa dépendance vis-à-vis de ses bailleurs de fonds étrangers. Cette évaluation tarde malheureusement à être faite, et c’est la vision de l’UE et ses intérêts qui continuent de prévaloir dans cette relation très déséquilibrée.
Imed Bahri
Le 30e anniversaire de l’accord d’association entre la Tunisie et l’UE intervient dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, dans un monde marqué par la crise du multilatéralisme, la remise en cause des droits fondamentaux et la pression de défis mondiaux tels que le changement climatique et les flux migratoires, indique le service de presse et d’information de la délégation de l’UE en Tunisie.
Le communiqué rappelle que, premier du genre au Maghreb, l’Accord d’association UE-Tunisie a offert, au fil des ans, un cadre privilégié pour renforcer le dialogue politique et promouvoir une coopération multisectorielle, fondée sur des valeurs communes : le développement durable, la solidarité et la prospérité mutuelle. En trois décennies, le partenariat s’est intensifié et élargi à des domaines clés, de la politique à l’économie, de la science à la culture, générant des résultats concrets pour les citoyens, les institutions et les entreprises des deux rives de la Méditerranée.
Une trop grande dépendance
Selon les données officielles publiées par la délégation de l’UE en Tunisie, l’UE est le premier partenaire commercial de notre pays, absorbant 70 % de nos exportations. L’Union est également notre premier investisseur étranger : 88% du total des IDE proviennent des pays européens, tout comme 47% de leur valeur totale. Les entreprises européennes génèrent également 90% des emplois liés aux investissements étrangers en Tunisie.
L’accord a favorisé l’intégration de la Tunisie dans les chaînes de valeur industrielles européennes, notamment dans les secteurs du textile, de l’agroalimentaire et des composants automobiles, grâce à l’exonération progressive des droits de douane.
Du protocole d’accord signé en 2023 à l’élaboration actuelle d’un «Pacte pour la Méditerranée», l’UE et la Tunisie ambitionnent désormais de renforcer davantage leur partenariat et d’en faire un pilier de la stabilité régionale.
Les priorités stratégiques incluent la gestion coordonnée des migrations, la transition écologique et énergétique, l’innovation technologique, la formation professionnelle, l’inclusion des jeunes et des femmes, la sécurité alimentaire et le soutien aux PME.
Le programme Erasmus+ a également permis à des milliers d’étudiants et de chercheurs tunisiens de se former en Europe, tandis que les fonds européens ont contribué à la rénovation d’écoles, d’hôpitaux et d’infrastructures locales, ainsi qu’au soutien de projets en faveur de l’égalité des sexes, de l’emploi des jeunes et de la numérisation.
La société civile tunisienne, soulignent des sources européennes, a joué un rôle clé dans ce processus, contribuant au renforcement démocratique du pays, notamment après 2011.
«À l’occasion de ce trentième anniversaire, les deux partenaires souhaitent revitaliser leurs relations. Le dialogue stratégique engagé ces dernières années porte sur les défis communs d’avenir : le changement climatique, la gestion humaine et inclusive des flux migratoires, l’innovation technologique, la formation et la sécurité alimentaire», écrit l’UE. Qui poursuit : «La célébration de cet anniversaire nous invite à réfléchir aux opportunités d’approfondir notre partenariat, fondé sur le respect mutuel, l’adhésion à des valeurs fondamentales partagées et une meilleure prise en compte des intérêts de toutes les parties, notamment le soutien aux jeunes, l’inclusion des femmes, la gestion collaborative des migrations, les réformes économiques, les PME et le développement territorial.»
Au cours du premier semestre 2025, conférences, expositions, publications et projets culturels ont déjà mis en lumière les réalisations de ce partenariat unique, tout en initiant un dialogue inclusif sur son avenir.
La Journée de l’Europe, célébrée le 9 mai, a marqué un point d’orgue, avec des événements dans différentes régions de Tunisie. «Trente ans après sa signature, l’accord d’association UE-Tunisie demeure un pilier essentiel du partenariat euro-méditerranéen. Il a contribué à construire des ponts solides entre les peuples, les institutions et les économies. Mais au-delà des réalisations, il est désormais temps de se tourner vers l’avenir. Les prochaines décennies doivent être l’occasion de se projeter vers l’avenir, avec la volonté commune de relever ensemble les défis du XXIe siècle », conclut le communiqué.
L’autre face de la médaille
Il n’en reste pas moins que, vu de Tunis, le partenariat avec Bruxelles reste très déséquilibré et le principal intérêt de l’UE dans notre pays demeure la gestion des flux migratoires. Dans ce contexte, les Européens, sous l’impulsion de la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni, ont réussi à entraîner notre pays dans une politique qui est en train de le transformer d’une zone de transit à une zone d’installation des migrants subsahariens empêchés de partir vers l’Europe.
