Arabes, dites vous?
C’était au départ un geste symbolique. Depuis, il a pris des proportions qui dé passent l’entendement. Il s’agit de cette initiative, baptisée « Caravane Al Soumoud » qui vise à briser symboliquement le blocus imposé à Gaza et à affirmer un soutien populaire aux Palestiniens. Bloquée par les autorités de l’Est libyen, on aurait même interdit toute livraison de nourriture, d’eau et de médicaments aux quelque 1.500 participants. Bien sûr, sans parler des tensions diplomatiques égyptiennes et de l’embarras de plusieurs capitales arabes qui ne trouvaient rien à dire, ni à redire d’ailleurs.
Mais bon, qu’à cela ne tienne. La symbolique de la réaction était à la mesure des crimes commis, même quand il va bien falloir se demander comment aller plus loin, et surtout plus efficacement, pour tenter de répondre à la force aveugle. Certains diront que cela ne servait à rien. Il n’empêche que c’était un geste qui avait plein de sens. Cette fois-ci encore, à l’origine de l’épreuve, il y a la poursuite en toute impunité de la politique sioniste. La logique de la force veut que les mieux armés, ou les plus belliqueux, aient des droits qui ne passent pas par la case du droit. Il en a toujours été ainsi, et cela fait plusieurs décennies que les foules arabes manifestent en promettant du sang et en se calfeutrant tout de suite après, de peur de manquer de nourriture, judicieuse ment devenue arme de guerre et moyen sûr de museler les plus ardents défenseurs d’une cause. Depuis toujours, les élans de solidarité sincère sont venus des peuples. Les Etats, eux, ont créé ce « machin » qu’ils ont pompeusement appelé Ligue des Etats arabes. Il faut bien relever la nuance : « des Etats arabes », et non des peuples. Cette nuance explique entièrement le silence assourdissant de la Ligue en question par temps de tempête. Les Etats ne chassent pas en ligue, ni même en meute. Pour les uns, ventre affamé n’a point d’oreilles, pour d’autres, les « frères » arabes sont des boulets quand ils ne sont pas tout simplement des ennemis à abattre en priorité.
Les derniers deals n’ont même pas eu à se parer de morale : plusieurs membres de ladite Ligue ont renoué avec apparat avec Israël et n’éprouvent aucun besoin de s’en cacher, ni de redouter les accès de fièvre des peuples. La liste est longue et le président américain Donald Trump n’a pas hésité à s’en vanter, tout en déclarant, pour ne rien gâcher, vouloir expulser les Gazaouis de leur terre pour la reconstruire. Il y a eu bien sûr quelques timides mouvements de protestation, mais tout le monde en est resté là. La loi du plus fort est toujours la meilleure, disait un fabuliste. Pour la bonne blague, il s’est même vanté d’avoir fourgué, au prix fort, des avions et quelques autres matériels de guerre aux pays du Golfe, mais juste de quoi tuer d’autres Arabes au moment où les alliances les plus secrètes se concrétisent avec Israël. Personne n’a demandé leur avis aux peuples, on est en Arabistan, pardi ! A ce propos, dans un débat sur la question palestinienne sur une chaîne française, un expert nécessairement averti avait justifié la politique israélienne par un postulat : « Israël est tout de même une démocratie ». Ainsi donc, à partir du moment où quelqu’un est très civilisé avec sa femme chez lui, il est tout à fait justifié de violer la femme du voisin.
Mais tout ça ne change rien au comportement de la Ligue. Au fond, comme pour le foot, la Ligue ne fait que compter les coups et les coups bas, quitte à rouler des mécaniques pour épater le bon peuple. Et entre les mécomptes de l’une ou de l’autre des Ligues, y a-t-il vraiment photo? A part celle, bien sûr, qui nous vient de l’intérieur même de l’Etat sioniste, celle des dégâts occasionnés par les missiles iraniens. Mais ça, c’est une autre histoire. Les Iraniens ne sont pas des Arabes.
Le mot de la fin disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 922 du 18 juin au 2 juillet.
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