Le Souffle de Rumi à Tunis : Une soirée mystique au rythme des derviches
Pour le plus grand bonheur des amateurs de musique mystique et de spiritualité soufie, l’Ensemble de Musique Soufie Turque et Sema de la Municipalité Métropolitaine de Konya s’est produit, le 24 juin 2025, à la salle ciné-théâtre Le Rio à Tunis. Ce spectacle exceptionnel, organisé sous le patronage de l’ambassade de Türkiye en Tunisie, en partenariat avec l’Attaché culturel du ministère turc du Tourisme et de la Culture et l’Institut Yunus Emre (YEE), a rassemblé un public éclectique composé de mélomanes, d’amateurs de musique et de diplomates.
Cette représentation, qui coïncidait avec la clôture de la saison culturelle de l’espace, a su captiver les spectateurs par sa rareté et son intensité. En effet, les spectacles de derviches tourneurs demeurent exceptionnels en Tunisie. Certains concerts de musique soufie ont marqué les esprits, à l’instar de celui du maître pakistanais du qawwalî, Nusrat Fateh Ali Khan, lors du Festival international de Carthage en 1994. Oscillant entre chants religieux, récitations coraniques et danse rituelle Mevlevi, le spectacle a offert une expérience immersive, marquée par une fusion harmonieuse entre les musiciens, les derviches et leur guide spirituel.
Une chorégraphie sacrée, riche de symboles
La danse des derviches initiée au XIIIe siècle ne se réduit pas à une simple performance artistique : elle incarne une prière en mouvement, une quête vers l’union avec le Divin. Chaque élément du rituel – gestes, vêtements, rotations – porte une signification profonde.
Le couvre-chef, le sikke, représente la pierre tombale de l’ego, tandis que le manteau noir symbolise le tombeau et l’obscurité du monde matériel. Son retrait marque la libération spirituelle. La robe blanche qui apparaît alors évoque le linceul, la pureté et la renaissance.
La rotation des derviches, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, rappelle le mouvement des planètes et illustre le rejet des désirs terrestres au profit de l’élévation spirituelle. La main droite tendue vers le ciel et la gauche vers la terre symbolisent le rôle de médiateur entre le divin et le monde.
Le rituel suit généralement quatre étapes initiatiques : la connaissance, l’amour, l’anéantissement de soi (fanâ) et la subsistance par Dieu (baqâ). Le son du ney – flûte de roseau emblématique – accompagne cette progression. Il évoque le souffle divin et la nostalgie de l’âme séparée de sa source originelle.
Un message culturel universel
Dans son allocution d’ouverture, l’ambassadeur de Türkiye à Tunis, Ahmet Misbah Demircan, a souligné la portée culturelle et spirituelle de cette cérémonie. Il a évoqué les figures emblématiques du soufisme turc, telles que Jalaleddin Rumi (Mevlânâ), Yunus Emre et Hacı Bektaş, qui incarnent selon lui l’essence même de l’identité spirituelle de la Türkiye.
L’ambassadeur a également rappelé l’influence universelle de Mevlânâ, poète mystique dont les écrits, en particulier le Mesnevi, continuent d’inspirer et d’être étudiés à travers le monde, y compris en Tunisie.
Un ensemble prestigieux, gardien d’un patrimoine vivant
L’ensemble venu de Konya est composé de 30 membres : 15 derviches (semazen), 8 musiciens, 6 chantres et un postnişin, guide spirituel des cérémonies. Il est dirigé par le Dr Musa Kazım Tığlıoğlu, directeur artistique général. Fidèle à la tradition Mevlevi, l’ensemble s’attache à préserver l’authenticité de ce patrimoine immatériel de l’humanité, reconnu par l’UNESCO.
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