Outre la coopération sécuritaire très avancée, les Européens ont désormais un autre grand axe d’intérêt en Tunisie : le développement d’une coopération énergétique fondée sur la production d’énergies renouvelables et d’hydrogène vert, dont on connaît l’impact destructeur sur l’environnement.
Autre sujet de préoccupation à Tunis : le partenariat privilégié avec l’UE est en passe de devenir problématique pour la Tunisie, trop dépendante d’un ensemble actuellement en régression et qui est traversé par des contradictions et des divisions croissantes. La crise économique en Europe provoquée par la guerre russo-ukrainienne où les Européens sont fortement engagés se répercute très négativement sur l’économie tunisienne, elle-même en crise depuis 2011.
Pour sa part, la société civile tunisienne reproche à l’UE l’oubli de ce qu’elle appelle ses «valeurs», dès qu’il s’agit de défendre ses intérêts, aux dépens des droits des peuples partenaires. Et dans ce contexte, la «blague» des «valeurs partagées» dont se gargarisent les diplomates européens n’amuse plus personne au sud de la Méditerranée où l’Europe suscite moins de désir que de répulsion.
Quant à la complicité européenne – et le mot n’est pas fort – avec les crimes de guerre israéliens au Moyen-Orient, elle choque désormais les plus europhiles parmi les Tunisiens. Et cela nos amis européens devraient le sentir dans leurs relations avec leurs partenaires locaux. Et si la Tunisie cherche aujourd’hui à développer ses relations avec la Chine et, à un degré moindre, la Russie, c’est parce qu’elle sent que son tête-à-tête avec l’Europe est devenu harassant et intenable à moyen et long terme.
Le jeudi 17 juillet 2025, la Tunisie et l’Union européenne ont célébré le trentième anniversaire de la signature de leur Accord d’association. Un jalon historique qui marque trois décennies de dialogue, de coopération et de partenariat approfondi entre les deux rives de la Méditerranée.
Dans une déclaration publiée à cette occasion, la Délégation de l’Union européenne en Tunisie a souligné l’importance de cet accord, qualifié de « pionnier au Maghreb », qui a instauré un cadre privilégié et innovant pour l’approfondissement des relations bilatérales. Il a permis d’établir une coopération stratégique dans des domaines aussi variés que la politique, l’économie, la culture, la recherche scientifique et les affaires sociales.
Un partenariat évolutif au service de la stabilité et du développement
La signature du Mémorandum d’entente en 2023, ainsi que les préparatifs en cours pour l’élaboration d’un Pacte pour la Méditerranée, témoignent d’une volonté commune de faire de ce partenariat un socle de stabilité, de solidarité et de prospérité partagée, dans un contexte géopolitique en constante mutation.
Depuis 30 ans, ce partenariat s’est consolidé autour d’objectifs communs : développement durable, inclusion sociale, prospérité économique et rapprochement humain. La relation entre l’UE et la Tunisie s’est progressivement enrichie de projets concrets, porteurs de résultats tangibles pour les citoyens.
Une relation fondée sur des résultats concrets
L’Union européenne demeure le premier partenaire commercial de la Tunisie, absorbant environ 70 % des exportations tunisiennes. Elle en est également le principal investisseur, représentant 88 % du total des investissements directs étrangers (IDE). Les entreprises européennes implantées en Tunisie génèrent à elles seules 90 % des emplois liés aux IDE.
Grâce à l’Accord d’association, la Tunisie bénéficie d’un accès préférentiel au marché européen. Ce qui lui a permis d’intégrer les chaînes de valeur industrielles européennes, d’accroître la valeur ajoutée de ses exportations et de diversifier ses filières de production, notamment dans le textile, l’agroalimentaire et les composants automobiles.
Des projets d’avenir et une vision commune
L’Union européenne a rappelé son engagement à travers des projets concrets dans des secteurs clés : santé, éducation, emploi des jeunes, transition numérique, égalité entre les sexes, infrastructures et énergie. Parmi ces initiatives figure notamment un financement de 123 millions d’euros (environ 416 millions de dinars) accordé par la Banque européenne d’investissement pour la construction du nouveau pont de Bizerte.
À l’occasion de cet anniversaire, les deux partenaires ont exprimé leur volonté de donner un nouvel élan stratégique à leur coopération, en l’orientant vers les enjeux d’avenir communs : le changement climatique, la gestion solidaire des migrations, l’innovation technologique, la formation des talents ou encore la sécurité alimentaire.
Un pilier du partenariat euro-méditerranéen
La célébration des 30 ans de l’Accord d’association s’inscrit pleinement dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, dont elle constitue l’un des fondements. Elle illustre une relation fondée sur la confiance, la responsabilité partagée et l’attachement commun aux valeurs de paix, de développement et de coopération entre les peuples.
L’Union européenne a proposé, mercredi 16 juillet, un budget de près de 2 000 milliards d’euros (2 300 milliards de dollars) pour son prochain budget 2028-2034, dans le but de répondre à une série de défis, allant de la concurrence économique mondiale croissante aux demandes accrues en matière de défense.
Le plan, qui entrera en vigueur à partir de 2028, a été convenu après d’intenses négociations qui ont duré plusieurs heures entre mardi soir et mercredi matin.
Le montant de 1,98 trillion d’euros représente un bond significatif par rapport aux 1,2 trillion d’euros – correspondant à 1 % du produit intérieur brut de l’UE – alloués au budget au cours du dernier cycle financier, entre 2021 et 2027. Le montant emblématique du budget est susceptible de provoquer des réactions de certains États membres de l’UE qui sont déjà confrontés à des problèmes budgétaires, comme le rapporte Bloomberg.
Que comprend le plan budgétaire ?
Le plan comprend un fonds de compétitivité, de prospérité et de sécurité de 589,6 milliards d’euros, dont 450,5 milliards d’euros sont destinés à un fonds de compétitivité de l’UE.
L’agriculture, qui a longtemps été l’une des pierres angulaires du budget de l’UE, recevra à nouveau une part importante du financement avec 293,7 milliards d’euros proposés pour la Politique agricole commune (PAC).
Le commissaire européen Michael McGrath a déclaré à l’issue des négociations que le budget était élaboré « dans des circonstances difficiles », notamment avec l’obligation de commencer à rembourser la dette de l’UE liée à la Covid-19, qui pourrait atteindre 25 milliards d’euros par an. « Deux années de négociations difficiles nous attendent », a-t-il déclaré. « Mais aujourd’hui est un jour important », a-t-il ajouté.
La proposition de cette année, qui régira les priorités de dépenses de l’Union entre 2028 et 2034, est d’autant plus sensible que l’UE cherche à renforcer ses capacités de défense et à améliorer sa compétitivité face aux menaces économiques des États-Unis et à la concurrence croissante de la Chine.
D’ailleurs, on rappelle qu’un rapport de l’ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a averti l’année dernière que l’UE était confrontée à un déficit d’investissement de 800 milliards d’euros par an.
L’accord entre l’Italie et la Tunisie sur la reconnaissance mutuelle des permis de conduire aux fins de conversion entrera en vigueur le 20 juillet 2025, selon les conditions et exigences précisées ci-dessous.
Signé le 16 janvier 2025, cet accord remplace l’accord précédent du 7 mai 2004 et introduit de nouvelles modalités de conversion des permis de conduire tunisiens en Italie. Il définit les procédures permettant aux titulaires de permis tunisiens de convertir leur document en permis de conduire italien, et de conformément aux dispositions opérationnelles spécifiques fixées par la direction générale de la motorisation du ministère des Infrastructures et des Transports (MIT) en Italie.
Les demandes de conversion de permis peuvent être déposées auprès de l’Uffici della Motorizzazione Civile (UMC), conformément à la réglementation établie par l’accord, qui définit clairement les exigences de conversion, les catégories de permis convertibles et les documents nécessaires pour lancer le processus.
À compter du 21 juillet 2025 (premier jour ouvrable), les citoyens tunisiens résidant en Italie pourront demander la conversion de leur permis auprès de l’UMC.
L’accord de reconnaissance et de conversion des permis avec la Tunisie est valable cinq ans, jusqu’au 20 juillet 2030, et a été officiellement publié sur le site web du MIT, accompagné des documents joints concernant le traitement des données personnelles et les tableaux d’équivalence technique.
Les conditions requises
Le titulaire d’un permis tunisien ne peut demander la reconnaissance et la conversion que s’il réside en Italie depuis moins de six ans au moment de la demande. Les permis obtenus après un transfert de résidence en Italie par conversion de permis de conduire de pays non convertibles en Italie ne peuvent pas être convertis de la Tunisie vers l’Italie.
En outre, le demandeur doit : être titulaire d’un permis valide; avoir l’âge requis par la loi italienne pour la catégorie demandée; présenter un certificat médical attestant de l’aptitude physique et mentale; présenter l’original du permis de conduire tunisien uniquement lors de la délivrance du permis de conduire italien.
En cas de doute sur l’authenticité du document, l’UMC peut demander une traduction officielle ou engager une vérification auprès des autorités tunisiennes.
Permis de conduire routier et carte de qualification de conducteur (CQC)
L’accord entre l’Italie et la Tunisie prévoit également la possibilité de convertir les permis professionnels des catégories C et CE (transport de marchandises). Cependant, pour exercer la conduite en Italie, une carte de qualification de conducteur (CQC) délivrée par un pays de l’Union européenne (UE) reste requise.